Plan d'Action de Ouagadougou
Conférence Panafricaine sur la réforme pénale et pénitentiaire en Afrique
Ouagadougou, Burkina Faso, 18 – 20 septembre 2003
Les participants recommandent les mesures suivantes pour mettre en œuvre la Déclaration de Ouagadougou pour Accélérer la Réforme Pénale et Pénitentiaire en Afrique
Ce document s’adresse aux gouvernements et aux institutions de la justice pénale ainsi qu’aux associations et organisations non gouvernementales qui travaillent dans ce domaine. Il s’agit d’un instrument pour aider à la mise en place d’actions concrètes.
1. Réduire la population carcérale
Les stratégies pour éviter que les délinquants ne se retrouvent entraînés dans le système pénitentiaire doivent inclure :
- L’utilisation d’alternatives aux poursuites pénales comme la diversion pour les petits délits, en portant une attention particulière aux mineurs, aux toxicomanes ou aux déficients mentaux
- La reconnaissance d’une approche résolument réparatrice de la justice pénale qui vise à rétablir l’harmonie au sein de la communauté, par opposition à une approche punitive. Ceci implique un recours accru aux techniques de médiation délinquant-victime, de médiation familiale, et à des démarches impliquant l’ensemble des parties au conflit (victime, délinquant, communauté, police, système judiciaire) en vue de s’accorder sur des sanctions qui prennent en compte les besoins et les intérêts de tous
- Un recours aux modes traditionnels de règlement des conflits dans le respect des garanties constitutionnelles et des normes internationales des droits de l’homme
- Une amélioration des mécanismes de communication et de coordination entre le système judiciaire de l’Etat et le système de justice non étatique
- Une décriminalisation de certaines infractions telles que l’oisiveté, le vagabondage, la prostitution, le non remboursement de dettes, la désobéissance aux parents
Les stratégies pour réduire le nombre de prisonniers en attente de jugement doivent inclure :
- Une coopération accrue entre la police, les services pénitentiaires et les tribunaux, pour assurer un traitement rapide des dossiers en instance et réduire la durée de la détention provisoire. Cette coopération implique entre autres des rencontres régulières de comités responsables de la gestion des dossiers, associant tous les acteurs du système de justice pénale au niveau local, régional et national, chargés en outre de sanctionner les ajournements abusifs requis par les avocats et d’examiner avec une attention particulière les dossiers des personnes appartenant à des groupes vulnérables
- Le recours à la détention provisoire seulement en dernier recours et pour une période la plus courte possible ; les possibilités de libération sous caution, y compris au stade de la détention par la police, doivent être élargies et la communauté être plus impliquée dans le processus ; le temps de la garde à vue doit être limité à un maximum de 48 heures et des délais raisonnables et maximum doivent être fixés pour la détention préventive en prison
- Une bonne gestion des dossiers des détenus et un ré-examen régulier des cas de détention provisoire
- Un recours accru aux para juristes au cours du processus pénal afin de fournir une assistance et des conseils juridiques de base au détenu
Les stratégies pour réduire le nombre des condamnés en prison doivent inclure :
- Un objectif affiché de réduction de la population carcérale
- Un recours accru aux peines alternatives qui ont démontré leur efficacité, telles que le Travail d’intérêt général ; une prise en considération des autres alternatives à la prison comme la probation, les peines suspensives et les mesures de surveillance
- Le recours à l’incarcération seulement pour les infractions les plus graves et lorsque aucune mesure alternative n’est adaptée, soit en dernier recours et pour la période la plus courte possible
- La prise en compte de la capacité des établissements pénitentiaires lors du prononcé de la peine de prison et de sa durée.
- Un examen et un contrôle du prononcé des peines afin d’assurer une application homogène de la loi
- La possibilité pour les tribunaux de ré-examiner une décision d’emprisonnement, et éventuellement d’y substituer une peine en milieu ouvert
- L’utilisation de la liberté conditionnelle et anticipée, ainsi que des permissions de sortie – les critères de la libération anticipée devraient prendre en compte des raisons humanitaires telles que l’état de santé ou l’âge des détenus
2. Développer l’autosuffisance des prisons africaines
- Encourager les activités agricoles, manufacturières et artisanales en prison afin d’améliorer les conditions de vie des détenus et du personnel pénitentiaire
- Développer l’utilisation de technologies permettant une utilisation optimale des ressources (biogaz pour la cuisine, utilisation plus efficiente des fours à bois)
- Promouvoir une gestion transparente des prisons
- Encourager la formation et des visites d’études pour le personnel pénitentiaire afin de diffuser les meilleures pratiques en matière de gestion
- Impliquer le personnel pénitentiaire et les détenus dans la production agricole et les activités industrielles des établissements par la mise en place de comités de gestion
3. Promouvoir la réinsertion sociale des personnes condamnées ou en attente de jugement
- Encourager les programmes de réinsertion et de développement personnel pendant la période de l’emprisonnement ou d’accomplissement de la peine alternative
- S’assurer que les personnes en détention provisoire aient accès à ces programmes
- Développer les programmes d’alphabétisation et de formation professionnelle en tenant compte de la demande du marché du travail
- Promouvoir des programmes d’apprentissage qui soient conformes aux standards nationaux
- Encourager le développement des compétences existantes
- Prévoir des programmes de sensibilisation aux règles civiques et sociales
- Prévoir une assistance psychologique et sociale assurée par des professionnels compétents
- Encourager les contacts des détenus avec leurs familles et avec la communauté :
- en invitant des représentants de la société civile à venir en prison et à travailler avec les détenus ;
- en améliorant les conditions des visites familiales afin que les contacts physiques soient possibles et en proposant des aménagements particuliers pour les visites conjugales ;
- en organisant un système de récompenses donnant lieu à des permissions de sortie sous certaines conditions
- Sensibiliser les familles et la communauté afin de préparer le retour dans la communauté des ex-détenus ou condamnés. Associer les familles et la communauté aux programmes de réinsertion et de développement personnel
- Développer les centres semi-ouverts et les programmes de libération anticipée en partenariat avec la société civile
- Etendre le recours à la détention en milieu ouvert dans les cas appropriés
4. Faire appliquer le droit dans les prisons
- S’assurer qu’il existe des règlements pénitentiaires et que ces derniers soient connus des détenus et du personnel des prisons
- Revoir les règlements pénitentiaires à la lumière des principes énoncés dans les Constitutions et des normes internationales de droits de l’homme
- Encourager le développement de mécanismes indépendants d’inspection et de contrôle des prisons, en association avec les médias et les associations
- S’assurer que le personnel pénitentiaire est formé aux principes du droit national et international relatifs à la gestion des établissements pénitentiaires
5. Encourager les bonnes pratiques
- Promouvoir la diffusion :
- de la Déclaration de Kampala de 1996 sur les conditions de détention en Afrique,
- de la Déclaration de Kadoma sur le Travail d’intérêt général en Afrique de 1997,
- de la Déclaration de Ouagadougou pour accélérer la réforme pénale en Afrique de 2002 ;
- des rapports du Rapporteur Spécial sur les prisons et les conditions de détention en Afrique de la CADHP ;
- des rapports et communiqués de la Conférence des Directeurs d’Administration pénitentiaires d’Afrique Australe, Centrale et de l’Est (CESCA)
- Développer l’implantation en Afrique des modèles identifiés en matière de politique criminelle, tels : le modèle zimbabwéen du Travail d’intérêt général, le système de diversion développé en Namibie et en Afrique du Sud, le travail des para juristes et les fermes pénitentiaires au Malawi, l’approche intégrée et multisectorielle développée en Ouganda ou la technique du biogaz utilisée dans les prisons au Rwanda. L’accent devra être mis sur les questions de santé publique et d’éducation en matière d’hygiène, de nutrition et de conditions sanitaires dans les prisons en association avec les services de santé ministériels.
- Développer une approche du traitement des détenus atteints du VIH/SIDA qui respecte les standards internationaux, ce qui inclut des campagnes de sensibilisation en direction du personnel, des détenus et de leur famille et la distribution de préservatifs à l’intérieur des prisons. Inclure le thème du VIH/SIDA en prison dans les campagnes générales de sensibilisation.
- Appliquer les principes internationaux de protection et de traitement des personnes condamnées à mort là où la peine de mort n’est pas encore abolie
- Promouvoir des lois spécifiques et adaptées en matière de justice des mineurs et un recours systématique aux peines alternatives à l’emprisonnement pour les mineurs délinquants
- Promouvoir la mise en place d’un réseau panafricain pour la réforme pénale
6. Promouvoir les projets régionaux et internationaux de Charte des Droits des Prisonniers
- Diffuser le projet de Charte Africaine des droits des prisonniers dont la version finale sera soumise pour adoption à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP)
- Participer à la finalisation et à la promotion du projet de Charte des Droits des Prisonniers des Nations Unies