Procédures et directives de déclaration par l'État

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L’article 62 de la Charte Africaine stipule que "chaque Etat Partie s’engage à présenter tous les deux ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente Charte (pour l’Etat), un rapport sur les mesure d’ordre législatif ou autre, prises en vue de donner effet aux droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte."

Cependant, la Charte reste muette en ce qui concerne l’organe à qui ces rapports doivent être présentés. Se prévalant des prérogatives que lui reconnaissent les articles 45 et 46 de la Charte, la Commission a alors demandé d’assumer cette fonction. Ainsi, à sa troisième session ordinaire tenue en avril 1988, elle a décidé de recommander à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA qu’elle "lui confie spécifiquement le mandat d’examiner les rapports des Etats et d’indiquer les orientations générales en ce qui concerne leur forme et leur contenu." Cette recommandation a été adoptée par la 24ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA. Depuis lors, la Commission reçoit et examine les rapports des Etats présentés en application de l’article 62 de la Charte. La présente Fiche d’information se propose d’expliquer les buts et les objectifs des rapports des Etat et la procédure suivie par la Commission dans l’examen desdits rapports. Elle met aussi en exergue certaines contributions que peuvent apporter les organisations non-gouvernementales et la société civile pour améliorer ce processus. Ce document tente aussi de dissiper les craintes de certains Etats membres qui pensent que le but de cet exercice est de les mettre dans l’embarras. Cette Fiche d’information est un complément de la Fiche d’information n° 5 qui traite des lignes directrices pour la présentation des rapports des Etats.

La présente publication est distribuée gratuitement à travers toute l’Afrique, elle peut être reproduite dans d’autres langues, à condition de n’apporter aucune modification à son contenu et de mentionner la Commission comme source.

Le présent document a été publié et distribué grâce au financement de l’Union Européenne.

I. Introduction

L’un des meilleurs moyens dont dispose la Commission pour assurer la promotion et la protection des droits de l’homme est la procédure des rapports de Etats. Aux termes de l’article 1er de la Charte, les Etats Parties s’engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour appliquer les droits énoncés dans cette Charte.

Conformément à l’article 62, ils doivent présenter des rapports pour indiquer comment ils mettent en application l’article 1er, cela veut dire, les mesures ou autres qu’ils ont adoptées pour donner effet à la Charte. Presque tous les organes chargés de la surveillance de du respect des droits de l’homme utilisent ce procédé pour évaluer les progrès réalisés par leurs membres dans l’exécution de leurs obligations.

A sa quatrième session ordinaire tenue en octobre 1988, la Commission a adopté les directives générales relatives à la forme et au contenu des rapports périodiques que les Etats Parties doivent présenter en application de l’article 62 de la Charte Africaine. Ces lignes directrices expliquent en détails le genre d’informations que demande la Commission.

Il convient de noter que des 51 Etats qui ont ratifié la Charte, seuls 21 avaient présenté des rapports à la commission jusqu’en novembre 1997, et qu’aucun d’eux n’était en ordre.

La plupart des Etats ont la mauvaise conception que le système de présentation des rapports des Etats est un moyen conçu pour les embarrasser. Cependant, ceux qui ont déjà présenté leurs rapports à la Commission ont réalisé que c’est le meilleur moyen pour les Etats d’établir la confiance et un partenariat solide avec la Commission. Les lignes directrices adoptées en 1988 définissent le but de la procédure des rapports des Etats comme "le désir urgent (…) d’établir un canal pour un dialogue constructif". Cela a été réitéré par le Président de la Commission, Dr I. Badawi (à la 9ème session ordinaire de la Commission lorsque le Rapport de la Libye - premier rapport présenté à la Commission - a été examiné), que la discussion n’allait pas "être une confrontation (…) mais un dialogue dans le cadre de la coopération."

Les questions adressées aux représentants des Etats ne doivent pas être considérées comme un défi, mais comme des critiques positives ou un dialogue constructif dont le but est de compléter la législation en vigueur dans l’Etat dont il est question."

II. Objectif des Rapports des Etats

Comme mentionné plus haut, l’un des objectifs majeurs de la procédure d’examen des rapports des Etats par la Commission est de créer un cadre de dialogue constructif entre la Commission et les Etats. Cependant, ce dialogue n’est pas l’objectif final de la procédure, mais un outil pour la réalisation d’autres objectifs. Lorsque le canal de dialogue est établi, il peut être utilisé pour renforcer les mécanismes de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples. Comme le souligne la Commission, les Etats et elle-même sont "des partenaires dans la réalisation d’un même objectif, qui est celui de la promotion et de la protection des droits de l’homme et des peuples". Il a été constaté que lorsqu’un Etat Partie réalise cet objectif commun, il devient très facile pour lui de travailler avec la Commission.

III. Avantages des rapports des Etats

1. Surveillance de la mise œuvre de la Charte
Les rapports périodiques donnent à la Commission une meilleure compréhension des problèmes rencontrés par les Etats dans leurs efforts de concrétisation des dispositions de la Charte. Ils lui donnent la possibilité de proposer des mesures qui peuvent être prises pour résoudre ces problèmes et promouvoir une mise en œuvre effective de la Charte.

Ainsi, si après l’examen d’un rapport, la Commission juge qu’un Etat ne s’est pas pleinement acquitté de ses obligations, elle "peut lui adresser des observations générales (…), de la manière qu’elle estime appropriée." Elle peut "formuler des propositions, des conseils et offrir son assistance, sur la manière de répondre aux obligations énoncées dans la Charte."

Le système des rapports des Etats permet à la Commission de suivre de près toute la machine gouvernementale en amenant les instances compétences telles que les départements et les ministères à évaluer leurs dispositions, procédures et pratiques légales par rapports aux dispositions de la Charte.

2. Identifier les difficultés
La Commission a toujours recommandé qu’un rapport périodique devrait indiquer, non seulement les mesures prises pour mettre en application les dispositions de la Charte, mais aussi les facteurs et les difficultés qui s’opposent à la mise en œuvre effective de la Charte.

La Commission estime qu’il est important que l’Etat s’applique particulièrement à mettre en exergue non seulement les aspects positifs de sa législation (…) mais aussi les difficultés et les obstacles. Cette franchise aidera la Commission à comprendre les circonstances particulières de l’Etat concerné d’une part et ce dernier à comprendre la Commission et le cadre dans lequel les dispositions de la Charte sont appliquées d’autre part.

Aussi, l’Etat et la Commission collaboreront pour diagnostiquer les problèmes et trouver les solutions adéquates.

3. Echange d’information entre Etats
Le système de présentation des rapports des Etats permet aussi à la Commission de rassembler les informations sur les expériences communes des Etats membres, aussi bonne que mauvaises, afin que ces derniers puissent apprendre les uns des autres.

IV. Procédure adoptée pour l’examen des rapports des Etats

La recommandation demandant à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA de mandater la Commission pour examiner les rapports des Etats propose que "le Secrétariat Général de l’OUA reçoive ces rapports et les transmette à la Commission sans tarder." Ceux qui sont envoyés au Secrétariat Général de l’OUA sont donc acheminés au Secrétariat de la Commission.

1. Procédure suivie au Secrétariat
A la réception d’un rapport, le Secrétariat l’examine et informe tous les membres de la Commission en leur envoyant des copies dudit rapport. Les organisations des droits de l’homme comme Amnesty International, la Commission internationale de Juristes, etc. (…) ainsi, que les ONG locales de l’Etat qui a présenté le rapport et qui ont le statut d’observateur auprès de la Commission sont informées ou reçoivent des copies du rapport. Cette distribution du rapport d’un Etat est conforme à l’article 78 du Règlement de la Commission qui prévoit que "les rapports périodiques (…) présentés par les Etats Parties à la Charte (…) sont des documents de distribution générales (…)" Il est demandé à ces organisations des droits de l‘homme de fournir à la Commission des renseignements et/ou des questions sur la situation des droits de l’homme dans l’Etat concerné. A l’aide de tous les renseignements à sa disposition, le Secrétariat prépare les questions qui seront posées aux représentants des Etats. Ces questions ne sont pas nécessairement limitées aux informations contenues dans le rapport.

Ces questions sont transmises à l’Etat concerné et à tous les membres de la Commission au moins six semaines avant la date de la tenue de la session à laquelle le rapport sera examiné. Une lettre, accompagnée de la liste des questions préparées par le Secrétariat, est envoyée à l’Etat pour lui demander d’envoyer un fonctionnaire de haut niveau pour présenter le rapport. Il est très important que les Etats envoient des représentants capables de répondre aux questions qui seront posées sur place. Le Secrétariat contacte aussi le Commissaire spécifiquement chargé des activités de promotion dans le pays concerné, qui, en principe, sera le rapporteur et dirigera la discussion de ce rapport, et lui fournit toute information supplémentaire disponible sur ce rapport.

2. Procédure suivie au cours de la session
L’examen des rapports périodiques des Etats se fait en séances publiques de la Commission, c’est-à-dire devant tous les participants, y compris les ONG, les institutions nationales des droits de l’homme, les représentants des Etats et d’autres invités. Cependant, seuls les membres de la Commission peuvent poser des questions aux représentants des Etats. Aucune durée limite n’est fixée pour la présentation du rapport devant la Commission. Après la présentation, le rapporteur pose des questions aux représentants de l’Etat, et les autres commissaires posent aussi leurs questions. Les questions ne doivent pas être limitées à la liste préparée par le Secrétariat.

Dans le passé, après la séance de discussion, la Commission se réunissait à huis clos pour délibérer sur les recommandations éventuelles. Dr. Badawi a décrit cette pratique comme "présentant l’avantage de créer un dialogue et en même temps permettant à la Commission de se retrouver en privé pour émettre des commentaires." Cependant, la pratique a changé et aujourd’hui, après la séance de discussion, le rapporteur fait la synthèse et le président clôture le débat.

3. Examen des rapports en l’absence de représentant des Etats
Lorsqu’un rapport est soumis au Secrétariat, une lettre est envoyée l’Etat pour l’informer de la session à laquelle le rapport sera examiné et l’inviter à envoyer un fonctionnaire de haut niveau pour présenter ledit rapport. Le Règlement intérieur n’oblige pas les Etats à envoyer des représentants pour que leurs rapports soient examinés. L’article 83 prévoit que "(…) les représentants des Etats Parties peuvent assister aux séances de la Commission auxquelles leurs rapports sont examinés." La Commission a adopté une pratique selon laquelle elle ne peut pas examiner le rapport tant qu’il n’y a pas de délégué de l’Etat pour le présenter.

4. Suivi
Après l’examen d’un rapport d’un Etat, la Commission décide généralement qu’une lettre de suivi sera envoyée à l’Etat concerné, résumant le déroulement de l’examen et reprenant les questions qui n’ont pas eu de réponses satisfaisantes, s’il y en a.

L’article 85 (3) du Règlement intérieur stipule que "si, à la suite de l’examen des rapports et des renseignements soumis par un Etat (…) la Commission décide que cet Etat ne s’est pas acquitté de certaines des obligations qui lui incombent, en vertu de la Charte, elle peut faire à l’Etat intéressé toutes observations générales qu’elle jugerait appropriées". Il est alors demandé à l’Etat de soumettre au Secrétariat de la Commission toute information supplémentaire qu’elle lui demande. La Commission peut, le cas échéant, indiquer le délai dans lequel les commentaires des Etats Parties doivent lui parvenir.

L’article 86 (2) du Règlement intérieur de la Commission prévoit que "la Commission peut également transmettre les observations à la Conférence (…) accompagnées de copies des rapports qu’elle a reçus des Etats (…) ainsi que, le cas échéant, les commentaires présentés par ceux-ci. Rien n’indique avec précision la manière dont les Etats doivent présenter les informations supplémentaires. Dans certains cas, par exemple, il leur a été demandé d’inclure les informations dans les rapports suivants, tandis que dans d’autres, il leur était demandé de les soumettre sans délai dans une lettre séparée.

V. Non présentation de rapports

L’article 84 (1) prévoit "le Secrétaire fera part à la Commission, à chaque session, de tous les cas de non présentation de rapports ou de renseignements supplémentaires (…) En pareil cas, la Commission pourra adresser à l’Etat Partie intéressé (…) un rapport ou un rappel concernant la présentation du rapport ou des renseignements supplémentaires." Si, après ce rappel, l’Etat Partie ne présente pas le rapport ou les renseignements supplémentaires demandés, la Commission le signale dans le rapport qu’elle adresse chaque année à la Conférence. Les rappels sont envoyés aux Etats Parties tous les trois mois (avant c’était tous les six mois). Généralement, la Commission annexe au rapport d’activités une liste qui montre l’état de présentation des rapports périodiques par les Etats. Cette liste contient les noms des Etats qui ont présenté leurs rapports, le nombre de rapports présentés, les rapports dûs, et les noms des Etats qui n’ont présenté aucun rapport.

La procédure d’examen des rapports des Etats à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples est encore à ses débuts. Contrairement au Comité des droits de l’homme des Nations Unies, la Commission Africaine examine très peu de rapports au cours de chacune de ses sessions. Afin d’améliorer cette procédure, la Commission a besoin de la collaboration des Etats, des ONG et de la Société civile.