Déclaration de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples à l’occasion de la célébration de la Journée Mondiale des Réfugiés, (20 juin 2025)

partager

Déclaration de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples à l’occasion de la célébration de la Journée Mondiale des Réfugiés, (20 juin 2025)

« Solidarité avec les réfugiés »

En cette Journée mondiale des réfugiés, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission africaine) se joint à la communauté internationale pour honorer le courage, la détermination et la résilience de millions d’hommes, de femmes et d’enfants contraints de fuir leurs foyers sous la menace des conflits, des persécutions, de la violence, mais aussi des catastrophes naturelles dûes au changement climatique, en quête de sécurité et de paix, de liberté, d’humanité et de dignité. 

La Commission africaine souhaite rendre hommage aux réfugiés dans le monde entier et plus particulièrement,  à ceux du continent : ceux dont les voix sont trop souvent étouffées par les conflits, l’exil et l’oubli, mais dont les droits fondamentaux demeurent néanmoins inaliénables.

En “solidarité avec les réfugiés”, -thème retenu pour cette année par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés-, nous devons rappeler que le statut de réfugié ne doit jamais être une condamnation à la marginalisation, à la précarité ou encore à une vie fondée sur l’assistanat. Nous devons affirmer avec force qu’un réfugié n’est pas une menace ou un fardeau, mais une une vie en attente de paix et de justice, un avenir en puissance. Il est de notre devoir de le protéger, de l’inclure et de l’accompagner. 

Cette année plus que jamais, « l’esprit de solidarité africaine et de coopération internationale », consacré il y a plus de 55 ans par la Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique (1969), doit être actionné pour alléger le fardeau sur les Etats qui accueillent le plus de réfugiés et de demandeurs d’asile. Plus que jamais, le principe fondamental de solidarité et de partage des charges, rappelé par le Pacte mondial sur les réfugiés en 2018 doit être opérationnalisé par les Etats et toutes les autres parties prenantes. 

En « solidarité avec les réfugiés », nous devons également rappeler que la protection des réfugiés n’est pas un acte de charité, mais une obligation juridique découlant des instruements internationaux et régionaux, plus particulièrement de la Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique (1969) ; de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981) qui garantit la dignité, la sécurité et la liberté des personnes, y compris les réfugiés ; ou encore des Principes directeurs africains relatifs aux droits de l’homme de tous les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, adoptés par la Commission africaine en 2023.

Et pourtant, sur notre continent, le droit à l’asile continue parfois d’être ignoré, contourné ou bafoué. Trop souvent, le principe de non-refoulement est violé ; Des frontières se ferment sous prétexte d’assurer la sécurité nationale et de lutter contre le terrorisme ; Des explusions collectives sont toujours pratiquées par beaucoup d’Etats ; Des camps surpeuplés deviennent des prisons à ciel ouvert ; Des enfants réfugiés naissent sans acte de naissance, et les situations de réfugiés de longue durée persistent avec un accès très limité à la protection et des conditions d’inclusion socio-économiques trop restrictives.

Cette année encore, dans beaucoup de régions d’Afrique, les crises, les violences politiques et les conflits armés, les violations des droits humains et les persécutions, la dégradation des conditions socio-économiques ainsi que les nombreuses catastrophes naturelles dues au changement climatique, ont contraint des millions de personnes à fuir leur foyer à la recherche de sécurité, de paix et d’une vie sûre dans la dignité. Selon les derniers chiffres avancés par le Haut- Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, l’Afrique accueille aujourd’hui plus de 7,8 millions de réfugiés  souvent dans des pays aux ressources limitées, et en situation de fragilité économique ou sécuritaire.

En dépit des efforts déployés par les Etats africains, les agences humanitaires et différentes parties prenantes, la situation des réfugiés et demandeurs d’asile dans notre continent demeure préoccupante. Beaucoup d’entre eux, particulièrement les plus vulnérables tels les femmes et les enfants, subissent de nombreuses violations de leurs droits humains : détentions arbitraires, exploitation, violences sexistes, ainsi que les conditions de vie précaires dans les sites de transit et camps où elles sont accueillies. Nombreux parmi eux sont dans l’impossibilité de jouir de certains de leurs droits sociaux économiques, notamment le droit à l’éducation, droit à la santé ou droit au travail. La situation des réfugiés est d’autant plus alarmante que le financement des réponses humanitaires et des aides pour les réfugiés et les demandeurs d’asile continuent de souffrir de restrictions sans précédent dues à la limitation des financements des programme d’aide et d’assistance, alors que l’urgence humanitaire ne cesse de croitre dans de nombreux pays africains, tels le Soudan, le Soudan du sud, la République démocratique du Congo, la Somalie, l’Ethiopie… 
Aujourd’hui encore, et sous le signe de la « solidarité avec les réfugiés », nous invitons les Etats africains ainsi que toutes les parties prenantes à s’impliquer dans la mise en œuvre de la Résolution CADHP/Res.565 (LXXVI) 2023 sur l'inclusion des réfugiés, des demandeurs d'asile, des déplacés internes et des apatrides dans les systèmes socio-économiques nationaux, les services et les opportunités économiques en Afrique, l’inclusion leur permettant de mener une vie décente, d'accéder aux services publics, tout en contribuant pleinement aux économies locales de leur pays d’accueil, et en leur offrant l’opportunité d’être des acteurs actifs du développement durable.

Nous souhaitons particulièrement féliciter et encourager la poursuite des bonnes pratiques initiées par plusieurs pays du continent qui ont adopté des mesures législatives et administratives visant à intégrer et à mettre en oeuvre les instruments relatifs aux réfugiés et aux droits de l’homme internationaux et régionaux, pour donner effet aux droits des réfugiés et des demandeurs d'asile. Nous encourageons par ailleurs les Etats africains qui ne l’ont pas encore fait, à élaborer des législations sur l’asile et créer des institutions nationales de protection des réfugiés. 

En solidarité avec les réfugiés, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples invite l’Union africaine à rechercher et à mettre en oeuvre des solutions durables aux crises des réfugiés, par les retours volontaires, l’intégration ou la réinstallation, ainsi qu’à la réalisation de la Position Africaine Commune (PAC) sur l'efficacité  humanitaire, qui prévoit de prendre des mesures spécifiques pour intégrer les besoins humanitaires et les questions de déplacement dans les plans de développement nationaux et locaux. Elle encourage par ailleurs l’opérationnalisation de l’Agence Humanitaire Africaine (AHA) en la dotant de moyens réels d’action afin de permettre la mise en œuvre du principe de solidarité envers les réfugiés et demandeurs d’asile, tout en apportant des « solutions africaines aux problèmes africains ».

 Il nous appartient, collectivement, en “solidarité avec les réfugiés”, de faire en sorte que les personnes déracinées puissent reconstruire leur vie avec dignité, sécurité et espoir.
Un réfugié protégé est un pas vers une Afrique pacifiée, résiliente et fidèle à ses valeurs de solidarité et d’hospitalité, une Afrique dans laquelle personne n’est oubliée, personne n’est abondonnée ou laissée pour compte, l’Afrique que nous voulons.

Honorable Commissaire Selma SASSI-SAFER
Rapporteure Spéciale sur les réfugies, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées internes et les migrants en Afrique

 [1. https://www.unhcr.org/fr/en-bref/qui-nous-sommes/apercu-statistique.]