Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique - 79OS

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RAPPORT D'ACTIVITÉS INTERSESSION

(Octobre 2023 – mai 2024)
-Présenté par
L’HONORABLE COMMISSAIRE IDRISSA SOW
PRÉSIDENT DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PEINE DE MORT, LES EXECUTIONS EXTRAJUDICIAIRES, SOMMAIRES OU ARBITRAIRES ET LES DISPARITIONS FORCEES EN AFRIQUE

 79ème Session ordinaire de la CADHP
Banjul, Gambie, du 14 mai au 3 juin 2024

INTRODUCTION

1.    Le présent Rapport est soumis conformément aux Règles 25 (3) et 64 du Règlement Intérieur 2020 de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Commission) et de la section 3 (d) des Règles portant création et fonctionnement des mécanismes spéciaux de la Commission. Il couvre les activités menées au cours de la période d'intersession d’octobre à mai 2024.  

2.    Le rapport comporte quatre chapitres. Le chapitre I présente un panorama de la situation de la peine de mort, des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et des disparitions forcées en Afrique. Le Chapitre II couvre les activités menées en ma qualité de Président du Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique (Groupe de travail) et de membres d’autres mécanismes spéciaux ; le chapitre III concerne les activités menées en mes qualités de commissaire rapporteur pays; et enfin le chapitre IV est consacré aux conclusions et recommandations.    

Chapitre I :    Situation de la peine de mort, des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et des disparitions forcées en Afrique

A.    Peine de Mort
3.    Au cours de la période considérée, le nombre de pays abolitionniste n’a pas évolué faisant que sur les 55 Etats membres de l’Union africaine, 24 ont aboli la peine de mort pour tous les crimes , 4 pour les crimes de droit commun , 15 observent un moratoire sur les exécutions .  Au cours de la même période, la République Démocratique du Congo (RDC) a pris la décision de lever le moratoire sur l’exécution de la peine de mort, qui était en vigueur depuis 2003. Cette situation nouvelle continue à susciter une vive préoccupation pour notre Groupe de travail.

4.    Au demeurant, le Groupe de travail demeure profondément préoccupé par le maintien et l’application de la peine de mort dans certains pays qui pour l’essentiel sont confrontés à de graves dysfonctionnements de leurs systèmes judiciaires, ce qui naturellement laisse apparaitre des risques évidents d’erreur dans l’application de la sanction capitale.

5.    Nous continuons à rappeler aux Etats qui ont fait le choix de garder encore la peine capitale dans leur législation, qu’à travers son observation générale n°3 sur le droit à la vie (article 4 de la Charte) la commission dit pour droit que cette peine afflictive et infamante ne doit être prononcée que contre les crimes les plus graves.  Notre démarche à ce niveau consiste à demander aux Etats concernés de s’engager sur des moratoires stricts et d’envisager systématiquement la commutation des peines de mort en peines d’emprisonnement.

6.    Nous constatons que durant la période sous revue, huit condamnations à mort ont été prononcées en République Arabe d’Egypte.

7.    Nous notons par ailleurs que la situation de l’engagement des Etas vis-à-vis du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), visant à abolir la peine de mort  a évolué positivement  durant la période considérée avec la décision d’adhésion prise le 3 mai 2024 par  la République de Côte d’Ivoire .  

Étude sur la question de la peine de mort

8.    La Commission a adopté depuis novembre 2011 les conclusions de l’étude réalisée sur la situation de la peine de mort en Afrique. Ce document de référence sur la situation des droits de l’Homme en Afrique est apparu à certains égards obsolète et a besoin de mises à jour pour tenir compte des évolutions et rencontrer des problématiques nouvelles apparues postérieurement à son adoption. C’est ainsi que la Commission a pris la décision depuis quelques années maintenant de procéder à sa révision.

9.     Le travail initié à cet égard en collaboration avec le Centre pour les droits de l'homme de l'Université de Pretoria est en train d’être finalisé. Une réunion de consultation a eu lieu à Arusha en marge de la 77è Session ordinaire afin de recueillir les contributions des partenaires intéressés par les thématiques couvertes par l’Etude.  Nous comptons clôturer la rédaction du projet d’étude avant la fin de l’année 2024. Une réunion de validation de l’étude est déjà programmée en juillet 2024.

Projet de protocole à la Charte africaine sur l’abolition de la peine de mort

10.    Le processus d’adoption du projet de protocole à la Charte initié par la commission depuis 2015, continue d’être suivi avec attention.  

11.    Le 12 avril 2024, un mémo a été adressé au Conseiller juridique de l’Union africaine aux fins de mettre le projet de protocole à l’agenda de la prochaine réunion du Comité Technique Spécialisé sur la Justice, prévue en novembre ou décembre 2024. Nous comptons réintroduire la même demande à temps opportun, conformément aux recommandations du Conseiller juridique de l’Union africaine, pour que l’examen du texte soit porté à l’ordre du jour de cet organe.

12.    Dans la même perspective, un autre mémo a été adressé au Greffe du Parlement Panafricain (PAP) en vue de soumettre à cet important organe de l’Union africaine le projet de protocole préparé par la Commission en vue d’un examen pour avis.  

13.    Il a été demandé à cet organe de permettre au Président du Groupe de travail sur la peine de mort de venir faire une présentation du texte auprès des honorables membres du Parlement dans le cadre d’une séance de briefing.

14.    Nous sommes heureux de constater que notre demande a reçu un écho favorable de la part du greffe du parlement qui a promis de nous revenir très bientôt pour s’accorder avec nous sur un calendrier.

B.    Disparitions forcées

15.    La protection des personnes contre le crime de disparition forcée reste une préoccupation majeure prise en charge dans le cadre des mandats confiées à notre commission.

16.    Le groupe de travail entend poursuivre la vulgarisation des lignes directrices sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées adoptée en 2021 par la Commission. Pour ce faire nous continuerons à tenir des webinaires de sensibilisation et de partage avec les différents partenaires intéressés par la thématique.

17.    Les occasions offertes par les séances de présentation de rapport périodique et les visites de promotion seront mises à profit pour encourager les Etats parties à adopter des textes spécifiques pour la prévention et la répression du crime de disparition forcée.

18.    Nous notons que le tableau de ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées n’a pas évolué durant la période considérée, ce qui fait qu’à ce jour sur les 55 Etats membres seuls 19 ont ratifié ladite convention. 

C.    Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires

19.    Le Groupe de Travail note avec préoccupation que des allégations d’exécutions extrajudiciaires perpétrées, le plus souvent dans le cadre d’opérations de sécurisation ou de maintien de l’ordre, ont été rapportées, durant la période sous revue au Mozambique, au Tchad, au Burkina Faso et au Mali.

20.    A ce stade, le Groupe de travail n’exprime aucune conclusion sur la matérialité des faits allégués mais reste saisi des cas portés à son attention jusqu’à ce que son niveau d’information lui permette d’arrêter une position définitive. Plusieurs initiatives ont été prises dans le cadre des interactions avec les Etats concernés pour faire la lumière sur ces allégations. 

21.    Le Groupe de travail, en collaboration de l’Institut des droits de l’homme et de la Paix de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a lancé une étude pour évaluer l’ampleur et les conséquences des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires sur le continent. Conformément à la résolution CADHP.Res.583 (LXXVIII) de mars 2024, des dispositions ont été prises pour finaliser le projet d’étude au premier trimestre de 2025. Une réunion de consultation sur l’étude est prévue en septembre 2024.

Chapitre II : Activités menées en qualité de Commissaire et de Président du Groupe de Travail

 Participations aux 77ème et 78ème Sessions ordinaires de la Commission

22.    J’ai participé à la 77ème Session ordinaire qui s’est tenue à Arusha en Tanzanie du 20 octobre au 9 novembre 2023 et à la 78ème Session ordinaire de la Commission, qui s’est tenue virtuellement du 23 février au 8 mars 2024, au cours desquelles la Commission a adopté plusieurs documents, examiné des rapports et rendu des décisions sur différentes Communications.

23.    Au cours de la 77ème Session ordinaire j’ai eu plusieurs rencontres avec des acteurs engagés dans la promotion et la promotion des droits humains sur notre continent.

24.    Dans ce cadre, j’ai eu un entretien fécond avec le Directeur Général du Fonds national des réparations des victimes de violences sexuelles liées aux conflits armés et des victimes de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (FONAREV) en RDC. Le Fonds a été créé en vertu de la loi n° 22/065 du 26 décembre 2022 fixant les principes fondamentaux relatifs à la protection et à la réparation des victimes de violences sexuelles liées aux conflits armés et des victimes de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. 

25.    J’ai salué la création de ce fonds qui pourra remédier aux problèmes de mise en œuvre des décisions de la Commission. La rencontre a permis de poser les bases d’une coopération envisagée entre le Groupe de travail et la direction du FONAREV. 

26.    A la suite de cette rencontre, le Directeur général du FONOREV nous a adressé une invitation officielle pour une visite en RDC en vue d’aller prendre connaissance du dispositif de protection et d’indemnisation mis en place en faveur des victimes de tortures, disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires. 

27.    En marge de la 77e Session ordinaire, le Groupe de travail a organisé le 24 octobre 2023, un panel sur les élections et les disparitions forcées en Afrique. Le Panel a examiné la situation des disparitions forcées en Afrique dans le contexte électoral, la prévalence de cette pratique dans les pays concernés, et les moyens d'engager la responsabilité des auteurs de ce crime. 

28.    Le 29 novembre 2023 j’ai été invité à participer en tant qu’orateur à la Conférence de haut niveau sur les droits de l’Homme organisée par la Sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen dans le cadre des évènements célébrant le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

29.    Cet événement auquel j’ai participé en mode virtuel a été une bonne opportunité d’échanger avec les représentants des organismes et mécanismes internationaux et régionaux, des parlementaires et des organisations de la société civile sur les défis mondiaux actuels en matière de droits de l’Homme.  

30.    J’ai aussi pris part à la retraite conjointe entre la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples et le Comité des représentants permanents de l’Union africaine (COREP), tenue du 5 au 7 décembre 2023 à Dakar (République du Sénégal).
La rencontre qui avait pour objectif de renforcer la collaboration entre les deux organes pour une meilleure prise en charge de la promotion et de la protection des droits de l’Homme en Afrique nous a offert l’opportunité de sensibiliser les représentants des Etats sur les enjeux de l’adoption du projet de protocole sur la peine de mort et de solliciter leur appui pour pousser le texte dans les différentes étapes devant conduire à sa validation. 

31.    J’ai également présidé le 19 décembre 2023, un webinaire organisé par le Groupe de travail pour la vulgarisation des lignes directrices sur la protection contre les disparitions forcées. Le webinaire a permis de présenter les lignes directrices, y compris les obligations des États en matière de prévention, de protection, de recherche, d'enquête et de poursuites en cas de crime de disparition forcée. La rencontre virtuelle, qui a enregistré une forte participation d’acteurs concernés, a permis aux participants d’être imprégnés de l'état des ratifications et de la mise en œuvre de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Les participants ont discuté de la collaboration entre les organisations de la société civile (OSC) et le groupe de travail en vue de favoriser une meilleure diffusion des lignes directrices. 

32.     Plus récemment, j’ai participé aux travaux du premier forum conjoint des mécanismes spéciaux qui s’est tenu à Dakar, au Sénégal du 25 au 27 avril 2024, au cours duquel je suis intervenu au panel sur le thème « Protéger les groupes vulnérables grâce à la ratification et à la mise en œuvre d'instruments pertinents, en mettant l'accent sur les aspirations 3 et 6 de l'agenda 2063 »

Lettres d’appel urgent 

33.     Le 07 novembre 2023, j’ai co-signé avec le Rapporteur Spécial sur les prisons, les conditions de détention et le maintien de l’ordre en Afrique, une  lettre d’appel urgent à S.E. Filipe Nyusi, Président de la République du Mozambique, après avoir reçu des informations sur des allégations de répression violente de manifestants ayant entrainé des morts et des blessés, l’arrestation de plusieurs personnes, et de nombreux dégâts matériels dont la destruction d’équipement de la Radio et Télévision  Encontro basée à Nampula. Nous avons demandé au Gouvernement du Mozambique de fournir à la Commission des éclaircissements sur les allégations susmentionnées et de mener de toute urgence des enquêtes impartiales sur ces allégations et, si elles sont confirmées, de punir les responsables.

34.    Le 14 novembre 2023, j’ai signé une lettre d’appel urgent à S.E. Capitaine Ibrahim Traoré, Président du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration et Chef d’État du Faso. L’appel urgent faisait suite aux allégations d’une attaque perpétrée le 2 novembre 2023 contre le village de Zaongo, dans le centre-nord du Burkina Faso, qui aurait causé la mort de près d’une centaine de civils, dont des femmes et des enfants. Sur la base de ces allégations, nous avons demandé au Gouvernement du Faso de mener de toute urgence des enquêtes impartiales sur ces allégations et, si elles sont confirmées, punir les auteurs.

35.    Le 18 janvier 2024, j’ai adressé une lettre d’appel urgent à S.E. Général Mamadi Doumbouya, Président du Conseil National du Rassemblement pour le Dévelopment et Chef d’État de la République de Guinée. L’appel urgent faisait suite aux rapports selon lesquels le Colonel Pépé Célestin Bilivogui, a été enlevé le 8 novembre 2023 par un groupe de Gendarmes et a fait l’objet d’une détention au secret. Nous avons demandé au Gouvernement de Guinée de mener de toute urgence des enquêtes impartiales sur ces allégations et de prendre les dispositions afin que les auteurs répondent de leurs actes, le cas échéant.

36.    Le 12 février 2024, j’ai signé une lettre d’appel urgent à S.E. Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République Démocratique du Congo, demandant le maintien du moratoire sur la peine de mort dont la levée avait été décidée par le Conseil des Ministres le 9 février 2024. 

37.    Le 5 mars 2024, j’ai co-signé avec le Rapporteur pays, une lettre d’appel urgent à S.E. Abdel Fattah El-Sisi, Président de la République arabe d’Egypte pour lui demander d’empêcher les exécutions de huit personnes condamnées définitivement à mort le 4 mars 2024. Nous avons demandé à l’Egypte de prendre les mesures appropriées pour suspendre l'exécution des personnes condamnées à mort, qui peuvent prendre la forme d'une commutation, d'une grâce ou d'un pardon présidentiel conformément aux articles 4 et 5 de la Charte africaine. 

38.    Nous déplorons qu’à ce jour, nos interpellations n’ont suscité aucune réaction officielle de la part des autorités concernées.

Communiqués de presse

39.    Le 15 mars 2024, j’ai publié un Communiqué de presse sur la levée du moratoire sur la peine de mort en République Démocratique du Congo (RDC) suite à la prise de la Note Circulaire n°002/MME/CAB/ME/MIN/J&GS/ 2024 du 13 mars 2024 par laquelle la Ministre de la Justice  demande aux autorités judiciaires compétentes de procéder à  l’exécution   effective de la  peine  de mort lorsqu’elle est «  consécutive à une condamnation judiciaire irrévocable intervenue en temps de guerre, sous l’état de siège ou d’urgence, à l’occasion d’une opération de police tendant au maintien ou au rétablissement de l’ordre public ou encore pendant toute autre circonstance exceptionnelle… » . 

40.     Nous avons à cette occasion soutenue avec conviction que « la décision qui consacre la levée du moratoire observé depuis 2003, traduit un recul dans la protection du droit à la vie prévu par l’article 4 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. » J’ai saisi cette opportunité pour insister encore une fois sur le caractère sacré du droit à la vie sans lequel la réalisation des autres droits garantis par la Charte africaine et les autres instruments juridiques de protection des droits de l’Homme ne saurait être assurée. J’ai enfin appelé instamment le Gouvernement de la RDC à revenir sur sa décision et œuvrer à la restauration et la consolidation du moratoire sur les exécutions. 

Chapitre III Activités menées en qualité de Rapporteur Pays

41.    Cette partie du rapport porte sur les activités et actes posés durant l’intersession en mes qualités de commissaire rapporteur pays. Conformément à la résolution ACHPR/Res. 495 (LXIX) de 2021, j’ai été désigné comme commissaire rapporteur sur la situation des droits de l'homme dans les cinq (5) pays suivants : Bénin, Burkina Faso, République centrafricaine, Tchad et Comores.   Par résolution adoptée lors de la 77 e session ordinaire, la Commission m’a désigné pour assurer le suivi de la situation des droits de l’Homme en République de Guinée, en substitution à la fonction similaire qui m’était assignée concernant la République du Bénin.  

A.    Burkina Faso

42.    Le Burkina Faso fait face depuis quelques années à des défis sécuritaires et une instabilité politique causés par la survenance de changements anticonstitutionnelles de gouvernement au regard des critères définis par la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

43.    Malgré les efforts considérables des autorités burkinabés, les attaques terroristes continuent de perturber la vie des populations dans les zones affectées et à occasionner de nombreuses pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels.

44.    Durant la période considérée des attaques terroristes ont perpétré dans de nombreuses localités du pays.

45.    Le 25 février 2024 des attaques meurtrières ont visé des fidèles supris dans des lieux de cultes à Natiaboani, à l’Est du pays et dans la localité d’Essakane au Nord Est. Le même jour, des terroristes ont attaqué les villages de Komsilga, Nodin et Soro dans le département de Thiou, province du Yatenga, région du Nord. Les mêmes attaques ont ciblé des militaires et des volontaires pour la défense de la patrie (supplétifs de l’armée). 

46.    Diverses sources indiquent que l’attaque de la mosquée a causé plusieurs dizaines de morts tandis que l’attaque de l’église a causé quinze morts et fait de nombreux blessés. Il a également été fait état d’attaques contre trois villages dans la région Nord qui auraient entrainé la mort d’au moins 170 civils et plusieurs autres blessées. 

47.    Dans un communiqué du 1er mars 2024, le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance de Ouahigouya annonçait qu’une enquête sur ces événements avait été ouverte. 

48.     Nous appelons instamment à la poursuite de l’enquête ouverte sur ces attaques et sur toutes autres violations des droits de l’homme perpétrées contre des civils afin d’identifier et de traduire les présumés auteurs et leurs complices en justice.

B.    Guinée

49.    La République de Guinée a connu un changement inconstitutionnel de gouvernement le 5 septembre 2021 au regard des critères définis par la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Le Gouvernement actuel a annoncé qu’un référendum constitutionnel et le transfert du pouvoir aux civils seront organisés avant fin 2024.

50.    Au cours de la période considérée, les informations disponibles montrent que le Gouvernement aurait, durant trois mois, pris des mesures restrictives de liberté d’expression telles que l’interdiction des manifestations sur toutes les voies publiques, des coupures d’internet, la suppression des chaînes de télévision des principaux bouquets de distribution et le brouillage des fréquences radio. 

51.    Ainsi, le 18 janvier 2024 le syndicat des professionnels de la presse de Guinée a manifesté pour appeler les autorités à rétablir l’accès aux média sociaux et à mettre fin aux brouillages des ondes. Une dizaine de journalistes ont été arrêtés puis conduits à la gendarmerie avant d’être relâchés plusieurs heures après.

52.    Le 26 février 2023, une grève générale a débuté à l’appel des centrales syndicales des secteurs public, privé et informel pour entre autres exiger la libération de M. Sékou Jamal Pendessa, secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée. Durant ces manifestations, des heurts sporadiques dans la banlieue de Conakry auraient fait deux morts.

53.    Nous rappelons que la liberté d’expression en ligne et hors ligne est essentielle à l’exercice des autres droits de l’homme et représente un critère de la démocratie plurielle, permettant le développement et la diversité.  

54.    Nous rappelons également que le droit à des élections régulières, libres, justes et crédibles est la norme démocratique la plus sacrée qui sert de moyen principal pour l'exercice du droit souverain d'un peuple à l’autodétermination, conformément à l'Article 20 de la Charte africaine, et du droit des individus à participer aux affaires publiques, conformément à l'Article 13 de la Charte africaine. 

55.    Nous suivi par ailleurs avec attention l’évolution du procès des onze personnes accusées d’avoir pris part au massacre du 28 septembre 2009.

C.    République Centrafricaine

56.    La nouvelle Constitution adoptée le 30 juillet 2023 par référendum a été promulguée malgré les contestations de l’opposition politique et de certaines organisations de la société civile qui avaient appelé au boycott du scrutin. 

57.    Nous réitérons notre appel en faveur d’une collaboration franche de toutes les parties prenantes en vue de conclure avec succès et de façon inclusive le processus de mise en place des institutions et organes prévus dans la nouvelle Constitution. 

D.    Tchad

58.    Suite aux événements violents survenus les 27 et 28 février 2024 à N’Djamena, ayant causé plusieurs morts dont celle du président du Parti Socialiste sans Frontières (PSF), au siège de son parti politique à N’Djamena au lendemain d’une attaque visant les bureaux de l’Agence nationale de sécurité de l’Etat qui a causé plusieurs morts à N’Djamena, le Gouvernement tchadien a annoncé une enquête internationale. A la suite de cette annonce, j’ai adressé une correspondance au gouvernement tchadien pour exprimer l’intérêt du Groupe de travail à faire partie de la commission d’enquête internationale annoncée. Le gouvernement tchadien n’a pas encore répondu à cette correspondance. 

59.    Ces attaques et tueries ont eu lieu au lendemain de l’annonce du calendrier de l’élection présidentielle au Tchad.
60.    Prenant note de la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle du 6 mai 2024, j’exhorte le Gouvernement tchadien à adopter des mesures nécessaires en vue de garantir la sécurité des tous les acteurs politiques, conformément aux obligations découlant de la Charte africaine et d’autres instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Tchad.

E.    Union des Comores
61.    Suite aux démarches entreprises auprès des autorités comoriennes, un accord de principe a été donné pour une mission de promotion dans le pays dont les dates restent à fixer. 

62.    Nous espérons saisir l’occasion de cette visite pour engager des concertations avec tous les acteurs impliqués dans la promotion et la protection des droits humains. Nous comptons également discuter avec les autorités nationales compétentes sur les mesures à mettre en œuvre en vue de la soumission du premier rapport de l’Union des Comores, au titre des obligations découlant de l’article 62 de la Charte. 
 

Chapitre IV : Conclusions et recommandations 

63.    La Commission poursuit son engagement auprès des Etats membres, des organes de l’Union africaine et des partenaires, notamment de la société civile et du monde universitaire. En collaboration avec ces partenaires, elle continuera à promouvoir l’adoption du Projet de Protocole à la Charte relatif à l’abolition de la peine de mort, à contribuer à la formation d’une base de connaissances à travers les études et à engager le plaidoyer et le dialogue politique sur la question de la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique. 

64.    La Commission s’est déjà dotée de Lignes directrices sur les disparitions forcées en Afrique qu’elle voudrait continuer à vulgariser. Dans le même ordre d’idées, une étude révisée sur la peine de mort et une étude sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires sont en cours afin de pouvoir doter les acteurs et les décideurs d’un outil de plaidoyer et de prise de décision dans ces domaines. 

65.    Pour la poursuite de cette dynamique, le Groupe de travail formule les recommandations suivantes :

Aux États parties :

a.    Dans les Etats où la peine de mort existe encore :
i.    D’observer un moratoire sur l’application de la peine de mort, conformément à la résolution CADHP/Rés.42(XXVI)99 ; 
ii.    De suspendre l’exécution des prisonniers condamnés à mort et de commuer leur peine en peines moins lourdes.

b.    Entreprendre des mesures visant à enclencher le processus d’abolition ;

c.    Soutenir et participer aux efforts visant l’adoption du projet de Protocole à la Charte africaine sur l’abolition de la peine de mort ;

d.    Prendre des mesures visant à assurer la vulgarisation et la mise en œuvre effective des Lignes directrices pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en Afrique et des autres instruments applicables visant à garantir la pleine protection du droit à la vie ;

A l’Union africaine :

e.    Promouvoir les consultations avec les États Membres, les organisations et mécanismes régionaux pour l'abolition de la peine de mort ;

f.    Soutenir la mobilisation de l’opinion et des ressources pour la mise en œuvre du mandat du Groupe de travail sur l’abolition de la peine de mort.

g.    De suivre et soutenir le processus d’adoption du projet de protocole à la Charte sur la peine de mort.

Aux Institutions nationales des droits de l'homme et organisations de la société civile :

h.    Intensifier le plaidoyer mené au niveau national pour l’abolition de la peine de mort, ainsi que la prévention et la réponse contre les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique, tout en collaborant avec et en soutenant les efforts de plaidoyer similaires aux niveaux sous-régional et continental ; 

i.    Intensifier la participation des Institutions Nationales des Droits de l'Homme et des organisations de la société civile aux consultations nationales et régionales sur l'abolition de la peine de mort.

Aux autres Partenaires au développement :

j.    Fournir un appui au Groupe de travail pour lui permettre de s’acquitter de son mandat de manière efficace ;

k.    Fournir un soutien technique et financier aux États parties, aux INDH et aux OSC dans leurs activités, programmes, projets et politiques visant à lutter contre les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées, ainsi que les processus de réformes pénales visant l’abolition de la peine de mort.