Communiqué de presse sur la situation humanitaire catastrophique des personnes déplacées internes au Darfour-Nord, en République du Soudan
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) exprime sa profonde inquiétude face à l’ampleur sans précédent des déplacements internes au Soudan et à la dégradation rapide de la situation humanitaire qui en découle. Le pays connaît la plus grave crise de déplacement interne au monde, avec près de neuf millions de personnes déplacées à l’intérieur du territoire et des millions d’autres contraintes de fuir au-delà des frontières vers des Etats voisins. Les affrontements persistants, en particulier autour d’El-Fasher (Darfour-Nord), exposent les civils à des risques extrêmes tandis que l’accès humanitaire demeure gravement entravé.
Depuis la prise d’El-Fasher le 26 octobre 2025, des vagues successives de familles ont fui vers des localités voisines déjà saturées, notamment Tawila, Mellit et Saraf Omra. Entre le 26 octobre et le 9 novembre, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a estimé à près de 90.000 le nombre de personnes nouvellement déplacées d’El-Fasher et des villages environnants ; sur la seule période du 26 octobre au 2 novembre, l’UNICEF recensait déjà plus de 70 800 départs. Les axes de fuite restent dangereux et les sites d’accueil peinent à absorber ces arrivées, comprenant de plus en plus de personnes vulnérables, femmes, enfants, personnes en situation de handicap et blessés.
Dans les zones de réception, les évaluations humanitaires font état de besoins de survie immédiats (abris, eau, soins) et d’une surexposition des femmes et des enfants aux violences, y compris sexuelles. Les taux de malnutrition aiguë chez les enfants nouvellement arrivés à Tawila, dépassent 70 % pour les moins de cinq ans, tandis que les opérations de secours au Darfour-Nord sont décrites comme « au bord de l’effondrement » en raison de l’insécurité, des restrictions d’accès et du sous-financement. Parallèlement, des enfants non accompagnés ou séparés sont identifiés et, dans certains cas, réunifiés, mais les capacités de prise en charge restent très limitées.
La Commission est alarmée, par ailleurs, par les informations faisant état de l’existence de conditions de famine à El-Fasher (Darfour-Nord) et à Kadugli (Kordofan du Sud), ainsi que d’un risque critique de famine dans d’autres zones, si l’accès humanitaire n’est pas sécurisé et intensifié de toute urgence.
La Commission rappelle aux belligérants leurs obligations au titre du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme et réitère la nécessité d’appliquer effectivement la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Convention de Kampala relative à la protection et à l’assistance aux personnes déplacées internes, ainsi que tous les autres instruments pertinents pour la protection des personnes déplacées internes au Soudan.
Compte tenu de l’urgence des besoins, la Commission, tout en réitérant les conclusions et recommandations de sa Mission d’établissement des faits (MEF) sur le Soudan , appelle une fois de plus à assurer un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave, y compris par l’ouverture de couloirs sécurisés vers et depuis El-Fasher et les autres zones assiégées — notamment le corridor El-Fasher–Tawila — ainsi qu’à des garanties de sécurité pour les civils, les personnels et les installations humanitaires et de santé.
La Commission prie instamment les partenaires internationaux d’accroître en urgence les financements au bénéfice des secteurs Nutrition, Santé, Protection et Éducation et encourage le suivi renforcé des mouvements de population par l’OIM, l’enregistrement et la désagrégation des données afin d’orienter au mieux la réponse, y compris la réunification familiale des enfants non accompagnés ou séparés.
La Commission exprime toute sa solidarité avec les personnes déplacées internes, les communautés hôtes et l’ensemble du peuple soudanais. Elle salue le dévouement des acteurs humanitaires opérant dans des conditions extrêmement difficiles et réaffirme la nécessité d’adopter des démarches urgentes de protection visant à ouvrir et sécuriser l’assistance, stabiliser les sites de déplacement et prévenir de nouvelles pertes en vies humaines.
Fait à Banjul, le 14 novembre 2025.
Commissaire Selma SASSI-SAFER
Rapporteure spéciale sur les Réfugiés, les Demandeurs d’asile, les Personnes Déplacées Internes et les Migrants en Afrique
Commissaire Essaim HATEM
Commissaire en charge de la situation des droits de l’homme au Soudan








