La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie en sa 66ème Session ordinaire, tenue virtuellement, du 13 juillet au 07 août 2020,
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme en Afrique en vertu de l’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Gardant à l’esprit les obligations de la République du Soudan en tant qu’État membre de l’Union africaine (UA) et en tant qu’État partie à la Charte africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance (la Charte africaine de la Démocratie) ;
Rappelant en outre ses résolutions précédentes sur la situation des droits de l’homme dans la République du Soudan, notamment les Résolutions CADHP/Rés.413 (EXT.OS/XXV) 2019 et CADHP/Rés.421 (LXIV) 2019 ;
Reconnaissant le Communiqué PSC/PR/COMM. (CMXXXI) publié par le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’UA en sa 931ème réunion, tenue le 17 juin 2020, sur la situation au Soudan ;
Saluant la nomination du Premier Ministre Abdalla Hamdok, le 20 août 2019, conformément au Projet de Déclaration constitutionnelle, suite au transfert de pouvoirs du Conseil militaire de transition au Conseil de Souveraineté du Soudan ;
Saluant la récente prestation de serment de gouverneurs d’État civils, notamment les deux premières femmes gouverneurs dans l’histoire du pays, et les progrès constants du gouvernement de transition dirigé par des civils vers les élections prévues en 2022 ;
Se félicitant des dernières annonces des autorités sur la loi devant mettre fin au crime d’apostasie, à la flagellation, ainsi que sur la pénalisation des mutilations génitales féminines ;
Reconnaissant les progrès réalisés dans la mise en place du bureau de pays du Haut- Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) au Soudan et la création d’une nouvelle mission politique des Nations Unies (ONU) au Soudan, la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), par la Résolution S/RES/2524 du 4 juin 2020 du Conseil de sécurité des Nations Unies, ainsi quele travail de l’Expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, dont le mandat se poursuit jusqu’à l’opérationnalisation du bureau de pays, conformément à la résolution A/HRC/RES/39/22 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ;
Reconnaissant la coopération renforcée entre le Gouvernement de transition et la Cour pénale internationale (CPI) ayant donné lieu au transfert récent à la CPI, le 9 juin 2020, d’Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, ancien dirigeant janjawid, en vertu d’un mandat d’arrêt de la CPI émis depuis 2007 ;
Se félicitant de la mise en place d’un comité d’enquête indépendant national chargé d’enquêter sur les allégations de violations de droits de l’homme lors du massacre du 3 juin 2019, ainsi que de l’ouverture d’autres enquêtes sur des crimes commis dans le passé ;
Préoccupée par la composition du Comité d’enquête comptant un représentant du Ministère de la Défense et de l’Intérieur, qui supervise toutes les forces armées qui auraient été impliquées dans le massacre du 3 juin 2019, notamment les Forces de soutien rapide (FSR), et par l’absence de femmes ou d’experts en violence sexuelle ;
Préoccupée en outre par la lenteur des enquêtes sur le massacre du 3 juin qui entrave le processus de transition ;
Profondément préoccupée par la détérioration de la situation socioéconomique des citoyens soudanais ;
Préoccupée en outre par la persistance de violentes tensions dans le pays qui ont donné lieu à la tentative manquée d’assassinat du Premier Ministre, le 9 mars 2020 ;
Déplorant la détérioration de la situation humanitaire de plus de 2 millions de personnes déplacées vers et en provenance du Darfour, du Nil-Bleu et du Kordofan du Sud et de l’Ouest ;
Profondément préoccupée par l’impact sanitaire et économique de la COVID-19 dans le pays, avec plus de 10 000 cas confirmés au 10 juillet 2020, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et qui demeure une menace majeure pour les efforts visant à consolider la paix et la sécurité au Soudan ;
La Commission :
- Appelle les Autorités de la transition en République du Soudan à :
- renforcer le système judiciaire et son indépendance, intensifier la lutte contre l’impunité, notamment pour la violence sexiste et les violations des droits économiques, sociaux et culturels et s’assurer que les auteurs de crimes passés et présents en soient tenus responsables ;
- finaliser le Projet de loi portant création du Conseil de justice transitionnelle, en consultation avec tous les secteurs de la société et les communautés concernées, conformément à la Politique de justice transitionnelle de l’UA, et en s’inspirant de l’Étude de la Commission sur la Justice transitionnelle et les Droits de l’homme et des peuples en Afrique ;
- veiller à ce que le comité d’enquête indépendant national n’inclue pas des institutions pouvant être impliquées dans les événements du 3 juin 2019, qu’il ait une représentation féminine et qu’il finalise les enquêtes sur les événements du 3 juin 2019 comme mesure allant dans le sens d’une réconciliation et d’une guérison nationales ;
- Encourage le Haut Commissariat des NU aux droits de l’homme et l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Soudan, à coopérer et à consulter le Rapporteur de pays de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples pour le Soudan, dans la conception, la planification, la mise en œuvre et la revue du mandat des droits de l’homme au Soudan, conformément à la Feuille de route d’Addis-Abeba ;
- Exhorte la CPI à s’assurer que la procédure contre Ali Muhammad Ali Abd–Al-Rahman soutienne la participation active et efficace des victimes en instituant les mesures de sécurité et de sûreté personnelle requises et un soutien provisoire sous forme de mesures de réhabilitation physique et psychologique par le biais du Programme d’assistance au sein du Fonds d’affectation spéciale au profit des victimes ;
- Invite les autorités soudanaises à rester vigilantes à l’égard de la situation des droits de l’homme en relation avec la COVID-19 et à appliquer toutes les mesures nécessaires pour protéger la vie et la santé des citoyens.
Fait virtuellement, le 07 août 2020.