A la demande de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission), une mission de promotion des droits de l’homme a été effectuée en République Gabonaise, du 13 au 18 janvier 2014.
Cette mission s’inscrit dans le cadre du mandat de promotion de la Commission, tel que prévu par l’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine). Elle a offert l’occasion pour la Commission et les autorités gabonaises, de poursuivre le dialogue constructif entamé lors de la présentation par l’Etat partie, de son rapport initial et périodique combiné couvrant la période 1986-2012, lors de la 54ème Session ordinaire de la Commission qui s’est tenue du 22 octobre au 5 novembre 2013 au siège à Banjul(Gambie).
La délégation de la Commission conduite par l’Honorable Commissaire Kayitesi Zainabo Sylvie, Présidente de la Commission et Commissaire en charge du suivi de la promotion des droits de l’homme au Gabon, était composée de l’Honorable Commissaire Soyata Maiga, Rapporteure Spéciale sur les droits de la femme en Afrique et Présidente du Groupe de Travail sur les droits des populations/Communautés autochtones ainsi que de Mme Anita Bagona et M. Fred Tamakloe, personnel du Secrétariat de la Commission.
La délégation a eu des échanges fructueux avec plusieurs membres des départements ministériels ayant dans leurs fonctions, la promotion et la protection des droits de l’homme, au premier rang desquels Monsieur le Premier Ministre, S.E. Raymond NDONG SIMA. Elle a en outre rencontré les membres du Parlement, de la Cour de Cassation, les représentants du Parquet, de la Police judiciaire, du Barreau, de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, de la Commission Nationale pour les Réfugiés, des organisations internationales, des professionnels des médias ainsi que des organisations de la société civile y compris les organisations féminines.
La délégation a visité la Prison Centrale de Libreville. Elle a également visité les réalisations de la Fondation Sylvia Bongo Odimba et du Centre de l’ONG « Agir pour le Genre » et a échangé avec les responsables de ces structures sur leurs perspectives ainsi que sur les défis qu’ils rencontrent dans la poursuite de leurs objectifs.
Au cours des différentes rencontres et séances de travail avec les acteurs étatiques et autres acteurs concernés par la question des droits de l’homme, la délégation a eu à échanger sur la situation générale des droits de l’homme au Gabon, avec un accent particulier sur le niveau de protection des droits de certaines couches vulnérables, notamment les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes détenues et les populations autochtones. Cet exercice a pour but d’identifier les bonnes pratiques en la matière, les mesures d'action positive, et le cas échéant, les obstacles quant à l’effectivité de la jouissance par les citoyens de leurs droits.
La délégation tient à féliciter le Gouvernement Gabonais pour la volonté politique réelle dont il fait montre et les efforts qu’il accomplit dans le domaine de la promotion et de la protection des droits humains des populations gabonaises.
Cette volonté s’illustre notamment, à travers l’adoption de plusieurs mesures législatives et institutionnelles ainsi que la conduite de diverses réformes judiciaires, politiques, plans et programmes pertinents ayant un impact positif sur les droits garantis par la Charte africaine et les autres instruments nationaux, régionaux et internationaux des droits de l’homme.
Elle salue le dynamisme et l’engagement des organisations de la société civile gabonaise qui contribuent largement à la promotion et à la protection des droits de l’homme en dépit de la faiblesse souvent constatée dans la mobilisation des ressources financières, matérielles et techniques nécessaires à la réussite et la pérennité de leurs programmes.
Elle se réjouit particulièrement de toutes les initiatives développées par la Fondation de la Première dame, Madame Sylvia Bongo Odimba, qu’elle félicite pour les actions menées en particulier dans le domaine de la protection des veuves et des orphelins au Gabon.
La délégation relève cependant la persistance de plusieurs défis liés notamment à l’insuffisance des budgets alloués au Ministère de la Justice, Garde des Sceaux, des Droits Humains et des Relations avec les Institutions Constitutionnelles et à celui de la Famille et des Affaires Sociales, ce qui a pour effet de limiter l’impact de leurs actions ; l’inefficience et l’insuffisance de l’aide judiciaire ; les problèmes liés à la détention préventive dont les délais sont anormalement longs ; la surpopulation carcérale, l’insuffisance des crédits affectés à la protection de la santé dans les prisons ainsi que l’absence de programmes de réinsertion sociale pour les détenus y compris les femmes et les mineurs ; l’insuffisance du budget de fonctionnement alloué à la Commission nationale des droits de l’homme ; la persistance des crimes dits « rituels », la traite et l’exploitation des enfants, les abus et les violences sexuelles sur les femmes et les enfants ; le faible engagement des femmes gabonaises dans la gestion des affaires politiques ; la persistance des pesanteurs traditionnelles, des rites et pratiques néfastes portant atteinte aux droits des femmes ; la mortalité maternelle et infantile qui restent préoccupantes; le chômage chez les jeunes et les personnes vivant avec handicap ; l’insuffisance d’infrastructures adaptées aux personnes handicapées ; le besoin d’accompagnement par l’Etat des ONG dans leurs activités sur les droits de l’homme.
La Commission présentera un rapport circonstancié sur le déroulement de la mission, ainsi que les échanges qui en ont résulté. Elle formulera à cette occasion des recommandations subséquentes à l’endroit de tous les acteurs rencontrés.
Mais d’ores et déjà, la délégation remercie le Gouvernement du Gabon pour avoir permis à la Commission d’effectuer cette mission et l’encourage à renforcer son engagement, ses programmes, plans et politiques en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme.
Elle invite le Gabon à accélérer le processus de ratification des instruments régionaux et internationaux non encore ratifiés, notamment le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme ; faire la déclaration exigée par l’article 34 (6) du Protocole à la Charte africaine portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes provenant des individus et des ONG.
La délégation invite le Gouvernement à prendre sans délais des mesures fortes en vue de résoudre le problème de détention préventive prolongée ainsi que celui de la surpopulation carcérale.
Elle exhorte le Gouvernement à doter la Commission Nationale des Droits de l’Homme de moyens humains et matériels suffisants en vue de garantir son indépendance et lui permettre de remplir pleinement sa mission.
La délégation exhorte le Gouvernement gabonais à adopter une loi sur le quota afin d’encourager et de faciliter une plus grande représentation des femmes dans la gestion des affaires politiques et publiques.
Aux organisations de la société civile, la délégation recommande qu’elles poursuivent leurs actions de réseautage, de formation et de mobilisation de ressources, en vue de garantir la promotion et la protection des droits de l’homme au Gabon.
A la Communauté internationale, la délégation recommande de continuer d’apporter son soutien aux efforts du Gouvernement gabonais et des organisations de la société civile en termes de ressources financières, matérielles et techniques suffisantes, dans le domaine de la promotion et de la protection des droits humains.
Fait à Libreville, le 18 janvier 2014