Rapporteure spéciale sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique - 79OS

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RAPPORT D’ACTIVITES D’INTERSESSION

DE L’HONORABLE

Commissaire Ourveena Geereesha Topsy-Sonoo 

Présenté à la 79ème Session ordinaire
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples
Banjul, Gambie
14 mai – 03 juin 2024

INTRODUCTION

1.Le présent rapport est présenté conformément aux règles 25(3) et 64 du Règlement intérieur (2020) de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission), et couvre les activités menées au cours de la période d'intersession, comprise entre novembre 2023 et mai 2024.

2.Le rapport s’articule autour de cinq parties.

Partie I :     Activités menée en mes qualités de :

-Membre de la Commission ; 

- Membre du Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique   (Groupe de travail sur la peine de mort).

Partie II :     Activités entreprises en ma qualité de Rapporteure spéciale sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique.

Partie III :     Compte rendu des interventions faites suite à des informations faisant état de violations des droits de l'homme. 

Partie IV :     Le 20ème anniversaire du mécanisme spécial sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique.

Partie V :     Conclusion.

Partie I :     Activités menées en ma qualité de Membre de la Commission            

Mission de promotion au Royaume du Lesotho

3.Du 29 janvier au 2 février 2024, en ma qualité de Commissaire Rapporteur sur la situation des droits de l'homme au Lesotho, j'ai conduit la Mission de promotion au Royaume du Lesotho (Lesotho), en compagnie de l’Honorable Commissaire Dr. Litha Musyimi-Ogana. 

4.Au cours de la mission, la délégation de la Commission a rencontré diverses parties prenantes représentant le Gouvernement, des médias, des OSC, ainsi que d'autres acteurs concernés par la promotion et la protection des droits de l'homme au Lesotho. Elle a également visité l'établissement pénitentiaire de Maseru et la Faculté de droit de l'Université nationale du Lesotho.

5.Je voudrais saisir cette occasion pour remercier le Gouvernement du Royaume du Lesotho pour l’accueil chaleureux et l’hospitalité qui nous ont été réservés, ainsi que pour le dialogue franc et constructif que nous avons eu pendant la mission, et qui a permis à la délégation d’avoir un aperçu assez représentatif de la situation des droits de l'homme dans le pays. Un rapport de la mission sera examiné et adopté par la Commission en temps voulu. 

Participation à la 78ème Session ordinaire privée

6.Du 23 février au 08 mars 2024, j'ai pris part à la 78ème Session ordinaire privée de la Commission, tenue virtuellement, et qui a essentiellement porté sur l’examen d’un certain nombre de Communications, Rapports de mission, Résolutions, Observations finales, Etudes et autres rapports, documents de position, ou encore du Rapport d’intersession du Président et du Rapport de la Secrétaire de la Commission, entre autres. 

Activités entreprises en qualité de Membre du Groupe de Travail sur la Peine de mort en Afrique

7.Au cours de la période considérée, je n'ai participé à aucune activité relevant de ma qualité membre du Groupe de travail sur la peine de mort.

Partie II :     Activités entreprises en tant que Rapporteure spéciale sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique

8.Les activités suivantes ont été menées en ma qualité de Rapporteure spécial sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique (Rapporteur spécial).

Évaluation du Programme du HCDH sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes

9.Le 5 février 2024, j'ai participé à un entretien axé sur l'évaluation du programme du HCDH intitulé « Campagne mondiale pour la liberté des médias et la sécurité des journalistes », au cours duquel j'ai présenté les perspectives de la Commission et du mécanisme spécial sur les questions de la liberté des médias et de la sécurité des journalistes. En outre, j'ai proposé un certain nombre de recommandations, y compris l'appel à une collaboration renforcée entre le HCDH et le mécanisme spécial de la Commission sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique.

Participation au Forum sur les droits et l'inclusion numériques  

10.Du 23 au 25 avril 2024, j'ai pris part au Forum sur les droits numériques et l'inclusion (DRIF), qui s'est tenu à Accra, au Ghana.  Le DRIF est une plateforme où se tiennent des échanges sur la politique numérique en Afrique et où sont débattues les orientations politiques. Ce forum important est axé principalement sur les questions liées à la vie privée, à l'accès à Internet à faible coût, à l'amélioration de l'accès des femmes aux outils numériques, à la surveillance de la santé dans le contexte de la COVID-19, aux coupures d'internet, entre autres.

11.A cette occasion,  j'ai participé au panel de la cérémonie d'ouverture au cours duquel j'ai partagé mes réflexions sur le travail accompli jusqu’ici par la Commission en matière de promotion de la liberté d'expression, en mettant l'accent sur les droits numériques et la liberté de l'Internet.  En outre, j'ai prononcé le discours principal lors d'un panel sur la Convention de l'Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel, plus connue sous le nom de « Convention de Malabo ». Le thème du panel était « Malabo à 10 ans : Réflexions sur la Convention au regard des droits de l'homme en Afrique 10 ans après », notant les développements qui se sont produits depuis l'adoption de la Convention en 2014, et eu égard à son entrée en vigueur l'année dernière suite à la ratification par le 15e État partie. 

1er Forum conjoint des Mécanismes spéciaux de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples

12.Du 25 au 27 avril 2024, j'ai participé à la première édition du Forum conjoint des Mécanismes spéciaux de la Commission, tenue à Dakar, au Sénégal.  Le thème de cette édition, « Faire progresser la protection et la promotion des droits de l'homme en Afrique :  Renforcer les engagements, surmonter les défis et renforcer les opportunités », a servi de tribune aux mécanismes spéciaux pour se réunir, avec divers partenaires de la Commission et des parties prenantes dans le système africain des droits de l'homme, pour présenter leur travail et mettre en exergue leur interdépendance, ainsi que les problématiques/enjeux transversaux qui les interpellent, mais également pour partager des idées et développer des approches globales face aux questions des droits de l'homme qui transcendent leurs différents mandats.

13.Le Forum s'est penché sur les questions thématiques telles que l'état de la ratification des instruments relatifs aux droits de l'homme et l'avancement de la protection et de la promotion des droits de l'homme et des peuples dans le cadre de l'UA. Il a également été tenu un dialogue interactif sur les instruments juridiques non contraignants (soft laws) et la jurisprudence de la Commission et leur impact.  

Collaboration à la Déclaration conjointe sur la crise climatique et la liberté d'expression

14.Pendant l'intersession, j'ai apporté ma contribution à l'élaboration d'une Déclaration conjointe et participé à une série de réunions en ligne en collaboration avec les autres mécanismes spéciaux sur la liberté d'expression, en l’occurrence,  le Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d'opinion et d'expression, le Représentant de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe sur la liberté des médias , et le Rapporteur spécial de l'Organisation des États américains sur la liberté d'expression.

15.Le document issu de cette collaboration, à savoir la Déclaration conjointe sur la crise climatique et la liberté d'expression, a été publié le 3 mai 2024 à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse et peut être consulté sur le site – https://www.osce.org/representative-on-freedom-of-media/567968 

16.En outre, je suis intervenu virtuellement lors du lancement de la Déclaration conjointe, qui a eu lieu à Santiago, au Chili, le vendredi 3 mai.

Réunion d’experts sur la validation de l'Etude sur les droits de l'homme et des peuples et l'intelligence artificielle (IA), la robotique et d'autres technologies nouvelles et émergentes en Afrique

17.Les 02 et 03 mai 2024, j'ai participé virtuellement à une Réunion d'experts sur la validation de l'Etude sur les droits de l'homme et des peuples et l'intelligence artificielle (IA), la robotique et d'autres technologies nouvelles et émergentes en Afrique. La réunion s'est tenue à Nairobi, Kenya sur convocation de l’Honorable Commissaire Solomon Dersso, Point focal de la Commission en charge de l’Etude, 

18.Cette réunion a été organisée en application de la résolution CADHP/Res. 473 (EXT.OS/ XXXI) 2021 qui a reconnu la nécessité d'entreprendre une Etude sur les droits de l'homme et des peuples et l'intelligence artificielle, la robotique et d'autres technologies nouvelles et émergentes en Afrique. L'étude a pour objet de contribuer à l'élaboration de lignes directrices et de normes qui traiteront des questions relatives aux technologies de l'IA, à la robotique et à d'autres technologies nouvelles et émergentes, ainsi que leur impact sur les droits de l'homme en Afrique.

Partie III :     Compte rendu des interventions faites suite à des informations faisant état de violations des droits de l’homme 

19.Dans le cadre de mon mandat consistant à « faire des interventions publiques lorsque des violations du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information sont portées à l’attention du mécanisme, notamment en faisant des déclarations publiques, en publiant des communiqués de presse et en envoyant des lettres d’appel aux États membres pour leur demander des précisions  », j'ai procédé aux interventions suivantes en ma qualité de Rapporteur spécial. 

-Lettres

Lettre conjointe à la République du Sénégal concernant des informations faisant état d'une coupure d'Internet en République du Sénégal

20.Le 12 février 2024, une Lettre conjointe d'appel urgent rédigée en collaboration avec la Commissaire Rapporteure chargée du suivi de la situation des droits de l'homme en République du Sénégal a été adressée à Son Excellence Monsieur Macky Sall, Président de la République du Sénégal, suite à des informations faisant état d’une coupure d'Internet en République du Sénégal, qui a commencé le dimanche 4 février 2024 et s'est répétée le 13 février 2024.

21.La lettre, entre autres, demandait des éclaircissements sur les informations concernant cette coupure d'Internet au Sénégal, rappelait les droits consacrés par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et la Déclaration de principes sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique, tout en soulignant l'importance d'Internet pour faire progresser les droits de l'homme et des peuples en Afrique. 

Lettre d'appel conjointe concernant les allégations de menaces à l'encontre du journaliste d'investigation malawien M. Gregory Gondwe

22.Le 26 février 2024, j'ai participé, conjointement avec le Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l'homme et Point focal sur les représailles et le Commissaire Rapporteur chargé du suivi de la situation des droits de l'homme en République du Malawi, à l’envoi d’une lettre d'appel urgent en réaction à des informations faisant état d’une escalade des menaces l’encontre de M. Gregory Gondwe, un journaliste d'investigation travaillant au Malawi.

23.Dans la lettre, des éclaircissements ont été demandés à propos des menaces dont serait l’objet M. Gregory Gondwe, tout en réaffirmant le rôle indispensable des médias en tant que quatrième pouvoir, en particulier, et la nécessité de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer aux journalistes et autres professionnels des médias un environnement propice à la libre expression sans ingérence indue ou crainte de représailles, de la part d'acteurs étatiques ou non étatiques . 

Lettre d'appel conjointe concernant la panne d'internet en République du Soudan 

24.Le 28 février 2024, j'ai participé à l'envoi d'une lettre d'appel à la République du Soudan, conjointement avec le Rapporteur pour la République du Soudan, suite à des informations selon lesquelles depuis le 4 février 2024, les services de communication avaient été interrompus dans toutes les régions du Soudan, du fait de perturbations causées par les trois principaux opérateurs Internet aux mains des Forces de soutien rapide (RSF).  La lettre demandait des éclaircissements sur la véracité des allégations, tout en appellant le gouvernement à mener des enquêtes rapides, impartiales et efficaces sur ces allégations et à veiller à ce que les auteurs répondent de leurs actes.

-Communiqués de presse

Communiqué de presse sur les Lettres d'appel aux Républiques du Sénégal et du Soudan 

25.Le 12 février et le 1er mars 2024, des communiqués de presse ont été publiés pour informer le grand public des lettres d'appel urgent conjointes adressées aux gouvernements du Sénégal et du Soudan. Ces communiqués peuvent être consultés sur la page web de la Commission. 

Déclaration commémorant la Journée mondiale de la liberté de la presse 03 mai 2024

26.En commémoration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée chaque année le 3 mai 2024, un communiqué de presse a été publié sur le thème suivant :  « Une presse pour la planète : le journalisme face à la crise environnementale », soulignant l'importance du journalisme et de la liberté d'expression dans le contexte de la crise environnementale mondiale actuelle. 

27.Ce communiqué peut être consulté sur la page web de la Commission. 
https://achpr.au.int/en/news/press-releases/2024-05-03/media-press-free…

Partie IV :     20ème anniversaire du Mécanisme spécial sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique

28.Comme vous le savez, l'année 2024 marque le 20ème anniversaire de la création par la Commission du mécanisme spécial chargé de surveiller les droits à la liberté d'expression et à l'accès à l'information en Afrique. Les points qui suivent résument brièvement la genèse du mandat du mécanisme, ainsi que ses réalisations et les défis auxquels il a été confronté au cours des vingt dernières années.  

29.Le processus de création du mécanisme du Rapporteur spécial sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique a commencé avec l'adoption de la Résolution sur la liberté d'expression lors de la 29ème Session ordinaire tenue en mai 2001, par laquelle la Commission mettait en place un Groupe de travail chargé d'élaborer un document juridique non contraignant qui préciserait la portée et le contenu de l'article 9 de la Charte africaine.  En outre, le Groupe de travail a été chargé de proposer un mécanisme approprié pour superviser la mise en œuvre des dispositions dudit document.  Un an plus tard, en octobre 2002, la Commission a adopté la Déclaration de principes sur la liberté d'expression en Afrique.

30.Suite à l'adoption de cette Déclaration, la décision susvisée de la Commission de mettre en place un mécanisme approprié pour superviser la mise en œuvre de l’instrument juridique non contraignant, et par extension de l'article 9 de la Charte africaine, a été matérialisée par la désignation d'un « point focal » au sein de la Commission à cette fin. En 2004, le poste de "point focal" sur la liberté d'expression a été transformé en « Rapporteur spécial sur la liberté d'expression », chargé d’assurer le suivi du respect des normes en matière de liberté d'expression, d'enquêter sur les violations et de formuler des recommandations appropriées à la Commission.

31.Par la suite, le mécanisme a été élargi pour inclure l'accès à l'information, par l'adoption de la Résolution sur le renouvellement et l'élargissement du mandat de la Rapporteure spéciale sur la Liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique, au cours de la 42ème Session ordinaire tenue en novembre 2007.

32.Dans cette résolution, la Commission avait décidé que le mandat du « Rapporteur spécial sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique » devrait être le suivant :

analyser la législation, les politiques et la pratique nationales sur les médias au sein des Etats membres, de contrôler leur conformité avec les normes en matière de liberté d’expression et d’accès à l’information, en général, et la Déclaration de Principes sur la Liberté d’Expression en Afrique, en particulier, et de donner aux Etats membres des avis sur la question;
effectuer des missions d’établissement des faits dans les Etats membres d’où proviennent des informations faisant état de violations systématiques du droit à la liberté d’expression et de déni de l’accès à l’information communiquées à la Rapporteure spéciale et de faire les recommandations appropriées à la Commission africaine;
effectuer des missions de promotion dans les pays et d’entreprendre toute autre activité susceptible de renforcer la pleine jouissance de la liberté d’expression et la promotion de l’accès à l’information en Afrique ;
faire des interventions publiques lorsque des violations du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information ont été portées à son attention, notamment en publiant des déclarations publiques, des communiqués de presse et en envoyant des appels aux Etats membres pour demander des éclaircissements :
relever systématiquement les violations du droit à la liberté d’expression et les cas de déni d’accès à l’information et les mentionner dans ses rapports à la Commission africaine ; et
soumettre des rapports à chaque Session ordinaire de la Commission africaine sur la situation en matière de respect du droit à la liberté d’expression et de l’accès à l’information en Afrique.

Réalisations du Mécanisme spécial sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique

33.Le Rapporteur spécial a accompli des progrès notables en ce qui concerne la protection et la promotion de la liberté d'expression et de l'accès à l'information en Afrique. Ce qui suit est une compilation de ses principales réalisations.

Adoption d’instruments juridiques non contraignants relatifs à la liberté d'expression et à l'accès à l'information

34.Conformément à l'article 45(1)(b) de la Charte africaine, qui donne mandat à la Commission africaine « de formuler et élaborer, en vue de servir de base à l'adoption de textes législatifs par les gouvernements africains, des principes et règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de l'homme et des peuples et des libertés fondamentales », le mécanisme spécial, en collaboration avec ses partenaires, a entrepris d’élaborer d'un certain nombre d’instruments non contraignants visant à faire mieux comprendre l'article 9 de la Charte africaine.    

35.En conséquence, après un processus large et participatif, la Commission a adopté les instruments juridiques non contraignants suivants :

La Loi type pour l'Afrique sur l'accès à l'information, adoptée par la Commission lors de sa 53ème session ordinaire en avril 2013, qui fournit un ensemble détaillé de dispositions incorporant les normes internationales, régionales ou sous-régionales sur le droit d'accès à l'information. La loi type a été élaborée pour faciliter l'adoption d'une législation nationale sur l'accès à l'information par les États africains.  Depuis l'adoption de la Loi type, davantage de pays ont adopté des lois sur l'accès à l'information.  En octobre 2023, les vingt-sept (27) pays avaient adopté de telles lois, à savoir  l’Afrique du Sud, l’Angola, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, l’Éthiopie, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Kenya, le Libéria, le Malawi, le Maroc, le Mozambique, la Namibie, le Nigeria, le Niger, l’Ouganda, le Rwanda, les Seychelles, le Soudan du Sud, la Sierra Leone, le Soudan, la Tanzanie, le Togo, la Tunisie et le Zimbabwe. Cela représente environ la moitié des cinquante-cinq (55) pays du continent.

Les Lignes directrices sur l'accès à l'information et les élections en Afrique, adoptées par la Commission lors de sa 61ème session ordinaire en novembre 2017, à la lumière de l'importance du droit d'accès à l'information pour la création d'un environnement propice à des élections libres, équitables et transparentes. Ces Lignes directrices découlent également de l’absence constatée d’une norme régionale sur la place de l'accès à l'information dans le processus électoral en tant que moyen de garantir la crédibilité des élections. Cet instrument précise les informations qui devraient être divulguées de manière proactive par tous les acteurs des processus électoraux, notamment les partis politiques, les missions d'observation des élections, les médias, etc. 

La Déclaration de principes sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique, adoptée par la Commission lors de sa 65ème session ordinaire en novembre 2019, a été adoptée pour mettre à jour les principes énoncés dans la Déclaration de principes sur la liberté d'expression adoptée par la Commission en 2002. Aussi, la Déclaration révisée affirme les principes d'ancrage du droit à la liberté d'expression, élargit les principes relatifs au droit d'accès à l'information et inclut des principes liés à l'ère de l'internet.

36.Je profite de l’occasion pour encourager toutes les parties prenantes de la Commission, notamment les États parties, les INDH, les OSC, entre autres, à se familiariser avec ces documents non contraignants et à en tirer profit, d’autant qu’ils ont été mis au point dans le but de faciliter la promotion et la protection des droits à la liberté d'expression et à l'accès à l'information en Afrique.

Lettres d’appel urgent

37.Un aspect crucial du mandat du mécanisme spécial consiste à faire des interventions en cas d’informations reçues faisant état de violations du droit à la liberté d'expression et à l'accès à l'information, qui sont portées à l'attention du Rapporteur spécial. Ces interventions prennent généralement la forme de lettres d'appel urgent, adressées au gouvernement de l'État partie concerné, où la violation aurait été commise. En règle générale, ces lettres expriment des préoccupations sur les allégations reçues, demandent au gouvernement d'agir et l'exhortent à prendre des mesures propres à assurer la protection des victimes, ou encore à enquêter sur les violations et à veiller à ce que les auteurs répondent de leurs actes.

38.Si les lettres d’appel urgent constituent un bon moyen d'intervention lorsque des violations du droit à la liberté d'expression sont portées à l'attention du Rapporteur spécial, il est à noter que la majorité des États parties n’y répondent pas, ce qui limite considérablement la capacité du Rapporteur spécial à aller plus loin en ce qui concerne les violations alléguées.

Résolutions

39.Une autre méthode utilisée par le Rapporteur spécial pour sensibiliser à la liberté d'expression et à l'accès à l'information consiste à proposer des résolutions pour adoption lors des sessions de la Commission. Au cours de son mandat, plusieurs Résolutions ont été adoptées qui mettent en lumière des questions thématiques spécifiques, et parfois concernant un pays, en lien avec l'article 9 de la Charte africaine.  À titre d'exemple, les résolutions suivantes ont été adoptées :  Résolution 221 sur les attaques perpétrées contre des journalistes et des professionnels des médias en République Fédérale de Somalie, adoptée lors de la 51ème  Session ordinaire tenue en mai 2012 ;  Résolution 522 sur la protection des femmes contre la violence numérique en Afrique,  adoptée lors de la 72ème  session ordinaire en août 2022 ; et Résolution 580 sur les coupures d'Internet et les élections en Afrique, adoptée lors de la 78ème  session ordinaire privée en mars 2024. 

40.Ces résolutions peuvent être consultées sur la page web de la Commission. 

Coopération et collaboration avec d’autres Rapporteurs sur la liberté d'expression à travers le monde

41.Depuis 2006, le mécanisme spécial de la Commission collabore avec les autres rapporteurs spéciaux sur la liberté d'expression, notamment le Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, le Représentant de l'OSCE pour la liberté des médias et le Rapporteur spécial de l'OEA sur la liberté d'expression, en particulier par la publication de déclarations conjointes en commémoration de la Journée mondiale de la liberté de la presse.

42.Ces déclarations, publiées chaque année, mettent l’accent sur divers sujets de préoccupation liés à la liberté d'expression et à l'accès à l'information, et proposent des recommandations à l’intention des États.

43.Une compilation de toutes les déclarations conjointes publiées par les mécanismes spéciaux peut être consultée sur le site  https://www.osce.org/fom/66176 

Défis

44.A la lumière de ce qui précède, on peut constater que le mécanisme a réalisé de nombreux progrès concernant la promotion et la protection de la liberté d'expression et de l'accès à l'information en Afrique. Cependant, un certain nombre de défis ont été observés au fil des ans, lesquels ont un impact sur la promotion et la protection efficaces de ces droits.  Voici quelques-uns des défis qui sont notés :   

-Le manque de vulgarisation par les Etats parties des documents/instruments juridiques non contraignants relatifs à la liberté d'expression et à l'accès à l'information adoptés par la Commission, tels que mentionnés ci-dessus, ce qui a un impact sur leur efficacité au niveau national.
-L'existence de lois draconiennes qui ont un effet négatif sur les droits consacrés par l'article 9 de la Charte africaine, notamment des dispositions pénalisant la calomnie et la diffamation dans la législation nationale de certains États parties, malgré les appels répétés du mécanisme spécial à la dépénalisation de ces infractions.
-La lenteur du processus de promulgation des lois sur l'accès à l'information par les États parties, avec dans certains cas des projets de loi visant à consacrer ce droit qui languissent au Parlement depuis très longtemps.  
-L’insuffisance des ressources allouées à la mise en œuvre de l'accès à l'information, en particulier pour le fonctionnement efficace des mécanismes de surveillance établis pour contrôler le respect et assurer la protection du droit d'accès à l'information.
-La recrudescence des violations en ligne des droits consacrés par l'article 9 de la Charte africaine, ciblant en particulier des groupes spécifiques tels que les femmes, les journalistes, les défenseurs des droits de l'homme, entre autres.
-Le nombre croissant de coupures d'internet et des médias sociaux, avec une tendance notable aux restrictions pendant les périodes électorales.
-La persistance des attaques contre les journalistes et autres professionnels des médias, à la fois en ligne et hors ligne, les arrestations et détentions arbitraires, entre autres, ainsi que l'absence d'obligation de rendre des comptes pour les violations de leurs droits.
-L'absence de réponses des États parties aux lettres d'appel du Rapporteur spécial, ce qui nuit à l'efficacité du suivi de la situation de la liberté d'expression et de l'accès à l'information en Afrique.
-Le manque d'informations complètes sur la promotion et la protection de la liberté d'expression et de l'accès à l'information dans les Rapports périodiques soumis par les États parties à la Commission.
-La non-présentation systématique de rapports parallèles par les Institutions nationales des droits de l'homme et les ONG sur les questions liées à la liberté d'expression et à l'accès à l'information. De tels rapports fourniraient des informations cruciales dont le mécanisme spécial ne dispose pas lors de l'examen des Rapports périodiques des États et de la formulation des recommandations qui s'ensuivent.
-Le manque de diversité des médias dans certains États parties, entre autres.

45.Cette liste de défis, observés par le mécanisme spécial, est loin d'être exhaustive. Il est impératif de mettre en œuvre des mesures concertées pour remédier à ces défis afin d'assurer la réalisation effective de la liberté d'expression et de l'accès à l'information en Afrique.

Partie V :     Conclusion

46.Ce rapport a donné un aperçu général du travail accompli dans le cadre du mandat du Rapporteur spécial depuis la création du mécanisme spécial il y a vingt ans. Il a également mis en lumière les différents défis auxquels le mécanisme est confronté. 

47.Malgré les divers défis qui entravent la réalisation effective de la liberté d'expression et de l'accès à l'information en Afrique, le mécanisme spécial a su accomplir de grands progrès dans l'exécution de son mandat. Ce résultat est attribuable en grande partie aux efforts des différentes parties prenantes, aux niveaux local, national et international, qui ont eu à apporter leur soutien et leur contribution au mandat, aux projets et aux initiatives du mécanisme au fil des ans. En conséquence, le présent rapport est l'occasion d'exprimer notre sincère gratitude aux infatigables défenseurs de la liberté d'expression et de l'accès à l'information qui collaborent avec le mécanisme spécial. 

48.Il convient également de rendre hommage à nos prédécesseurs pour les contributions importantes qu'ils ont apportées à la promotion et à la protection des droits consacrés par l'article 9 de la Charte africaine, notamment les anciens Commissaires Andrew Chigovera, Pansy Tlakula, Lawrence Mute et Jamesina King. Je tiens à les remercier pour leur rôle dans les immenses progrès réalisés par le mécanisme au cours des vingt dernières années.  

49.Il est à espérer que ce 20ème anniversaire du mécanisme sera l'occasion de renouveler l'engagement en faveur de la promotion et de la protection de la liberté d'expression et de l'accès à l'information en Afrique.

50.Je vous remercie de votre attention.

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