Pansy Tlakula: Liberte d’expression et l’acces a l’information en afrique

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RAPPORT D’ACTIVITES

DE

LA RAPPORTEURE SPECIALE SUR LA LIBERTE D’EXPRESSION ET L’ACCES A L’INFORMATION EN AFRIQUE

 

Par Me Pansy Tlakula

 

Présenté à la 48ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples

 

         Banjul, Gambie, du 10 au 24 novembre 2010



 

Introduction 

1.      Le présent Rapport expose les activités menées par la Rapporteure spéciale sur la Liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique (la Rapporteure spéciale) durant la période d’intersession de mai 2010 à novembre 2010.

2.      Ce Mécanisme spécial a été établi lors de la 36ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) tenue à Dakar, Sénégal, du 23 novembre au 5 décembre 2004.

3.      La Commissaire Pansy Tlakula a été nommée Rapporteure spéciale lors de la 38ème Session ordinaire de la Commission africaine tenue à Banjul, Gambie, du 21 novembre au 5 décembre 2005. Elle a été reconduite lors de sa 42ème Session ordinaire tenue à Brazzaville, République du Congo, et de sa 46ème Session ordinaire tenue à Banjul, Gambie. 

4.      Les informations générales et les informations relatives aux Termes de référence de la Rapporteure spéciale se trouvent dans la Résolution portant création de son mandat et dans ses rapports antérieurs accessibles sur www.achpr.org.

5.      Selon le schéma suivi précédemment, le présent Rapport est divisé en cinq parties : La Première Partie porte sur les activités de la Rapporteure spéciale pendant la période considérée ; laDeuxième Partie donne un aperçu du statut de l’adoption d’une législation sur l’accès à l’information en Afrique ; la Troisième Partie porte sur la situation de la liberté d’expression et de l’accès à l’information sur le continent durant la période considérée ; la Quatrième Partie présente les défis auxquels est confrontée la Rapporteure spéciale dans l’exécution de son mandat et la Cinquième Partie présente les conclusions et les recommandations de la Rapporteure spéciale. 

PREMIERE PARTIE          

Activités menées pendant la période considérée

6.      Les activités de la Rapporteure spéciale durant la période couverte par le Rapport se divisent en deux sections : La Première section porte sur les séances d’information/consultation, les ateliers et les réunions auxquelles a participé la Rapporteure spéciale. Dans la Deuxième section, elle fait état des lettres d’appel qu’elle a adressées aux Etats parties à la Charte africaine (ci-après les Etats parties) sur la situation de la liberté d’expression et de l’accès à l’information qui ont été portées à son attention. 

Première Section 

Séances d’information, ateliers et réunions

 

Séance d’information/consultation au Congrès mondial de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) à Cadiz, Espagne 

7.      Du 25 au 28 mai 2010, la Rapporteure spéciale a participé à une Discussion d’experts sur le thème « Droits de l’homme et journalisme » au Congrès mondial de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) à Cadiz, Espagne.

8.      Pendant la Discussion d’experts, elle a parlé du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, eu égard en particulier à la manière dont ils sont promus et protégé en vertu de la Charteafricaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine)  et du rôle de la Commission africaine et de la Déclaration sur les principes de la liberté d’expression en Afrique (la Déclaration).

2ème congrès mondial des éducateurs de journalisme et Conférence High Way Africa 2010

9.      Le 5 juillet 2010, la Rapporteure spéciale a participé au 2ème Congrès mondial des éducateurs de journalisme et à la Conférence High Way 2010 à Grahamstown, Afrique du Sud où elle est intervenue sur le thème « Compréhension du mandat du Rapporteur spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique : un mode de plaidoyer efficace pour les journalistes en Afrique ».

10. Dans son intervention, elle a donné une idée générale de son mandat en qualité de Rapporteure spéciale et déclaré que la liberté d’expression et l’accès à l’information sont d’importants outils pour l’efficacité du journalisme. 

11. Elle a également rappelé la décision du Tribunal de la CEDEAO dans l'affaire Chief Ebrima Manneh qui reflète le rôle des tribunaux sous-régionaux dans la promotion du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information en Afrique. Elle a également fait une brève présentation des droits des Lesbiennes, Gays, Bi-, Trans- et Intersexuels (LGBTI) en tant que question émergente de la liberté d’expression et de la liberté d’association et sur la nécessité d’inclure la liberté d’expression et l’accès à l’information dans les programmes des écoles de journalisme.

Séminaire sur les médias et les élections dans la SADC – défis et opportunités

 12. Du 19 au 24 juillet 2010, la Rapporteure spéciale a participé à un séminaire sur les Médias et les élections dans la SADC- défis et opportunités, organisé par le Forum de la Commission électorale de la SADC.

 13. Elle a fait une présentation sur le thème « Etat de la ratification de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance dans la région de la SADC ».

Séance d’information sur les litiges liés à la liberté de l’information

14. Du 16 au 18 août 2010, la Rapporteure spéciale a participé à une réunion sur les litiges liés à la liberté de l’information à Nairobi, Kenya. Elle y a fait une présentation sur le thème « Rôle et mandat de la Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique ».

15. Dans sa présentation, elle a expliqué l’Article Article 9 de la Charte africaine qui a trait aux droits à la liberté d’expression et à l’accès à l’information et la Déclaration qui développe l’Article 9. Elle a également mentionné diverses Résolutions adoptées par la Commission africaine relativement à la liberté d’expression et à l’accès à l’information en Afrique depuis 2006.

Sommet « Open Government Policy”

16. Du 30 août au 2 septembre 2010, la Rapporteure spéciale a participé au Sommet “Open Government Policy” organisé par L’Etat de Rivers à Port Harcourt, Nigeria. Elle y a fait une présentation sur le thème « Rôle et mandat de la Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique ». 

Lancement de la campagne “Right to Know”

17. Le 15 septembre 2010, la Rapporteure spéciale a participé à la Campagne Right to Know (Campagne pour le droit à l'information), organisée par le Freedom of Expression Institute (FXI) de Johannesburg, Afrique du Sud. Elle y a fait une présentative sur le thème « Perspectives régionales en matière de liberté d’expression et d’ accès à l’information ».

18. Tout en expliquant l’Article 9 de la Charte africaine comme fondement juridique de la protection et de la promotion du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, y compris de la Déclaration, elle a également exposé son Plan d'action visant à la réalisation de ces droits sur le continent. Elle a notamment déclaré qu’elle exerce des pressions sur les Etats parties pour leur faire adopter des lois sur l’accès à l’information.

Atelier régional de formation aux médias et aux élections à l’intention de journalistes chevronnés d’Afrique de l’Est et Australe

 19. Le 28 septembre 2010, la Rapporteure spéciale a participé à un Atelier régional de formation sur les médias et les élections à l’intention de journalistes chevronnés d’Afrique de l’Est et du Centre, organisé par le PNUD. Elle y a fait une présentation sur le thème « Liberté d’expression et accès à l’information : un pré-requis pour des élections démocratiques en Afrique ».

 20. La Rapporteure spéciale a fait observer que des élections libres et équitables et les droits de l’homme sont des principes cardinaux de la démocratie et qu’ainsi la réalisation pratique du droit à l’information requiert que soient mises en œuvre des garanties constitutionnelles dans le cadre de régimes législatifs détaillés.

 Réunion d’experts sur la rédaction d’un modèle de loi sur la liberté de l’information en Afrique

 21.  Du 29 au 31 octobre 2010, la Rapporteure spéciale a participé à une réunion d’experts sur la rédaction d’un modèle de loi sur la liberté de l’information en Afrique.

 22. Le Centre for Human Rights de l’Université de Pretoria a organisé l’atelier en collaboration avec la Rapporteure spéciale et Open Society Justice Initiative (OSJI).

 23. A la fin de la réunion, des Principes et des Lignes directrices devant être intégrés dans le modèle de Loi ont été adoptés et un Comité de rédaction a été établi pour initier le processus de rédaction. Il est à souhaiter que le modèle de loi sera adopté par la Commission africaine en 2011.

 Réunion de réflexion sur le renforcement de la liberté d’expression en vertu du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP)

24. Le 12 novembre 2010, la Rapporteure spéciale a participé à une réunion de réflexion sur le renforcement de la liberté d’expression en vertu du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), organisé par Article 19, en collaboration avec son mandat. 

25. La réunion avait trois objectifs principaux : renforcer la coopération et les relations de travail entre le mandat de la Rapporteure spéciale et le MAEP, assurer que les questions liées à la liberté d’expression et à l’accès à l’information soient intégrées dans le Questionnaire et les Indicateurs du MAEP  et renforcer la coopération entre la Commission africaine et le MAEP.

26. Les Procédures du MAEP ont également été étudiées pendant la réunion, y compris la cinquième et dernière étape. Ces étapes imposent que, quand les Chefs d'Etat et de Gouvernement des pays participants ont examiné le rapport du MAEP, celui-ci soit formellement et publiquement publié dans les principales structures régionales et sous-régionales comme le Parlement panafricain, la Commission africaine, le Conseil de paix et de sécurité envisagé et le Conseil économique, social et culturel de l’Union africaine (UA) 

27. Un certain nombre de recommandations ont émané de la réunion. Il s’agit notamment que :

·         La coopération entre le MAEP et la Commission africaine soit institutionnalisée ;

·         Le Secrétariat du MAEP fasse référence aux instruments de l’UA comme la Déclaration et les organismes avec lesquels ces deux mécanismes peuvent travailler ;

·         Une personne focale soit nommée au sein de la Commission africaine pour coordonner les activités de cette dernière et celles du MAEP ;

·         Une complémentarité soit établie entre les rapports de la Commission africaine et ceux du MAEP. A titre d’exemple, les rapports des missions de promotion de la Commission africaine devraient constituer l’un des éléments des revues de pays par le MAEP ;

·         Une coopération devrait être instaurée entre toutes les institutions qui ont un mandat des droits de l'homme en général et, spécifiquement, celles ayant un mandat de promotion et de protection du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information ;

·         Les actions de la société civile ayant trait au droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information devraient être prises en compte par le MAEP ;

·         Des lignes directrices sur la liberté d’expression et l’accès à l’information devraient être incluses dans la revue du MAEP ;

·         La société civile et les professionnels des médias devraient être associés au processus du MAEP.

Deuxième Section 

Appels

 28. Conformément à son mandat de « faire des interventions publiques quand des violations du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information ont été portées à son attention, y compris en faisant des déclarations publiques, en publiant des communiqués de presse et en adressant des appels aux Etats membres pour leur demandes des précisions », la Rapporteure spéciale a adressé des lettres d’appel à la République de Zambie, à la République du Rwanda et à la République d’Afrique du Sud.

 Zambie

 29.  Le 9 juin 2010, la Rapporteure spéciale a reçu des rapports sur la mise en accusation et la condamnation de M. Fred M'membe, rédacteur en chef du journal zambien The Post. Il était allégué que M. M'membe avait été jugé coupable, le 5 juin 2010,  « d’outrage au tribunal » et condamné à une peine de quatre mois de prison assortie de travaux forcés. Son journal avait également été déclaré coupable d’outrage pour avoir publié une page en regard de l’éditorial sur la poursuite du Rédacteur en chef de The Post pour avoir diffusé des « obscénités ».

 30. Les rapports alléguaient que ledit Rédacteur avait envoyé deux photographies d’une femme en train d’accoucher dans la rue du Ministre de la Santé de Zambie. Bien que les photos n’aient pas été publiées, en déclarant M. M’membe coupable, le magistrat a considéré que la publication de la page en regard de l’éditorial constituait un « outrage au tribunal » puisque la question de savoir si les photographies étaient ou non obscènes n’avait pas encore été déterminée par le tribunal. Selon les rapports, en jugeant M. M’mbembe coupable, le tribunal s’est fondé sur la Section 116(1)() (d) du Code pénal zambien qui sanctionne les propos ou les écrits susceptibles de porter préjudice à l’opinion concernant les poursuites judiciaires en cours.

 31. Dans la lettre d’appel transmise au Président de la République de Zambie, Son Excellence Rupiah Banda, le 9 juin 2010, la Rapporteure spéciale a exprimé sa préoccupation sur le fait que la Section 116 (1) (d) du Code pénal de Zambie, invoquée pour condamner M. M’membe, est incompatible avec les garanties régionales et internationales de la liberté d’expression énoncées dans la Charte africaine, la Déclaration et les autres instruments des droits de l’homme auxquels la Zambie est partie. Elle a appelé le Président de Zambie à abroger cette loi et à l’aligner sur les normes internationales. Elle a également appelé le Président de la République à faire usage de sa prérogative de pardon en faveur de M. M’membe.

 32. La Rapporteure spéciale prend note qu’elle n’a encore reçu aucune réponse de la République de Zambie eu égard à son appel.

 Rwanda

 33. Le 26 juillet 2010, la Rapporteure spéciale a envoyé une lettre au Président du Rwanda, Paul Kagame, concernant l’allégation d’assassinat de M. Jean-Léonard Rugambage, Rédacteur en chef par intérim du journal rwandais Umuvugizi.

 34. Selon les allégations reçues par la Rapporteure spéciale le 24 juin 2010, M. Jean-Léonard Rugambage aurait été brutalement assassiné devant chez lui. Avant son assassinat, M. Rugambage aurait rapporté à des amis et à des collègues qu'il était suivi et qu'il avait reçu des menaces téléphoniques. Selon ces rapports, M. Jean-Bosco Gasasira, Rédacteur en exil d’Umuvugizi, avait confié à la Voix de l’Amérique qu’il pensait que cet assassinat était une mesure de représailles à l’encontre d’un article récemment publié et alléguant de l’implication du gouvernement dans le meurtre par fusillade d’un ancien commandant de l’armée rwandaise en Afrique du Sud.

 35. Selon ces rapports encore, M. Rugambage avait été journaliste reporter du défunt tabloïde Umuco avant de rejoindre le journal Umuvugizi et il avait passé 11 mois en prison après avoir écrit un article alléguant de mauvaise administration de la justice et de subornation de témoins les tribunaux traditionnels du Rwanda envers les suspects du génocide de 1994. Il était également rapporté que le droit de publication du journal Umuvugizi avait été suspendu par le Haut Conseil rwandais des médias en avril 2010 et que son site Web était inaccessible aux habitants du pays quand il était passé en ligne.

 36. Dans sa lettre d’appel au Président du Rwanda, le 26 juillet 2010, la Rapporteure spéciale a rappelé les Principes I (1) et II de la Déclaration qui déclarent que la liberté d’expression et d’information, « est un droit fondamental et inaliénable et un élément indispensable de la démocratie » et que « Toute restriction à la liberté d’expression doit être imposée par la loi, servir un objectif légitime et être nécessaire dans une société démocratique ».

 37. Elle a également mentionné le Principe XI (1) et (2) de la Déclaration qui dispose que :

 1.       Les attaques telles que le meurtre, le kidnapping, l’intimidation et la menace contre des journalistes ou d’autres personnes exerçant leur droit à la liberté d’expression ainsi que la destruction matérielle des installations de communication, sape le journalisme indépendant, la liberté d’expression et la libre circulation des informations vers le public.

 2.       Les Etats sont dans l’obligation de prendre des mesures efficaces en vue de prévenir de telles attaques et, lorsqu’elles sont perpétrées, mener une enquête à cet effet, punir les auteurs et veiller à ce que les victimes aient accès à des recours efficaces.

 38. Elle a demandé au Gouvernement de la République du Rwanda de l’informer des progrès enregistrés dans l’enquête sur le décès de M. Rugambage conformément au Principe XI de la Déclaration. Elle a également demandé au Gouvernement de la République du Rwanda de lever immédiatement l’interdiction du journal Umuvugizi, en particulier eu égard aux élections qui doivent avoir lieu dans le pays, de garantir la liberté d’expression, l’accès à l’information et d’opinion qui sont la base d’élections libres et équitables.

39. Il doit également être noté que la Rapporteure spéciale attend encore une réponse du Gouvernement du Rwanda.

Afrique du Sud

40. Dans la ligne de son mandat consistant à « analyser la législation, les politiques et la pratique relatives aux médias dans les Etats membres, suivre leur respect des normes relatives à la liberté d’expression et à l’accès à l’information en général et à la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique en particulier et conseiller les Etats membres en conséquence », la Rapporteure spéciale a envoyé une lettre d’appel au Président de la République d’Afrique du Sud, Jacob Zuma, le 23 septembre 2010, exprimant ses préoccupations concernant certaines dispositions du projet de loi de 2008 sur la protection de l’information en Afrique du Sud (ci-après le projet de Loi).  

41. Tout en félicitant l’engagement du gouvernement dans la promotion et la protection du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information dans la République d’Afrique du Sud et des progrès qu’il a enregistrés ces dernières années dans l’assurance du respect du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information dans le pays, elle a formulé des commentaires préliminaires sur le projet de Loi. Ses principaux domaines de préoccupation étaient la “La classification et la déclassification de l’information » et la « définition de l’Intérêt national et de la Sécurité nationale ».

42. Concernant la classification et la déclassification de l’information, elle a prié le gouvernement d’amender le projet de Loi afin de le rendre conforme à la Charte africaine, à la Déclaration et au principe « d’ouverture » recherché par le projet de Loi. Un bon moyen de rectifier ces sections du projet de Loi serait de faire une exception des sanctions imposées par la publication d'informations classées aux journalistes et dénonciateurs en soumettant ces dispositions à des dérogations dans l’intérêt général. Cela peut se justifier par le fait que ces deux groupes sont des gardiens cruciaux de la société ouverte et démocratique que l’Afrique du Sud est considérée être.

43. Concernant la définition de l’intérêt national et de la sécurité nationale, elle a invité le gouvernement à s’assurer que le projet de Loi ait des visées légitimes en revoyant la définition de la Sécurité nationale. S'il n'y parvient pas, ces sections du projet de loi entraveront la communication, la disponibilité et la libre circulation des informations, en violation de l’Article 9 de la Charte africaine, de la Déclaration et des autres normes internationales relatives à la liberté d’expression et à l’accès à l’information.

44. La Rapporteure spéciale est heureuse de noter que des amendements éventuels à ce projet de Loi sont en train d’être débattus au Parlement de la République d’Afrique du Sud.

Deuxième Partie

 Etat de l’adoption d’une législation relative à l’accès à l’information en Afrique

45. Comme il a été déclaré dans ses rapports précédents, le droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information est fondamental pour la réalisation d’une culture de transparence et la participation du public aux affaires politiques de l’Etat. Il est donc impératif que ces droits soient garantis dans les constitutions et les autres lois nationales des Etats parties.

46. Conformément au mandat de la Rapporteure spéciale « de présenter des rapports à chaque Session ordinaire de la Commission africaine sur la situation de la jouissance du droit à l’iberté d’expression et à l’accès à l’information en Afrique »[1], elle rend compte des progrès qui ont été enregistrés à cet égard.

47. Elle souhaite rappeler que, dans son dernier Rapport d’Activités présenté à la 47ème Session ordinaire de la Commission africaine qui s’est tenue du 12 au 26 mai 2010, elle a mentionné les résultats de l’audit d’elle a effectué sur l’adoption d’une législation relative à l’accès à l’information sur le continent pendant la période considérée. Le Rapport n’a fait apparaître aucune évolution du statu quo depuis son audit de 2008 car l’Angola, l’Ethiopie, l’Afrique du Sud, l’Ouganda et le Zimbabwe sont toujours les seuls pays ayant une législation sur la liberté de l’information.[2]

Les  progrès

48. Il mérite d’être noté que la République du Liberia qui avait un projet de Loi sur la liberté de l’information devant la Chambre des Représentants introduit le 18 avril 2008 par le Groupe de travail sur la Liberia Media Law and Policy Reform, a été finalement adopté le 6 octobre 2010.

49. A cet égard, la Rapporteure spéciale félicite le Liberia pour cette avancée et elle espère que d’autres Etats parties qui ont encore des projets de loi pendants devant leur Parlement suivront cet exemple.

TROISIEME PARTIE

Récapitulatif de la situation de la liberté d’expression et de l’accès à l’information en Afrique

50. Pendant l’intersession, la Rapporteure spéciale a continué à recevoir des rapports sur des violations du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information en provenance des pays suivants[3]: Angola, Burundi, , Côte d’Ivoire, Egypte, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Ouest du Kenya, Malawi, Mozambique, Namibie, Nigeria, Ouganda, RDC, Somalie, Soudan, Swaziland, Tanzanie, Togo, Tunisie et Zimbabwe.

51. Ces rapports portent sur : des poursuites, des enlèvements, des emprisonnements, des actes de harcèlement, des intimidations des exécutions extrajudiciaires de journalistes et de professionnels des médias, des restrictions injustement imposées à la presse, l’interdiction et la destruction de maisons de presse, des restrictions de publication de journaux en exigeant des licences comme condition préalable, la détention de journalistes dans l'attente d'investigations sur les crimes de publication, des lois sur la diffamation et sur la pénalisation de la diffamation, etc.

Les progrès

52. La Rapporteure spéciale prend note qu’au cours des six derniers mois, certains Etats parties ont progressé en termes de promotion et de protection du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information en Afrique.

Ouganda[4]

53. En août 2010, la Cour constitutionnelle de l’Ouganda a jugé que la loi sur la sédition enfreint le droit du public à la liberté de parole garanti par la Constitution de l’Ouganda et a ainsi aboli le délit de sédition. Suite à cette décision, un tribunal de première instance de Kampala a rejeté les accusations de sédition, en octobre 2010, contre Robert Kalundi Serumaga, ancien présentateur de radio, pour six chefs d'accusation de sédition pour avoir tenu des propos contre le Président pendant les émeutes de septembre 2009 à Kampala. A l’heure actuelle, dix journalistes sont accusés collectivement de 22 accusations de sédition, dont certaines accumulées depuis 2005.

54. La Rapporteure spéciale salue la décision de la Cour constitutionnelle et souhaite que les autres cas pendants contre les dix journalistes seront rejetés. La Rapporteure spéciale encourage également d’autres pays africains à veiller à ce que leurs lois sur la pénalisation de la diffamation soient conformes aux normes du Principe XII de la Déclaration.

55. Le Principe XII de la Déclaration dispose que :

 1. Les Etats doivent s’assurer que leurs lois relatives à la diffamation sont conformes aux critères ci-après :

·         nul ne doit être puni pour des déclarations exactes, des opinions ou des déclarations concernant des personnalités très connues qu’il était raisonnable de faire dans les circonstances ;

·         les personnalités publiques doivent tolérer beaucoup plus de critiques ;

·         les sanctions ne doivent jamais être sévères au point d’entraver l’exercice du droit à la liberté d’expression, y compris par les autres.

2. Les lois sur la vie privée ne doivent pas empêcher la diffusion d’informations d’intérêt public.

QUATRIEME PARTIE 

     Défis

56. Malgré le travail accompli par la Rapporteure spéciale pour promouvoir et protéger le droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, ces réalisations ont constitué une tâche herculéenne en raison de nombreux défis, certains émanant des gouvernements et d’autres des journalistes/professionnels des médias eux-mêmes. Ces défis sont notamment :

·         La persistance de certains Etats parties à ignorer les recommandations et les appels de la Rapporteure spéciale ;

·         L’absence de lois relatives à l’accès à l’information dans certains Etats parties ;

·         Les attaques persistantes contre les journalistes et les professionnels des médias ;

·         Les mesures législatives limitant la liberté d’expression. A titre d’exemple, les lois sur la censure qui rendent illégal le fait d’écrire, de publier et de diffuser des documents considérés de nature séditieuse et l’adoption de lois archaïques sur la diffamation et la diffamation aggravée au nom desquelles sont emprisonnés les journalistes qui les enfreignent et les licences restrictives des journalistes de la presse écrite ;

·         Le blocage des sites Web, notamment les sites Web de nouvelles et d’informations, et la surveillance par la police des courriels et des cybercafés ;

·         La médiocrité des infrastructures, la pauvreté et l’analphabétisme, le manque de diversité du contenu des journaux en général et le manque de diversité linguistique qui limite la capacité des médias de diffuser les informations ;

·         Les législations existantes et leur inadéquation à aborder les questions liées à la liberté d’expression et à l’accès à l’information ;

·         La réglementation des médias par les départements des gouvernements ou par les organismes administratifs ;

·         La non-adhésion de certains professionnels des médias aux normes professionnelles et éthiques du journalisme. 

 CINQUIEME PARTIE

Conclusions et recommandations

57.   La liberté d’expression et l’accès à l’information sont des aspects de la dignité humaine, des moyens de vérifier la vérité et de réaliser la démocratie.

58. Les défis à la liberté d’expression et à l’accès à l’information pourraient être surmontés en Afrique si la Charte africaine en général et la Déclaration en particulier sont mises en œuvre par les Etats parties ainsi que les autres normes internationales relatives à la liberté d’expression et à l’accès à l’information. 

59. Paradoxalement, l’intégration de la liberté d’expression et de l’accès à l’information dans les constitutions des pays n’a pas réduit le nombre de violations de ces droits. Cela est dû aux restrictions imposées à la liberté des médias par les lois relatives à la sédition, à la trahison, à la sécurité nationale ainsi qu’à la pénalisation de la diffamation.

60. Bien que l’Afrique ait généralement accompli d’importants progrès dans la réalisation de la liberté d’expression et de l’accès à l’information, il y a encore lieu à des améliorations. Les Etats parties ont l’obligation de prendre des mesures pratiques, notamment à travers leur législation, pour donner effet au droit à la liberté de l’information. 

61. La Rapporteure spéciale appelle donc les Etats parties qui n’ont pas encore de lois sur l’accès à l’information d’adopter de telles lois le plus rapidement possible.

62. Compte tenu du fait que la Rapporteure spéciale a initié le processus de rédaction d’un modèle de loi pouvant être utilisé par les Etats parties pour la rédaction de leur législation nationale sur l’accès à l’information, elle appelle également les Etats parties, la société civile et les autres acteurs à contribuer à l’atteinte de cet objectif. 

63. Concernant les électionsla Rapporteure spéciale fait observer qu’il ne peut guère être envisagé d’élections libres et équitables sans liberté d’expression et libre circulation de l’information.

64. Elle déplore le fait que la Charte africaine des élections, de la démocratie et de la gouvernance (la Charte africaine de la démocratie) requière la ratification de 15 Etats membres pour entrer en vigueur, que seulement sept pays l’aient ratifiée[5] et qu’elle ne soit donc pas encore effective.

65. Tout en félicitant les Etats parties qui ont ratifié la Charte de la démocratie, elle invite une fois encore ceux qui ne l’ont pas encore fait à le faire le plus tôt possible. 

66. La Rapporteure spéciale félicite également les Etats parties qui ont organisé des élections libres et équitables en Afrique pendant la période considérée et elle exhorte ceux qui doivent en organiser ainsi que des referendums à les rendre libres et équitables, à permettre aux citoyens de se prononcer sur leurs choix et à promouvoir la transparence.

67. Enfin, elle invite à nouveau les Etats parties qui ont reçu ses appels et ses recommandations à en prendre acte et à rendre compte des mesures qu’ils ont mises en œuvre pour les appliquer. 


[1]               Voir ACHPR/Res.122 (XXXXII) 07 : Résolution sur l’extension du mandat et la reconduction de la Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, adoptée lors de la 42ème Session ordinaire de la Commission africaine tenue à Brazzaville, Congo, du 15 au 28 novembre 2007, accessible surhttp://www.achpr.org/english/resolutions/resolution122_en.ht.

 

 

[2]         Voir le Rapport d’Activités de la 47ème Session ordinaire.

 

 

[3]         Ces violations restent les mêmes et persistent avec les années.

 

 

[4]           Accessible sur http://www.article19.org/pdfs/press/uganda-article-19-welcomes-court-de….

 

 

[5]           Il s’agit du Burkina Faso, de l’Ethiopie, du Ghana, du Lesotho, de la Mauritanie, du Rwanda et de la Sierra Leone. Accessible sur http://www.ips.org/africa/2010/11/only-seven-african-nations-have-ratif… et www.afrik-news.com/pressrelease1067.html.