Lucy Asuagbor / Présidente du Comité de protection des droits des Personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVIH) et des Personnes à risque, vulnérables et affectée

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RAPPORT D’ACTIVITES

DE 

L’HONORABLE COMMISSAIRE LUCY ASUAGBOR

   

Présidente du Comité de protection des droits des Personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et des Personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH

 Présenté à la 52ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, en commémoration du 25ème anniversaire de la Commission

Yamoussoukro, Côte d’Ivoire, 9 - 22 octobre 2012

A.    INTRODUCTION

  1. L’Afrique reste le continent le plus affecté par le VIH et le sida. Les données récentes disponibles sur l'épidémie du VIH indiquent qu'environ 68 % des personnes vivant avec le VIH dans le monde se trouvent sur le continent africain qui ne compte pourtant que 12 % de la population mondiale. En outre, plus de la moitié des personnes nouvellement infectées par le VIH vit en Afrique sub-saharienne et environ 65 % des décès dus au sida surviennent globalement en Afrique sub-saharienne. 

La stigmatisation, la discrimination, la marginalisation et l’exclusion, les inégalités entre hommes et femmes et l’inadéquation des protections des doits de l’homme sont bien connues pour être à la fois des causes et des conséquences de l’épidémie du VIH sur le continent et donc comme obstacles à l’efficacité des réponses au VIH. Cette reconnaissance implique que la non-discrimination, l’égalité, la promotion et la protection des droits de l’homme s’inscrivent au centre de la réponse au VIH et au sida au niveau mondial, régional et national.

  1. Avec les années, le leadership de l’Union africaine a exprimé sa préoccupation de l’envergure de l’impact de l’épidémie du VIH sur le continent et n’a cessé de considérer le sida et les autres maladies infectieuses comme une urgence pour le continent. A cet égard, il s’est engagé en plusieurs occasions à répondre aux défis posés en 2001 (Déclaration d’Abuja), en 2006 (Appel d’Abuja), 2010 (Déclaration de Kampala) et, plus récemment, en janvier2012, à travers l’adoption d’une Feuille de route de la responsabilité partagée et de la solidarité mondiale pour la réponse au sida, à la tuberculose et au paludisme en Afrique.
  1. Au vu de ces tendances et de ces exigences, consciente des liens étroits existant entre le VIH et le sida, les droits de l’homme et le droit et reconnaissant, en particulier, que les personnes vivant avec le VIH et le sida et celles à risque sont actuellement les groupes les plus exposés à de graves violations des droits de l'homme en Afrique et qu’elles ont donc besoin d'une protection et d'une attention particulière, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la « Commission »), en sa 23ème année de protection et de promotion des droits de l'homme en Afrique et 47ème Session ordinaire tenue à Banjul, Gambie, en mai 2010, a adopté la Résolution ACHPR 163/XLVII, portant création du Comité de protection des droits des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH (le « Comité ») avec un mandat étendu de sensibilisation aux violations des droits de l'homme ciblant particulièrement le groupe de personnes vivant avec le VIH/sida, les personnes à risque, affectées et vulnérables au VIH/sida.

4. La constitution du Comité représente indubitablement un développement positif et nécessaire au sein du système régional des droits de l’homme qui met la Commission en meilleure position pour exécuter efficacement sa fonction de protection dans le contexte du VIH et du sida en Afrique. Notant que les violations des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels accroissent les vulnérabilités au VIH et aux abus des droits connexes et que la stigmatisation, et la discrimination liées au VIH et les autres violations de droits font obstacle à l’efficacité des réponses au VIH au niveau national et au niveau régional, la Commission africaine a créé un mécanisme régional qui contribuera à faciliter et à renforcer le respect par les Etats parties de leurs obligations de respecter, protéger et appliquer les droits de tous, comme énoncé dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la « Charte africaine »).. 

  1. Le Comité qui est composé de trois (3) Commissaires et de six (6) membres experts indépendants a été initialement présidé par l’Honorable Commissaire Reine Alapini-Gansou avant ma nomination en qualité de Présidente lors de la 50ème Session ordinaire de la Commission, tenue du 24 octobre au 7 novembre 2011 à Banjul, Gambie.
  1. Ce rapport est présenté à la Commission africaine en ma qualité de Présidente du Comité, conformément à l’Article 23(3) du règlement intérieur de la Commission africaine à la lumière de la Résolution ACHPR 163/XLVII portant création du Comité qui veut que le Comité « (g) présente un rapport sur son travail à la Commission des droits de l’homme et des peuples” et dans le contexte du thème de la commémoration du 25ème anniversaire qui requiert une revue analytique du travail de la Commission au cours de ces 25 dernières années. 
  1. Le rapport présentera une brève analyse du mandat du Comité et rappellera : les activités qu’il a menées depuis ses débuts dans le cadre d’exécution de son mandat, ses modestes réalisations au cours des deux (2) dernières années, les défis auxquels il est confronté dans l’exécution de son mandat et de ses activités et les recommandations formulées pour l’avenir.

B.     ANALYSE DU MANDAT DU COMITE

Le Comité, comme stipulé dans la Résolution 163, a pour rôle et mandat de :

a)       Chercher, demander, recevoir, analyser et réagir aux informations fiables reçues de sources crédibles, notamment d’individus, d’organisations communautaires, d’organisations non gouvernementales, d’agences spécialisées, d’organisations intergouvernementales et d’Etats parties, sur la situation et les droits des Personnes vivant avec le VIH et les personnes à risque.

Ce mandat permet au Comité de protéger les droits fondamentaux des personnes vivant avec le VIH à travers les informations reçues. La possibilité offerte aux individus d’organisations communautaires, aux ONG, aux agences privées spécialisées et aux organisations paraétatiques d’envoyer des informations sur les défis en matière des droits de l'homme liés au VIH au Comité permet à celui-ci de disposer d’une base étendue d'informations et de connaissances capable de soutenir et d’orienter ses travaux. Elle permet également aux ONG et aux individus de pouvoir soumettre leurs doléances ou leurs préoccupations relatives aux droits de l’homme et au VIH en Afrique, en aidant ainsi éventuellement le Comité aussi bien que la société civile à répondre aux violations des droits fondamentaux liés au VIH. Cette méthode de collecte de données ne fait pas que renforcer la base d’informations et de connaissances sur les droits de l’homme, le droit et le VIH en Afrique car elle rend également le Comité plus accessible aux personnes vivant avec le VIH et aux personnes affectées par le VIH.

b)      Effectuer des missions d’établissement des faits, si nécessaire, enquêter, faire des vérifications et tirer des conclusions et faire des recommandations sur les allégations de violations des droits humains

Le mandat d’enquête et de conduite de missions d’établissement des faits vient compléter et permettre la vérification des informations reçues de différentes sources et permet également au Comité de réagir aux informations reçues. En tant que telles, les missions d’établissement des faits permettent au Comité d’intervenir de manière neutre et corrective. Pour garantir l’authenticité des faits, les conclusions de ces missions peuvent venir compléter des rapports d’ONG, des rapports d’Etat et des plaintes d’individus soumises au Comité. Dans la mesure où les membres du Comité doivent faire preuve d’impartialité, les missions d’établissement des faits sont de l’intérêt général puisqu’elles élucident les faits en conférant une crédibilité aux allégations et en incitant à procéder à des interventions.

Les rapports de ces missions d’établissement des faits qui sont des informations brutes sur les preuves factuelles de l’existence, ou de l’absence, de violations des droits de l'homme dans un pays et/ou une situation donnés représentent un outil de travail considérable au Comité pour faire avancer les droits de l’homme dans la réponse au VIH en Afrique.

c)      Interpeller les Etats parties et les acteurs non étatiques sur leurs responsabilités de respecter les droits des personnes vivant avec le VIH et celles réputés vulnérables à ces infections

Ce mandat, qui s’étend aux acteurs non-étatiques, offre une protection étendue aux droits des personnes vivant avec le VIH et les autres principales populations à risque et vulnérables au VIH. Il permet également au Comité de faire de fermes déclarations concernant la protection des droits fondamentaux de tous dans le contexte du VIH en Afrique.

d)      Interpeller les Etats parties sur leurs responsabilités de respecter, de protéger et de réaliser les droits des personnes vivant avec le VIH et des personnes à risque

La Charte africaine dispose spécifiquement que les Etats parties reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et s’engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer. (Article 1). La Charte africaine prévoit aussi que chaque Etat partie s’engage à présenter tous les deux ans, à compter de la daté d’entrée en vigueur de la présente Charte, un rapport sur les mesures d’ordre législatif ou autres, en vue de donner effet aux droits et libertés qui y sont reconnus et garantis (Article 62). A travers ce mandat, le Comité peut encourager les États à instituer des lois ou à prendre d'autres mesures appropriées face à la stigmatisation et à la discrimination liées au VIH et à faire respecter le droit à l'égalité et à la dignité de toutes les personnes vivant avec le VIH et les personnes à risque.

e)       Recommander la mise en œuvre de stratégies concrètes et efficaces pour une meilleure protection des personnes vivant avec le VIH et des personnes à risque

Les recommandations formulées par le Comité peuvent servir de base à la mise en œuvre de réponses au VIH basées sur les droits en Afrique et elles devraient également renforcer l’impact des travaux du Comité pour porter l’attention nécessaire et une réponse opportune aux questions émergentes. Par ces recommandations, le Comité peut encourager les Etats à poursuivre les auteurs et à veiller à ce que leurs lois soient conformes à la Charte africaine.

f)        Intégrer une dimension genre et prêter une attention toute particulière aux personnes appartenant aux groupes vulnérables, notamment, aux femmes, aux enfants, aux travailleurs du sexe, aux migrants, aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, aux toxicomanes par voie intraveineuse et aux prisonniers

Ces personnes constituent les groupes les plus vulnérables dans le contexte du VIH. Le Comité peut donc offrir une protection aux groupes vulnérables qui ne bénéficient souvent pas de la protection des Etats parties. Ce mandat, associé à la Déclaration de Grand Bay (Grand Bay, Maurice, en date du 16 avril 1999), par laquelle les gouvernements africains se sont engagés à veiller au respect des droits des personnes handicapées et des personnes vivant avec le VIH, en particulier les femmes et les enfants, en plaçant un accent spécifique sur les droits sexuels et de la reproduction, garantit une protection maximale aux personnes vulnérables en Afrique qui sont les plus affectées par le VIH et qui subissent les degrés les plus élevés de stigmatisation et de discrimination.

g)      Rendre compte régulièrement à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples

 Le Comité, conformément à l’Article 54 de la Charte africaine, doit soumettre un rapport de ses travaux à chaque Session ordinaire de la Commission. Ces rapports qui devraient être largement diffusés, devraient encourager l’change d’informations au sein des pays et entre les pays sur les opportunités et les défis des réponses au VIH, basées sur les droits dans les différents environnements.

C.    ACTIVITES MENEES

Réunions internes du Comité, méthodologie et plan de travail

  1. En tant que plus récent mécanisme subsidiaire de la Commission, la plupart de ses activités sont axées, depuis le début, sur la clarification de son mandat, son internationalisation par ses membres, l'élaboration de stratégies, de méthodes de travail et de plans d’action pour la mise en œuvre efficace de son mandat et l’élaboration de stratégies destinées à en assurer sa visibilité. A cet égard et au cours des deux (2) dernières années de son existence, le Comité a organisé trois (3) réunions internes à Dakar, Sénégal (janvier 2011), à Nairobi, Kenya (octobre 2011) et à Douala, Cameroun (décembre 2011). 
  1. Une évaluation des travaux de ces réunions (organisées avec le soutien financier de l’ONUSIDA et le soutien technique de Human Rights Development Initiative) révèle que le Comité a eu ainsi la possibilité de : être informé, discuter et prendre conscience des derniers développements scientifiques, médicaux, épidémiologiques et juridiques relatifs au VIH et aux questions essentielles liées au VIH et aux droits de l’homme ; comprendre et s’approprier le mandat du Comité nouvellement créé et le besoin crucial d’accroître la visibilité e les connexions avec les partenaires extérieurs ; organiser le travail du Comité conformément à son mandat et faire preuve de la plus grande efficacité dans la définition de ses buts et objectifs et de ses activités pour l'année janvier 2012 – janvier 2013 et délibérer sur sa stratégie de communication et les visites éventuelles de recherche et de pays.

Lors de ces réunions, le Comité a eu également l’opportunité de rencontrer des organisations de la société civile et d’interagir avec elles en fonction du lieu de la tenue de ces réunions et de rencontrer des représentants des personnes vivant avec le VIH, des personnes vulnérables et des personnes à risque où : il a pu obtenir des informations vitales et mieux s'imprégner de la question du VIH et des droits de l'homme dans les pays concernés ; les organisations de la société civile ont été informées de la manière dont elles pourraient contribuer aux travaux du Comité ; les personnes vivant avec le VIH, les personnes vulnérables et les personnes à risque se sont familiarisées avec les mécanismes de la  Commission.

Résultats de ces réunions : rapports des réunions ; conception d’un document de plaidoyer sous forme de pamphlet et visant à faire connaître le Comité et Plan de travail du Comité de janvier 2012 à janvier 2013 (le « Plan de travail »). 

  1. Le Comité a également défini ses méthodes de travail selon lesquelles il a pris le parti d’examiner toutes les demandes qui lui sont adressées comme sources d’informations auxquelles il répond directement en intervenant de manière non-contentieuse par des actions de plaidoyer et de recherche ou, quand une réponse immédiate s’impose, en renvoyant ces demandes à la procédure habituelle de traitement des communications de la Commission dans le cas où elles satisfont aux conditions requises. Le Comité a également résolu d’être guidé dans ses interventions par la nature des informations reçues.

Dialogues et séances de réflexion sur les questions liées au VIH, au droit et aux droits de l’homme

  1. Dans le cadre de son mandat, le Comité a participé à une série de discussions et de réflexions sur le thème du droit, des droits de l’homme et du VIH/sida. Si le Comité ne date que de deux (2) ans, la Commission a néanmoins reconnu les liens importants qui existent entre le VIH et les droits de l’homme dès l’année 2001 où elle a adopté la Résolution 53 sur la pandémie du VIH/sida – une menace pour les droits de l’homme et l’humanité.
  1. En outre, il mérite d’être noté que la Charte africaine et le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme (le « Protocole de la femme »), tous deux administrés par la Commission, présentent un catalogue de droits ayant un rapport avec la question du VIH et du sida. Les dispositions de la Charte africaine les plus pertinentes dans le contexte du VIH et du sida incluent sans s’y limiter les droits : à l’égalité et à la non-discrimination, notamment l’égalité devant la loi (Articles 2 et 3) ; au respect de la vie et de l’intégrité de la personne (Article 4) ; à la dignité inhérente à la personne humaine (Article 5) ; à la liberté et à la sécurité de la personne (Article 4) ; de recevoir des informations (Article 9à ; de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’il soit possible d’atteindre (Article 16) et la non-discrimination à l’égard des femmes et la protection des droits de la femme et de l’enfant (Article 8).

Pour sa part, les dispositions du Protocole de la femme particulièrement pertinentes dans le contexte du VIH et du sida incluent sans s’y limiter, les droits de la femme : à l’égalité et à la non-discrimination (Article 2) ; à la dignité inhérente à la personne humaine (Article 3) ; à la vie et à l’intégrité et la sécurité de la personne (Article 4) ; à l’interdiction de pratiques néfastes (Article 5) ; à l’éducation et à la formation, y compris l’élimination de tous les stéréotypes dans les manuels, programmes et les médias perpétuant la discrimination et la violence à l’égard des femmes (Article 12) et à la santé et à la santé reproductive (Article 14). 

  1. Dans le contexte de cette Résolution et des dispositions pertinentes du traité, le Comité a contribué par ses opinions aux différentes discussions et séances de réflexion, axées essentiellement sur les stratégies à mettre en place pour assurer une plus grande implication des acteurs du secteur juridique dans la lutte contre la pandémie du VIH/sida. Une de ces sessions de réflexion a abouti à l‘élaboration d’outils de plaidoyer pour les acteurs suivant une approche juridique pour lutter contre le VIH et le sida. 

Outre le fait de contribuer par nos opinions à ce discours, l’importance de participer à ce dialogue, en ma qualité de Présidente du Comité réside dans le fait que nous puissions identifier certains mécanismes susceptibles de renforcer les interventions du Comité en collaborant avec d’autres acteurs, en particulier en tenant compte des expériences des autres.

Les discussions et les séances de réflexion auxquelles a participé le Comité sont notamment le Dialogue régional sur le droit et le VIH (organisé à Pretoria, République d’Afrique du Sud, les 3 et 4 août, 2011) et Les réunions locales avec les partenaires nationaux dans la République du Bénin sur le thème : Le droit et le VIN/sida (organisées à Cotonou, République du Bénin, du 12 au 14 et le 22 août 2011).

Visites d’établissement des faits et missions de promotion

14. Le Comité a effectué une visite d’établissement des faits et une mission de promotion sur la question des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), les personnes à risque, les personnes vulnérables et les personnes affectées par le VIH à Nairobi, Kenya, du 9 au 11 octobre 2011 et dans la République du Cameroun du 4 au 14 septembre 2012. J’ai effectué la deuxième mission en ma qualité de Présidente du Comité et de Commissaire.

L’objectif commun de ces visites et missions était que le Comité et moi-même rencontrions les principaux acteurs intervenant dans le domaine du VIH et du sida et/ou des droits humains y associés afin d’avoir une bonne perception des questions, défis et opportunités réellement associés à la protection juridique des personnes vivant avec le VIH dans ces pays.

Ces visites et missions ont également permis au Comité et moi-même d'évaluer l'efficacité des solutions proposées par les différents acteurs en réponse aux défis auxquels sont confrontés les personnes vivant avec le VIH/sida d’un point de vue juridique et elles ont facilité la promotion de la Commission et, en particulier, celle du Comité et de son mandat auprès des acteurs concernés.

Examen des allégations de violation des droits des personnes vivant avec le VIH

15. Le Comité a également reçu et réagi aux informations reçues d’organisations de la société civile attirant son attention sur des allégations de violation des droits de personnes vivant avec le VIH/sida, notamment en Tanzanie (par Human Rights Development Initiative et la Legal Clinic de l’Université de Dar-es-Salam, avril 2011) et au Cameroun (Positive Generation, août 2012). Dans le premier cas, le Comité a réagi en suivant la situation qui lui avait été rapportée et, dans le second cas, les questions ont fait l’objet d’un suivi lors d’une mission de promotion dans l’Etat concerné, en ma qualité de Présidente du Comité.

Recherche et plaidoyer

  1. Le Comité a également commandé un document de recherche sur le thème :  VIH, droit et droits de l’homme dans le système africain des droits de l’homme : principaux défis et opportunités liés aux réponses au VIH fondées sur les droits Ce document est le fruit d’une collaboration entre AIDS Legal Network et un certain nombre de chercheurs travaillant sous les auspices de l'Unité de recherche sur le VIH et les droits de l'homme du Centre for Human Rights de l’Université de Pretoria et il doit être examiné par le Comité lors de la présente 52èmeSession ordinaire. Ce document de recherche entend notamment donner une vue d’ensemble des questions pertinentes liées aux aspects droits de l’homme du VIH en Afrique sur lesquels le Comité et les autres principales parties concernées pourront porter leur attention pour faire promouvoir la protection des droits de l’homme dans la réponse au VIH en Afrique.

Création de partenariats avec les acteurs concernés

  1. Dans l’exécution de son mandat, le Comité a établi des partenariats avec différents acteurs nationaux, régionaux et mondiaux sur la question du VIH et du sida, notamment sans s’y limiter la Commission mondiale sur le VIH et le droit, le PNUD, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), le Human Rights Development Institute, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de tous au meilleur niveau de santé physique et mentale qu’il soit possible d’atteindre ainsi qu’avec des décideurs, des experts des communautés juridiques et scientifiques et des organisations de la société civile. Le Comité a également interagi avec les représentants d’associations de PVVIH : groupes minoritaires marginalisés vulnérables au VIH comme les travailleurs professionnels du sexe, les LGBTI ainsi que les dispensateurs d’assistance juridique et les avocats des droits de l’homme intervenant dans le domaine des droits de l’homme, du VIH et du sida. 
  1. Dans le cadre de ces partenariats, le Comité a participé et contribué avec son expertise à une série d'initiatives liées à son mandat : la Conférence internationale sur le sida et les infections sexuellement transmissibles en Afrique (ICASA) (Addis-Abeba, Ethiopie, décembre 2011), une formation régionale à l’intention des ONG intervenant dans la lutte contre le VIH (Banjul, 19 au 21 octobre 2011) et un cours en ligne sur le droit et le VIH (octobre -novembre 2011). Depuis deux (2) ans, le Comité prend également part aux activités du Forum des ONG.

D.    REALISATIONS 

  1.  Toutes ces activités ont permis au Comité de se créer un niveau de visibilité et de donner le coup d’envoi au processus d’intégration de la perspective VIH dans les travaux de la Commission. Le Comité a également pu identifier les défis majeurs posés à la protection juridique des personnes vivant avec le VIH, des personnes vulnérables et des personnes à risque et des questions liées aux droits de l’homme qui leur sont associées et il a pris note de certaines meilleures pratiques à cet égard. Toutes ces initiatives ont aidé le Comité à définir ses stratégies et ses activités pour s’efforcer de répondre efficacement aux défis identifiés dans le champ d’application de son mandat. 

Entre autres meilleures pratiques et facteurs positifs qu'il a observés, le Comité a noté l'existence de nombreuses organisations de la société civile intervenant dans les questions liées au VIH/sida et aux droits de l'homme dans de nombreux pays de la région qui ont exprimé leur empressement à contribuer aux travaux du Comité dans leurs sphères d’influence respectives. Le comité a pu également observer un système juridique convivial et progressiste dans au moins un pays : la République du Kenya qui a adopté une loi sur la protection des personnes vivant avec le VIH et instauré des juridictions pour le HIV.

E.     DEFIS 

  1. Concernant les défis posés à la protection juridique des personnes vivant avec le VIH, des personnes vulnérables et des personnes à risque, le Comité a essentiellement remarqué que, dans de nombreux pays,  l’environnement juridique n’offre pas une protection suffisante à ces catégories de personnes. En particulier, les tendances législatives dans le sens de la criminalisation et l’exposition au VIH et/ou de sa transmission et les autres mesures restrictives et punitives à l’égard du VIH et du sida sont la règle dans la majorité des pays africains. Cela constitue la pierre d'achoppement de la prévention du VIH et de la protection des droits fondamentaux des personnes vivant avec le VIH et des principales populations affectées par le VIH.

De plus, l’étendue des défis liés à la protection juridique des personnes vivant avec le VIH/sida n’est pas encore correctement prise en compte par les acteurs intervenant dans les politiques législatives et publiques ayant trait ou destinées au HIV/sida. A titre d’exemple, dans de nombreux pays, l’environnement juridique échoue à : protéger les personnes vivant avec le VIH, les personnes vulnérables et celles à risque de la stigmatisation et de la discrimination liées au VIH dans tous les contextes – privés et publics –  concernant notamment l’accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé et aux services sociaux ; protéger les droit des personnes vivant avec le VIH, des personnes vulnérables et celles à risque, à la vie privée, à l'autonomie et à la confidentialité du dépistage du VIH ; répondre et faire droit à la vulnérabilité des femmes et des filles à l’infection au VIH/sida, concernant l’effet de l’inégalité entre les sexes, la violence sexuelle et la coercition et les pratiques culturelles néfastes ; répondre et faire droit aux mauvais traitements des veuves et des orphelins affectés par le VIH. De plus, l'adoption d'une législation sur la propriété intellectuelle qui compromet l’accès aux médicaments antirétroviraux génériques à des prix abordables et la législation criminelle exposant les homosexuels, les travailleurs du sexe et les toxicomanes à des sanctions ont aussi de graves implications sur l’accès à la prévention, aux traitement, aux soins et aux services de soutien pour le VIH. 

  1. Les défis spécifiques auxquels est confronté le Comité dans l’exécution de son mandat portent essentiellement sur le manque de visibilité et l’inadéquation des ressources. 
  1. Les deux (2) premières années d’existence du Comité ont été essentiellement axées sur sa visibilité et l’intégration d’une perspective VIH dans les travaux de la Commission. En tant que nouveau mécanisme spécial de la Commission, le Comité a fait de son mieux pout s’insérer dans le cadre institutionnel de la Commission et il a mené et conçu des activités destinées à assurer l'inclusion d'une perspective VIH dans les travaux de la  Commission en sensibilisant et en formulant des recommandations à la Commission sur les questions cruciales liées au VIH et aux droits de l’homme. A cet égard, le mandat du Comité consiste à faire comprendre aux partenaires le lien existant entre les droits de l’homme et le VIH/SIDA et de veiller à ce qu’il soit compris que ces travaux s'inscrivent dans le mandat de la Commission africaine. Cela n’est pas aisé compte tenu du fait que le VIH/SIDA est perçu à priori comme étant une question d’ordre médical. 

Le Comité n’est pas non plus bien connu au sein de la communauté africaine des droits de l’homme et des acteurs de la lutte contre le VIH/sida.

  1. Un autre défi majeur pour le Comité est l’inadéquation des ressources dont il dispose. Pour pouvoir répondre à l’étendue de son mandat et à l’ambition de son Plan de travail et, en particulier, à ses besoins de visibilité, le Comité a besoin d’un soutien technique et financier autre que le seul soutien financier de la Commission qui, à ce jour, est très limité au vu du budget global de la Commission. Le soutien des quelques partenaires extérieurs du Comité sont appréciés à leur juste valeur mais il demeure très limité. 

En raison de cette situation, il est difficile pour le Comité d'entreprendre plusieurs activités, et d’être aussi efficace qu’il devrait l’être, nonobstant l’engagement des Commissaires et des membres Experts. C’est ainsi que le Plan de travail du Comité n’a pas du tout été mis en œuvre, par manque  des fonds nécessaires.

Le Comité s’efforce donc encore de s’assurer un soutien financier et technique vital, notamment en associant de nouveaux partenaires grâce à l’assistance des membres Experts du Comité. 

F.      RECOMMANDATIONS

Au vu des réalisations et des contraintes du Comité et pour qu’il puisse progresser de manière significative dans l’exécution de son mandat, je souhaite formuler les recommandations suivantes : 

(i)      En tant qu’organe ayant porté création du Comité, la Commission devrait, dans ses activités de collecte de fonds et ses processus d'affectation des ressources, mobiliser les ressources nécessaires au soutien des travaux du Comité et elle devrait également, à travers ses autres mécanismes et procédures de travail, sensibiliser les Etats parties à la nécessité de mettre en œuvre des stratégies visant à mettre en place des cadres juridiques devant protéger efficacement les droits des personnes vivant avec le VIH, des personnes vulnérables et des personnes à risque ;

(ii) En tant que chargés de devoirs en vertu de la Charte africaine, les Etats sont appelés à reconnaître les violations des droits de l’homme en tant que cause et conséquence de l'épidémie du VIH  et à s'assurer que les réponses au VIH soient conformes à leurs obligations en vertu de la Charte africaine et qu’elles soient fermement ancrées dans les protections des droits de l'homme, créant ainsi un environnement juridique, social et politique favorable permettant à tous de réaliser leurs droits et leurs libertés. Les Etats devraient donc adopter une approche fondée sur les droits de l’homme dans leurs plans stratégiques nationaux de lutte contre l’épidémie et s’assurer que les programmes de protection des droits de l’homme et d’atténuation de l’impact de la discrimination liée au VIH et des autres violations de droits fassent partie intégrante de cette réponse, qu’ils soient chiffrés, budgétisés de manière adéquate et associés aux mécanismes effectivement responsables Les Etats parties devraient également s’engager auprès de la Commission, du Comité et des acteurs non-étatiques concernés, en tant que partenaires lors de la conception et de l’élaboration de leurs cadres juridiques, de leurs plans et de leurs politiques liées au VIH/sida. 

En faisant spécifiquement référence aux femmes et aux filles, les Etats parties devraient renforcer les cadres juridiques et politiques pour garantir explicitement la pleine reconnaissance des droits à la santé sexuelle et de la reproduction des femmes, interdire les pratiques culturelles et traditionnelles néfastes et les croyances influant sur les femmes et les VIH/sida et renforcer l’efficacité des système de justice pénale en initiant des enquêtes et des poursuites sur les délits sexuels à l’encontre des femmes et des filles. Par ailleurs, quand il en existe, les Etats parties devraient réviser et abroger les lois criminalisant explicitement la transmission du VIH et l’exposition au virus ;

(iii)                      En tant que partenaires dans la lutte pour la réalisation des droits de l’homme en Afrique : 

-          Il est demandé aux agences de développement et donatrices d’accorder l’attention requises à la question émergente du lien entre les droits de l’homme et le VIH/sida et au mandat du Comité qui fait partie intégrante du cadre global de promotion et de protection des droits fondamentaux de toutes les personnes et tous les peuples en Afrique et de fournir le financement requis pour une mise en œuvre effective du mandat du Comité ;

-          Les organisations de la société civile (y compris les organisations scientifiques) intervenant dans le domaine des droits de l’homme et du VIH/sida devraient : s’engager dans la sensibilisation des Etats parties à la nécessité de mettre en œuvre des stratégies destinées à mettre en place des cadres juridiques qui protègent efficacement les droits des personnes vivant avec le VIH, des personnes vulnérables et des personnes à risque ; se servir du Comité comme d’un outil de leur plaidoyer pour la promotion et la protection des droits des personnes vivant avec le VIH, des personnes vulnérables et des personnes à risque ; promouvoir le Comité dans leurs réseaux ; maintenir des relations avec le Comité pour partager leurs expériences et servir de sources d’information sur les questions entrant dans le cadre de son mandat, pendant les sessions et les périodes d’intersession de la Commission.

CONCLUSION

Au vu de ce qui précède, il est évident que la création du Comité représente une étape importante de la Commission face à la large gamme de questions des droits de l’homme liées au VIH et au sida et que le Comité a la possibilité de faire avancer les droits de l’homme liés au VIH et au sida en Afrique. Il est également évident que la responsabilité collective et les efforts conjoints et complémentaires du Comité, des Etats et des acteurs non-étatiques constitueront la feuille de toute pour une réponde efficace à l’épidémie du VIH et du sida sur notre continent qui, à mon sens, est l’objectif commun à tous les acteurs. L’implication de tous les acteurs étatiques et non-étatiques que j'ai énumérés est cruciale pour habiliter le Comité à jouer son rôle dans le cadre de la Commission en promouvant et en protégeant les droits des personnes vivant avec le VIH, des personnes à risque, des personnes vulnérables ou de celles affectées par le VIH/sida. Dans la même veine, quand les Etats, le Comité et les acteurs non-étatiques unissent leurs efforts et que les lois servent à protéger les droits fondamentaux des personnes vivant avec le VIH, des personnes vulnérables et des personnes à risque qui sont souvent marginalisées et déshabilitées , les causes et les conséquences du VIH et du sida peuvent être atténuées avec succès par les États.