La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission), réunie en sa 81ème Session ordinaire, tenue à Banjul, République de Gambie, du 17 octobre au 6 novembre 2024 :
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples en Afrique, en vertu de l'Article 45 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Rappelant également les dispositions pertinentes de la Charte africaine appelant les États membres à adopter des mesures législatives et autres pour appliquer les droits et libertés garantis (Article premier) ; à garantir le droit à la vie (Article 4), l'interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants (Article 5), le droit à la liberté et à la sécurité de la personne (Article 6), le droit à la liberté d'expression et à l'accès à l'information (Article 9), le droit à la liberté d'association (Article 10), et le droit à la liberté de réunion (Article 11) ;
Rappelant en outre les droits et libertés fondamentaux des citoyens ougandais protégés par la Constitution ougandaise, en particulier la protection contre les traitements inhumains et toute forme de torture, la liberté de réunion pacifique, d'association et d'expression, le droit à un environnement propre et sain, et le droit de participer à des activités pacifiques pour influencer les politiques du gouvernement (Articles 23, 24, 29, 38 et 39 respectivement) ;
Préoccupée par la multiplication des agressions contre les défenseurs des droits de l'homme en matière d'environnement et les personnes affectées par les projets qui exercent pacifiquement leurs droits et libertés fondamentaux en Ouganda, en particulier celles qui protestent contre la construction de l'oléoduc de pétrole brut d'Afrique de l'Est (EACOP) et d'autres projets ayant un impact négatif sur la biodiversité de l'Ouganda et sur la population vivant dans ces régions ;
Profondément préoccupée par le recours accru au harcèlement judiciaire, notamment les arrestations arbitraires, les et les poursuites judiciaires illégales, les enlèvements, le recours à une force excessive, la détention au secret, la torture et d'autres formes de mauvais traitements, à l’encontre des activistes et des défenseurs des droits de l'homme en matière d’environnement en Ouganda ;
Condamnant les nombreux incidents de représailles contre les défenseurs de l'environnement depuis 2023, notamment l'arrestation de sept manifestants écologistes devant l'ambassade de Chine à Kampala à deux reprises en une semaine ; l'arrestation de quatre membres de la communauté Kikuube à la suite d'une marche pacifique contre le groupe de construction Daqing appartenant à des Chinois ; l'arrestation de 30 manifestants anti-pétrole qui protestaient devant l'ambassade de Chine ; l'arrestation de quatre manifestants pacifiques qui marchaient vers l'ambassade de Chine ; l'arrestation de 47 étudiants militants anti-EACOP ; et l'arrestation de 21 manifestants qui remettaient une pétition au Ministère de l'Energie demandant un traité sur les combustibles fossiles et la fin de l'EACOP, parmi beaucoup de nombreux autres incidents ;
Condamnant en outre la récente disparition forcée de Stephen Kwikiriza, un défenseur des droits de l'homme en matière d'environnement ayant documenté les violations dans la Zone de développement de Kingfisher, ayant été l’objet d’une disparition forcée pendant cinq jours et ayant subi des mauvais traitements et des traitements brutaux avant d'être libéré ;
Notant le harcèlement et les mauvais traitements répétés du défenseur de l'environnement Bob Barigya, qui a notamment été battu par 15 policiers ougandais alors qu'il tentait d'organiser un débat public sur l'EACOP en janvier 2023 ;
Condamnant l'utilisation du système judiciaire pour poursuivre des accusations criminelles douteuses et vagues contre des militants, y compris l'incitation à la violence, la nuisance commune ou l'obstruction à un agent de police, afin de les harceler et de les intimider, et de criminaliser de fait des activités de protestation légitimes ;
La Commission :
(a) Appelle le Gouvernement ougandais à :
i. assurer le plein respect des droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique, de manifestation et d'association tels que garantis par la Constitution ougandaise, le droit régional et international en matière de droits de l'homme ;
ii. cesser les agressions, les arrestations arbitraires, les détentions, les mauvais traitements et le harcèlement accrus à l'encontre des militants qui exercent ces droits et libertés fondamentaux ;
iii. abandonner toutes les poursuites pénales en cours contre des personnes arrêtées pour des activités de manifestation pacifique ; et
iv. initier rapidement des enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les allégations de violations des droits de l'homme à l'encontre des militants, y compris les cas de torture et de disparition forcée.
(b) Encourage le Gouvernement ougandais à ratifier et à intégrer dans son droit interne la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et à mettre en œuvre ses dispositions dans son droit interne.
Fait à Banjul, Gambie, le 6 novembre 2024.