Résolution sur la situation des droits de l’homme en République Islamique de Gambie - CADHP/Rés.360(LIX)2016

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La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie en sa 59ème Session ordinaire tenue du 21 octobre au 4 novembre 2016 à Banjul, République Islamique de Gambie ;

Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine);

Considérant que la République islamique de Gambie est un État partie à la Charte Africaine et signataire de la Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance;

Rappelant les Lignes directrices et mesures d’interdiction et de prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique (Lignes directrices de Robben Island); les Lignes directrices sur les conditions d’arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique; la Déclaration de principes sur la Liberté d’expression en Afrique ; les Directives et Principes sur le droit à un procès équitable et l’assistance judiciaire en Afrique (Directives et Principes sur un Procès équitable); l’Observation générale n°3 sur la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relative au droit à la vie;

Rappelant en outre  les Résolutions CADHP/Res.5(XI) 92 sur le Droit à la Liberté d’association; CADHP/Rés.281 (LV) 2014 sur le Droit à la manifestation pacifique ; et CADHP/Rés.331 (XIX) 2016 sur les élections en Afrique ; 

Ayant à l’esprit la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique, notamment le Principe I(2) qui dispose que “Tout individu doit avoir une chance égale pour exercer le droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, sans discrimination aucune” et  le Principe II(2) qui stipule que “toute restriction à la liberté d’expression doit être imposée par la loi, servir un objectif légitime et être nécessaire dans une société démocratique”;

Réaffirmant l’importance fondamentale de la liberté d’information, d’expression et d’association des individus comme pierre angulaire de la démocratie, en particulier pendant les élections et comme moyen de garantir le respect de tous les droits et libertés de la personne;

Préoccupée par l’emprisonnement à une peine de trois ans, de membres de partis d’opposition,  pour avoir participé à des manifestations contre les réformes électorales introduites par la loi de 2015 portant amendement du code électoral ;

Alarmée par la mort d’Ebrima Solo Sandeng le 15 mai 2016 et d’Ebrima Solo Krummah le 20 août 2016, respectivement Secrétaire national chargé de l’organisation et membre du Parti de l’UDP, suite à leur arrestation et détention par la police, pour avoir manifesté contre lesdites réformes électorales;

Profondément préoccupée par les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements à l’encontre de membres de l’opposition détenus, mais également d’agressions sexuelles contre des femmes détenues ;

Préoccupée en outre par les allégations selon lesquelles des personnes détenues ayant besoin de soins médicaux sont privées d’assistance médicale et de visites de  leur famille;

Toujours préoccupée par les restrictions imposées par le gouvernement aux médias sociaux et à certains sites Internet;

La Commission :

1.      Condamne tous les actes d'utilisation excessive et disproportionnée de la force contre les manifestants, d’agressions sexuelles contre des femmes détenues, mais également de torture et autres mauvais traitements infligés aux détenus ;

2.      Condamne également les restrictions injustifiées imposées par le Gouvernement; au droit à la liberté d'expression et à l'accès à Internet ;

3.     Engage  le Gouvernement de la République Islamique de Gambie à :

       i.        Veiller à ce que les élections soient libres, équitables et pacifiques;

      ii.        Gracier toutes les personnes condamnées pour avoir manifesté contre les réformes électorales introduites par le code électoral, tel que modifié;

     iii.        s’abstenir de faire un usage excessif et disproportionné de la force contre les manifestants et, de manière générale, prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la sûreté de la population;

     iv.        publier les conclusions de l’enquête sur la mort de Ebrima Solo Sandeng, si elle a été menée à terme;

      v.        mener des enquêtes promptes et impartiales sur la mort de Ebrima Solo Krummah pendant sa détention et rendre publiques les conclusions de l’enquête;

     vi.        mener des enquêtes rapides et impartiales sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’agression sexuelle à l’égard des détenus et veiller à ce que les auteurs soient tenus responsables et fassent l’objet de sanctions appropriées reflétant la gravité des infractions, conformément aux règles internationales et régionales pertinentes;

    vii.        garantir la fourniture immédiate d’une assistance médicale aux prisonniers et autres détenus qui en ont besoin et autoriser des visites de leur famille et de leurs avocats;

   viii.        lever immédiatement toutes les restrictions imposées aux réseaux Internet et aux médias sociaux; et

     ix.        Veiller à ce que les partis et candidats en lice pour les élections bénéficient d'un accès équitable aux médias contrôlés par l'État;

4.     Invite les dirigeants et les membres des partis d’opposition, les autres parties prenantes et la population en général, à s’abstenir de tout acte de violence et à préserver la paix pendant les élections.

 

Fait à Banjul, République Islamique de Gambie, le 4 novembre 2016