La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, réunie à sa 44ème session ordinaire tenue du 10 au 24 novembre 2008 à Abuja en République Fédérale du Nigeria
RAPPELANT que les droits de la femme et le principe de non-discrimination sont reconnus et garantis dans tous les instruments internationaux des droits de l’homme, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et son Protocole facultatif et toutes les autres conventions et pactes internationaux et régionaux, comme la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ayant trait aux droits de la femme;
RAPPELANT que les droits de la femme, à la santé maternelle sont reconnus et réaffirmés dans les Plans d’action des Nations Unies sur la population et le développement de 1994 et sur le développement social de 1995, qu’ils sont inscrits dans la Déclaration et la Plateforme d’action de Beijing de 1995 ;
RECONNAISSANT que l’amélioration de la santé maternelle et de la reproduction est une obligation régionale et internationale inscrite dans le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples en Afrique et dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement ;
RAPPELANT EN OUTRE les engagements des Chefs d’Etat et de Gouvernement contenus dans la Déclaration solennelle sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Afrique adoptée lors de la 3 ème Session Ordinaire tenue à Addis-Abeba, Ethiopie, du 6 au 8 juillet 2004;
PRENANT NOTE des engagements des Chefs d’Etat et de Gouvernement dans la Déclaration d’Abuja sur le VIH/sida, la tuberculose et autres maladies infectieuses apparentées, faite durant le Sommet africain sur le VIH/sida, la tuberculose et autres maladies infectieuses à Abuja, Nigeria, du 24 au 27 avril 2001, d’affecter 15 % de leur budget national à la santé;
RESPECTANT notre Déclaration sur les droits économiques, sociaux et culturels à Dakar durant la 36ème Session de décembre 2004 selon laquelle l’insuffisance de volonté politique, la privatisation des services essentiels, la non-affectation de ressources suffisantes et la fuite des cerveaux sont certains des facteurs essentiels de la non-réalisation des droits économiques, sociaux et culturels en Afrique, y compris le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale;
PROFONDEMENT PREOCCUPE par le fait que l’Afrique enregistre le plus grand nombre de décès maternels au monde, soient plus de deux cent cinquante mille décès chaque année;
PREOCCUPEE par le fait que la plupart des Etats membres de l’Union Africaine n’enregistrent aucun progrès dans la réduction du taux de mortalité maternelle dans leurs pays respectifs;
PRENANT NOTE avec préoccupation que la mortalité maternelle détruit le fondement même de la famille africaine qui, selon l’Article 18 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples est “l’élément naturel et la base de la société ” et “gardienne de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la Communauté ”;
CONSIDERANT que le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux Droits de la femme en Afrique dispose en son article 14 des droits à la santé sexuelle et reproductive et, en particulier, oblige les Etats à “fournir aux femmes des services pré et post-natals nutritionnels, pendant la grossesse et la période d’allaitement et à améliorer les services existants”;
APPRECIANTgrand rôle joué par les femmes pour sécuriser l’avenir de la société et du fait que la grossesse soit un événement naturel, chaque société doit s’efforcer de protéger la vie de la mère et de l’enfant depuis la conception jusqu’à la délivrance et au-delà;
CONVAINCUE que la mortalité maternelle évitable est une violation du droit à la vie, à la santé et à la dignité de la femme en Afrique;
FERMEMENT CONVAINCUE que ce n’est qu’à travers des institutions de santé efficaces et un financement et un soutien stratégiques au secteur de la santé que le problème de la mortalité maternelle pourra être géré et enfin réduit en Afrique;
1. DECLARE que la mortalité maternelle évitable en Afrique constitue une violation au droit de la femme à la vie, à la dignité et à l’égalité inscrit dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et dans le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique;
2. APPELLE les gouvernements africains à se pencher individuellement et collectivement sur la question de la mortalité maternelle conformément aux recommandations attachées à la présente résolution.
Fait à Abuja, en République Fédérale du Nigeria le 24 Novembre Mai 2008.
RECOMMANDATIONS RELATIVES A LA MORTALITE MATERNELLE EN AFRIQUE
La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
Conformément à sa Résolution sur la mortalité maternelle en Afrique adoptée lors de sa 44 ème Session Ordinaire, tenue du 10 au 24 Novembre 2008 à Abuja , en République Fédérale du Nigeria fait, par les présentes, recommande aux Etats parties à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples :
1. De respecter leurs obligations aux termes de la Déclaration d’Abuja sur le VIH/sida, la tuberculose et autres maladies infectieuses. En particulier à:
- Affecter 15 % de leur budget national au secteur de la santé conformément à la Déclaration ;
- S’assurer que les réformes économiques fondées sur le marché, y compris la privatisation, ne soustraient pas l’Etat à sa responsabilité de respecter le droit à la santé ;
- S’assurer que les réformes, les politiques et les programmes de santé prennent correctement en considération le droits des femmes démunies et vivant en milieu rural d’avoir accès à des soins de santé primaires, comme stipulé dans le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique ;
- S’assurer en outre que l’accès aux services prénatals et d’obstétrique soit autant que possible gratuit, disponible et accessible ;
2. D’adopter des approches basées sur les droits de l’homme dans la formulation des programmes et des stratégies de leur pays afin de réduire la mortalité maternelle en Afrique et notamment:
- S’assurer de la participation des femmes et de la société civile dans la formulation, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques et des cadres destinés à se pencher sur la mortalité maternelle ;
- Prendre toutes les mesures appropriées, y compris la discrimination positive, pour financer les programmes et les projets spécifiques destinés à la santé maternelle ;
- Fournir des maternités équipées en personnel et en matériel dans les zones rurales;
- Employer et conserver le personnel de santé et de sages-femmes spécialisés dans les zones rurales et semi-urbaines ;
- Former et conserver des travailleurs de la santé sur les soins obstétriques d’urgence ;
- Développer des systèmes de transport communautaires atténuant l’effet des délais à recevoir une assistance médicale ;
- Développer des programmes de formation évolutifs pour l’éducation des femmes et des filles aux droits relatifs à la santé reproductive.
3. D’Inclure dans leurs rapports périodiques aux termes de l’Article 62 de la Charte Africaine:
- La situation générale de la santé maternelle, y compris le niveau de mortalité et de morbidité et les défis rencontrés dans la mise en œuvre des programmes y relatifs ;
- Les mesures politiques et institutionnelles prises pour donner effet aux dispositions de l’Article 14 de la Charte Africaine sur le droit au meilleur état de santé physique et mentale possible pour les femmes ;
- Des mesures budgétaires et institutionnelles destinées à garantir la santé maternelle ;
- D’autres programmes et activités destinés à garantir la santé maternelle avec des résultats.
4. De considérer la Déclaration sur la situation de la santé maternelle en Afrique comme une urgence à prendre des mesures adéquates au plan régional; <
5. Pour ceux des Etats qui ne l’ont pas encore fait, de ratifier de toute urgence le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique et prendre immédiatement des mesures relatives à son intégration, y compris l’amendement de la législation interne pour la rendre conforme au Protocole;
6. Pour ceux des Etats ayant ratifié ledit protocole, de prendre immédiatement des mesures de domestication y compris l’amendement de lis internes visant a les conformer aux dispositions du protocole ;
7. Elaborer des programmes destinés à attirer l’attention sur les impacts négatifs de la mortalité maternelle des femmes en Afrique et sur les futures générations d’Africains; 8. Aux organisations de la société civile d’Afrique à travailler en synergie et à développer des partenariats pour:
- Faire des recherches sur la mortalité maternelle dans les différents pays africains ;
- Travailler en collaboration avec les agences gouvernementales pour élaborer des stratégies nationales efficaces garantissant le droit à la santé maternelle ;
- S’assurer de la participation des communautés et des groupes de femmes à la formulation des programmes et des activités destinés à réduire la mortalité maternelle ;
- Suivre la mise en œuvre des programmes destinés à réduire la mortalité maternelle ;
- Plaider en faveur de la responsabilisation des gouvernements eu égard à leurs obligations respectives de réduire la mortalité maternelle et à garantir le droit à la santé maternelle ;
- Plaider en faveur de la ratification et de l’intégration par les Etats africains du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique sans aucune réserve.
Fait à Abuja en République Fédérale du Nigeria, le 24 Novembre 2008