Présenté à la 42eme Session Ordinaire de la Commission Africaine tenue du 14 au 28 Novembre 2007 á Brazzaville au Congo
I- INTRODUCTION
1. La Tunisie a adhéré á la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en vertu de sa loi No. 82-64 du 6 août 1982. Le rapport présenté et examiné á la 42eme session ordinaire de la Commission Africaine tenue á Brazzaville au Congo du 14 au 28 Novembre 2007 fait suite aux rapports initial et périodique présentés précédemment par la Tunisie. Le rapport a été présenté par une délégation Tunisienne dirigée par Mr. Ridha Khemakhem, Coordonnateur Général des Droits de l’Homme au Ministère de la Justice et des droits de l’homme en Tunisie.
2. La Commission Africaine note avec satisfaction, la soumission par la Tunisie de son rapport périodique. La Commission se félicite de l’atmosphère dans laquelle le rapport a été présenté et le dialogue soutenu tout au cours de cet exercice.
3. Les présentes observations conclusives font suite á la présentation et á l’examen du rapport précité. Elles font état des aspects positifs et des aspects négatifs relevés dans le rapport. Par ailleurs, ces observations conclusives mettent l’accent sur les domaines de préoccupation, qui, nécessitent que des mesures appropriées soient prises.
4. Les présentes observations conclusives contiennent aussi des recommandations à l’endroit de l’Etat Tunisien. Ces recommandations portent sur les domaines de préoccupations , ou des mesures qui doivent être prises à l’effet, d’une part de renforcer la jouissance des droits de l’homme en Tunisie, et d’autre part de garantir les droits prescrits par la Charte Africaine en particulier.
II- LES FACTEURS POSITIFS
5. La Commission Africaine prend note de ce que la Constitution de la République Tunisienne telle qu’elle a été modifiée par la loi constitutionnelle n° 2002-51 du 1er juin 2002, portant réforme substantielle de la loi fondamentale de l’Etat, consacre une notion de globalité, d’indivisibilité et de complémentarité de tous les droits de l’Homme. Ainsi, Cette approche globale des droits de l’Homme en Tunisie, procède de la conviction qu’il ne peut y avoir de démocratie effective sans développement humain, ni de développement sans démocratie, l’une étant le corollaire de l’autre.
6. La Commission encourage les principales mesures législatives et pratiques adoptées par la Tunisie, durant la période couvrant 1995-2006 , afin de renforcer la mise en oeuvre de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.
7. La Commission prend note de ce que la Tunisie a notamment ratifié :
• le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
• la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
• la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
• la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité,
• la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,
• la Convention relative aux droits de l’enfant.
• La Tunisie a également ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, sans aucune réserve. Elle a fait des déclarations au titre des articles 21 et 22 de cette Convention.
8. Dans le domaine de la promotion des droits de l’homme et des peuples, la Commission salue l’effort accompli par la Tunisie pour être allée au-delà de la simple promulgation des textes et pour s’être engagée dans des actions de sensibilisation pour changer les mentalités et les comportements afin de favoriser l’émergence d’un contexte propice à l’épanouissement des droits de l’Homme. Une option qui s’est traduite à la fois par l’instauration d’une éducation aux droits de l’Homme et par la diffusion de la culture des droits de l’Homme aussi bien dans les écoles de base et les établissements d’enseignement secondaire et supérieur que dans les établissements spécialisés chargés de la formation des agents de l’Etat (Institut Supérieur de la Magistrature, Ecole nationale d’Administration, Ecole des agents de sûreté nationale, Ecole supérieure des agents de l’administration pénitentiaire). De même, l’enseignement vulgarisant les droits de l’Homme semble devenir en Tunisie, une composante essentielle du système éducatif.
9. Relativement à la réalisation du droit au développement, la Commission Africaine encourage les efforts qui ont permis à la Tunisie d’être classée au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) parmi les Etats qui assurent à leurs citoyens un développement humain harmonieux, tenant compte à la fois des critères quantitatifs et qualitatifs à savoir, l’enseignement, le travail, la sécurité sociale, la santé, le logement et la nourriture d’une part, la liberté et la démocratie sous tous leurs aspects d’autre part.
10. La Commission Africaine salue l’existence du pluralisme politique à travers la reconnaissance de neuf partis politiques ce qui reflète la volonté politique de consolider le processus démocratique pluraliste et l’efficience des mécanismes juridiques mis en place.
III- LES OBSTACLES A LA JOUISSANCE DES DROITS
11. Certaines Organisations Non-Gouvernemenales ne semblent pas jouir des différentes mesures législatives prises par la Tunisie dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions contenues dans la Charte Africaine.
12. Les femmes Tunisiennes ne semblent pas non plus bénéficier de mesures pouvant faciliter leur accès à des postes de décision ;
13. il n’existe pas de mesures pratiques pouvant donner effet aux dispositions de la Charte.
IV-LES DOMAINES DE PREOCCUPATION
14. Les points faisant l’objet de préoccupation de la part de la Commission Africaine sont les suivants:
15. Le rapport ne fait aucune mention du processus ayant conduit à la préparation du projet de ce rapport et à sa finalisation,
16. Le rapport fait état de nombreuses mesures législatives mais ne fait pas mention des dispositions pratiques visant à mettre en œuvre ces mesures législatives ;
17. Le rapport ne fait pas référence aux mesures concrètes en vue de l’exercice du droit à la défense ;
18. Les lignes directrices de Robben Island, la peine de mort, les mesures législatives relatives à la torture, les détentions arbitraires n’ont pas fait l’objet de discussion dans le rapport;
19. Les mesures pratiques pour améliorer l’accès des femmes et leur représentation au plus haut niveau de l’Etat tunisien ;
20. Les droits des personnes âgées n’ont pas été mentionnés dans le rapport ;
21. Le rapport n’informe pas sur l’accès à la gratuité des soins médicaux ;
22. Le rapport ne donne aucune précision sur la tranche de la population bénéficiant de l’éducation pour adultes en Tunisie et ne donne aucune statistique sur cette politique;
23. Le rapport ne donne aucune information sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Tunisie et plus précisément sur les Organisations Non Gouvernementales actives en Tunisie ;
24. Le rapport ne donne aucune information sur l’indépendance de la justice en Tunisie ;
25. Le rapport ne fait pas état du taux de prévalence du VIH SIDA, et des dispositions appropriées qui ont été prises en vue de lutter contre le fléau ;
26. Le rapport ne fait aucune mention des dispositions qui sont prises en vue de la ratification des instruments ci-après:
• la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’enfant ;
• La convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles,
• La Convention Portant Création du Centre Africain de Développement des Engrais ;
• La Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte Contre la Corruption ;
• La Convention Interafricaine portant Etablissement d’un Programme de Coopération Technique ;
• L’Accord Portant Création de l’Institut Africain de Réadaptation (IAR).
• La Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance.
V- RECOMMANDATIONS
27. La Commission Africaine recommande au Gouvernement Tunisien de :
a. Mettre en place une équipe interministérielle incluant tous les acteurs notamment les membres de la société civile en vue de la préparation et l’élaboration du rapport périodique;
b. Prendre des dispositions pratiques pour mettre en œuvre les mesures législatives mentionnées dans le rapport;
c. Prendre toutes mesures appropriées en vue du respect des droits de la défense ;
d. Intégrer dans la législation nationale les lignes directrices de Robben Island et prendre des mesures législatives en vue de combattre la torture, les traitements inhumains et dégradants et les détentions arbitraires ;
e. Prendre toutes dispositions législatives appropriées en vue de l’Abolition effective de la peine de mort ;
f. Prendre des mesures concrètes pour améliorer l’accès des femmes et leur représentation au plus haut niveau de l’Etat tunisien ;
g. Insérer dans la législation nationale les droits des personnes âgées et des handicapés en Tunisie;
h. Favoriser l’accès á la gratuité des soins médicaux au plus grand nombre possible;
i. Poursuivre la politique de l’éducation pour adultes et en fournir des statistiques désagrégées;
j. Fournir des Informations sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Tunisie et plus précisément des Organisations Non Gouvernementales actives et en rendre compte dans les prochains rapports périodiques;
k. Prendre toutes dispositions appropriées en vue de rendre effective l’indépendance de la justice en Tunisie ;
l. Prendre toutes mesures appropriées en vue de déterminer le taux de prévalence du VIH SIDA et fournir des informations sur les résultats obtenus au niveau national.
m. Prendre des mesures appropriées pour la ratification des instruments des droits de l’homme auxquels la Tunisie n’est pas encore partie.
28. Soumettre à la Commission son rapport périodique en 2009 tout en fournissant des informations sur les mesures prises pour exécuter les présentes recommandations.
Fait à Brazzaville ce 28 Novembre 2007