GENEVE / BANJUL / WASHINGTON D.C. (18 décembre 2014) – Un groupe d’experts * internationaux sur les droits des migrants insistent sur la nécessité de mettre en place des filières de migration régulières, sûres et transparentes pour les quelque 232 millions de migrants dans le monde, dont 20 %, selon les estimations, sont en situation irrégulière.
À l’occasion de la Journée internationale des migrants, les experts ont souligné que l’absence de possibilités raisonnables de migration légale conduit souvent les migrants à sacrifier leur dignité, leur sécurité et parfois même leur vie en tentant d'atteindre leur destination.
« L’année en cours a vu un nombre sans précédant de migrants fuir les violences et les conflits et entreprendre des traversées maritimes périlleuses à la recherche de conditions de vie meilleures pour eux-mêmes et leurs familles», a fait remarquer Mme Maya Sahli Fadel, Rapporteure spéciale sur les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées et les migrants en Afrique, de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) ».
« L’attention a certes été retenue au cours de ces derniers mois par la Méditerranée, mais des milliers d’individus perdent également leur vie tous les ans en tentant de naviguer sur les mers des Caraïbes ou l’Océan indien, ou à travers les déserts et les fleuves des Amériques,” a-t-elle déclaré.
« Les politiques répressives ne dissuadent pas la migration irrégulière parce que le besoin de survie des personnes est toujours plus fort », a déclaré le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants, François Crépeau. « Le renforcement de la surveillance et la sécurisation accrue des frontières, ainsi que l’externalisation des contrôles migratoires, en plus de la réduction des filières de migration transparentes et régulières, obligent les migrants à chercher des voies plus périlleuses et à recourir aux passeurs ou à devenir des proies faciles pour les trafiquants ».
« Les politiques migratoires restrictives des États ont eu pour effet général de faire courir aux migrants des risques plus importants et de les rendre plus vulnérables aux atteintes et violations des droits de l’homme », a-t-il ajouté.
« La criminalisation de personnes pour avoir traversé ou tenté de traverser une frontière ne permet aucunement de remédier aux causes de la migration clandestine, mais contribue plutôt à l’exacerbation de l’intolérance, de la xénophobie et de l’exclusion sociale dont font l'objet les migrants », a déclaré le Président du Comité des Nations Unies sur les droits des travailleurs migrants (CMW), Francisco Carrión Mena.
« Certains États considèrent à tort les zones frontalières comme exemptes de toute obligation en matière de droits de l’homme. Les intérêts légitimes des États en termes de sécurisation de leurs frontières et de contrôle de l'immigration ne sauraient supplanter leur obligation de respecter, protéger et réaliser les droits de l'Homme de toutes les personnes se trouvant dans toutes les zones placées sous leur juridiction , indépendamment de leur statut migratoire », a-t-il fait remarquer.
« La nature pluricausale de la migration est de plus en plus manifeste dans les flux migratoires mixtes sur le continent américain. Au cours des dernières années, nous avons pu voir l’impact des activités du crime organisé comme facteur de migration forcée, avec, dans le même temps, les criminels qui exploitent les migrants et profitent d’eux à toutes les étapes du processus migratoire », a déclaré Felipe González, Rapporteur sur les Droits des migrants de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH).
« Malgré les différentes situations de vulnérabilité dans lesquelles de nombreux migrants se retrouvent, ainsi que leurs besoins de protection, l’adoption par les États de mesures visant à restreindre la migration et à sceller les frontières est devenue pratique courante, en totale violation des droits de l'homme de ces personnes. Les frontières et les couloirs de migration deviennent des lignes de clivage en matière de droits de l’homme, où ce que les États font et ne font pas pour la protection des droits de l'homme a un coût en termes de vies humaines», a-t-il averti.
Les experts en migration ont fait savoir, qu’à leur arrivée dans le pays de destination, certains migrants en détention subissent des actes de violence et vivent dans des conditions déplorables marquées, entre autres, par le surpeuplement, des installations sanitaires inadéquates et des soins médicaux insuffisants. Des millions d’enfants à travers le monde sont touchés par la détention liée à l’immigration. « Un enfant ne devrait jamais être détenu sur la base de son statut migratoire ou de celui de ses parents, puisqu’une telle disposition n’est jamais dans le meilleur intérêt de l’enfant. Les États doivent tenter de trouver des solutions de rechange à la détention dans de tels cas », a-t-il déclaré.
Ceux qui parviennent à rester dans leur pays de destination se retrouvent à travailler dans des conditions de semi-esclavage dans les secteurs de la pêche en Asie, de la construction et du travail domestique au Moyen Orient, et de l’agriculture et de la viande en Europe et en Amérique du Nord.
La contribution des ‘migrants’ au développement a souvent un coût humain, en particulier pour ceux en situation irrégulière qui sont souvent contraints par les circonstances d’effectuer certaines tâches quel qu'en soit le coût financier, physique ou même psychologique. Si les droits de l’homme des migrants, indépendamment de leur statut, sont effectivement promus, respectés et protégés dans des processus migratoires bien gérés, ces résultats de développement pourront être largement améliorés, selon les experts.
« En sus des violations multiples et quotidiennes des droits de l’homme dont les migrants sont victimes, leur manque de poids politique conduit souvent à leur utilisation par les autorités étatiques comme boucs émissaires en temps de crise économique ou de sécurité publique. Ces types de discours xénophobes et racistes sont monnaie courante, alors que plusieurs études ont montré qu’il n’existe aucun lien entre la migration et l’insécurité ou la migration et le chômage », a ajouté M. González.
« Les États peuvent aider à éviter l’éclatement des composantes les plus vulnérables du tissu social, en mettant en œuvre des politiques d’intégration fondées sur la reconnaissance des migrants comme des détenteurs de droits de l’homme », a-t-il dit.
Les experts préconisent fortement le renforcement de la promotion et de la protection des droits de l’homme des migrants, indépendamment de leur statut migratoire, notamment par la ratification de la Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, mais également des instruments régionaux, comme la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et la Convention américaine des droits de l'homme.
Ils appellent aussi la communauté internationale à entreprendre une campagne d’un an pour célébrer le 25ème anniversaire de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les migrants et des membres de leur famille (18 décembre 1990 - 18 décembre 2015), et obtenir la ratification universelle de ladite Convention.
La campagne mondiale, « Redoublons d’efforts (Step It Up): Dignité, Droits, Développement », s'articule autour des thèmes suivants: mettre fin à la détention des enfants pour cause d’immigration, travailleurs domestiques migrants, travail forcé, contributions des travailleurs migrants aux pays d’origine et d’accueil, et promotion de la ratification de la Convention.
Cette plateforme offre à l’ensemble des parties prenants l’occasion de présenter les événements et activités à réaliser tout au long de l’année en vue de promouvoir les droits de l’homme des migrants et la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
(*) Ce sont: le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants, M. François Crépeau; le Président du Comité des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, M. Francisco Carrión Mena; la Rapporteure spéciale de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur les refugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées et les migrants, Mme Maya Sahli Fadel; et le Rapporteur sur les droits des migrants de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, M. Felipe González Morales.
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