Déclaration de la Rapporteure Spéciale sur les Droits de la femme en Afrique à l’occasion de la Journée Panafricaine des femmes - 31 juillet 2014

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En ma qualité de Rapporteure Spéciale sur les droits de la femme en Afrique de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Commission), je voudrais, au nom de la Commission, encore une fois souhaiter bonne fête aux femmes africaines et aux femmes du monde, qui s’associent à elles, dans la commémoration annuelle de cette journée.

Cette année, le thème retenu par l’Organisation Panafricaine des Femmes  (OPF) est « Rôle des femmes et des jeunes filles dans les domaines de l'éducation, des sciences et des nouvelles technologies pour une Renaissance africaine ».

L’Afrique se trouve confrontée à un nombre croissant de défis socioéconomiques, sécuritaires, culturels et politiques. Ce qui est important, ce sont la volonté, la conscience  et les moyens  avec lesquels nous faisons face à ces défis par des approches et des  perspectives résolument tournées vers l’avenir, ainsi que la contribution des femmes et des hommes au  développement de nos pays, et de notre continent.

Il est fondamental  de relever que les femmes et les jeunes filles africaines ne sauraient pleinement jouer leur rôle et réaliser tout leur potentiel dans les domaines susvisés que lorsque les Etats Parties au Protocole de Maputo auront satisfait aux obligations spécifiques auxquelles  ils se sont astreints, notamment :  celles d’éliminer toute forme de discrimination à leur égard ; de leur garantir l’égalité des chances et d’accès en matière d’éducation et de formation ; de promouvoir l’inscription et le maintien des filles à l’école et dans les centres de formation technique et professionnelle ; de promouvoir l’alphabétisation des femmes ; d’intégrer la dimension genre et l’éducation aux droits humains à tous les niveaux des programmes d’enseignement ; et de promouvoir l’éducation et la formation des filles et des femmes dans les domaines de la science et de la technologie.

 
Tout en reconnaissant les efforts accomplis par les États parties dans la prise en compte des besoins des femmes et des jeunes filles en matière d’éducation, dans les budgets, les lois, les plans, politiques et programmes, de nombreux défis liés au genre qui constituent autant d’obstacles à la réalisation du potentiel de ces dernières  persistent et interpellent tous les acteurs concernés, tant au plan national que régional et international. Il en est ainsi des violences  et du harcèlement sexuels dans les écoles ; de la prévalence encore élevé dans nombre de pays ; des mariages précoces et de la mortalité maternelle ; du faible accès des femmes et des filles à la planification familiale; de la pauvreté des communautés et des femmes ;  de l’insuffisance des structures scolaires et des internats, ainsi que la faiblesse des budgets alloués au secteur de l’éducation et de la formation.

Dans plusieurs pays, en dépit de l’existence des lois et de la ratification des instruments juridiques régionaux et internationaux pertinents, les normes traditionnelles ou culturelles déterminent encore le devenir des femmes et des filles, au niveau des communautés et des ménages. Les jeunes filles subissent des pratiques néfastes et sont contraintes de gérer à la fois, très tôt, des responsabilités domestiques qui les privent de la jouissance de leurs droits fondamentaux, notamment le droit à l’éducation, à la santé et à la protection contre toutes les formes d’abus et d’exploitation, y compris sexuelle.

 
Ces défis sont particulièrement préoccupants dans les pays exposés aux conflits, au fondamentalisme et au terrorisme où l’éducation et la formation des filles peuvent les exposer à des violations graves et massives  de leurs droits, comme cela a été illustré par l’enlèvement récent des jeunes écolièresà Chibok (Nigeria) et les violences sexuelles à l’égard des femmes et des filles en RDC, au Mali, en RCA, en Libye et en Egypte. 

Ainsi, de plus en plus, le rôle des femmes et des jeunes filles  dans l’éducation  reste fortement tributaire de la paix et de la sécurité en Afrique, mais aussi du respect par les Etats de leurs obligations en matière des droits humains. 

Tout en félicitant les Nations Unies, l’Union Africaine et les  Communautés  Économiques Régionales pour leurs efforts continus dans le domaine de la préservation de la paix et de la protection des droits humains des femmes,  j’en appelle à la mobilisation des réseaux, associations et ONG féminines africaines, sous le leadership éclairé de l’OPF, en vue de renforcer le plaidoyer en faveur de l’habilitation des femmes et pour une contribution de qualité dans le développement de leurs communautés, de leurs pays et du Continent Africain. 

Je voudrais saisir, en guise de conclusion, cette occasion pour demander aux États qui ne l’ont pas encore fait, de ratifier le Protocole de Maputo et tous les autres instruments pertinents de l’Union Africaine et de créer les conditions appropriées en vue de les intégrer dans leurs législations internes et de les mettre effectivement en œuvre, y compris par l’allocation de ressources financières adéquates.

Fait à Banjul, le 31 juillet 2014