Déclaration à l’occasion de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture – 26 juin 2014

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La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) et son Comité pour la prévention de la torture en Afrique (CPTA), à l’occasion de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, réitère l’importance d’une pleine réparation aux victimes de la torture et saisit cette occasion pour appeler les Etats africains et les acteurs non-étatiques à s’acquitter de leurs responsabilités à cet effet comme indiqué dans les Lignes directrices et mesures d’interdiction et de prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique (Lignes directrices de Robben Island).

Entre juin 2013 et juin 2014, l’utilisation systémique de la torture par les organismes chargés de l’application de la loi, les forces de sécurité, les groupes armés et d'autres acteurs privés, a été généralisée avec des cas multiples rapportés dans différents pays africains. La prévalence des actes de torture, et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants persiste lors de protestations publiques, de soulèvements et de coups d’Etat.

Les victimes de la torture sont essentiellement les membres de partis ou de mouvements politiques d’opposition, les défenseurs des droits de l’homme, les manifestants, les détenus, les prisonniers, les personnes soupçonnées de terrorisme, les personnes souffrant d’un handicap intellectuel ou psychologique ainsi que les réfugiés et les demandeurs d’asile.

La torture continue d’être pratiquée comme moyen d’obtenir des confessions ou des informations dans les enquêtes comme moyen de réprimer, de punir et de terroriser les victimes.

Les rapports et les allégations crédibles d’incidences pouvant équivaloir à des actes de torture ou à des mauvais traitements ont été portées à l’attention du CPTA entre juin 2013 et juin 2014, concernent des pays tels que l’Afrique du Sud, l’Angola, la République Centrafricaine, la République démocratique du Congo, Djibouti, l’Egypte, l’Erythrée, l’Ethiopie, la Gambie, le Ghana, la Guinée Equatoriale, le Kenya, la Libye, le Mali, la Mauritanie, le Nigeria, l’Ouganda, le Rwanda, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud et le Zimbabwe.

Des progrès ont été également été enregistrés dans certains domaines. Deux pays ont signé ou ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains et dégradants (CAT) et son Protocole facultatif (OPCAT).

Un certain nombre de pays ont également intégré la CAT et l’OP-CAT. Le CPTA a également pris note avec satisfaction de certaines décisions judiciaires significatives, rendues par certaines juridictions nationales et sous-régionales allant dans le sens de la protection contre la torture et les mauvais traitements.

Certains Etats ont également mené d’importantes actions politiques, de renforcement des capacités et de sensibilisation à l’appui de l’interdiction de la torture et des mauvais traitements.

La Commission et le CPTA prennent note et se réjouissent des mesures positives prises par les acteurs étatiques et non-étatiques pour prévenir la torture ou les mauvais traitements en Afrique et des efforts continus pour veiller à ce que les victimes soient pleinement indemnisées.

Mais la torture continue à poser un véritable problème et tous, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, personnes handicapées ou non, en sont des victimes potentielles.

Le CPTA appelle aussi les acteurs à respecter leurs engagements de veiller à ce que les auteurs d’actes de torture en soient tenus comptables. Les responsables d’actes de torture devraient être soumis à des procédures judiciaires pour garantir la justice aux victimes de la torture.

Il est rappelé aux Etats africains qu’ils ont le devoir ferme et solennel de respecter les droits humains fondamentaux et la primauté du droit. Le CPTA réitère que la torture ou les mauvais traitements constituent d'énormes violations des droits de l'homme.  

Les Etats doivent prendre des mesures positives pour veiller à ce que les institutions de santé ne fassent pas le lit d'actes de torture et de mauvais traitements sur des personnes souffrant de handicaps intellectuel ou psychosocial.

Les Etats doivent prendre des mesures législatives et administratives interdisant et punissant toutes les formes de violence, notamment la violence à l’égard de personnes sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur identité sexuelle présumée ou réelle.

Les Etats non-parties à la Convention contre la torture et son Protocole facultatif et les Etats n’ayant pas intégré ces instruments sont instamment appelés à envisager de le faire sans retard.

Les Etats ayant institué des processus vérité et réconciliation devraient faciliter ces initiatives pour s’acquitter efficacement de leurs missions de faire avancer la protection des victimes de la torture et de mauvais traitement en recueillant des témoignages, en menant des enquêtes, en organisant des auditions publiques et en publiant des rapports y compris leurs conclusions et leurs recommandations.        

Enfin, les Etats sont appelés à prendre des mesures concrètes pour respecter leurs engagements à l’égard du droit des victimes à un recours efficaces des violations des droits de l’homme subies par suite de la torture et de mauvais traitements ainsi que de leur droit à une pleine réparation. A cet égard, les Etats doivent s’assurer que les victimes de la torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les témoins, les responsables d’enquêtes, les autres défenseurs des droits de l'homme et les familles soient protégés de la violence, des menaces de violence ou de toute autre forme d’intimidation ou de représailles. Les Etats doivent en outre offrir des réparations aux victimes, y compris aux membres de leur famille, quelle que soit l’issue des poursuites pénales, notamment des soins médicaux, une réinsertion sociale et médicale, une indemnisation et d'autres soutiens.   

Chaque jour doit être consacré à mettre fin à la culture de la torture et au raffermissement du soutien aux victimes de la torture.