La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission africaine), réunie en sa 85ᵉ session ordinaire, tenue du 7 30 octobre 2025 à Banjul, en République de Gambie ;
Rappelant son mandat de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et des peuples en Afrique, conformément à l’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Réaffirmant les obligations juridiques des États parties à la Charte africaine de respecter, protéger et promouvoir les droits de toutes les personnes se trouvant sur leur territoire ou relevant de leur juridiction, sans distinction aucune fondée sur la nationalité, l’origine ou le statut migratoire ;
Rappelant en outre les obligations des États africains en matière de protection internationale des réfugiés et des migrants, telles qu’énoncées dans la Convention de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967, ainsi que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990 ;
Prenant acte des Principes directeurs africains relatifs aux droits de l’homme de tous les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, adoptés par la Commission africaine en 2023, notamment le Principe 5 (Dignité humaine), le Principe 8 (Liberté et sécurité de la personne), le Principe 9 (Disparitions forcées et migrants disparus), le Principe 11 (Procédure régulière), le Principe 21 (Asile) et le Principe 22 (Protection des réfugiés) ;
Rappelant en outre que d'autres pays de l'Union européenne, l'Union européenne et le Royaume-Uni ont également conclu de tels accords avec des États africains ;
Rappelant les communiqués de presse de la Commission africaine, celui du 4 août 2025, relatif à l’expulsion de migrants africains et non-africains depuis les États-Unis d’Amérique vers certains États africains, et celui du 1er septembre 2025, concernant la poursuite des négociations bilatérales sur des accords migratoires entre les États-Unis et plusieurs États africains, aux termes desquels des migrants extra-continentaux seraient transférés, détenus ou réinstallés sur le sol africain ;
Préoccupée par la tendance croissante de certains États non-africains ou organisations régionales à externaliser leurs politiques migratoires et d’asile vers des États africains pour la gestion des flux migratoires -incluant, notamment, des mécanismes de réadmission, de traitement extraterritorial des demandes d’asile, de financement et de formation d’unités d’interception, de création de centres de transit ou de relocalisation de personnes - et soulignant que de tels dispositifs ne sauraient déléguer, transférer ni diluer les obligations internationales des États parties au regard de la Charte africaine et du droit international, en particulier le principe de non-refoulement, l’interdiction des expulsions collectives, l’accès effectif à une procédure individuelle équitable et le contrôle juridictionnel ;
Profondément préoccupé par l'absence de garanties pour la protection des droits fondamentaux de l'homme ou l'accès à une procédure équitable et individuelle de détermination du statut ; par les informations selon lesquelles certains États africains qui ont accepté d'accueillir, de détenir ou d'expulser des migrants — y compris des membres de la diaspora africaine et des personnes d'ascendance africaine — transférés par des États non africains, notamment les États-Unis d'Amérique et l'Union européenne;
Soulignant que de telles pratiques peuvent exposer les personnes concernées, y compris des migrants, demandeurs d’asile, des réfugiés et des membres de la diaspora africaine, à des risques graves de refoulement, de détention arbitraire, de discrimination et de violation du droit à la dignité et à la sécurité ;
Réitérant la position constante de la Commission africaine selon laquelle tout partenariat ou accord migratoire doit être pleinement conforme à la Charte africaine, aux instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme, ainsi qu’aux valeurs africaines de dignité, d’hospitalité et de respect mutuel ;
Convaincue que les défis liés à la migration et à la mobilité humaine sur le continent doivent être traités dans l’esprit de la Charte africaine, à travers une coopération intra-africaine équitable, et dans le respect des obligations juridiques internationales, régionales et nationales des États parties ;
La Commission africaine:
1. Souligne que les États africains ne doivent pas conclure ou maintenir de partenariats migratoires lorsqu’ils savent, ou devraient savoir, que ces accords comportent un risque réel de violations graves des droits de l’homme, y compris, mais sans s'y limiter, ceux énoncés dans les Principes directeurs africains relatifs aux droits de l'homme de tous les migrants, réfugiés et demandeurs d'asile ;
2. Appelle les États africains à rendre publics les accords existants ou envisagés avec des États non-africains concernant la réception ou la détention de migrants, de demandeurs d’asile ou de réfugiés afin d’assurer la transparence et la redevabilité des politiques migratoires et d’asile ;
3. Affirme que les États africains doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la vie, la dignité, la sécurité et les droits fondamentaux de toutes les personnes relevant de leur juridiction, y compris les migrants transférés dans le cadre d’accords bilatéraux ou multilatéraux avec des États non-africains;
4. Rappelle que toute coopération migratoire doit se conformer strictement au principe de non-refoulement, au droit à la procédure régulière, et aux garanties d’un traitement humain et non discriminatoire ;
5. Condamne l'engagement des États parties à la Charte africaine dans tout accord avec des États ou entités non africains ou dans toute pratique conduisant à des expulsions collectives et les transferts forcés de migrants effectués sans examen individuel, en rappelant que ces pratiques sont interdites par l’article 12(5) de la Charte africaine et constituent des violations du droit international coutumier et que et que le principe de non-refoulement constitue une obligation absolue en droit international ;
6. Invite les États africains à renforcer la coopération Sud-Sud en matière de gestion des migrations et à promouvoir des alternatives africaines aux partenariats asymétriques, fondées sur les droits de l’homme et la dignité.
Fait à Banjul 30 octobre 2025








