Déclaration de la Rapporteur spéciale sur les droits de la femme en Afrique, à l’occasion de la « Journée internationale de la Femme » - 8 mars 2016

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La Rapporteure spéciale sur les droits de la femme en Afrique, Madame la Juge Lucy Asuagbor, au nom de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) et en son nom propre, a souhaité aux femmes du monde entier, en particulier les femmes africaines, une excellente célébration de la Journée internationale de la femme. 

Le thème choisi pour la célébration de cette année : « Engagement en faveur de la parité », qui s’inscrit en droite ligne avec le thème des Nations Unies (NU) « Planète 50-50 d’ici 2030 : franchissons le pas pour l’égalité des sexes » est conforme aux thèmes précédents de la Journée internationale de la Femme des Nations Unies et va également dans le sens de la déclaration de l’Union africaine (UA) de cette année « Année africaine des droits de l’homme, avec un accent particulier sur les droits de la femme ».

Le thème de cette année s’inscrit également dans le cadre du nouvel Agenda 2030 pour le développement durable, adopté par les Chefs d’Etat et de Gouvernement et les Hauts Représentants réunis au siège de l’ONU à New York, du 25 au 27 septembre 2015. Dix-sept (17) objectifs ont été fixés dans le cadre du présent Agenda et devraient être réalisés d’ici à l’an 2030, à compter de Janvier 2016. Ils cherchent à s’appuyer sur les Objectifs du Millénaire pour le développement et compléter ce qu’ils n’ont pas réalisés. L’Objectif cinq (5) encourage spécifiquement l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles. La réalisation de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles sera une contribution essentielle à la promotion de tous les objectifs de l’Agenda 2030. L’intégration systématique de la perspective genre dans la mise en œuvre des Objectifs est également encouragée.

La récurrence du thème de la « parité » et la décision prise cette année, par l’UA, d’accorder une attention particulière aux droits de la femme africaine, confirme la nécessité de combler le fossé entre les sexes, étant donné que l’égalité des sexes couvre l’exercice et la réalisation des droits humains de la femme, et équivaut donc à la réalisation de tous les autres droits conférés à la femme. Il convient de souligner à ce stade que la déclaration de l’UA provient du fait que l’année 2016 marque des étapes importantes dans le système africain des droits de l’homme, et l’objectif général de la commémoration de cette année est de sensibiliser aux  droits de l’homme et des peuples sur le continent , en particulier les droits de la femme, et de faire le bilan des progrès ou des efforts réalisés, y compris les défis et/ou obstacles majeurs rencontrés.

De nombreux pays du continent ont fait montre, dans une certaine mesure, de leur engagement envers l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, en adoptant diverses mesures sur l’égalité des sexes, et en mettant en place des institutions et cadres stratégiques pour combattre la discrimination et la marginalisation des femmes. En outre, les femmes ont réalisé des progrès significatifs dans l’arène politique au cours des dernières années. Les principales mesures prises par l’organe politique continental, à savoir l’Union africaine, pour promouvoir l’égalité des sexes dans ses principales prises de décision, en sont un exemple frappant.  

Nonobstant ce qui précède, la mise en œuvre de l’agenda sur l’égalité des sexes dans la plupart des pays africains demeure un défi. Cela est essentiellement dû au fait que les divers instruments régionaux et internationaux signés par les Etats parties ne sont pas mis en œuvre et ne se traduisent pas en changements positifs dans la vie quotidienne des femmes. Les femmes restent reléguées au second plan, avec un faible accès à la terre, à l’éducation et à la santé ; elles continuent d’être victimes de violence basée sur le genre ; en plus de la pauvreté et des pratiques et stéréotypes culturelles qui les empêchent d’être traitées à égalité avec les hommes, baissant ainsi le niveau de développement qu’elles pourraient atteindre.  Par ailleurs, l’absence de financement, de logistique et de personnel adéquat pour entreprendre des programmes de promotion de l’agenda de l’égalité des sexes constitue également un défi à relever.Par conséquent, pour réaliser l’égalité des sexes d’ici 2030, comme prévu par les Nations Unies, il faudrait redoubler d’efforts et renforcer nos actions dans le domaine du développement, de l’autonomisation de la femme et de l’égalité des sexes.

En effet, une femme autonome, c‘est une nation autonome. Cependant, l’autonomisation des femmes sans la garantie de leur droit à l’égalité des sexes est assez difficile, voire impossible. Pour ce faire, nous avons des opportunités à saisir : L’un des principes directeurs de l’Acte constitutif de l’UA est l’égalité des sexes. La création, par la Commission africaine, d’un Mécanisme spécial qui traite des droits de la femme en Afrique témoigne également de l’importance que la Commission attache aux questions qui concernent et affectent les femmes en Afrique. Nous disposons également de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine), qui contient des dispositions progressistes sur le droit à l’égalité des sexes et le respect des droits de la femme. Enfin, mais non des moindres, le Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo) qui couvre toutes les questions concernant les femmes dans le contexte africain. En fait, le Protocole de Maputo énonce que chaque femme a droit « à la reconnaissance et à la protection de ses droits humains et juridiques ». Il comporte des articles sur l’égalité dans le mariage, l’accès à la justice et la participation politique, la protection des femmes dans les conflits armés et la dispense d’une éducation, d’une formation et la fourniture de soins de santé. Il défend également les droits de la femme au logement et à l’héritage, et contient des directives sur l’élimination des pratiques traditionnelles telles que les mutilations génitales féminines. Malgré tous ces instruments très importants disponibles dans le système africain des droits de l’homme, l’absence de lois nationales pour les domestiquer et les mettre en œuvre pose un défi à l’objet visé dans ces instruments, à savoir la protection de l’égalité des sexes sur le continent et l’abolition de la discrimination.

Sur la base de ce qui précède, la Rapporteure spéciale sur les droits de la femme en Afrique continue à plaider pour la ratification, la domestication et la mise en œuvre du Protocole de Maputo par les Etats parties, car il reste le fleuron des droits de la femme en Afrique. La Rapporteure spéciale sur les droits de la femme en Afrique félicite tous les Etats qui ont ratifié le Protocole de Maputo, et exhorte ceux qui ne l’ont pas encore ratifié, à le faire et donner effet aux dispositions qui y sont contenues dans les meilleurs délais. Les Etats sont également invités à revoir leurs processus de définition d’une nouvelle vision de l’égalité des sexes qui transformera fondamentalement les relations entre les sexes dans la société, et à soutenir la mise en œuvre de l’Agenda 2030.

Enfin, la Rapporteure spéciale souhaite un joyeux anniversaire à toutes les femmes et les exhorte à être unies dans leurs actions et leurs efforts en vue de l’émergence du leadership des femmes dans tous les aspects de la vie.

Engageons-nous pour la parité !

Bonne et heureuse Journée de la Femme et Longue vie à la Femme africaine dans ses efforts inlassables pour le développement du continent !