Le 18 février 2024 marquait un jour historique pour le continent africain avec l’adoption lors de la 37ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union Africaine du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux aspects spécifiques du droit à une nationalité et l’éradication de l’apatridie en Afrique (le Protocole), offrant à des millions de personnes -probablement- l’espoir d’exister enfin et de ne plus être invisibles aux yeux des lois et des gouvernements.
L’adoption de ce Protocole réaffirmait l’engagement de l’Afrique à assurer à la fois, la promotion, la protection et le respect du droit à une nationalité à tout individu, condition fondamentale pour la protection et l’exercice effectif de l’ensemble des autres droits humains, et d’autre part, la prévention et l’éradication de l’apatridie, qui viole le droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de la personnalité juridique.
Une telle adoption consacrait par ailleurs une concrétisation du principe « Des solutions africaines aux problèmes africains », puisque le Protocole prend en charge des spécificités africaines en matière de nationalité et leur apporte des réponses adéquates telles pour l'apatridie transgénérationnelle, les populations nomades et transfrontalières ou encore les garanties de procédure en matière de droit à la nationalité.
Pourtant, aujourd’hui, 18 février 2025, un an après l’adoption du Protocole, la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (la Commission) déplore qu’il n’y ait encore aucune signature ni aucune ratification de cet instrument.
Ceci est d’autant plus préoccupant qu’en dépit de nombreuses avancées notables dans certains Etats africains qui ont adopté ou modifié leurs législations en matière de nationalité pour éradiquer l’apatridie, certaines mauvaises pratiques perdurent encore dans d’autres Etats telle la déchéance de nationalité pour des raisons politiques, le manque de développement des systèmes d’enregistrement des naissances, ou encore les lois et politiques discriminatoires en matière de nationalité empêchant souvent les femmes de transmettre leur nationalité à leurs enfants ou à leurs conjoints, laissant des familles entières sans identité légale et les exposant à de graves risques de violations de leurs droits humains.
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples souhaite saisir l’occasion de ce premier anniversaire de l’adoption du Protocole relatif aux aspects spécifiques du droit à une nationalité et l’éradication de l’apatridie en Afrique pour rappeler aux Etats africains l’importance de ratifier les textes qu’ils adoptent afin d’en faire des « textes vivants » pour qu’ils puissent réellement avoir un impact positif sur la vie de tous les africains.
En ce jour de commémoration, la Commission africaine encourage tous les Etats Parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples à accélérer le processus de ratification du Protocole, afin de permettre son entrée en vigueur, dans les meilleurs délais, par l’atteinte de quinze ratifications.
Elle rappelle dans ce contexte les engagement déjà pris en la matière au niveau des Communautés Economiques Régionales (CER), notamment à travers la Déclaration d’Abidjan du 25 février 2015 sur l’éradication de l’apatridie en Afrique de l’ouest adoptée dans le cadre de la Communauté́ économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), mais aussi la Déclaration de Brazzaville sur l’éradication de l’apatridie du 16 octobre 2017 prise par les Etats membres de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL).
La Commission africaine réitère par ailleurs ses appels à la Commission de l’UA , au HCR, aux organisations de la société civile, et à tous les autres partenaires pour apporter leur soutien et contribution afin de mener un véritable plaidoyer collaboratif dans la campagne de ratification de ce Protocole pour permettre non seulement son entrée en vigueur mais également afin d’atteindre une ratification universelle permettant par la même la réalisation de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, notamment les aspirations des peuples africains à une citoyenneté́ africaine, mais aussi la réalisation des Objectifs de développement durable, dont le but est de "ne laisser personne de côté".
Enfin, l’entrée en vigueur du Protocole relatif aux aspects spécifiques du droit à une nationalité et l’éradication de l’apatridie en Afrique représentera une participation significative de l’Afrique à la nouvelle Alliance Mondiale pour mettre fin à l’apatridie, qui a été lancée officiellement en octobre 2024, et ainsi une mise en oeuvre de l'aspiration 7 de l'Agenda 2063 pour faire de l'Afrique un partenaire majeur des affaires mondiales.
18 Février 2025
Honorable Commissaire Selma SASSI-SAFER
Rapporteure spéciale sur les Réfugiés, les Demandeurs d’asile, les Personnes Déplacées Internes et les Migrants en Afrique