Le Commissaire Dr Vera Chirwa Mlangazuwa, Rapporteur spécial sur les prisons et les conditions de détention en Afrique, a visité l'Ouganda du 11 au 22 mars 2001. Le but de cette visite était d'évaluer et de documenter les conditions de détention en Ouganda et de construire un dialogue constructif et permanent avec le gouvernement de l'Ouganda dans le but d'améliorer les conditions de détention et de réinsertion en Ouganda.
Recommandations
Recommandations générales
Le surpeuplement est le problème le plus important. Il est la source de beaucoup de problèmes rencontrés. La Rapporteur spéciale voudrait attirer l'attention du gouvernement ougandais sur le fait que la solution à ce problème n'est pas de construire d'autres prisons, mais de réformer le système pour plus d'efficacité, aux niveaux de la police et des tribunaux. La Rapporteur spéciale recommande que les initiatives déjà prises pour réduire la congestion dans les prisons soient poursuivies et mises en application à travers tout le pays. De plus, les mesures suivantes devraient contribuer au redressement de la situation:
Des infractions telle que l'oisiveté devraient être enlevées du Code pénal. D'autres infractions qui pourraient être traitées d'une autre manière devraient être dépénalisées (par exemple, ceux qui n'arrivent pas à payer les taxes pourraient être condamnés aux travaux communautaires).
Des peines autres que l'emprisonnement, telles que les condamnations avec sursis, le système de probation, devraient être mis en application.
Compte tenu de la grande proportion de personnes accusées de profanation, le gouvernement devrait songer à amender la loi pour permettre aux juridictions inférieures de les juger. Les magistrats pourraient accorder une attention particulière à ces cas et de mener une enquête minutieuse pour éviter des procès arbitraires.
Les prisons de l'Administration locale ont besoin d'une attention urgente:
Leur budget devrait augmenter pour s'assurer que les détenus sont gardés dans des conditions humaines acceptables (Mpigi, Kasese);
Les conditions de travail des détenus devraient être systématiquement examinées. Le surmenage et le travail forcé devraient être éradiqués, étant donné qu'ils constituent des violations des droits humains et un traitement inhumain et dégradant des prisonniers. Ils sont par ailleurs interdits par la Constitution.
Le comportement du personnel à l'égard des détenus devrait changer:
Les détenus se sont plaints des mauvais traitements et il devrait être mis fin aux châtiments corporels partout où ils sont encore pratiqués par le personnel et les chefs de quartiers.
L'intimidation et la discrimination ne devraient pas être utilisées comme moyen de contrôler les prisonniers et d'autres mesures devraient être appliquées pour imposer la discipline;
Les responsables devraient avoir l'occasion de bouger d'un poste à l'autre après un certain temps. Certains sont restés trop longtemps et ne manifestent plus d'intérêt pour le travail;
La sensibilisation aux droits de l'homme du personnel et des détenus, plus particulièrement les chefs de quartiers, devrait être intensifiée.
Les progrès réalisés dans l'accroissement du budget de toutes les institutions s'occupant des détenus et des délinquants devraient être renforcés et suivis de près pour s'assurer que les détenus sont gardés dans de bonnes conditions de santé. L'assistance devrait être planifiée selon les besoins et non comme une réponse aux situations de crise. Elle devrait inclure un budget pour l'entretien des prisons.
Des programmes de réadaptation devraient être mis au point pour s'assurer que les détenus se préparent à la libération et à une vie future constructive. Des programmes d'enseignement et d'alphabétisation adaptés à la durée de détention ainsi qu'une formation professionnelle devraient être offerts.
Les responsables ne devraient pas trop limiter la liberté des prisonniers comme c'est le cas à Mbale ou à Masindi par exemple. Le gros du temps, les prisonniers restent à l'intérieur, ils devraient avoir le temps de faire des exercices physiques à l'extérieur.
Les pratiques de corruption à la police devraient être recherchées et éradiquées.
Les infrastructures sont très pauvres. Les prisons des administrations locales de Tororo et Kasese ainsi que celle du gouvernement central de Mbale devraient être fermées parce qu'elles sont actuellement dangereuses pour les détenus et le personnel. Les quartiers du personnel devraient être réhabilités.
L'hygiène et le logement devraient être améliorés. Les détenus devraient avoir suffisamment de lits, de savons, de détergents et de matériel de nettoyage selon les besoins.
L'assistance et la représentation judiciaires aux procès devraient être améliorées. En particulier, l'Ouganda devrait envisager la possibilité de développer les systèmes para-juridiques pour sensibiliser les détenus sur leurs droits et les représenter à la cour.
Le gouvernement devrait envisager l'abolition de la peine de mort. Des sentences de mort déjà prononcées devraient être commuées en emprisonnement de longue durée.
Le Gouvernement devrait viser à encourager les exploitations agricoles des prisons dont le jardinage (légumes et fruits) à l'usage des prisonniers euxmêmes.
Des structures modernes notamment les cuisines, les toilettes et les salles de bain devraient être construites.
La Santé
Le budget alloué aux départements de santé des prisons et des commissariats de police en vue de l'achat des produits pharmaceutiques devrait être augmenté pour améliorer la fourniture de ces produits. Une meilleure stratégie devrait être mise en place pour s'assurer que les centres de santé les plus éloignés de la capitale reçoivent sur place leurs allocations mensuelles de médicaments, sans devoir se rendre à Kampala pour s'en procurer. De même, le Ministère responsable des questions de genre, du travail et du développement social devrait ouvrir une ligne budgétaire pour l'achat des produits pharmaceutiques pour la prison des adolescents qui est sous sa tutelle.
Les infrastructures médicales existantes devraient être remises en état s'il n'est pas possible d'en construire de nouvelles, surtout dans les grandes prisons. Plus particulièrement, les salles de consultation, de traitement, d'observation, de mise en quarantaine pour les maladies contagieuses et les toilettes devraient être construites.
La fourniture des lits et matelas ainsi que des petits articles (les bandes, les stéthoscopes, les sphygmomanomètres, l'équipement de stérilisation du matériel médical, etc.) en faveur des départements médicaux devrait être améliorée. L'hôpital modèle de Murchison Bay devrait être doté de l'équipement supplémentaire dont il a besoin pour rendre opérationnelle son unité chirurgicale. De plus, les grands centres de santé des prisons et des commissariats de police ainsi que ceux qui sont éloignés des grands hôpitaux devraient être dotés de moyens de transport pour les patients (ambulances)
Les Commissaires des prisons devraient avoir à leur disposition des ressources nécessaires pour être en mesure de traiter directement de tout besoin urgent pour certains prisonniers qui, par exemple, pourraient avoir besoin d'une opération chirurgicale et pour être à même de fournir des régimes spéciaux recommandés par les médecins à certains des détenus.
Le chef du département de santé de la prison devrait avoir plus de personnel. A cet égard, il est recommandé que les prisons et les polices recrutent leur propre personnel.
Les programmes d'éducation sur le SIDA devraient être renforcés et le dépistage volontaire devrait être encouragé. Dans cette perspective, il est d'une importance capitale que le test de dépistage du SIDA soit offert gratuitement à tous les prisonniers.
Projet de loi sur les prisons
L'adoption d'une nouvelle Loi sur les prisons est une occasion unique de promouvoir et de mettre en application les changements nécessaires et les nouvelles politiques, comme cela ressort des documents directifs de l'UPS et des normes internationales. Le projet qui circule actuellement ne répond pas à ces défis.
La Rapporteur spéciale voudrait encourager l'UPS à changer d'approche d'une gestion paramilitaire à une gestion basée sur l'identification des besoins de la population carcérale en vue de préparer leur réintégration dans les communautés; la combinaison des principes sécuritaires statiques et dynamiques réduira les risques pour le personnel et améliorera leurs conditions de travail ainsi que les conditions de vie des prisonniers; Le nouveau projet de loi devrait inclure les changements qui appuieront les
objectifs fondamentaux, les valeurs et les principes énoncés dans le document de la politique de l'Ouganda en 2000 et au delà, ainsi que les principes de la Déclaration de Kampala de 1996 sur les Conditions de détention en Afrique et de la Charte africaine des droits des prisonniers (CESCA - 2001).