RAPPORTEURE SPECIALE SUR LES DROITS DE LA FEMME EN AFRIQUE - 75OS

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INTRODUCTION

1.Conformément aux articles 25(3) et 64 du Règlement intérieur (2020) de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission), et conformément à sa résolution ACHPR/res.38 (XXV) 99 du 5 mai 1999, Je présente ce Rapport en ma qualité de Rapporteure spéciale sur les Droits de la femme en Afrique (SRRWA). Le Rapport couvre également mes activités en tant que membre de la Commission au cours de la période considérée.

2.À cet égard, le Rapport, qui est constitué de cinq (5) parties, couvre les activités menées pendant la période intersession, à compter de la clôture de la 73ème Session ordinaire de la Commission qui s’est tenue à Banjul, en Gambie, du 20 octobre au 9 novembre 2022. La Première Partie couvre mes activités en tant que membre de la Commission. La Deuxième Partie couvre mes activités en tant que Rapporteure spéciale de la SRRWA, y compris les journées commémoratives. La Troisième Partie présente le suivi des pays, y compris les lettres d'appel urgent concernant les violations des Droits de l'homme, les lettres de recommandation adressées à certains des pays relevant de mon portefeuille, et celles adressées conjointement avec d'autres membres de la Commission, ainsi que les réponses fournies par les Etats (le cas échéant). La Quatrième Partie donne un aperçu de la situation des femmes et des filles pendant la période intersessions et enfin, la Cinquième Partie du Rapport comporte les recommandations et la conclusion.

PREMIÈRE PARTIE :     ACTIVITÉS MENEES EN TANT QUE COMMISSAIRE

A.73ème Session ordinaire (publique)

3.Du 20 octobre au 9 novembre 2022, j'ai assisté à la 73ème Session ordinaire qui a coïncidé avec la commémoration du 35ème anniversaire de la Commission. Lors de cette commémoration, le Gouvernement gambien a remis officiellement à la Commission le titre de propriété d'un terrain qu’il met à sa disposition pour la construction du siège du Secrétariat de la Commission. Le nouveau logo de la Commission a également été révélé au public. Le Communiqué final de la 73ème Session ordinaire peut être consulté sur le site web de la Commission : https://achpr.au.int/index.php/en/news/final-communiques/2022-11-18/fin….

B.36ème Session extraordinaire 

4.Le 9 janvier 2023, j'ai assisté à la 36ème Session extraordinaire qui s'est déroulée virtuellement et a adopté le Plan de travail de la Commission pour l’année 2023. La Session a également examiné les résolutions en suspens et les questions découlant de la 73ème Session ordinaire. Le Communiqué final de la 36ème Session ordinaire est disponible sur : https://achpr.au.int/en/news/final-communiques/2023-01-11/final-communi….

C.74ème Session ordinaire (privée)

5.Du 21 février au 7 mars 2023, j'ai participé à la 74ème Session ordinaire de la Commission, qui s'est tenue virtuellement et a été convoquée pour examiner les Communications, les rapports en suspens et d'autres questions. Le Communiqué final peut être consulté sur : https://achpr.au.int/en/events/2023-02-21/74th-ordinary-session-private

DEUXIÈME PARTIE : ACTIVITÉS MENEES EN TANT QUE RAPPORTEURE SPÉCIALE SUR LES DROITS DE LA FEMME EN AFRIQUE

A.Quatorzième (14ème) réunion de la Plateforme des mécanismes d’expertes indépendantes sur la discrimination et la violence à l'égard des femmes (Plateforme EDVAW)

6.Le 17 novembre 2022, j'ai participé à la 14ème réunion de la plateforme EDVAW qui s'est déroulée virtuellement. Les membres de la Plateforme ont discuté, entre autres sujets, du document thématique sur la dimension numérique de la violence à l'égard des femmes, telle qu'abordée par les Mécanismes de la Plateforme et la Déclaration de la Plateforme pour la commémoration de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes du 25 novembre 2022. Au cours de la réunion, j'ai fait une présentation sur « Le changement climatique et les Droits de la femme en Afrique » où j'ai mis l’accent sur l'article 18 du Protocole à la Charte africaine relatif aux droits de la femme en Afrique (le Protocole de Maputo) qui prévoit le droit des femmes à vivre dans un environnement sain et durable et la Résolution ACHPR/Res. 417 (LXIV) 2019 sur les impacts en matière de droits de l’homme des conditions climatiques extrêmes en Afrique orientale et australe dues au changement climatique, qui appelle les États à veiller à ce que les femmes et les filles soient protégées de la manipulation et des abus sexuels dans le contexte de l’aide humanitaire et lorsqu’elles recherchent des commodités essentielles telles que le logement et la nourriture.

7.Dans mes conclusions, j'ai exhorté les États à mettre en place des mesures pour atténuer le fardeau que font peser les conséquences du changement climatique sur les femmes, notamment à travers la promulgation de lois et de politiques sensibles au genre, par la production de données désagrégées par sexe afin d'évaluer l'ampleur des problèmes auxquels les femmes sont confrontées et s’inspirer de ces résultats pour élaborer des programmes sensibles au genre.

B.Forum politique régional de haut niveau sur l'impact sexospécifique de la COVID-19 sur les moyens de subsistance

8.Du 23 au 25 novembre 2022, j'ai participé au forum susmentionné organisé par la Campagne Gender Is My Agenda (également appelé Réseau GIMAC) en collaboration avec Oxfam et le Consortium pour la recherche économique en Afrique, qui s'est tenu à Addis-Abeba, en Éthiopie. Le thème de la réunion était : « Une relance post-COVID féministe, juste et équitable en Afrique». J'y ai participé virtuellement et fait une présentation intitulée : « Vivre avec les impacts sexospécifiques des crises : COVID-19, changement climatique et conflits ».

9.Dans ma présentation, j'ai déclaré que la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (la Charte africaine) et le Protocole de Maputo fournissent un bon cadre normatif pour la protection des droits qui sont affectés par les défis émergents tels que la COVID-19, le changement climatique et les conflits armés.

10.En ce qui concerne la perspective de genre de la crise climatique et de la COVID-19, j'ai noté entre autres éléments que les femmes rurales sont particulièrement vulnérables aux impacts du changement climatique, qu’un manque d'informations et une mauvaise préparation entraînent des pertes plus conséquentes en vies humaines, davantage d'exploitation et de violence sexiste. En outre, la riposte à la COVID-19 et la reprise postpandémique ont suscité des problèmes qui sont venus exacerber ceux qui étaient déjà causés par le changement climatique.

11.Dans mes recommandations, j'ai exhorté les États à mettre en place des mesures pour atténuer le fardeau que font peser sur les femmes les crises environnementales, sanitaires et socio-économiques telles que le changement climatique, la COVID-19 et les conflits, à veiller à apporter des solutions durables et convenables pour tous, à s'attaquer aux causes structurelles de la discrimination et à tenir compte de l'effet disproportionné du changement climatique et de la pandémie de la COVID-19 sur les personnes et les communautés en général, et les femmes en particulier. J'ai également souligné que les stratégies de financement climatique et de lutte contre la COVID-19 devraient être conçues pour bénéficier au détenteurs de droits.

C.Colloque judiciaire de la CEDEAO sur le droit à l'égalité dans le cadre du Protocole 
de Maputo

12.Du 29 au 30 novembre 2022, j'ai été invitée au Colloque susmentionné organisé à Abuja, au Nigeria, par le Centre pour les droits de l'homme de l'Université de Pretoria. J’y ai prononcé une allocution d'ouverture. J'ai également été panéliste pour le groupe d'experts sur le thème intitulé « Jugement des cas où les requérants revendiquent un droit à l'égalité devant les organes judiciaires et quasi judiciaires : perspective de la jurisprudence comparée ». Au cours du Colloque, j'ai commenté la Communication 323/06 de la Commission concernant l’affaire Egyptian Initiative for Personal Rights and INTERIGHTS v Egypt, qui était la première affaire portée devant la Commission, lui demandant de se prononcer spécifiquement sur les Droits de la femme. La Commission a constaté que le principe de non-discrimination garantit l'égalité de traitement d'un individu ou d'un groupe de personnes indépendamment de leurs caractéristiques particulières.

13.À la fin du Colloque, j'ai également prononcé un discours de clôture, soulignant l’importance et la pertinence du Protocole de Maputo en ce qui concerne le jugement des affaires relatives au Droits de la femme devant le Mécanisme régional des Droits de l'homme. En guise de conclusion, j’ai félicité le Centre de Pretoria pour l'approche multidisciplinaire adopté lors de l'organisation du Colloque qui a permis de recueillir des idées et des perspectives d’académiciens, d'avocats et de juges.

D.Retraite des organes des Droits de l'homme de l'UA relatif au Cadre de redevabilité de l'UA relative à l'élimination des pratiques néfastes

14.Du 3 au 5 décembre 2022, j'ai été invitée à la retraite évoquée ci-haut organisée par la Commission de l'Union africaine (CUA) sous les auspices du programme régional Spotlight Initiative Africa (Spotlight Initiative). La retraite s’est tenue suite à l'approbation du Cadre de redevabilité de l'UA par la 4ème réunion du Comité technique spécialisé (CTS) sur le développement social, le travail et l'emploi qui s’est tenue en avril 2022 et par le Conseil exécutif en juillet 2022. La retraite a fourni une orientation adéquate aux organes et autres parties prenantes sur le Cadre. Les participants ont également entrepris des séances de travail pour élaborer un plan opérationnel en vue de la mise en œuvre du Cadre. 

15.Dans mon allocution d'ouverture lors de la retraite, j'ai salué cette louable initiative et j’ai également déclaré que le Cadre de redevabilité est une réponse au contrôle du respect par l'État partie de ses obligations d'accélérer l'élimination des pratiques néfastes grâce à l’orientation des instruments et processus des Droits de l'homme de l'UA. Le Cadre vise également à fournir des conseils techniques et une supervision des obligations de l'État partie. J'ai souligné que la Commission, en particulier le SRRWA dont je suis gardienne du mandat, est fermement engagée à veiller à ce que les pratiques néfastes qui affectent les femmes et les filles soient éliminées et que les femmes soient exemptes de toutes les formes de discrimination et de violence.

E.Mission de plaidoyer au Botswana pour la ratification du Protocole de Maputo

16. A l'invitation de la Direction Femme, Genre et Jeunesse de Commission de l’Union africaine (CUA), j'ai mené une mission de plaidoyer au Botswana pour la ratification du Protocole de Maputo, du 13 au 17 décembre 2022. La mission a été menée en collaboration avec Solidarité pour les droits des femmes africaines (SOAWR), représentée par FEMNET et le HCDH des Nations Unies. Des réunions consultatives de haut niveau se sont tenus dans le cadre de la Mission, avec des institutions gouvernementales clés, telles que le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Justice, le ministère en charge du Genre, la Commission nationale des Droits de l'homme et la société civile.

17.L'objectif général de la Mission était de promouvoir la pleine ratification, la domestication et la mise en œuvre du Protocole de Maputo par le Botswana. La Mission a été très réussie, car la délégation a pu prendre acte de l'engagement plein et entier en faveur de la ratification du Protocole, avant son 20ème anniversaire en juillet 2023.

F.La 39ème Campagne Gender Is My Agenda (GIMAC)

18.Le 39ème Pré-sommet du GIMAC a été organisé sur le thème de l'année de l'UA « Accélération de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) » et s'est déroulé du 13 au 15 février 2023. Le 14 février 2023, j'ai animé une session très interactive sur « l'implication de la ZLECAf en matière de Droits de l'homme et sur les opportunités de promotion de l'inclusion des femmes et des jeunes ». J'ai souligné que les femmes et les jeunes devraient être impliquées dans l'élaboration de stratégies et de politiques pour mettre en œuvre la ZLECAf. En outre, les stratégies doivent être spécifiques au contexte, en fonction de l'éducation, de l'expérience, de la situation géographique, du rôle dans l'économie et du type de marché. Nous avons également souligné la nécessité d'utiliser les cadres existants pour les femmes et les jeunes au niveau national ou régional afin de collaborer et de participer à la mise en œuvre, et de présenter les informations dans des guides conviviaux et simplifiés afin qu'elles soient plus accessibles aux femmes et aux jeunes.

19.J'ai également prononcé une allocution de clôture à la fin de la réunion, au cours de laquelle j'ai fait remarquer que la création de la ZLECAf est un élément constitutif de la réalisation de « l'Afrique que nous voulons » dans le cadre de l'Agenda 2063 de l'UA, un accord qui crée un marché continental intégré dynamisé par la liberté de circulation et qui favorise à son tour la circulation des capitaux et des personnes. J'ai réitéré la position d'ONU Femmes, que nous partageons dans le cadre du mandat qui m’est confié, selon laquelle l'augmentation des revenus des femmes est un investissement dans la prochaine génération, car les femmes qui ont plus de maîtrise sur les ressources du ménage ont tendance à dépenser plus pour l’alimentation, une meilleure santé et la scolarisation de leurs enfants. J'ai également fait noter qu'en Afrique sub-saharienne, les femmes jouent un rôle important dans les activités commerciales intracontinentales. Ainsi, la ZLECAf offre une opportunité substantielle aux femmes en leur donnant une longueur d'avance pour renforcer leur émancipation économique.

20.J'ai cependant réitéré le fait que tout en constituant un potentiel d’avantages substantiels, la ZLECAf suscite par ailleurs des inquiétudes quant à son implication pour les Droits humains, en particulier les droits des femmes et des jeunes. J'ai souligné le fait que bon nombre des défis mis en évidence lors de la réunion constituent des violations des Droits de l'homme, tels que définis dans l'instrument des Droits de l'homme relatif aux femmes et aux jeunes africains. Le droit au travail pour tous les individus est clairement énoncé dans la Charte africaine (article 15) avec une référence spécifique à un salaire égal pour un travail égal. En outre, l'article 13 du Protocole de Maputo évoque clairement le bien-être économique et social des femmes, y compris l'égalité d'accès à l'emploi et le droit à une rémunération égale pour des emplois de valeur égale pour les femmes et les hommes.

21.Par la suite, j'ai assisté à plusieurs activités organisées en marge du Pré-sommet dont :

Le Sommet continental multipartite de haut niveau sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes et des filles

22.Du 15 au 17 février 2023, j'ai été invitée par ONU Femmes au Sommet susmentionné à Addis-Abeba, en Éthiopie. J'y ai fait une présentation intitulée « Initiatives de responsabilisation pour mettre fin à la violence faite aux femmes : une perspective régionale, continentale et internationale ». J'ai déclaré dans cette présentation, que le Protocole de Maputo est l'un des instruments les plus progressistes du droit international relatif aux Droits humains, traitant de la violence à l'égard des femmes. J'ai noté que la responsabilité englobe les principes fondamentaux de transparence, de justice, de démocratie, d'efficacité, de réactivité, de responsabilité et d'intégrité, et que la base de la responsabilité de l'État pour mettre fin à la violence faite aux femmes repose sur des mécanismes juridiques internationaux, régionaux et nationaux, qui sont pour la plupart normatifs et institutionnels par essence.

23.J'ai également informé les participants que les mesures prises dans le cadre de mon mandat contribuent au débat notamment avec l’adoption des lignes directrices sur la violence sexuelle et ses conséquences, qui sont actuellement au stade de la vulgarisation, et des résolutions relatives à la violence faite aux femmes adoptées par la Commission, y compris la Résolution ACHPR/res.284 (lv) 2014 relative à la répression des violences sexuelles faites aux femmes en RDC, la Résolution CADHP/res.283 (lv) 2014 relative à la situation des femmes et des enfants dans les conflits armés, la Résolution CADHP/res.173 (xlv111) 10 relative aux crimes commis contre les femmes en RDC, la Résolution CADHP/res.111 (xxxxii) 07 relative  au droit à un recours et à la réparation pour les femmes et filles victimes de violences sexuelles  et la  Résolution ACHPR/Res.522(LXXII) 2022 relative à la protection des femmes contre la violence numérique en Afrique.

24.En ce qui concerne les mécanismes de responsabilisation, j'ai mentionné le tableau de bord et l'indice du Protocole de Maputo visant à assurer la conformité et la redevabilité des États membres et à accélérer la mise en œuvre du Protocole de Maputo sur le continent. J'ai également mentionné la procédure de rapport des États de la Commission en vertu de l'article 62 de la Charte africaine, de l'article 26 du Protocole de Maputo et de l'article 14 de la Convention de Kampala comme autres initiatives de responsabilisation dans le cadre du Système africain des Droits de l'homme, ainsi que le dépôt de plaintes pour violations des droits devant la Commission.

Pré-sommet de l'UA sur l’égalité des sexes : Petit-déjeuner de plaidoyer présidentiel et appel à l'action pour l'inclusion financière des femmes et des jeunes 

25.Du 17 au 18 En février 2023, j'ai été invitée par la Direction Femmes, Genre et Jeunesse de la CUA à la réunion susmentionnée sur le thème « Relier le passé à l'avenir : Accélérer les investissements, les actions et la redevabilité pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (GEWE) en Afrique : 20 ans du Protocole de Maputo. » L'événement a donné le coup d'envoi des célébrations du 20ème anniversaire du Protocole de Maputo et a également plaidé pour la ratification, la mise en œuvre et la domestication du Protocole de Maputo. J'ai participé à une table ronde intitulée « Maputo@20 : Redevabilité pour les droits des femmes en Afrique ». L'objectif du panel était de faire le point sur les investissements et les actions des parties prenantes en vue de réaliser les objectifs du Protocole de Maputo en mettant l'accent sur les partenariats stratégiques et la législation.

26.J'ai également assisté au Petit-déjeuner de haut niveau organisé à l’initiative de son SE le président Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, président de la République du Ghana et champion de l'UA pour le genre et le développement, lors duquel il a lancé la stratégie UA-ONU sur GEWE en Afrique dans le cadre du Pré-sommet.

G.Briefing virtuel de sensibilisation des organisations de la société civile (OSC) à l'utilisation des Mécanismes régionaux et onusiens des Droits de l'homme pour la lutte contre la violence et la discrimination à l'égard des femmes et des filles

27.Le 28 février 2023, j'ai été invité par la plateforme EDVAW à participer à un forum virtuel d'information des OSC, comme indiqué ci-dessus. J'y ai fait une présentation intitulée « Aperçu du Système africain des Droits de l'homme avec un accent sur la violence et la discrimination à l'égard des femmes et points de vue de la Rapporteure spéciale sur les Droits de la femmes de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples ». Dans ma présentation, j'ai vivement salué les efforts déployés par les gouvernements, les groupes de défense de l'égalité des sexes et les OSC pour lutter en permanence contre la violence faite aux femmes, qui apparaît sous différentes formes et dans différents espaces.

28.J'ai reconnu le fait qu'au sein du Système africain des Droits de l'homme, l'UA a adopté différentes approches normatives, institutionnelles et d’autres natures pour s'attaquer au problème de la violence et de la discrimination à l'égard des femmes sur le continent. En outre, j'ai souligné certaines résolutions importantes adoptées par la Commission sur la violence faite auxx femmes, notamment la Résolution CADHP/Res.522(LXXII) 2022 relative à la protection des femmes contre la violence numérique en Afrique, dans laquelle la Commission a réitéré sa préoccupation face à la nature de plus en plus sexospécifique de la violence numérique. J'ai également expliqué la procédure du rapport d'État de la Commission et les directives relatives au rapport parallèle. J'ai en outre encouragé les OSC à demander le statut d'observateur auprès de la Commission et à utiliser toutes les voies disponibles pour signaler la violence faite aux femmes sur le continent.

29.En conclusion, j'ai insisté sur le fait que pour assurer la protection des Droits de la femme, les Mécanismes internationaux et régionaux doivent trouver un terrain d'entente pour collaborer en vue d’un meilleur résultat et pour des partenariats renforcés entre les institutions gouvernementales, les ministères, les organisations et les agences chargées des préoccupations liées au genre, ces rapprochements étant essentiels. En outre, les normes et standards internationaux existants, les politiques nationales et les engagements en faveur de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes doivent être utilisés pour informer le développement durable, les cadres politiques, juridiques et environnementaux et leur mise en œuvre.

H.Journée internationale de la femme

30.Le 8 mars 2023, au nom de la Commission, nous avons publié une Déclaration pour commémorer la Journée internationale de la femme sous le thème « DigitAll : Innovation et technologie pour l'égalité des sexes » et le thème de la campagne #EmbraceEquity. Dans la Déclaration, nous avons noté que le thème de la campagne nous rappelle l'immense potentiel des technologies numériques pour améliorer la vie des femmes et parvenir à l'égalité pour tous. Nous avons également mis en évidence certains des obstacles à l'accès des femmes à Internet, notamment les implications financières, le manque d'infrastructures appropriées ainsi que des mesures de sécurité inadéquates pour que les femmes puissent intervenir librement en ligne sans être soumises à la violence.

31.À cet égard, nous avons exhorté les gouvernements à mettre en place des politiques volontaristes qui uniformisent les règles du jeu technologique pour les femmes et les hommes, à inclure le renforcement des capacités et l'accès aux ressources financières et surtout, à mettre en place des mesures concrètes pour éliminer la violence en ligne dirigée contre les femmes. La Déclaration est disponible sur les plateformes de médias sociaux de la Commission à partir des liens ci-après :
https://t.co/Tte3f4RFWj - Anglais
https://twitter.com/achpr_cadhp/status/1633376092810534912 - Tweeter
https://facebook.com/permalink.php?story_fbid=625498069587681&id=100063… - Facebook

https://t.co/cymwFmUBmT - Français
https://twitter.com/achpr_cadhp/status/1633376255528652800 - Tweeter
https://facebook.com/permalink.php?story_fbid=625498302920991&id=100063… - Facebook

https://t.co/9FrAV94RoO - portugais
https://twitter.com/achpr_cadhp/status/1633376409077907457 - Tweeter
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I.La 67ème Session de la Commission de la condition de la femme (CSW67)

32.La 67ème Session de la CSW s'est tenue du 6 au 17 mars 2023, à New York, aux Etats-Unis d’Amérique, sur le thème  « Innovation, changement technologique et éducation à l'ère numérique pour parvenir à l'égalité des sexes et à l'autonomisation de toutes les femmes et filles ».

33.Le 9 mars 2023, j'ai été invitée par la Direction Femme, Genre et Développement (WGDD) de la CUA à la réunion consultative ministérielle sur la position commune de l'Afrique, adoptée par les ministres en charge du Genre.

34.Le 10 mars 2023, j'ai été invitée à un Panel en marge de la Session de la Commission sur la condition de la femme organisé par WILDAF-Oxfam sur le thème « Aborder les enjeux et défis du financement des programmes de développement socio-économique pour les femmes et les filles à travers le secteur extractif en Afrique de l'Ouest  comme levier de la relance économique de la région ». Au cours des échanges, j'ai déclaré que l'article 21 de la Charte africaine, lu conjointement avec l'article 2, prévoit que tous les peuples disposent librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles - un droit qui doit être exercé dans l'intérêt exclusif du peuple, c'est-à-dire que les bénéfices et les revenus des ressources naturelles devraient profiter à tous, y compris les femmes et les filles.

35.J'ai également expliqué que l'article 13 du Protocole de Maputo, qui oblige les États à mettre en place des mesures législatives et d’autres natures pour garantir sans s’y limiter l'égalité d'accès à l'emploi, des conditions propices aux occupations et activités économiques des femmes, établit un système de protection et de sécurité sociale pour les femmes travaillant dans le secteur informel. J'ai également informé les participants à propos du Groupe de travail sur les industries extractives, l'environnement et les violations des Droits de l'homme, de la Commission, dont le mandat est notamment d'examiner l'impact des industries extractives en Afrique dans le contexte de la Charte africaine.

36.Parmi mes recommandations, j'ai déclaré que la transparence est essentielle dans les industries extractives, afin de réaliser des profits qui peuvent profiter aux populations clés comme les femmes et les filles. En outre, il a été prouvé que l'implication des femmes dans les négociations d'accords sur les activités et les ressources extractives donne de meilleurs résultats pour le développement socio-économique des femmes et que le Mécanisme du rapport d'État de la Commission est également un moyen d'assurer la redevabilité en matière de revenus des industries extractives et des mesures prises pour effectuer une budgétisation sensible au genre, en particulier lorsque les États s'engagent à allouer 30% des bénéfices aux programmes de développement ciblant les femmes et aux filles.

37.Le 13 mars 2023, j'ai également assisté à une réunion sur « Le commerce intra-africain et la fracture numérique entre les sexes », coorganisée par la CUA et ONU Femmes, avec la contribution de l'Afrique du Sud, de la Tanzanie, du Burundi et du Niger.

38.J'ai également profité de ma présence au CSW67 pour tenir des réunions consultatives en marge de l’événement, avec la directrice de la Direction Femme, Genre et Développement (WGDD) de la CUA et son équipe. J’ai également pris part à un Petit déjeuner avec des OSC, organisé par FEMNET, pour discuter des plans relatifs à la célébration de Maputo at 20.

J.Dialogue de haut niveau pour commémorer la Journée internationale de la femme 2023

39.Le 21 mars 2023, j'ai été invitée à cette activité organisée par le Fonds des Nations Unies pour la population en Gambie, en collaboration avec le gouvernement de la Gambie, la Commission nationale des droits de l'homme et d'autres parties prenantes concernées. J'ai prononcé une allocution d'ouverture dans laquelle j'ai souligné, inter alia, l'importance de la technologie pour faire progresser les Droits de l'homme en général et les Droits de la femme en particulier, la fracture entre les sexes à l'ère numérique, l'augmentation de la violence numérique à l'égard des femmes et l'impact de la violence facilitée sur internet contre l'exercice des Droits de la femme.

40.Dans mes observations, j'ai également souligné l'importance de l'article 18(1)(b) du Protocole de Maputo, de la Déclaration de principes de 2019 sur la liberté d'expression et l'accès à l'information et de la Résolution ACHPR/ Res.522 (LXXII) 2022 relative la protection des femmes contre la violence numérique en Afrique dans la promotion et la protection du droit des femmes à être impliquées dans l'ère numérique sans faire l'objet de violence en ligne et de l’importance de combler la fracture numérique.

K.Evénement de lancement de B-Tech Africa - Développer le cadre pour l'amélioration des Droits de l'homme dans le secteur des technologies

41.Du 29 au 30 mars 2023, j'ai été invitée à l'événement de lancement de B-Tech Africa, sur le thème « Engagement des parties prenantes pour un monde des affaires responsable dans le domaine des technologies en Afrique » où j'ai prononcé une allocution d'ouverture. La réunion a été organisée par le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'homme, en collaboration avec la GIZ, au Cap, en Afrique du Sud.

42.Dans mon discours d'ouverture, j'ai soutenu qu'une partie importante de nos vies passe de l'analogique au numérique et, au sens des Droits de l'homme, cela signifie que les droits que nous avons hors ligne s'appliquent également en ligne. Compte tenu de cela, j'ai souligné la nécessité pour les entreprises du secteur des nouvelles technologiques de placer les Droits de l'homme au cœur de leurs politiques, stratégies et opérations. J'ai également souligné certains des problèmes qui sont devenus manifestes et qui affectent les femmes et les filles dans l'espace numérique, tels que l'accès à Internet et aux technologies et la prévalence de la violence à l'égard des femmes sur les plateformes en ligne et ses conséquences. En montrant l'engagement de la Commission à lutter contre la violence numérique, j'ai cité la Résolution ACHPR/Res.550 (LXXIV) 2023 relatives aux rapports entre les entreprises et les Droits de l'homme en Afrique, qui appelle les États africains à adopter des instruments régionaux juridiquement contraignants pour réglementer les activités des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales et à nouveau, la Résolution 522 sur la protection des femmes contre la violence numérique en Afrique qui, comme je l’ai déjà indiqué, met l'accent sur la persistance des violations des Droits de l'homme assistées par la technologie tout en soulignant la vulnérabilité des femmes à diverses formes de violence en ligne.

43.En conclusion, j'ai exhorté les entreprises technologiques à adopter la plus grande transparence dans leurs opérations en mettant en place des procédures internes de contrôle en matière de Droits de l'homme, à s'engager de bonne foi avec les gouvernements, à apporter leur expertise pour aider les gouvernements à formuler des cadres législatifs et politiques qui peuvent protéger les droits des femmes et des filles dans l'espace technologique et à chercher en permanence à comprendre les nouvelles menaces et lacunes de l'espace numérique qui ont un impact sur les droits des femmes et des filles tout en s'engageant avec les gouvernements pour trouver des solutions.

L.Avant-propos du manuel de formation à l’élaboration du rapport parallèle/alternatif des OSC sur la situation des Droits de la femme et de la fille en Afrique

44.Le 31 mars 2023, j'ai été honorée par Equality Now, SOAWR et les partenaires de l'Initiative Spotlight, qui m’ont sollicitée pour la rédaction de l’avant-propos du manuel de formation sur le reporting parallèle/alternatif des OSC sur la situation des Droits de la femme et de la fille en Afrique, qui a été validé le 2 juin 2022.
 
45.Le manuel de formation est un document complet de formation et de référence pour orienter les initiatives de renforcement des capacités, ainsi que pour aider les OSC dans la préparation et la soumission des rapports périodiques. Le manuel de formation aidera le Mécanisme de la SRRWA, notamment à suivre la mise en œuvre par les États parties de la Charte africaine et du Protocole de Maputo, par le biais de la soumission de rapports sur la situation des Droits de la femme en Afrique et à travers des propositions de recommandations à adopter par la Commission. Le manuel aidera par ailleurs à l’élaboration des lignes directrices pour les rapports d'État afin de permettre aux États membres de mieux traiter les questions relatives aux droits des femmes dans leurs rapports périodiques et/ou initiaux à soumettre à la Commission.

M.Visite académique et d'apprentissage au Georgetown University Law Center

46.Du 17 au 19 avril 2023, en compagnie de l’honorable Commissaire Mudford Zachariah Mwandenga, Président du Groupe de travail sur les droits économiques, sociaux et culturels de la Commission, nous avons effectué la visite susmentionnée. La visite était coorganisée par l'Institut Dullah Omar de l'Université du Cap-Occidental, le Réseau kényan de considération des implications éthiques et juridiques du VIH/SIDA (Kenya Legal & Ethical Issues Network on HIV and AIDS - KELIN) et le Centre mondial pour l’innovation juridique en matière d’environnements alimentaires de l’Initiative Droits humains et santé (Global Center for Legal Innovation on Food Environments of the Health and Human Rights Initiative) de l’Institut O'Neill à Washington DC aux Etats-Unis.

47.La visite a été initiée pour fournir une plate-forme de partage d’expériences et envisager des domaines de collaboration autour des problèmes de santé émergents, tels que la prévalence croissante de maladies non transmissibles et les préoccupations croissantes liées aux droits à la santé sexuelle et reproductive en Afrique et dans les Amériques. Outre l'Institut O'Neill, il y avait d’autres intervenants clés tels que la Commission interaméricaine des droits de l'homme.

48.Plusieurs sessions ont eu lieu au cours de la visite, notamment sur la manière dont la Commission a exercé son Mandat dans les aspects relatifs à la promotion, à la protection et aux mécanismes spéciaux en faveur de la concrétisation du droit à la santé en mettant l'accent sur les préoccupations d'intérêt spécifique pour les partenaires notamment les droits relatifs à la santé de la reproduction et le rôle de la Commission.

49.Dans le cadre de la visite d'étude, j'ai été sollicitée en tant qu'invitée d'honneur lors du lancement de la Georgetown African Law Society. Au cours de la réunion, des discussions ont été menées sur les questions émergentes relatives aux Droits de l'homme en Afrique.

N.Forum des ONG

50.Du 29 avril au 1er mai 2023, j'ai participé au Forum des ONG, organisé par le Centre africain pour la démocratie et les droits de l'homme à Banjul, en Gambie. Outre l'ouverture du forum au nom du président de la Commission, M. Rémy Ngoy Lumbu, j'ai participé à deux panels, à savoir « L'inclusion des femmes pour la dynamisation de la mise en œuvre de la ZLECAf » et « 20ème anniversaire du Protocole de Maputo : Rompre le cycle de la violence basée sur le genre : Stratégies de renforcement des droits et de la protection des femmes, progrès, défis et perspectives ».  
51.Dans le premier panel, j'ai noté que les femmes représentent plus de 50 % de la population africaine et 50 % de la main-d'œuvre. J'ai déclaré que les femmes et les OSC travaillant sur l'autonomisation des femmes devraient être impliquées dans l'élaboration de stratégies et de politiques visant à mettre en œuvre la ZLECAf et que, les femmes étant souvent marginalisées, il faudrait veiller à ce que les stratégies élaborées pour elles tiennent compte de leurs besoins spécifiques. Ainsi, les stratégies doivent être adaptées à leur contexte, leur éducation, leur expérience, leur localisation géographique, leur rôle dans l'économie et au type de marché. En outre, les États devraient adopter une approche fondée sur les Droits de l'homme, en faisant le lien entre les politiques et les dispositions du Protocole de Maputo (art. 13 - Droit à la protection économique et sociale, art. 15 Droit à la sécurité alimentaire, art. 19 Droit au développement durable).
52.Lors du deuxième panel célébrant les 20 ans du Protocole de Maputo, j'ai donné un bref aperçu de certaines dispositions du Protocole de Maputo visant à renforcer le pouvoir économique des femmes et à éliminer la violence basée sur le genre (VBG) ou la violence faite aux femmes. J’ai informé les participants de la manière dont la Commission et le mandat du Rapporteur spécial ont contribué à la réalisation des objectifs du Protocole de Maputo, comment certains Etats parties signataires du Protocole de Maputo ont mis en œuvre l'instrument pour travailler à l'élimination de la VBG et j’ai lancé un appel à toutes les parties prenantes, en particulier les OSC, pour qu'elles s'unissent afin de protéger et de promouvoir les Droits de la femme en Afrique, comme le prévoit le Protocole de Maputo

18ème Dialogue UA-UE sur les Droits de l'homme

53.Le 4 mai 2023, au nom du président de la Commission, j'ai assisté au 18ème Dialogue UA-UE qui s'est tenu à Bruxelles, en Belgique. Ce dialogue est une réunion annuelle organisée conformément à la Décision de la 6ème Réunion de la Troïka ministérielle UE-Afrique, qui s'est tenue à Vienne, d'organiser un dialogue annuel sur les Droits de l'homme entre les deux institutions.

54.Le Dialogue vise, entre autres, à mettre en œuvre le plan d'action UA-UE et les stratégies conjointes sur la gouvernance démocratique et les Droits de l'homme. L'objectif général du 18ème Dialogue était d'échanger des points de vue et des bonnes pratiques sur la protection des Droits de l'homme des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile en Afrique et dans l'UE.

TROISIEME PARTIE : SUIVI DES PAYS

A.République fédérale de Somalie

Lettre d'appel urgent concernant l'intention du Parlement fédéral de la Somalie d'adopter un projet de loi sur les rapports sexuels au lieu du projet de loi sur les délits sexuels.

55.Le 27 janvier 2023, en ma qualité de Commissaire Rapporteure sur la situation des Droits de l'homme en République fédérale de Somalie et Rapporteure spéciale de la SRRWA, j'ai envoyé une lettre d'appel urgent à SEM Hassan Sheikh Mohamud. La lettre traitait de rapports alléguant l'intention du Parlement d'adopter le projet de loi sur les relations sexuelles, qui légaliserait les mariages d'enfants, omettrait l'âge du consentement et l'infraction d'exploitation sexuelle, permettrait des réductions significatives des types de preuves recevables et modifierait la définition du viol.

56.Compte tenu des défis actuels auxquels les femmes et les filles en Somalie sont confrontées et des violations potentielles des Droits de la femme avec la promulgation du projet de loi, j'ai exhorté le gouvernement de la République fédérale de Somalie, notamment : à approuver le projet de loi sur les délits sexuels puisqu'il était le résultat d'un processus de 5 ans, à renforcer la position de tolérance zéro du secteur de la sécurité, à contribuer au renforcement de la capacité institutionnelle du Gouvernement à prévenir et riposter efficacement contre la violence sexuelle  et à prendre des mesures immédiates pour prévenir la violence sexuelle contre les femmes et les enfants.

Lettre conjointe d'appel urgent adressée à la République fédérale de Somalie concernant la détention arbitraire présumée de M. Abdalle Ahmed Mumin

57.Le 12 avril 2023, toujours en ma qualité de Commissaire Rapporteure sur la situation des Droits de l'homme en République fédérale de Somalie et conjointement avec la Commissaire Geereesha Topsy Sonoo, Rapporteure spéciale sur la liberté d'expression et l'accès à l'information, nous avons envoyé une lettre d'appel urgent à S.E. Mr Hassan Sheikh Mohamud. La lettre traitait de rapports alléguant la détention arbitraire et une violation conséquente des Droits de l'homme à l’encontre de M. Abdalle Ahmed Mumin, journaliste somalien, défenseur de la liberté de la presse et secrétaire général du Syndicat des journalistes somaliens. Considérant la présumée violation des droits de l'homme commise contre M. Abdalle Ahmed Mumin, nous avons attiré l'attention de Son Excellence sur les dispositions de la Charte africaine et sur les principes de la Déclaration de principes de 2019 sur la liberté d'expression en Afrique.

58.En outre, nous avons conjointement exhorté le gouvernement de la République fédérale de Somalie à résoudre de prendre entre autres mesures : fournir à la Commission des éclaircissements suffisants concernant les allégations signalées, enquêter sur les raisons de l'arrestation de M. Mumin et le libérer si elle est jugée arbitraire, garantir son droit d'être représenté par un avocat et d'être défendu par l'avocat de son choix, accorder l'attention nécessaire à sa santé, lui assurer l'accès aux soins de santé et mettre un terme à la suppression des professionnels et des organisations des médias.

B.République du Zimbabwe

Lettre d'appel urgent à la République du Zimbabwe concernant l'arrestation et le maintien en détention d'un député de l'opposition zimbabwéenne

59.Le 9 janvier 2023, en ma qualité de Commissaire chargé de la surveillance de la situation des Droits de l'homme en République du Zimbabwe, j'ai envoyé une lettre d'appel urgent à S.E Mr Emmerson Mnangagwa. La lettre traitait des rapports alléguant l'arrestation et la détention du député de l'opposition zimbabwéenne, M. Job Sikhala, qui a été arrêté le 14 juin 2022. La lettre traitait en outre du refus répété de libération sous caution par le Tribunal d’instance et la Haute Cour de Zimbabwe et de la détérioration de la santé de M. Sikhala depuis sa détention.

60.J'ai exhorté le gouvernement de la République du Zimbabwe, entre autres choses : à mener des enquêtes rapides et impartiales sur les allégations formulées et à le libérer s'il n'y a pas lieu de le détenir davantage, à fournir à M. Sikhala l’assistance/les soins médicaux immédiats et adéquats requis et respecter le droit de M. Sikhala à la liberté et à la sécurité ainsi que son droit à un procès équitable.

Réponse du gouvernement du Zimbabwe à la lettre d'appel urgent

61.J'ai le plaisir de vous informer qu'à la suite de la transmission de la lettre d'appel urgent, le gouvernement du Zimbabwe a réagi et a répondu aux préoccupations soulevées dans la lettre selon ces termes :
Le Gouvernement a précisé que M. Sikhala avait été arrêté pour le délit de violence publique alors qu'il était en liberté sous caution dans l'attente de son procès pour une infraction de même nature. Le Gouvernement a ajouté que puisque M. Sikhala avait admis avoir enfreint les conditions de sa mise en liberté sous caution, le refus de sa libération sous caution était fondé sur la probabilité d’une récidive de sa part au cas où il serait libéré à nouveau sous caution, ce qui est l'un des motifs juridiques justifiant le refus de la libération sous caution à un accusé en attendant son procès. 

En réponse à mes recommandations de mener une enquête rapide et de garantir le droit à la liberté, à la sécurité et à un procès équitable pour M. Sikhala, le Gouvernement du Zimbabwe a fait valoir que, quel que soit leur statut, tous les citoyens sont égaux et bénéficient d'une égale protection de la loi. Il a renchéri en précisant que même si les droits du peuple sont garantis par la Constitution, le Gouvernement ne doit pas s'immiscer dans les procédures judiciaires car cela constituerait une violation de la Constitution. Le Gouvernement a également déclaré qu'un traitement médical avait été proposé à M. Sikhala dans l'établissement où il est actuellement détenu.

62.Permettez-moi de saisir cette occasion pour remercier la République du Zimbabwe pour sa réponse aux préoccupations soulevées dans la lettre d'appel urgent et pour son soutien au mandat de la Commission en matière de protection et de promotion des Droits de l'homme et des peuples.

Lettre conjointe de félicitations à la République de Sierra Leone pour la promulgation de la loi sur l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes.

63.Le 12 avril 2023, en collaboration avec la Commissaire Dr Litha Musyimi-Ogana, Commissaire Rapporteure en charge de la République de Sierra Leone, nous avons envoyé une lettre de félicitations à SE Julius Maada Bio, président de la République de Sierra Leone, pour avoir promulgué la loi sur l'égalité des sexes et la loi sur l'autonomisation des femmes. Dans la lettre, nous avons assuré à Son Excellence que la promulgation de la législation témoignait de l’engagement du Gouvernement à renforcer la participation des femmes aux postes de pouvoir tant dans les sphères privées que publiques, tout en donnant effet aux dispositions de la Charte africaine et du Protocole de Maputo.

QUATRIÈME PARTIE : PRESENTATION SUCCINTE DE LA SITUATION DES FEMMES ET DES FILLES EN AFRIQUE

64.Au cours de la période d'intersession, j'ai noté les préoccupations et évolutions suivantes concernant la situation des femmes sur le continent :

Bénin

65.Je tiens à féliciter l'électorat béninois d'avoir élu des femmes au Parlement lors des élections de janvier 2023[ https://www.eda.admin.ch/deza/en/home/sdc/aktuell/newsuebersicht/2023/0… ]. Alors que le nombre de 28 femmes sur les 109 parlementaires est encore bien en deçà du nombre acceptable pour la parité hommes-femmes dans les fonctions de leadership, cela représente un bond de 10% à 25%, ce qui est un pas dans la bonne direction. C'est la première fois dans l'histoire de la démocratie béninoise que le nombre de femmes au parlement augmente à ce point.

Burkina Faso

66.La Commission condamne avec la plus grande fermeté le ciblage des femmes et des enfants dans les conflits armés. Ainsi, c'est avec consternation que nous avons appris l'enlèvement d'au moins 50 femmes dans la région du Sahel au Burkina Faso par des djihadistes présumés en janvier 2023[https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/01/turk-alarmed-abduction-…]. Bien que les femmes et les enfants aient finalement été libérés plus tard dans le mois, le traumatisme qu'ils ont subi est regrettable. 

Guinée Équatoriale

67.La participation des femmes aux postes de pouvoir politique et économique est une étape importante vers leur autonomisation et leur participation à la prise de décision. Ainsi, il est encourageant de noter que la Guinée équatoriale a nommé sa première femme Premier ministre, Manuela Roka Botey, en janvier 2023. On espère que cette étape positive améliorera la situation des femmes dans ce pays d'Afrique centrale et y encouragera une plus grande participation politique des femmes.

Libéria

68.L'article 5 du Protocole de Maputo prévoit l'interdiction des mutilations génitales féminines (MGF) en tant que pratique néfaste. L'élimination de cette pratique est souvent difficile lorsqu'elle est ancrée dans la culture et les croyances traditionnelles d'une société. Il est donc encourageant de noter que le 6 février 2023, le chef Zanzan Karwor, président du Conseil national des chefs et des anciens du Libéria, a déclaré, au nom de l'ensemble du Conseil, l'interdiction des MGF au Libéria[ https://www.equalitynow.org/press_release/traditional-leaders-in-liberi… ]. Il a fait la déclaration au nom de 15 chefs suprêmes à travers le pays. Il s'agit d'une étape positive vers le changement des croyances et des comportements des communautés au Libéria concernant la pratique des MGF.

Malawi

69.Le Mécanisme de la SRRWA est préoccupé par les rapports faisant état de femmes de pays africains qui se retrouvent dans des conditions de travail injustes dans des pays du Moyen-Orient alors qu’elles étaient à la recherche d’opportunités d'emploi. Au moins 50 femmes du Malawi seraient bloquées à Oman et donneraient tout pour retourner dans leur pays car elles sont soumises à des conditions de travail intenables[https://www.dw.com/en/malawi-women-held-for-ransom-in-middle-east/a-648…]. Cette situation doit être surveillée car il existe également des préoccupations concernant la traite des femmes et l'esclavage.

Sierra Leone

70.Comme déjà indiqué dans la section de ce Rapport consacrée au suivi des pays, c'est avec plaisir que je salue et félicite la République de Sierra Leone pour avoir promulgué la loi sur l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes en janvier 2023. La promulgation de la loi donne effet aux articles 13(1) et 18(3) de la Charte africaine qui stipulent que « Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la loi. » et que « L' Etat a le devoir de veiller à l'élimination de toute discrimination contre la femme ». La promulgation d'une lloi visant à assurer l'égalité des sexes et à promouvoir l'autonomisation des femmes dans l'espace public est également conforme à l'article 1 de la Charte africaine, qui oblige les États parties à prendre des mesures législatives et autres pour donner effet aux dispositions de la Charte. En outre, la promulgation de la loi sur l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes donne effet aux dispositions inscrites dans le Protocole de Maputo. Cela comprend l'article 2(1)(c) qui exige des États qu'ils intègrent une perspective de genre dans leurs décisions politiques, leurs législations, leurs plans de développement, leurs programmes et activités et dans toutes les autres sphères de la vie  et l'article 9, qui stipule que « les États entreprennent des actions positives spécifiques pour promouvoir la gouvernance participative et la participation paritaire des femmes dans la vie politique de leur pays, à travers une action affirmative et une législation nationale et d’autres mesures …».

Afrique du Sud

71.Je continue de surveiller avec préoccupation le niveau de violence présumée contre les femmes en Afrique du Sud qui ne cesse de croître. Bien que le pays dispose de cadres juridiques solides et d'excellents mécanismes judiciaires, la situation de la violence à l'égard des femmes et du féminicide reste désastreuse. La Police sud-africaine a annoncé qu'entre octobre et décembre 2022, les cas de viol avaient augmenté de 9,8% et les tentatives de délits sexuels de 45,6%[ https://www.gov.za/speeches/minister-bheki-cele-quarter-crime-statistic… ]. C'est alarmant, surtout à un moment où nous luttons pour faire baisser les taux de viols et autres violences faites aux femmes. J’indique toutefois avec une note d’optimisme que la République d'Afrique du Sud a promulgué la loi n°8 de 2022 portant modification du droit pénal (procédures médico-légales), qui contribuera grandement à identifier l'ADN des délinquants et, espérons-le, à éliminer les violeurs en série des rues.

Soudan du Sud

72.Le Mécanisme de la SRRWA et la Commission dans son ensemble, saluent et félicitent la République du Soudan du Sud pour avoir adhéré à un certain nombre de traités internationaux relatifs aux Droits de l'homme pendant l'intersession. En particulier, l'adhésion au Protocole de Maputo est une étape bienvenue vers la protection des Droits de la femme dans le pays. En outre, le Soudan du Sud a adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et à son Protocole facultatif. Leurs engagements sont louables, en effet.

Soudan

73.Notre Mécanisme est profondément préoccupé par les violations continues des femmes au Soudan. Le 17 novembre 2022, les forces de sécurité auraient jeté une manifestante de 24 ans depuis un pont dans le centre de Khartoum[https://ishr.ch/latest-updates/sudan-stop-escalation-of-violence-agains…]. Elle a subi des blessures graves qui ont nécessité 4 interventions chirurgicales à la colonne vertébrale. En outre, divers défenseurs des droits des femmes auraient été illégalement persécutés, battus et aspergés de gaz lacrymogène ; par ailleurs, des campagnes de diffamation auraient été menées contre les femmes journalistes pour les discréditer. Zubaida Eisa, une enseignante et agricultrice de 30 ans, aurait été tuée par des milices armées à Kadugli, dans les Monts Nouba de l’état de Kordofan méridional le 20 novembre 2022. Selon des informations, elle tentait de se défendre ainsi qu'une autre agricultrice contre des hommes armés qui essayaient de la violer.

Ratification et mise en œuvre du Protocole de Maputo

74.Comme déjà indiqué, le Soudan du Sud a récemment adhéré au Protocole de Maputo et s'est engagé à protéger les Droits de la femme dans le pays. Il est également encourageant de noter que la Zambie, dont le rapport est examiné à cette Session, a inclus une partie B à son rapport d’état, qui indique les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Protocole. Un geste encore plus louable est le fait que la Zambie, dans ses rapports, s'est conformée aux lignes directrices de la Commission sur les rapports des États en vertu du Protocole de Maputo.

PARTIE : RECOMMANDATIONS ET CONCLUSION

75.Au vu des évolutions constatées ci-haut, je voudrais faire les recommandations suivantes :

Au gouvernement du Burkina Faso

J'exhorte vivement le gouvernement du Burkina Faso à mettre en place des mesures plus fortes pour protéger les femmes et les filles dans le contexte du conflit ; 
En outre, j'exhorte le gouvernement à enquêter de manière approfondie sur les cas signalés et à traduire les auteurs en justice d'une manière dissuasive pour d’autres auteurs potentiels.

Au gouvernement du Malawi
Je recommande que le gouvernement du Malawi enquête et prenne les mesures nécessaires pour alléger le fardeau des femmes malawites migrantes dans les pays du Moyen-Orient à la recherche d'opportunités d'emploi et de mettre en place des mesures pour endiguer le flux de migrations clandestines vers ces pays ;
Le gouvernement devrait renforcer ses lois contre la traite des êtres humains ; 
En outre, le gouvernement devrait accroître les opportunités économiques pour les femmes dans le pays afin qu'elles ne deviennent pas vulnérables à des environnements de travail propices à l'exploitation.

Au gouvernement du Soudan
J'exhorte le gouvernement du Soudan à enquêter sur les allégations d'agression, de persécution et de harcèlement des femmes défenseurs des droits humains.
En particulier, j'exhorte le Gouvernement à veiller à ce que ses agents s'abstiennent de participer à la persécution et traduisent en justice tous les agents de l'État impliqués dans de telles violations.

Au gouvernement de l'Afrique du Sud
J'exhorte le Gouvernement sud-africain à mettre en place des mesures pour s'attaquer aux causes sociales de la violence à l'égard des femmes et à renforcer les stratégies pour lutter contre son omniprésence dans le pays, notamment en renforçant le système judiciaire.

CONCLUSION

76.Malgré l'existence d'instruments mondiaux et régionaux relatifs aux Droits de l'homme, les femmes africaines continuent d'être confrontées à des situations diverses et variées de violations des Droits de l'homme, enracinées par des attitudes et des stéréotypes patriarcaux. Dans ce contexte, l'adoption du Protocole de Maputo, avec l'inclusion de dispositions progressistes et innovantes serait la panacée pour relever les défis uniques auxquels les femmes africaines continuent de faire face. Cette année 2023 marque le 20ème anniversaire du Protocole de Maputo, soulevant des questions sur les progrès réalisés dans la protection des Droits de la femme au cours de cette période et sur le renouvellement de l'engagement des gouvernements africains.

77.Il convient de noter que l'adoption du Protocole en soi n'apporte aucun changement dans la vie des femmes africaines, à moins qu'il ne soit ratifié, domestiqué et mis en œuvre par les États membres de l'UA. Jusqu'à présent, 44 pays ont ratifié le Protocole de Maputo et certains ont soumis des rapports périodiques au titre du Protocole. Je voudrais féliciter ces pays d'avoir donné vie au Protocole et d'avoir contribué à l'effort continental de création d'une Afrique où les droits des femmes sont pleinement respectés.

78.D'autre part, quelques pays, tels que le Botswana, le Burundi, la République centrafricaine, le Tchad, l'Érythrée, l'Égypte, Madagascar, le Maroc, le Niger, la Somalie et le Soudan, n'ont pas encore ratifié le Protocole de Maputo. J'encourage donc ces États à ratifier le Protocole, afin de permettre aux femmes de bénéficier de ses dispositions progressistes, et de contribuer ainsi à l'objectif ultime de ratification universelle et de rejoindre le mouvement continental en faveur de l'égalité des sexes.

79.Le Mécanisme de la SRRWA continue de s'efforcer d’exécuter son mandat et de peaufiner les motivations à l’oeuvre lors de sa création. Bien que la SRRWA soit toujours à l'avant-garde des activités visant à promouvoir et à protéger les Droits de la femme, le soutien des organisations partenaires joue un rôle essentiel pour faire de ces activités une réalité. Par conséquent, je voudrais profiter de cette occasion pour remercier les organisations partenaires pour le soutien financier et technique apporté à la SRRWA au fil des ans pour lui permettre d’exercer son mandat.