Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcees en afrique - 77OS

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RAPPORT D'ACTIVITÉ INTERSESSION

(Mai 2023 – Octobre 2023)
-Présenté par
L’HONORABLE COMMISSAIRE IDRISSA SOW
PRÉSIDENT DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PEINE DE MORT, LES EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES, SOMMAIRES OU ARBITRAIRES ET LES DISPARITIONS FORCEES EN AFRIQUE
 77ème Session ordinaire de la CADHP
Arusha, Tanzanie, du 20 octobre au 9 novembre 2023

INTRODUCTION

1.Le présent Rapport est soumis conformément aux Règles 25 (3) et 64 du Règlement Intérieur 2020 de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Commission) et de la section 3 (d) des Règles portant création et fonctionnement des mécanismes spéciaux de la Commission. Il couvre les activités menées au cours de la période d'intersession de mai à octobre 2023.  

2.Le rapport s’articule en quatre chapitres. Le chapitre I présente un panorama de la situation de la peine de mort et des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et des disparitions forcées en Afrique. Le Chapitre II couvre les activités menées en ma qualité de Président du Groupe de travail sur la peine de mort et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique (Groupe de travail) et de membres d’autres mécanismes spéciaux ; le chapitre III concerne les activités menées en mes qualités de commissaire rapporteur pays;  et enfin le chapitre IV est consacré aux conclusions et recommandations.    

Chapitre I:    Situation de la peine de mort, des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et des disparitions forcées en Afrique

A.Peine de Mort

3.Au cours de la période sous rapport, la tendance abolitionniste s’est poursuivie sur le continent, avec le Ghana qui a aboli la peine de mort en juillet 2023, portant ainsi à vingt-six (27) le nombre d’Etats africains ayant formellement aboli la peine de mort[Afrique du Sud, Angola, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cabo Verde, Tchad, République centrafricaine, Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Madagascar, Maurice, Mozambique, Namibie, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Togo et Zambie.] tandis qu’au moins (19) États parties prévoient toujours la peine de mort dans leur législation, mais observent dans la pratique un moratoire sur les exécutions pour n’avoir procédé à aucune exécution au cours des dix dernières années[ Algérie, Cameroun, Comores, République Démocratique du Congo, Érythrée, Eswatini, Éthiopie, Ghana, Kenya, Lesotho, Liberia, Malawi, Mali, Mauritanie, Niger, Tanzanie, Tunisie, Ouganda et Zimbabwe.]. 

4.Ainsi, neuf (9) Etats membre de l’Union africaine continuent à pratiquer la peine de mort. 

5. La situation du tableau de ratification  du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), visant à abolir la peine de mort[ Afrique du Sud, Angola, Bénin, Cabo Verde, Djibouti, Gabon, Gambie, Guinée-Bissau, Liberia, Madagascar, Mozambique, Namibie, Rwanda, Sao Tomé-&-Principe, Seychelles, Togo (https://indicators.ohchr.org/). ] n’a pas évolué durant la période considérée faisant qu’ à ce jour  seize (16) États africains ont  ratifié ledit  Protocole facultatif.  

6.Malgré les évolutions positives enregistrées, le Groupe de travail est profondément préoccupé par le maintien et l’application de la peine de mort dans certains pays qui pour l’essentiel sont confrontés à de graves dysfonctionnements de leurs systèmes judiciaires, ce qui naturellement laisse apparaitre des risques évidents d’erreur dans l’application de la sanction capitale.

7.Il convient également de rappeler que la peine de mort obligatoire pour certaines infractions continue à figurer dans les législations de quelques Etats malgré la position de principe dégagée à cet égard par la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples qui, dans son  arrêt du 28 novembre 2019 rendu dans l’affaire Ally Rajabu Contre la république de Tanzanie, a  affirmé  que « l’imposition obligatoire  de la peine de mort ne respecte pas les garanties d’une procédure régulière et viole les normes d’équité des procès, en empêchant les cours de justice de fixer une sanction proportionnelle au crime commis. »

8.Nous rappelons, à titre d’information, que des concertations ont été engagées avec des acteurs pour mener des actions de sensibilisation à l’intention des Etats dans le but de les inciter à bannir l’application de la peine de mort comme sanction obligatoire, étant entendu que cette pratique porte manifestement atteinte aux principes directeurs du procès équitable tels que énoncés par les lignes directrices édictées par la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples.

9.Nous continuons également à rappeler à l’endroit des Etats qui ont fait le choix de garder encore la peine capitale dans leur législation, qu’à travers son observation générale n°3 développée  sur le droit à la vie (article 4 de la Charte) la commission dit pour droit que cette peine afflictive et infamante ne doit être prononcée que contre les crimes les plus graves.  Notre démarche à ce niveau consiste à demander aux Etats concernés de s’engager sur des moratoires stricts et d’envisager systématiquement la commutation des peines de mort en peine d’emprisonnement.

10.Durant la période sous rapport des condamnations à la peine de mort ont eu lieu en République Démocratique du Congo (RDC). En effet, la justice militaire du Nord-Kivu a prononcé le verdict de peine capitale dans l’affaire du carnage des adeptes de la secte Wazalendo. Dans cette affaire, au moins 56 personnes ont été tuées le 30 août après que des soldats congolais de la ville de Goma ont ouvert le feu sur des manifestants au cours d’une manifestation contre la présence des forces de maintien de la paix de l'ONU. Le principal accusé, le colonel Mike Mikombe, commandant brigade de la garde républicaine, a été condamné à la peine de mort.

11.La dernière condamnation à la peine de mort a été prononcé par la Haute cour militaire de la RDC qui  a condamné le 6 octobre 2023 un député de 70 ans à la peine de mort pour détention illégale d’armes et munitions de guerre, participation au mouvement insurrectionnel M23 et trahison[ https://www.france24.com/fr/afrique/20231006-un-d%C3%A9put%C3%A9-condam… (visité le 11 octobre 2023).]. Il faut relever que malgré l’application de peine de mort, la RDC observe un moratorium de facto, les dernières exécutions datant de l’année 2003[ https://www.prison-insider.com/articles/rdc-l-abolition-de-la-peine-de-… (visité le 11 octobre 2023).].

12.De même au courant du mois d’octobre, la Cour d’Appel d’Alger a prononcé la peine capitale contre trente-huit (38) personnes poursuivies pour le lynchage à mort d’un individu soupçonné à tort d’avoir volontairement provoqué des feux de brousse en 2021.

13.Les peines prononcées feront certainement l’objet d’une commutation en vertu du moratoire en vigueur en Algérie depuis 1993.

Étude sur la question de la peine de mort

14. Depuis ma prise de fonction, je me suis attelé à accélérer le processus de révision de l’étude sur la peine de mort afin d’actualiser les données et informations qu’elle contient.  Ce faisant, j’ai sollicité la collaboration du Centre pour les droits de l'homme de l'Université de Pretoria (CDH) qui a promptement accepté d’apporter son concours à la réalisation de ladite étude. 

15.Les premières contributions des anciens membres experts du Groupe de travail ont été transmises au Dr Thomas Probert qui dirige l'équipe de recherche travaillant sur le projet. Une réunion de consultation se tiendra dans les semaines à venir afin de recueillir les contributions des partenaires intéressés par les thématiques couvertes par l’Etude.  

16.Nous avons pris les dispositions pour clôturer le processus au courant du premier semestre de l’année 2024. 

B.Disparitions forcées

17.La protection des personnes contre le crime de disparition forcée reste une préoccupation majeure prise en charge dans le cadre des mandats confiées à notre commission.
Ainsi , lors de sa 71ème Session ordinaire tenue virtuellement du 21 avril au 13 mai 2022, , la Commission a adopté, les Lignes directrices sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le premier instrument de cette nature en Afrique.
Ces lignes directrices ont pour objet de fournir aux Etats parties à la Charte des orientations et soutiens pour la mise en œuvre effective de leurs engagements en faveur de l’éradication des disparitions forcées sur l’ensemble du continent.

18.Elles sont notamment destinées à servir de modèle de référence à l’adoption par ces Etats de textes nationaux spécifiques destinés à lutter efficacement contre le phénomène précité.

19. Nous poursuivons notre engagement résolu à vulgariser leur contenu et encourager leur mise en œuvre avec l’appui de toutes   les parties prenantes. A cet effet, nous avons entrepris de renforcer la collaboration avec le Groupe de Travail des Nations Unies sur les Disparitions Forcées ou Involontaires (GTDFI). Les concertations menées à cet égard ont permis des échanges régulières d’informations sur la thématique, de même que l’édiction d’une déclaration commune publié à l’occasion de la journée commémorative du 30 août consacrée aux victimes de disparitions forcées. 
Durant l’intersession, de nombreux cas de disparitions forcées ont été signalées par des organisations de la société civile.  Le groupe de travail  suit avec attention ces cas que nous considérons, en l’état, comme de simples allégations en attendant de procéder aux vérifications minimales qui s’imposent avant d’adresser aux Etats concernés des lettres officielles d’interpellation.

C.Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires

20.Le Groupe de Travail note avec préoccupation que des allégations d’exécutions extrajudiciaires perpétrés notamment dans le cadre des opérations de sécurisation, de lutte contre le terrorisme et plus généralement de conflits armés ont été rapportées, durant la période sous revue notamment au Burkina Faso, au Soudan et en République démocratique du Congo. 
Nous rappelons à ce niveau que l’étude globale lancée par le Groupe de travail, pour évaluer l’ampleur et les conséquences des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires sur le continent est toujours en cours. 
Nous encourageons les OSC , les INDH et en général toutes  les parties prenantes intéressées par la thématique  à soutenir ce projet exécuté en collaboration  avec l’Institut des Droits de l’Homme et de la paix de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Chapitre II : Activités menées en qualité de Commissaire et de Président du Groupe de Travail

76ème Session Ordinaire de la Commission

J’ai participé à la 76ème Session Ordinaire de la Commission, qui s’est tenue virtuellement du 19 juillet – 2 août 2023, au cours de laquelle la Commission a adopté plusieurs documents et études, examiné des rapports et rendu des  décisions sur différentes  Communications.

Atelier d’imprégnation des nouveaux membres du Groupe de travail

J’ai présidé, le 15 juin 2023, l’atelier organisé par le Groupe de travail pour accompagner la prise de fonction des nouveaux membres experts. Cette réunion a permis à ces derniers de s’informer davantage sur l’étendue et le contenu des mandats conférés à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples mais également de s’imprégner des missions spécifiques du Groupe de travail.

Participation à l’atelier de Lancement de la première Observation générale élaborée par le comité des Nations unies sur les disparitions forcées (Genève, 28 septembre 2023)

21.Le 28 septembre 2023, j’ai participé au lancement de l'Observation générale du comité sur les disparitions forcées dans le contexte des migrations.

22. Dans mon allocution, j’ai fait noter que le monde fait face à une crise migratoire sans précédent marquée par des déplacements massifs de populations fuyant la misère, la guerre, les calamités naturelles ou les persécutions en tous genres portant atteinte à l’honneur et à la dignité humaine.

23. Que les Etats africains subissent de façon implacable les consequences néfastes de ces mouvements de populations qui entrainent le plus souvent de jeunes gens dans des aventures incertaines au peril de leurs vies. 

24.J’ai fait noter en conclusion que la commission africaine admet pleinement que la question préoccupante des disparitions forcées ne saurait être correctement appréhendée sans une prise en charge effective des cas particuliers de personnes en situation de vulnérabilité, parmi lesquelles figurent les migrants et qu’à cet égard l’observation générale élaborée par le comité devra utilement servir comme  outil de plaidoyer  pour lutter plus efficacement contre le phénomène. 
Participation au Panel de haut niveau organisé dans le cadre du Dialogue UA-UE
J’ai participé en mode virtual  au panel de haut niveau sur la peine de mort organisé le 10 octobre 2023 à Addis Abeba dans le cadre du Dialogue Union africaine- Union européene .
Dans mon allocution j’ai présenté la situation de la peine de mort sur le continent  et fait le point sur les concertations que nous sommes en train de mener avec différents acteurs étatiques et non étatiques en vue de relancer le processus  d’adoption du projet de  protocole à la Charte relatif à l’abolition de la peine de mort en Afrique.

Reunion avec le Groupe des Ambassadeurs francophones auprès de l’Union africaine 
J’ai également pris part, virtuellement, à la reunion d’information sur le projet de protocole à la charte sur la peine de mort organisée le 12 octobre 2023 à Addis Abéba à l’initiative du groupe des ambassadeurs francophones, en collaboration avec l’OIF et des organisations partenaires que sont la FIACAT et  la Coalition mondiale pour l’abolition de la peine de mort.
Dans mon intervention, j’ai informé les ambassadeurs et les invités présents sur les étapes franchies et les défis rencontrés dans le processus d’adoption du projet de protocole sur la peine de mort. L’occasion a été saisie pour renouveler l’appel fait aux Etats parties à la charte de soutenir l’adoption du protocole précité.
Les ambassadeurs presents ont salué la démarche engagé et suggéré une plus large concertation autour du projet de protocole.
Nous envisageons de poursuivre les consultations à travers l’organisation prochaine d’autres reunions sous le même format avec les ambassadeurs anglophones, lusophones et arabophones.
Nous espérons clôturer les cycles de consultations avant la fin de l’année et soumettre à nouveau le projet de protocole à l’appréciation des organes compétents de l’Union africaine.

Journée internationale des victimes de disparitions forcées 30 août 2023

A l’occasion de la célébration, le 30 août 2023, de la journée internationale des victimes de disparitions forcées, j’ai cosignée une déclaration publique avec la présidente du Groupe de travail des nations unies sur les disparitions forcées.
Nous avons soutenu dans notre message que le droit des victimes à accéder à la justice implique de prendre les mesures nécessaires à la recherche de la vérité et que les Etats doivent déclencher lesdites recherches et assurer l’ouvertures d’enquêtes, sans délai, dès qu’ils sont informés d’une disparition forcée même présumée.

Journée internationale contre la peine de mort, 10 octobre 2023

25.A l’occasion de la journée internationale contre la peine de mort, célébrée le 10 octobre, j’ai fait une Déclaration par laquelle j’ai rappelé les progrès réalisés au niveau de l’abolition et fait le point sur les défis

26.J’ai indiqué que la Commission, à travers son Groupe de travail , est pleinement consciente que l’abolition totale de la peine de mort, qui reste son objectif ultime, est loin d’être atteinte en raison de la persistance de nombreux défis liés notamment à la recrudescence des conflits armés, à la montée du terrorisme et de façon générale à l’exaspération des   extrémismes les plus violents.

27. J’ai, dans ce contexte, lancé un appel aux Etats parties à la Charte, aux  institutions principales de l’Union africaine, aux  Institutions nationales des droits de l’homme et aux  Organisations de la société civile à combiner leurs efforts pour soutenir le processus d’adoption du Projet de protocole à Charte portant abolition de la peine de mort. 

Au titre de mes activités en qualité de membre du groupe de travail sur les droits des personnes handicapés et des personnes âgées,

 J’ai participé aux deux webinaires de sensibilisation à la ratification des deux protocoles relatifs aux droits des personnes âgées et des personnes handicapées en Afrique organisés, d’une part, à l’intention des Etats arabophones et d’autre part,  des Etats francophones et lusophones , membres de l’Union africaine .

Au titre de mes activités en qualité de membre du Groupe de travail sur les Communications

28.En ma qualité de membre du Groupe de travail sur les Communications (GTC), j’ai participé à une réunion, virtuelle, tenue le 4 juillet 2023 et à un processus décisionnel par consultation à distance lancé le 25 septembre 2023. Durant ces sessions, le groupe de travail s’est prononcé sur sept (7) projets des décisions sur l’admission des plaintes contenant des demandes de mesures provisoires , six (6) documents internes, notamment le Rapport sur la saisie administrative des communications, le Document d'orientation sur l'autodétermination et le Mémoire sur le transfert des communications à la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples .

Lettres d’Appel urgent et de préoccupation

Lettre de félicitations 

29.J’ai co-signé avec le Rapporteur pays , une lettre de félicitation à S.E. William Ruto, Président de la République du Kenya  pour la décision de commuer les peines de mort  prononcées par les juridictions en peines d'emprisonnement à perpétuité.

30.Au nom de la Commission, nous avons salué cette importante avancée réalisée par le Kenya vers une protection renforcée du droit à la vie garanti par l'article 4 de la Charte.

31.Dans cet esprit, nous avons encouragé le gouvernement du Kenya à poursuivre ces efforts en mettant en place les conditions nécessaires à l'abolition de la peine de mort.

32.Conjointement avec la Commissaire –pays, en charge du suivi de la situation des droits de l’Homme, j’ai adressé une lettre de félicitations au Président de la République du Ghana, son Excellence Nana Akofu-Addo, pour exprimer l’appréciation positive de la commission après l’annonce de l’adoption le 23 juillet 2023 de la loi portant abolition de la peine de mort pour l’essentiel des crimes à l’exception de la haute trahison.  

33.Nous avons encouragé le gouvernement de la République du Ghana à poursuivre les efforts engagés afin d’arriver à l’abolition totale de la peine de mort pour toutes les infractions.

Le 21 juillet 2023, j’ai cosigné avec le Commissaire –pays, un communiqué conjoint exprimant notre profonde préoccupation suite à la répression violente de manifestations pacifiques au Kenya ayant occasionné des pertes en vies humaines et fait de nombreux blessés entre le 7 et le 12 juillet 2023.
Nous avons demandé, entre autres, au gouvernement de ce pays d’ouvrir une enquête rapide et indépendante sur les faits et de situer les responsabilités par rapport à l’usage excessif de la force constatée durant ces évènements.

Chapitre III Activités menées en qualité de Rapporteur Pays

34.Cette partie du rapport porte sur les activités et actes posés durant l’intersession en mes qualités de commissaire rapporteur pays. Conformément à la résolution ACHPR/Res. 495 (LXIX) de 2021, j’ai été désigné comme commissaire rapporteur sur la situation des droits de l'homme dans les cinq (5) pays suivants : Bénin, Burkina Faso, République centrafricaine, Tchad et Comores. 

A.Burkina Faso

35.Le Burkina Faso fait face depuis quelques années maintenant à des défis sécuritaires et une instabilité politique causés par la survenance de changements anticonstitutionnelles de gouvernement au regards des critères définis par la Charte africaine de la démocratie des élections et de la gouvernance.

36.  Depuis 2021, le pays est confronté à des attaques terroristes et des affrontements qui ont entraîné de nombreuses pertes en vies humaines, des blessés, des déplacements de populations, entre autres dommages.

37.Dans notre précédent rapport nous faisions états des graves cas d’exécutions extrajudiciaires de populations civiles notamment dans les localités de Nouna, Yirgou et Karma qui auraient été perpétrées par des membres supposés appartenir aux forces de défenses et de sécurité.

38.Faisant suite à notre interpellation , le  gouvernement burkinabé ,par Note verbale No 23-00270/ABF/ET/DCA du 28 avril 2023, a transmis au Secrétariat de la CADHP la réponse du Président de la transition du Burkina Faso.

39.Après réception de ces réponses, j’ai tenu une réunion de suivi avec le Ministère de la justice de cet Etat pour faire le point sur les procédures judiciaires engagées en vue de faire la lumière sur les graves exactions dénoncées. 

40.La Commission reste saisie de la situation et continue à suivre les évolutions. 

Malgré les efforts considérables des autorités burkinabés, les attaques terroristes continuent de perturber la vie des populations dans les zones affectées et à occasionner de nombreuses pertes en vies humaines .
41.Ainsi , des dizaines de soldats ont été tués le 27 juin 2023 à la suite de deux attaques terroristes dans la ville de Naoka, région Centre-Nord-Sud, ;[ https://information.tv5monde.com/afrique/burkina-faso-des-dizaines-de-s… (visité le 03.10.23] 

42.Egalement, dans la ville de Koumbi, province de Yatenda, 17 militaires et 36 miliciens populaires ont trouvé la mort dans la confrontation avec les groupes armés terroristes, sans compter le nombre de morts du côté des groupes terroristes[ https://www.france24.com/fr/afrique/20230905-au-burkina-faso-plusieurs-… (visité le 3 octobre 2023).] ; le 26 juin 2023, une attaque terroriste a visé un convoi dans le village de Namssiguia (Bourzanga, Bam)  causant la mort de  trente-et-un (31) militaires. 

43.Une tentative de coup d’état a par ailleurs été dénoncée le 26 septembre 2023 par les plus hautes autorités du pays.

44. Il y a lieu également de  relever l’inquiétude exprimée par des acteurs politiques et des organisations de la société civile à la suite des déclarations du chef de l’Etat qui aurait soutenu que les élections ne constituent pas une priorité dans le contexte actuel. 

45.La restriction de l’espace civique a aussi été dénoncée de même que des atteintes à l’indépendance de la justice et à la liberté d’expression 

46.Nous tenons encore une fois à exprimer notre solidarité avec le peuple Burkinabé dans sa lutte contre le terrorisme et appelons les plus hautes autorités à tout mettre en œuvre pour renforcer la préservation du droit à la vie, tel que garanti par la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.

47.Nous appelons aussi les organisations de la société civile et la commission nationale des droits de l’Homme à informer la commission sur des violations des droits humains qui viendraient à être constatées dans le pays.

B.Bénin 

48.Dans mon rapport précédent, j’ai répertorié plus de vingt (20) cas d’exécutions extrajudiciaires survenus entre 2019 et 2022, dans différentes localités du Bénin, notamment dans le contexte des évènements survenus à Dowa Centre, à Porto Novo à Djidja et à Togba (Commune d’Abomey-Calavi), à Hévié et Akassato (Commune d’Abomey Calavi), à Zogbohouè (Cotonou), au quartier Guinkomey (Commune de Cotonou). 

49. Depuis le 9 janvier 2023, agissant conjointement avec les autres mécanismes spéciaux concernés, nous avons adressé une lettre de préoccupation à S.E. Mr. Patrice Talon, Président de la République du Bénin, pour faire la lumière sur ces affaires . Je déplore qu’à ce jour aucune de ces interpellations n’ai fait l’objet d’une réponse de la part des autorités concernées. 

C.Comores
Depuis notre désignation en qualité de commissaire pays nous tentons de dynamiser les relations de coopération avec l’Union des Comores qui, il faut le rappeler, n’a pas encore présenté son premier rapport au titre de l’article 62 de la Charte. 

  Dans ce cadre, une note verbale et une note de rappel ont été envoyées pour solliciter l'autorisation d'effectuer une mission de promotion. 
Avant l’ouverture de la présente session, S.E. l’Ambassadeur des Comores auprès de l'UA  , par courrier transmis au secrétariat de la Commission, a  marqué son accord  pour nous rencontrer à Addis Abeba  afin d'aborder la question de la coopération avec la CADHP. 
Nous comptons saisir cette opportunité pour poser les bases de la collaboration que nous souhaitons établir avec cet Etat partie à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.

D.République centrafricaine

50.La République centrafricaine a entamé un processus d’adoption de la nouvelle constitution dont le projet a été approuvé par référendum le 30 juillet 2023. Les informations disponibles montrent que le processus a été contesté par les principaux parties de l’opposition et des organisations de la société civile qui ont appelé au boycott du referendum. Malgré ces protestations, le projet a été adopté avec plus de 57% et les résultats ont été  confirmés  par la Cour constitutionnelle du pays[ https://www.france24.com/fr/afrique/20230821-en-centrafrique-la-cour-co… (consulté le 12.10.2023).].

51.Nous appelons les parties prenantes à une collaboration effective et fructueuse en vue de conclure avec succès et de façon inclusive le processus de mise en place des institutions et organes prévus dans la nouvelle Constitution. 

Tchad

52. Suite aux événements violents survenus le 20 octobre 2022 à N’Djamena et dans d’autres provinces ayant causé la mort d’au moins 128 manifestants, nous avons publié un communiqué de presse conjointement avec le Rapporteur Spécial sur les défenseurs des droits de l’homme, ainsi que le Rapporteur Spécial sur les Prisons, les Conditions de Détention et l’Action Policière. Dans ce communiqué, nous avons condamné le recours excessif à la force et demandé aux forces de sécurité tchadiennes de s’abstenir de tout recours à la force létale dans le cadre de la gestion de manifestations publiques, tout en appelant à la retenue et à l’esprit de dialogue. Nous avons également demandé aux autorités judiciaires une enquête rapide, crédible et indépendante sur les événements du 20 octobre 2022. 

53.Nous attendons encore la réponse du gouvernement tchadien pour être édifiés sur les causes et circonstances de ces évènements tragiques et les mesures mises en œuvre pour identifier les responsables et les traduire devant les juridictions compétentes.

54.Les informations disponibles ne me permettent pas de savoir si des enquêtes judiciaires ont été ouvertes et dans quelle étape elles se trouvent, ce qui constitue un motif de préoccupation. Je renouvèle donc l’appel à ce que les mesures soient prises pour identifier et poursuivre les auteurs des violations et que des garanties de non-répétition soient établies. 

55.Il faut rappeler que le Tchad vie une transition depuis avril de 2021, après l’assassinat de l’Ancien Président de la République. Le projet de nouvelle Constitution a été adopté le 27 juillet par le Conseil Militaire de Transition et un referendum avant la fin de l’année.

56. Des sources concordantes indiquent l’existence des divergences sur la composition de la Commission nationale chargée de l'organisation du référendum constitutionnel (CONOREC) du fait de la surreprésentation alléguée des partisans du régime de transition ainsi que la mise à l'écart de la société civile. 

57.J'espère que les autorités de transition sauront relever le défi d’établir un consensus acceptable entre toutes les parties prenantes et organiser un référendum conforme aux meilleures pratiques et normes internationales en la matière.

Chapitre IV : Conclusions et recommandations 

58.Des progrès sont observés au niveau de la tendance abolitionniste, avec l’augmentation du nombre de pays ayant actuellement aboli la peine de mort. Toutefois, la peine de mort reste en vigueur et continue à être appliquée dans certains pays. Des inquiétudes sont également soulevées par les récentes évolutions législatives dans certains pays visant à définir de nouveaux crimes passibles de la peine de mort. 

59.La Commission poursuit son engagement auprès des Etats membres et des partenaires, notamment de la société civile et du monde universitaire. En collaboration avec ces partenaires, elle continuera à promouvoir l’adoption du Projet de Protocole à la Charte relatif à l’abolition de la peine de mort, à contribuer à la formation d’une base de connaissances à travers les études et à engager le plaidoyer et le dialogue politique sur la question de la peine de mort et les phénomènes connexes, notamment les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique. 

60.La Commission s’est déjà dotée de Lignes directrices sur les disparitions forcées en Afrique qu’elle voudrait à présent vulgariser. Dans le même ordre d’idées, une étude sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a été commanditée afin de pouvoir doter les acteurs et les décideurs d’un outil de plaidoyer et de prise de décision dans ce domaine. 

61.Pour la poursuite de cette dynamique, le groupe de travail formule les recommandations suivantes:

Aux États parties:

a.Dans les Etats où la peine de mort existe encore :
i.d’observer un moratoire sur l’application de la peine de mort, conformément à la résolution CADHP/Rés.42(XXVI)99; 
ii.de suspendre l’exécution des prisonniers condamnés à mort et de commuer leur peine en peines moins lourdes.

b.Entreprendre des mesures visant à enclencher le processus d’abolition ;
 
c.Soutenir et participer aux efforts visant l’adoption du projet de Protocole à la Charte africaine sur l’abolition de la peine de mort ;

d.Prendre des mesures visant à assurer la vulgarisation et la mise en œuvre effective des Lignes directrices pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en Afrique et des autres instruments applicables visant à garantir la pleine protection du droit à la vie ;

e.À l’Union africaine:

f.Promouvoir les consultations avec les États Membres, les organisations et mécanismes régionaux pour l'abolition de la peine de mort ;

g.Par ses mécanismes administratifs et judiciaires, renforcer la responsabilisation des États concernant les actes d’exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et de disparitions forcées ;

h.Soutenir la mobilisation de l’opinion et des ressources pour la mise en œuvre du mandat du Groupe de Travail sur l’abolition de la peine de mort.

Aux Institutions nationales des droits de l'homme et organisations de la société civile:

i.intensifier le plaidoyer mené au niveau national pour l’abolition de la peine de mort, ainsi que la prévention et la réponse contre les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique, tout en collaborant avec et en soutenant les efforts de plaidoyer similaires aux niveaux sous-régional et continental ; 

j.intensifier la participation des Institutions Nationales des Droits de l'Homme et des organisations de la société civile aux consultations nationales et régionales sur l'abolition de la peine de mort.

Aux autres Partenaires au développement:

k.fournir un appui au Groupe de travail pour lui permettre de s’acquitter de son mandat de manière efficace;

l.soutenir les études et les autres efforts visant apporter une base de connaissances au dialogue politique sur la question de la peine de mort ; 

m.fournir un soutien technique et financier aux États parties, aux INDH et aux OSC dans leurs activités, programmes, projets et politiques visant à lutter contre les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées, ainsi que les processus de réformes pénales visant l’abolition de la peine de mort.