Introduction
1.Le présent Rapport est soumis en vertu des règles 25(3) et 64 du Règlement intérieur (2020) de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission). Ce Rapport est un récapitulatif des activités menées lors de la période intersession suivant la 73ème Session ordinaire de la Commission, qui s’est tenue en présentiel à Banjul, en Gambie, du 20 octobre au 9 novembre 2022.
2.Le Rapport comprend quatre parties. La Première partie porte sur les activités que j’ai menées en ma qualité de Commissaire. La Deuxième partie porte sur les activités que j’ai menées en tant que Présidente du Comité pour la protection des droits des personnes vivant avec le VIH, des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH (Comité sur le VIH). La Troisième partie traite de la situation relative au VIH/SIDA sur le continent. Dans la Quatrième partie je présente la conclusion et les recommandations.
PARTIE I : ACTIVITES MENEES EN MA QUALITE DE COMMISSAIRE
I.Interactions avec les Etats parties
3.L’article 45(1)(c) de la Charte africaine prévoit que la Commission coopère avec les autres institutions africaines ayant un rôle à jouer dans la promotion et la protection des Droits de l’homme et des peuples. Dans le cadre de mes initiatives personnelles de rapprochement avec les Etats parties à la Charte africaine pour la mise en œuvre de leurs obligations en matière de Droits de l’homme, surtout les Etats dont je gère directement la supervision, j’ai entrepris une visite de courtoisie auprès du ministre des Affaires étrangères de la République de Gambie et du procureur général de la République de Gambie, représenté par un magistrat du Parquet, le 9 novembre 2022.
4.L’objectif de cette visite était d‘interagir avec le Gouvernement hôte qu’est la Gambie. Au cours de la visite, j’ai mis en avant les opportunités d’appui à la Gambie dans sa mission de réalisation des engagements pris au titre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte) à travers l’amélioration de l’Etat de droit au sein du pays, notamment par la réalisation d’une campagne itinérante sur les Droits de l’homme. Cela constituerait une Mission de promotion dans notre pays hôte.
II.Africa Regional Seminar on the Contribution of Development to the Enjoyment of All Human Rights
5.A la demande du Président de la Commission africaine, j’ai pris part au Séminaire sur la contribution du développement à la jouissance de tous les droits humains, organisé par le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’homme, à Nairobi, Kenya, du 24 au 25 novembre 2022. Au cours du séminaire, j’ai porté deux casquettes : J’ai prononcé une allocution d’ouverture au nom de l’honorable président des organes de l’Union africaine y compris la Commission de l’Union africaine (CUA) qui était également représentée. J’ai par ailleurs effectué une présentation au nom de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, lors du Panel principal intitulé « Réflexions sur la contribution du développement dans la jouissance des droits humains »
6.Dans le cadre de ma présentation, j’ai insisté sur la nécessité de poursuivre la coopération entre les Nations Unies et la Commission conformément à la Feuille de route d’Addis Abeba sur la coopération entre la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et le Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies pour le progrès du droit au développement, surtout pour les populations marginalisées. J’ai rappelé en outre que, conformément à la Résolution 224 sur une approche de la gouvernance des ressources naturelles fondée sur les Droits de l’homme, adoptée lors de la 51ème Session ordinaire de la Commission du 18 avril au 2 mai 2012 à Banjul, en Gambie, la Commission reconnaît « l’interdépendance entre les droits humains et le développement ».
7.J’ai fait remarquer que les pays africains, compte tenu de leurs immenses ressources, sont bien en mesure d’accomplir davantage de progrès pour leurs populations en ce qui concerne l’accès à l’énergie, à l’eau potable et à la sécurité alimentaire, à un logement décent, à l’éducation (particulièrement pour les groupes de personnes vulnérables tels que les femmes, les enfants, les populations autochtones, les personnes handicapées et les personnes vivants avec le VIH/SIDA). De même, ils pourraient les appuyer davantage pour l’accès à l’internet à haut débit, les infrastructures publiques de base telles que des routes praticables, des installations scolaires, l’accès à l’eau par les dispositifs modernes de distribution, les services d’assainissement et la gestion des déchets. Je soutiens fermement le fait qu’un développement national dynamique passe par un engagement plein et entier pour un idéal en matière de Droits de l’homme, par le respect de l’état de droit, par la démocratie participative, par la redevabilité des gouvernements et par une approche de développement durable.
8.J’ai par ailleurs souligné la nécessité pour les pays africains, en particulier les Etats parties à la Convention de Kampala de prendre toutes les dispositions nécessaires à la protection des populations contre les déplacements forcés dues au grands projets de développement en Afrique, conformément à la Résolution 335 de 2016 sur la situation des personnes déplacées internes en Afrique adoptée lors de la 19ème Session extraordinaire de la Commission qui s’est tenue du 15 au 26 février 2016 à Banjul.
III.Atelier sur les Droits de l’homme et Symposium sur l’Etat de droit au Cameroun
9.Le 22 mars 2023, j’ai représenté le Président de la Commission à l’Atelier sur l’accès à la jurisprudence et aux procédures de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples organisé par la British High Commission et au Symposium politique sur l’Etat de droit et la stratégie nationale de développement du Cameroun, le 23 mars 2023 à Yaoundé, au Cameroun. Les deux événements ont été organisés par l’Association du Barreau du Cameroun en collaboration avec la mission de la British High Commission au Cameroun.
10.Lors de mes présentations, j’ai rappelé que les droits humains et l’état de droit sont non seulement des valeurs fondamentales partagées par les Etats membres de l’UA mais également des éléments cruciaux pour un fonctionnement adéquat et la mutation développementale de toute démocratie. J’ai exhorté le Cameroun à respecter l’Etat de droit conformément à ses objectifs de développement, consacrés par sa stratégie nationale de développement 2020-2030.
IV.36ème Session extraordinaire de la Commission
11.Le 9 janvier 2023, j’ai assisté à la 36ème Session extraordinaire de la Commission. Il s’agissait d’une session privée et j’étais chargée de la lecture du Communiqué final.
V.Suivi des pays
12.Conformément au Mandat de la Commission et en vertu de l’article 15 de la Charte africaine, la Commission a un rôle important à jouer dans le suivi de la mise en œuvre de la Charte par les Etats parties. Les membres de la Commissions doivent, en particulier, suivre la situation des Droits de l’homme dans des pays déterminés et traiter les préoccupations relatives aux Droits de l’homme et des peuples à chaque fois que cela est nécessaire. Dans cette perspective, les Etats parties ainsi que les autres parties prenantes sont encouragés à « coopérer et à consulter le Rapporteur de pays à la Commission lors de la conception, planification, mise en œuvre et examen des activités et actions relevant du Mandat national relatif aux Droits de l’homme »
13.Compte tenu de ce qui précède, je suis chargée de suivre la situation des Droits de l’homme en tant que Rapporteure de cinq (5) Etats parties dans le continent. Ces derniers sont :
(a)La République arabe d’Egypte ;
(b)L’Etat d’Erithrée ;
(c)Le Royaume d’Eswatini ;
(d)La République de Gambie ;
(e)La Républque de Sierra Leone.
14.Au cours de la période intersession, la Commission a reçu des correspondances concernant les pays suivants :
Egypt
15.Je note avec préoccupation les nombreuses plaintes relatives aux droits de l'homme déposées contre la République arabe d'Égypte et je me félicite de la coopération reçue du gouvernement égyptien pour relever ce défi. La Commission appelle le gouvernement à se conformer respectivement à ses obligations en matière de droits de l'homme en vertu de la Charte.
16.Il faut rappeler que la Commission avait accordé le statut d’affilié au Conseil national des Droits de l’homme de l’Egypte lors de la 73ème Session ordinaire. Afin de renforcer l’engagement commun de la Commission et de l’Etat d’Egypte, j’ai soumis une demande d’autorisation auprès du Gouvernement égyptien, en vue de mener une visite de travail et une Mission de promotion des Droits de l’homme en Egypte. Cette Mission permettrait de sensibiliser davantage sur les droits et libertés évoqués dans la Charte africaine et sur les obligations du Gouvernement. Le Secrétariat attend le retour du Gouvernement concernant cette demande et la Commission espère qu’elle sera favorable.
17.Je voudrais souligner que l'Égypte est actuellement à jour de ses obligations en matière de rapports au titre de l'article 62 de la Charte africaine. J'espère qu'avec le soutien du Conseil National des Droits de l'Homme, le gouvernement continuera à soumettre ses rapports périodiques en temps voulu.
Eswatini
18.Je dois également rappeler que le 17 juillet 2021 et le 25 octobre 2021, la CADHP a émis deux communiqués de presse sur la situation des Droits de l’homme en Eswatini suite aux manifestations et au affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Les communiqués appelaient l’Eswatini à : mettre un terme immédiatement à l’usage de balles réelles par la police, à se conformer aux principes de précaution, de proportionnalité et de nécessité dans l’usage de la force et à éviter le recours à la force léthale sauf en cas de dernier ressort. Nous avons également exhorté le Royaume à veiller à la réalisation d’enquêtes diligentes, transparentes, efficace, indépendantes et impartiales sur les violations des Droits de l’homme caractérisées notamment par l’usage excessif de la force par les forces de sécurité, de permettre aux personnes dont les droits ont été violés par les institutions chargées du maintien de l’ordre d’avoir un accès sans heurt à des réparations et de permettre par ailleurs un accès libre à internet.
19.Au cours de la période intersession, j’ai continué à suivre la détérioration de la situation des Droits de l’homme au Royaume d’Eswatini. La Commission a été particulièrement préoccupée par l’incertitude croissante de la situation politique intérieure et de la hausse du nombre d’attaques contre les journalistes et les défenseurs des Droits de l’homme par les Services de sécurité et d’autres acteurs non identifiés. Le 21 janvier 2023, le Monde a été choqué d’apprendre l’assassinat brutal, dans son domicile, de l’avocat spécialiste des Droits de l’homme et militant politique Swati, le défenseur Thulani Rudolf Maseko. Le défenseur Maseko a pris part à la 73ème Session ordinaire de la Commission, et nous ne le reverrons plus jamais. En réaction à cette désolante situation, le Président de la Commission et moi-même avons conjointement émis une déclaration condamnant ce meurtre atroce, le 23 janvier 2023. La déclaration a été publiée sur le site web de la Commission.[ https://t.co/OsV5UhDCV2 - English
https://twitter.com/achpr_cadhp/status/1617515449704648709 - tweet
https://facebook.com/permalink.php?story_fbid=593565516114270&id=100063… – Facebook.] Nous avons également adressé une lettre d’appel conjoint à sa Majesté le Roi Mswati III, le 26 janvier 2023 concernant ce tragique assassinat d’un partisan et militant instruit et avons transmis un message de condoléances, message de réconfort à l’endroit de sa famille.
Sierra Leone
20.Au cours de la période intersession, la Commission a eu le plaisir de noter que le Gouvernement de la Sierra Leone a promulgué en janvier 2023, la loi sur l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme. En conséquence, ma sœur Janet, Honorable Commissaire et Rapporteure spéciale sur les Droits de la femme en Afrique et moi-même avons collaboré étroitement pour adresser une lettre de félicitations conjointes au Gouvernement de la Sierra Leone, pour avoir donné force exécutoire à cette loi qui marque un tournant pour l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme en application des dispositions consacrées par le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif à aux Droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo).
Gambie
21.Au cours de la période intersession, le Secrétariat a reçu des plaintes de la part de parties prenantes clés en Gambie au sujet du processus électoral préalable aux élections locales et pour demander à ce que le Gouvernement ne prenne pas des mesures tendant à tronquer le processus démocratique.
22.En ma qualité de Rapporteure pour la Gambie, j’ai reçu une invitation du président de la Commission électorale indépendante de la Gambie, à faire partie de la Mission d’observation de l’UA pour les élections municipales et locales (Local Government Elections for Counselor to Mayoral elections) prévues le 15 avril et le 20 mai 2023, respectivement. Toutefois, conformément à une décision de la Commission lors de sa 74ème Session ordinaire, la Secrétaire exécutive de la Commission a informé la Commission électorale indépendante que la Commission africaine n’était pas en mesure d’honorer cette invitation.
23.La Commission a participé à diverses réunions de consultation organisées par le Gouvernement, les Nations Unies en Gambie et d’autres partenaires au développement au sujet du Plan national de développement de la Gambie, l’appui au recommandations de TRRC, l’amélioration de la situation des Droits de l’homme en Gambie et la planification des activités de commémoration du 75ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les consultations se poursuivent à l’issue de la plupart de ces réunions et la Commission souhaite continuer à soutenir le Gouvernement et le bon peuple de Gambie à forger une trajectoire de développement solide et ancrée dans le respect des Droits de l’homme et de l’état de droit.
24.Par ailleurs, la tentative échouée de coup d’état du mardi 20 décembre 2022 a suscité notre inquiétude. En réaction à cette tentative infructueuse de confisquer le pouvoir dans cette démocratie naissante qu’est la Gambie, j’ai émis un communiqué de presse concernant la tentative échouée de coup d’état pour condamner cet acte anticonstitutionnelle visant à renverser le gouvernement gambien régulièrement et démocratiquement élu. Mon communiqué de presse est disponible sur le site web de la Commission.[ https://t.co/SeBph327re – English; https://twitter.com/achpr_cadhp/status/1606338363493154816 – Tweet; https://facebook.com/permalink.php?story_fbid=571202078350614&id=100063… – Facebook.]
PARTIE II : ACTIVITES MENEES EN TANT QUE PRESIDENTE DU COMITE EN CHARGE DU VIH
VI.Journée mondiale de lutte contre le SIDA
25.Afin de commémorer la journée mondiale de lutte contre le SIDA, le 1er décembre 2022, j’ai émis un communiqué de presse pour marquer l’importance de cet événement. Le thème de l’année 2022 de la Campagne de lutte contre le SIDA était « Equalise », un appel au gouvernements, institutions nationales des Droits de l’homme, défenseurs des Droits de l’homme, organisations de la société civile (notamment les organisations de femmes, de jeunes, de personnes vivant avec le VIH et de personnes handicapées), organisations universitaires, organisations confessionnelles, pays développés et partenaires au développement à travailler ensemble, à conjuguer les efforts pour combattre les inégalités et mettre fin à la pandémie du VIH/SIDA en Afrique et dans le monde. Le communiqué est également disponible sur le site web de la Commission.[ https://t.co/IEr4ydVx1u - English; https://twitter.com/achpr_cadhp/status/1598387238512959489 – Tweet; https://facebook.com/permalink.php?story_fbid=552388763565279&id=100063… – Facebook.]
VII.Relance de l’appel à candidature et recrutement de nouveaux membres experts
26.Conformément à l’article ACHPR/Res.534 (LXXIII) 2022 sur le renouvellement du mandat, la nomination du président et la reconstitution du Comité sur le VIH adopté lors de la 73ème Session ordinaire de la Commission, qui s’est tenue du 20 octobre au 9 novembre 2022, la Commission a demandé au Secrétariat de publier à nouveau l’appel à candidature pour la sélection de membres experts de l’Afrique du nord pour rejoindre le Groupe de travail en tenant compte des critères de représentation géographique établis dans les procédures opérationnelles normalisées relatives au Mécanismes spéciaux.
27.Conformément à cette requête, le Secrétariat a publié à nouveau l’appel à candidatures pour la période du 8 février au 27 mars 2023 pour le recrutement de membres experts de l’Afrique du Nord qui intégreraient le Comité. L’appel a été publié en langues arabe, française et anglaise et peut être consultée sur le site web de la Commission et sur d’autres plateformes de médias sociaux.[ https://t.co/AKWdweqCNZ – French; https://twitter.com/achpr_cadhp/status/1623376932908765223 – Tweet; https://facebook.com/permalink.php?story_fbid=605640494906772&id=100063… - French
https://t.co/NWVzY56rHI - Arabic
https://twitter.com/achpr_cadhp/status/1623377371502940186 - Tweet
https://facebook.com/permalink.php?story_fbid=605640191573469&id=100063… - Arabic
https://t.co/pBRt9QKXDz - English
https://twitter.com/achpr_cadhp/status/1623376838285266992 - Tweet
https://facebook.com/permalink.php?story_fbid=605640874906734&id=100063… – Facebook.]
VIII.Mission de promotion en Tanzanie
28.Du 23 au 28 janvier 2023, j’ai été membre de la délégation de la Commission qui conduisait une Mission de promotion des Droits de l’homme en Tanzanie. La Mission était dirigée par l’Honorable Commissaire Geereesha Topsy-Sonoo et visait à vérifier les allégations selon lesquelles les communautés Maasai autochtones se faisaient expulser de leurs terres ancestrales à Ngorongoro. Lors des interactions de la délégation avec différentes parties prenantes, j’ai échangé avec la Commission tanzanienne de lutte contre le SIDA (TACAIDS) et nous poursuivons nos échanges sur des domaines de collaboration entre le Comité sur le VIH et TACAIDS. Le communiqué final relatif à cette Mission est disponible sur le site web de la Commission.[ https://t.co/cD9xSHnbY8 - English
https://twitter.com/achpr_cadhp/status/1629148886517284867 - Tweet
https://facebook.com/permalink.php?story_fbid=617839710353517&id=100063… – Facebook.]
PARTIE III : SITUATION DES DROITS DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH/SIDA DANS LE CONTINENT
29.L’émergence de la pandémie de la COVID-19 en 2020 a fait passer la campagne continentale de lutte contre l’expansion du VIH au second plan. L’avènement de diverses crises sanitaires concomitantes partout dans le monde, notamment en Afrique, a eu un impact délétère sur les personnes vivant avec le VIH. Cela s’est traduit par un revirement au détriment de la riposte mondiale et continentale à la pandémie du SIDA.[ UNAIDS, In Danger: Global Aids Update 2022 https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/2022-global-aids… ( Accessed 12 September 2022)] Au cours des trois dernières années, les heurts et collisions dans la double riposte pandémique auxquels s’ajoutent des défis persistants, ont fragilisé la riposte mondiale contre le VIH.
30.Il est maintenant largement admis que la COVID-19 ainsi que les autres incertitudes ont perturbé non seulement les services de santé à travers le monde, mais aussi, qu’elles ont fragilisé davantage les personnes vivant avec le VIH et les personnes à risque, vulnérables ou affectées par le VIH. L’Onusida a indiqué que le stress ou le risque lié à l’endettement est encouru par 60% des personnes les plus démunies et l’impact de la pandémie sur les pays à revenus faibles ou intermédiaires a plongé près de 75 à 95 millions de personnes dans la pauvreté. Avec l’accélération de la pression, les communautés et groupes hautement exposées au VIH sont devenues encore plus vulnérables. Les investissements des gouvernements dans des programmes intégrés de lutte contre le SIDA ont baissé, seuls 26% des pays à revenus faibles et intermédiaires sont en mesure de couvrir 70% de leurs dépenses liées au VIH à travers des canaux de financement de source nationale.[ Ibid p. 232]
31.Dans le contexte particulier du continent africain, les personnes vivant avec le VIH/SIDA et les personnes à risques n’ont pas reçu ou ont à peine reçu des soins et font face à une discrimination systémique, à la stigmatisation sociale alors même que leur accès à des services de santé essentiels pour la prévention, le diagnostic et le traitement est limité. Ce problème a été exacerbé par l’apparition de la COVID-19 qui a poussé de nombreux Etats à revoir leurs priorités et à redéployer les ressources initialement destinées à combattre le VIH/SIDA.
32.Entre 2020 et 2022, la diminution des programmes et politiques de lutte contre le SIDA ont été à l’origine de la stagnation de la prévalence voire de la résurgence de la maladie dans des pays à forte prévalence en Afrique australe, en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest. Cette perte de vitesse qui est parfois un recul dans la consolidation d’une dynamique d’amélioration s’est trouvée par ailleurs aggravée par des crises civiles au long cours tels que les conflits internes armés mais aussi par la pauvreté, les pénuries alimentaires, les inondations, notamment au RDC, en Ethiopie, au Nigéria, en Somalie et au Soudan. Ces adversités ont affecté le degré d’engagement des gouvernements en faveur de la lutte contre le VIH/SIDA.
33.Dans ce sens, mais aussi pour recentrer l’attention sur les personnes vivant avec le VIH/SIDA dans la période post-COVID, je soutiens la conception d’une application (APP) sur le VIH/SIDA visant à appuyer et protéger les communautés.
34.La tenue de la Conférence internationale sur le SIDA et les IST en Afrique (ICASAA) en décembre 2023 fournit une excellente plateforme pour promouvoir cette application. La réunion des ministres de la santé des états membres de l’UA en septembre 2023 sera également un bon tremplin pour la promotion de l’application dans la mesure où ce conseil qui devise en permanence avec la CUA avait donné naissance à l’idée de recourir aux chefs d’états champions de causes dont celle de l’appui aux personnes vivant avec le VIH.
PARTIE IV: CONCLUSIONS AND RECOMMANDATIONS
35.Les évolutions susmentionnées m’amènent à faire les recommandations ci-après aux différentes parties prenantes :
Aux Etats parties :
Injecter des fonds suffisants dans les institutions de santé chargées de fournir les services relatifs au VIH/SIDA conformément à la Déclaration d’Abuja et veiller à ce que les politiques et programmes de lutte contre le VIH soient inclus dans le budget annuel des pays ;
Démarrer, financer et opérationnaliser les activités de prévention du VIH, de renforcement de l’accès aux services de soins, de diagnostic précoce, de traitement, de soin aux personnes vivant avec le VIH ;
Fournir des services qui éliminent les obstacles à l’accès aux soins médicaux des personnes vivant avec le VIH, proposer plus de traitements antirétroviraux, proposer un accueil décent aux personnes à faibles revenus à risque ou vulnérables au VIH à travers des équipes de soins mobiles, le recours à la télémédecine et la prise de rendez-vous par téléphone ;
Mettre fin à la discrimination et à la stigmatisation auxquelles sont soumises les personnes vivant avec le VIH, les personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH en édictant des lois protectrices, en fixant des règles et précautions dans les espaces civiles ;
Mettre fin à la pratique du ticket modérateur notamment sur les frais d’analyses et de consultations dans les institutions de santé pour les soins liés au VIH ou d’autres maladies connexes pour rendre le traitement plus accessible ;
Appuyer les ONG qui luttent contre le VIH/SIDA et les problématiques associées à travers la recherche basée sur des données factuelles et les services aux personnes vivant avec le VIH.
Aux INDH :
Créer des opportunités pratiques et fiables pour dénoncer les problèmes et introduire des plaintes liées aux droits humains et pour documenter et traiter les violations des droits humains liés au VIH ;
Fournir des informations fiables et accessibles sur l’éducation à la prévention, au diagnostic et au traitements et soin liés au VIH pour renforcer la maîtrise du sujet aux niveaux national et local ;
Collaborer avec les organisations et les institutions d’éducation pour concevoir des contenus et dispenser une éducation sexuelle aux adultes et aux jeunes, élaborer et mettre en œuvre une approche individualisée au traitement et aux soins avec des services personnalisés ciblant les personnes vivant avec le VIH et d’autres handicaps et les personnes rencontrant des difficultés lors des traitements antirétroviraux ;
Promouvoir la protection des femmes et des filles tout en appuyant les politiques dissuasives à l’égard des abus sexuels, des mutilations génitales féminines et des autres pratiques néfastes ;
Encourager les structures et les professionnels de santé à assurer la confidentialité des interactions entre soignants et patients et communiquer avec diligence et discrétion les résultats des tests VIH ;
Travailler avec le Comité ainsi que d’autres organisations intergouvernementales et les ONG pour intensifier la sensibilisation au VIH, renforcer la riposte et les politiques.
Aux OSC impliquées dans les activités liées au VIH
Continuer à créer, soutenir et renforcer les processus et programmes de suivi des personnes vivant avec le VIH et des personnes à risque ;
Soutenir les programmes mutualisés des gouvernements et les initiatives communautaires pour créer des environnements sûrs pour les personnes à risque ;
Améliorer et rendre plus accessibles les services destinés aux personnes vivant avec le VIH.
Aux autres partenaires :
Collaborer avec les institutions nationales chargées de la lutte contre le VIH/SIDA, avec les groupes de plaidoyer, les organisations de la société civile et les mécanismes tels que le Comité sur le VIH, pour élaborer et mettre en œuvre des programmes qui allègent le fardeau des personnes vivant avec le VIH et s’attaquent aux défis liés au VIH.
Aider le Comité à vulgariser et disséminer son « Etude sur le VIH, Droit et Droits de l’homme dans le Système africain des Droits de l’homme : défis majeurs et opportunités liées à une riposte anti-VIH fondée sur les droits » qui fait le point sur les principales problématiques mettant en cause les droits des personnes vivant avec le VIH en Afrique ;
Collaborer avec les OSC concernées et leur apporter un appui technique, matériel et financier au niveau national et appuyer le Comité dans l’exécution efficace de son mandat.
36.Enfin, je voudrais, au nom des membres experts du Comité et en mon nom, remercier tous les partenaires du Comité qui nous accompagnent depuis longtemps, surtout l’Onusida pour son engagement et son soutien infaillible aux activités du Comité.