Résolution sur la détérioration de la situation des droits de l’homme en République arabe d’Egypte - CADHP/Res.297(EXT.OS/XVII)2015

partager

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission africaine), réunie à l’occasion de sa 17ème Session extraordinaire, tenue du 19 au 28 février 2015 à Banjul, Gambie;

Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme en Afrique en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine);

Considérant que la République Arabe d’Égypte est un État membre de l’Union Africaine et État partie à la Charte africaine, avec l’obligation d’assurer le respect des droits de l’homme et des peuples sur son territoire;

Rappelant que l’un des objectifs de l’Union africaine est de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et des peuples conformément à la Charte africaine, mais également de promouvoir les principes et institutions démocratiques, la participation populaire et la bonne gouvernance;

Réaffirmant les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 18, et 26 de la Charte africaine qui consacrent le droit d’être à l’abri de la discrimination, le droit à l’égale protection de la loi, le droit à la vie, le droit de ne pas faire l’objet de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, le droit à la liberté personnelle et à la protection contre l’arrestation arbitraire, le droit à un procès équitable, le droit à la liberté de conscience, le droit à l’information et la liberté d’expression, le droit à la liberté d’association et de réunion, le droit de participer à la direction des affaires publiques, le devoir de protéger les groupes vulnérables, et le devoir de garantir l’indépendance de la justice; 

Réitérant  les normes énoncées dans les Directives et Principes sur le droit à un procès équitable et l’assistance judiciaire en Afrique (Principes et Directives sur un procès équitable), adoptés par la Commission en 2001;

Rappelant l’article 7 de la Charte africaine qui dispose que   toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par une juridiction compétente, impartiale et indépendante;

Notant que le droit à la défense constitue une composante essentielle d’un procès équitable;

Rappelant sa Résolution ACHPR/Res.287(EXT.OS/XVI)2014 sur les violations des droits à l’homme en Égypte, adoptée lors de sa 16ème Session extraordinaire , tenue à Kigali, Rwanda, en juillet 2014, exhortant le Gouvernement de la République arabe d’Égypte à garantir le droit à un procès équitable pour tous les citoyens devant des tribunaux indépendants, conformément au droit et aux normes internationaux;

Attirant l’attention sur les Résolutions ACHPR/Res.136(XXXXIV)08 exhortant les États parties à observer un moratoire sur la peine de mort, ACHPR/Res.62(XXXII)02 portant adoption de la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique (la Déclaration sur la liberté d’expression) et ACHPR/Res.185 (XLIX)11 sur la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias en Afrique;

Ayant à l’esprit le Rapport final du Groupe de haut niveau de l’Union Africaine pour l’Égypte daté du 17 juin 2014, dans lequel le Groupe a fait part de sa préoccupation face à la situation des droits de l’homme en Égypte, notamment du fait de la détention continue, sans jugement, de milliers d’activistes politiques et des condamnations à mort massives prononcées par les juridictions du pays sans respect des procédures.

Profondément préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l’homme en République arabe d’Égypte à la suite du soulèvement populaire de 2011, en particulier l’indifférence flagrante à l’égard des normes relatives à un procès équitable, avec des centaines de condamnations à mort prononcées dans des procès collectifs et expéditifs n’ayant duré que quelques heures et au cours desquels la culpabilité individuelle n’a pas été établie ;

Soulignant que dans les pays où la peine de mort n'a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves, conformément à la législation en vigueur au moment où le crime a été commis;

Préoccupée par les condamnations à mort prononcées dont 529 au mois de mars, 683 en avril et 188 en décembre 2014 ainsi que 183 en février 2015 ;

Notant que 492 des 529 condamnations à mort prononcées en mars 2014 ont été commuées en emprisonnement à vie, alors que les 37 autres condamnations à la peine capitale seront révisées par un tribunal d’appel;

Préoccupée en outre par les restrictions actuelles à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, ainsi que les actes de harcèlement, les arrestations et les détentions arbitraires des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et autres individus qui expriment des points de vue divergents;

La Commission :

  1. Condamne  l’indifférence de la République arabe d’Égypte à l’égard du respect des normes régionales et internationales en matière de procès équitable, l’imposition illégale de peines de mort massives, et la persécution des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme;
  2. En appelle  au Gouvernement de la République arabe d’Égypte de se conformer à la Charte africaine, aux Directives et Principes sur le droit à un procès équitable, à la Déclaration sur la liberté d’expression, et aux autres instruments auxquels l’Égypte est partie;
  3. Exhorte  le Gouvernement de la République arabe d’Égypte à mettre un terme aux actes de harcèlement, arrestations et  détentions arbitraires et condamnations des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, et autres individus qui expriment des points de vue divergents sur les actions du Gouvernement;
  4. Exhorte instamment  le Gouvernement de la République arabe d’Égypte à observer sans délai un moratoire sur la peine de mort et à réfléchir à la possibilité d’abolir la peine capitale;
  5. Invite le Gouvernement de la République arabe d’Égypte à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui vise l’abolition de la peine de mort; et
  6. Appelle le Gouvernement de la République Arabe d’Égypte à enquêter sur toutes les violations des droits de l’homme perpétrées dans le pays et à traduire en justice les auteurs de tels actes.

Fait à Banjul, Gambie le 28 février 2015.