La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, réunie en sa 44 ème session ordinaire, à abuja, république fédérale du nigeria, du 10 au 24 novembre 2008
REAFFIRMANT que l’article 16 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples garantit le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible et que les Etats doivent assurer à chacun l’accès aux soins médicaux ;
PREOCCUPEE par le fait que, entre 2001 et 2007, les médicaments essentiels n’étaient disponibles que dans 38% des structures de santé publique en Afrique ;
SOULIGNANT que le droit à la santé ne se limite pas au droit aux soins de santé, mais couvre également tous les aspects sous-jacents de la santé ;
RECONNAISSANT que l’accès aux médicaments essentiels pour le traitement, la prévention et les soins palliatifs est une condition nécessaire à une vie saine et digne ;
RECONNAISSANT que l’accès aux médicaments essentiels est un volet fondamental du droit à la santé et que les Etats parties à la Charte africaine ont l’obligation de fournir les médicaments essentiels en tant que de besoin ou de faciliter l’accès auxdits médicaments ;
RECONNAISSANT EN OUTRE que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le Droit à la Santé a expliqué que « l’accès aux médicaments est un volet indispensable du droit au plus haut niveau de santé possible » et que, par conséquent, le droit à la santé impose à l’Etat de promouvoir « la réalisation du droit aux médicaments pour tous »;
DEMANDE INSTAMMENT aux Etats de garantir l’accès sans restriction aux medicaments essentiels, notamment:
- La disponibilité, en quantités suffisantes, des médicaments essentiels, y compris des médicaments existants, et la mise au point de nouveaux médicaments essentiels pour garantir le niveau de santé le plus élevé qu’il soit possible d’atteindre;
- L’accessibilité des médicaments essentiels pour tous, sans discrimination, en particulier
- L’accessibilité physique des médicaments essentiels pour tous;
- L’accessibilité économique (prix abordables) des médicaments essentiels pour tous;
- L’accessibilité aux informations relatives à la disponibilité et à l’efficacité des médicaments;
- L’acceptabilité de l’approvisionnement en médicaments, dans le respect des normes culturelles et de l’éthique médicale;
- La qualité des approvisionnements en médicaments, tout en veillant à ce que les médicaments disponibles soient sans danger, efficaces et médicalement adaptés;
APPELLE les Etats à remplir leurs obligations en ce qui concerne l’accès aux médicaments, notamment à:
- promouvoir l’accès aux médicaments en s’abstenant de prendre des mesures susceptibles d’en entraver l’accès, par exemple
- En refusant ou en restreignant l’accès égal des individus ou communautés marginalisés aux médicaments ;
- En interdisant ou en entravant l’utilisation des médicaments et pratiques de guérison traditionnels rigoureusement scientifiques et médicalement adaptés ;
- En compromettant la fourniture de l’aide humanitaire, qui facilite la mise à disposition des médicaments essentiels ;
- En mettant en œuvre, en matière de propriété intellectuelle, des politiques qui ne tirent pas pleinement avantage de l’adaptabilité de l’Accord de l’OMC sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, qui facilite l’accès aux médicaments bon marché, en particulier en adhérant aux accords de libre échange « TRIPS Plus » ;
- protéger l’accès aux médicaments essentiels de l’action des tiers par des mécanismes de réglementation qui :
- Garantissent que seuls les médicaments conformes aux normes scientifiques appropriées pour la qualité, l’innocuité et l’efficacité sont disponibles ;
- Encouragent l’utilisation rationnelle des médicaments, par des protocoles de traitement basés sur les meilleures données existantes ;
- Préviennent l’application, dans les secteurs public et privé, de prix déraisonnablement élevés pour les médicaments essentiels, par la promotion de l’équité dans les prix, un système dans le cadre duquel les démunis ne sont pas tenus de payer des montants disproportionnés de leur revenu pour accéder aux médicaments ;
- Veillent à ce que les professionnels de la médecine et les patients aient un accès facile à des informations fiables, exhaustives et équilibrées sur l’innocuité et l’efficacité des médicaments ;
- Stimulent et favorisent la concurrence, la propriété intellectuelle, la protection des consommateurs et d’autres lois afin de promouvoir l’accès aux médicaments ;
- réaliser l’accès aux médicaments en adoptant toutes les mesures positives nécessaires et appropriées, au maximum de leurs ressources disponibles, afin de promouvoir, de fournir et de faciliter l’accès aux médicaments essentiels, notamment :
- en satisfaisant immédiatement aux obligations minima essentielles en garantissant la disponibilité et le caractère abordable de tous les médicaments essentiels, tels que définis dans la liste nationale des médicaments essentiels et le Programme d’action de l’OMS sur les médicaments essentiels ;
- en définissant immédiatement une stratégie nationale en matière de médicaments et des systèmes de contrôle afin de garantir le respect des obligations en matière de droits de l’homme ;
- en œuvrant à une participation significative des individus et groupes concernés aux décisions touchant à l’accès aux médicaments, en particulier aux décisions relatives à la réglementation, à la fixation des prix et aux brevets ;
- en créant des systèmes dans lesquels les informations concernant les brevets et les usages homologués des médicaments seront aisément accessibles au public ;
- En diligentant l’examen réglementaire et l’enregistrement des médicaments essentiels et en prenant des mesures incitatives dans le but d’amener les compagnies à faire enregistrer rapidement les médicaments essentiels ;
- en élaborant et en mettant en œuvre, individuellement et en collaboration avec d’autres Etats et entités non gouvernementales, des programmes de recherche et de développement basés sur les besoins afin de prendre en charge les maladies et états pathologiques actuellement négligés ;
MANDATE le Groupe de Travail sur les Droits économiques, sociaux et culturels à mieux définir les obligations des Etats en matière d’accès aux médicaments et d’élaborer des lignes directrices modèles pour le suivi et l’évaluation.
Fait à Abuja, République Fédérale du Nigeria, le 24 novembre 2008.