Communiqué de presse sur la situation des droits de l’homme au Cameroun, suite aux mouvements de grève des avocats, des enseignants et de la société civile

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La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) continue de suivre de près la détérioration de la situation des droits de l’homme au Cameroun, Etat partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine), causée par les protestations en cours dans les régions anglophones du Nord-ouest et du Sud-ouest du pays.

La Rapporteure de la Commission pour le Cameroun et Rapporteure spéciale sur les défenseurs des droits de l’homme en Afrique, l’Honorable Commissaire Reine Alapini-Gansou, est profondément préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l’homme au Cameroun, en particulier : les meurtres de civils ; le déploiement de personnel militaire armé, des forces spéciales de sécurité (BIR) et de machines de guerre dans ces deux régions ; l’utilisation disproportionnée et mortelle de la force et de la violence pour dissuader les avocats, les enseignants, les étudiants, les civils et les manifestants pacifiques et non armés à Bamenda, Buea et Kumba ; le viol d’étudiantes à Buea ; les arrestations arbitraires, les détentions et les rouées de coups sans merci orchestrées par la police, la gendarmerie, l’armée et les BIR, suite aux grèves et manifestations qui se poursuivent depuis octobre 2016.

La Rapporteure spéciale a reçu des informations selon lesquelles les grèves et les manifestations auraient été provoquées par ce qui était appelé « le problème anglophone », en raison du mécontentement des avocats, des enseignants et de la société civile du Cameroun anglophone qui cherchaient légitimement et pacifiquement à mettre un terme à la destruction et à l’élimination graduelle mais systématique du système juridique du Common law et du système d’enseignement anglo-saxon ; à la marginalisation et à la négligence, par l’administration du Cameroun, des deux régions anglophones du Cameroun ; et demandaient le retour au système de gouvernance fédéral.

La Rapporteure spéciale est particulièrement préoccupée par les allégations de décès de plus de neuf (9) Camerounais lors des manifestations à Bamenda, Buea et Kumba et les allégations selon lesquelles le Gouvernement envisage une arrestation massive, des enlèvements et l’assassinat de dirigeants d’associations d’avocats, de syndicats d’enseignants, de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme, comme moyen de contrecarrer la cause anglophone.

La Rapporteure spéciale condamne fermement l’utilisation alléguée d’une force disproportionnée contre les civils, la répression violente et mortelle de manifestants pacifiques et appelle le Gouvernement de la République du Cameroun à :

1.     enquêter sur les allégations de meurtres, de viols, de traitements inhumains et de violations des droits de l’homme commis sur des manifestants pacifiques par la police anti-émeute, les éléments de la gendarmerie, de l’armée et les BIR à Bamenda, Buea et Kumba ; 

2.     mettre immédiatement un terme aux violences alléguées contre les civils et prendre les mesures nécessaires pour veiller au respect des droits humains de ses citoyens et de tous ses habitants ;

3.     protéger le droit à la liberté d’expression, de réunion, le droit à la manifestation pacifique et à assurer la sécurité de ses citoyens, conformément aux dispositions de la Charte africaine ;

4.     mettre un terme aux arrestations et détentions arbitraires ; et

5.     libérer toutes les personnes arrêtées illégalement lors des manifestations.

La Rapporteure spéciale voudrait rappeler aux autorités camerounaises leurs obligations de garantir les droits fondamentaux, notamment le droit à la vie, le droit à la liberté de réunion, d’association et d’expression ainsi que le droit à l'autodétermination, conformément aux dispositions des articles 6, 7, 9, 10, 11 et 20 de la Charte africaine.

La Rapporteure spéciale demande également à la communauté internationale d’examiner la question et d’appuyer le Gouvernement camerounais dans le règlement pacifique du « problème anglophone », en encourageant un dialogue authentique et inclusif entre le Gouvernement du Cameroun et les avocats du common law, les enseignants et la société civile du Cameroun dans les régions anglophones et les autres organes mis en place pour résoudre le problème.

La Rapporteure spéciale continuera de suivre l’évolution de la situation dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun et appelle l’Union africaine à contribuer à la réalisation effective des droits de l’homme et des peuples dans l’ensemble du pays.

 Fait le 13 décembre 2016 à Banjul, en Gambie

 

Honorable Commissaire Reine Alapini-Gansou

Rapporteure pays du Cameroun et Rapporteure Spéciale sur les Défenseurs des droits de l’homme en Afrique