A la demande de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission Africaine), une visite pays a été effectuée en République de Côte d’Ivoire du 23 au 28 Mai 2016 par le Comité sur la protection des droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA, des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH/SIDA (le Comité sur le VIH/SIDA) de la Commission africaine. Cette mission s’inscrit dans le cadre du mandat de promotion de la Commission Africaine tel que prévu à l’Article 45(1) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine). La mission a eu pour objectifs entre autres, de s’enquérir auprès des autorités, des organisations de la société civile et autres parties prenantes de l’état des lieux en matière de protection des droits des personnes vivant avec le VIH et des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH, d’identifier les avancées réalisées ainsi que les obstacles et défis qui entravent une meilleure prise en compte des droits de l’homme dans la réponse nationale au VIH.
La délégation de la Commission Africaine était conduite par l’Honorable Commissaire Soyata Maiga, Vice-Présidente de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et Présidente du Comité sur le VIH/SIDA et était composée de l’Honorable Commissaire Reine Alapini Gansou, membre du Comité sur le VIH/SIDA et Rapporteure spéciale sur les droits des défenseurs des droits de l’homme en Afrique, de M. Patrick Michael Eba, membre expert du Comité sur le VIH/SIDA et conseiller Principal aux Droits de l’Homme et à la Législation à l’ONUSIDA. Elle était assistée par M. Hubert Gouleyo, juriste principal au Secrétariat de la Commission Africaine.
La délégation a eu des échanges fructueux avec les premiers responsables des départements ministériels dont les attributions sont pertinentes pour les problématiques liées au VIH et aux droits de l’homme, notamment les ministères en charge des affaires étrangères ; des droits de l’homme et des libertés Publiques ; de la santé et de l’hygiène publique ; de la justice ; de la promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfant ; de l’emploi et de la protection sociale ; de la promotion de la jeunesse, de l’emploi des jeunes et du service civique ; et de l’éducation nationale.
Elle a eu une séance de travail avec son Excellence Mme la Première Dame de la République de Côte d’Ivoire, Mme Dominique Ouattara en sa qualité d’Ambassadrice spéciale de l’ONUSIDA pour l’accélération de l'accès au traitement pédiatrique pour les enfants vivant avec le VIH.
La délégation s’est également entretenu avec les parlementaires membres de la Commission des Affaires Générales et Institutionnelles ainsi que ceux de la Commission des Affaires Sociales et Culturelles. La délégation a eu des séances de travail avec la Commission Nationale des Droits de l’Homme, le système des Nations Unies et les acteurs intervenant dans la mise en œuvre des programmes relatifs au VIH.
Elle a en outre rencontré les organisations de la société civile y compris les personnes vivant avec le VIH et les organisations de populations vulnérables aux VIH tels que les femmes, les jeunes, les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes et les professionnels de sexe. La délégation a rencontré les médias à l’occasion d’une conférence de presse tenue dans la salle de conférence du Ministère des Affaires Etrangères.
La délégation a visité des centres de prise en charge médicale et psychosociale des personnes vivant avec le VIH, des orphelins et enfants rendus vulnérables par le SIDA et un centre dédié à la prévention et à la prise en charge du VIH au sein des populations clés notamment les professionnels du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes et les personnes qui utilisent des drogues.
Au cours des différentes rencontres et séances de travail avec les acteurs étatiques, non-gouvernementaux et autres acteurs concernés par la question du VIH et des droits de l’homme, la délégation a eu à échanger sur la situation générale de l’épidémie de VIH en Côte d’Ivoire notamment la prévalence, l’incidence et l’impact de l’épidémie sur la population générale et au sein de groupes spécifiques tels que les femmes, les jeunes et les autres populations vulnérables y compris les prisonniers, les professionnels du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes et les personnes qui utilisent des drogues.
Les échanges ont aussi porté sur la revue de la réponse au VIH au plan programmatique, législatif et en matière de droits de l’homme. En particulier, la délégation s’est entretenu avec les parties prenantes sur la couverture et la qualité des services ; l’environnement législatif et juridique de la réponse au VIH ; l’existence, la couverture et la composition des programmes et interventions relatifs aux droits de l’homme dans la réponse au VIH ainsi que les financements adéquats en vue de mettre en œuvre les programmes relatifs aux droits de l’homme dans la réponse au VIH.
La délégation note avec satisfaction l’existence d’un engagement et d’une volonté politique réelle de la part du Gouvernement dans la réponse au VIH.
La délégation salue les mesures prises par le gouvernement en vue d’améliorer et de renforcer les services de santé notamment par la réhabilitation et la construction de centres de santé à travers le pays et le recrutement de personnel médical additionnel.
Elle se réjouit de l’adoption de la loi N° 2014-430 portant régime de prévention, de protection et de répression en matière de lutte contre le VIH et le SIDA.
La délégation se félicite de la pertinence des initiatives, interventions et programmes développés par les acteurs de la société civile et autres partenaires intégrant l’approche des droits de l’homme dans la réponse au VIH, y compris à l’endroit des personnes vivant avec le VIH et autres populations affectées et hautement à risque tels que les orphelins et autres enfants rendus vulnérables par le VIH, les femmes, les jeunes, les professionnels du sexe et les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes, les personnes qui utilisent des drogues et cela en dépit des difficultés liées à la mobilisation des ressources financières, matérielles et techniques nécessaires à la réussite et à la pérennité de leurs programmes.
La délégation relève cependant la persistance de plusieurs défis qui entravent les efforts dans la lutte contre le VIH et qui touchent aux questions essentielles des droits de l’homme. Ces défis sont relatifs entre autres, à la prévalence élevée du VIH au sein des populations hautement à risque, la persistance de la stigmatisation, de l’auto-stigmatisation et de la discrimination liées au VIH.
Ces défis sont aussi liés à la non-effectivité de la loi N° 2014-430 sur le VIH et le SIDA ; l’insuffisance dans l’articulation et la coordination entre les différents départements ministériels relativement à leurs rôles et responsabilités en matière de promotion des droits de l’homme dans la réponse au VIH ; l’insuffisance en terme de qualité et de couverture des programmes et interventions relatifs aux droits humains en matière de VIH existants dans le pays ; la forte dépendance aux subventions externes pour la réponse nationale au VIH; et l’insuffisance des moyens financiers, techniques et matériels mis à la disposition des organisations de la société civile travaillant sur les problématiques identifiées.
La Commission Africaine présentera un rapport circonstancié sur le déroulement de la mission, ainsi que les échanges qui en ont résulté. Elle formulera à cette occasion des recommandations spécifiques à l’endroit des acteurs rencontrés.
La délégation remercie le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire pour lui avoir permis d’entreprendre cette mission qui se tient en prélude à la réunion de haut niveau des Nations Unies sur le VIH prévue du 8 au 10 Juin 2016 à New York et qui fixera le cadre de l’action mondiale contre l’épidémie pour les cinq prochaines années, y compris en matière de lutte contre la stigmatisation, la discrimination et les violations des droits de l’homme en matière de VIH.
Elle remercie en particulier Mme la Ministre des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques et son équipe pour leur appui à la bonne organisation et à la conduite de la mission.
La délégation se réjouit du rétablissement, en Janvier 2016, d’un Ministère des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques. Cette décision est un acte important qui place la question et les approches liées aux droits de l’homme au cœur des priorités de l’action gouvernementale.
La délégation encourage le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire à renforcer son engagement, ses programmes, plans et politiques en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme dans la réponse au VIH.
La délégation invite le Gouvernement à prendre sans délais les mesures nécessaires en vue de l’application effective de la loi de 2014 sur le VIH et le SIDA, y compris les décrets et autres mesures d’application.
Elle exhorte le Gouvernement à renforcer son action commune et coordonnée en faveur d’une prise en compte effective des problématiques de droits de l’homme en rapport avec le VIH dans chaque département ministériel en fonction de son mandat et de ses attributions.
La délégation invite le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique en relation avec le ministère des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques à définir une approche stratégique et programmatique en vue de répondre aux problématiques de droits de l’homme dans la réponse au VIH en impliquant les autres départements et acteurs pertinents, notamment les parlementaires, la Commission Nationale des Droits de l’Homme, la société civile, les personnes vivant avec le VIH et les populations vulnérables, les medias et les religieux.
Aux organisations de la société civile, la délégation recommande qu’elles poursuivent leurs actions en faveur des droits de l’homme dans la réponse au VIH.
Aux partenaires au développement, la délégation recommande de continuer d’apporter leur soutien aux efforts du gouvernement de Côte d’Ivoire dans sa réponse au VIH et particulièrement dans les aspects relatifs aux droits de l’homme.
Fait à Abidjan, le 28 Mai 2016