Communiqué de Presse sur la Situation Préoccupante des Droits de l’Homme à l’Est de la République Démocratique du Congo

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La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Commission), à travers son Rapporteur-Pays, l’Honorable Commissaire Marie Louise Abomo, suit avec attention la situation des droits de l’homme en République Démocratique du Congo (RDC), particulièrement à l’Est du pays dans le Nord et le Sud Kivu.

La Commission constate avec consternation et une grande préoccupation la dégradation et l’escalade continues de la situation sécuritaire dans cette partie du pays, du fait de l’action des nombreux groupes armées dont le Mouvement du 23 mars (M23) qui a réactivé en novembre 2021, après dix ans d’accalmie, son action guerrière dans la région.

Cette crise sécuritaire a de lourdes conséquences dramatiques sur la vie des populations civiles et sur tous leurs autres droits humains, tels que reconnus et garantis par la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, ainsi que les nombreux instruments internationaux librement ratifiés par la RDC et les pays de la sous-région qui seraient impliqués d’une façon ou d’une autre dans cette situation délétère.

La Commission déplore le décompte croissant des victimes des massacres et autres violations massives et graves des droits de l’homme, des personnes disparues, des déplacées et réfugiés dans cette partie du pays et dans la sous-région. La Commission rappelle que cet état de faits aggrave la situation humanitaire déjà précaire dans ces zones.

Le plus emblématique et récent cas de ces violations choquantes reste la tuerie et des atrocités commises à l’encontre des communautés Hutus situées dans le village de Kishishe et dans les autres agglomérations occupées par des groupes armés aux environs de Goma, à l’Est de la République Démocratique du Congo. Les rapports de ces tueries font état du décès de plus d’une centaine de membres parmi la communauté Hutu. 

En communion avec la Nation congolaise, le Commissaire Rapporteur-Pays s’incline devant la mémoire des victimes, et présente ses sincères condoléances aux familles durement éprouvées.

Par ailleurs, il est régulièrement rapporté des allégations graves de violations des droits de l’homme par le M23, dans les territoires occupés en RDC, notamment dans la localité de Rutshuru, située à environ 70 km de Goma, Chef-lieu de la Province du Nord-Kivu et rapportées par plusieurs médias nationaux et étrangers. Le M23 est accusé de sérieuses exactions notamment l’imposition de taxes aux agriculteurs, aux commerçants et entreprises, le pillage et l’incendie de commerces et d’habitations, l’interpellation et l’enlèvement forcé de personnes, l’instauration de travaux forcés communautaires etc. 

La Commission réitère sa ferme condamnation des actes de violences commis dans les circonstances ci-dessus relevées et invite toutes les parties au conflit à y mettre un terme et à respecter le droit international humanitaire.

La Commission demande que tous les protagonistes cessent immédiatement les hostilités et aillent au dialogue afin de résoudre pacifiquement le conflit qui les oppose dans l’intérêt de la paix, la sécurité et la stabilité. C’est dans ce contexte qu’elle salue et encourage ces protagonistes suite à l’accord signé ce 6 décembre 2022 à Nairobi au Kenya (les discussions de Nairobi III) entre 53 groupes armés et le Gouvernement de la RDC afin de mettre un terme aux hostilités et ramener la paix dans ces zones gangrenées trop longtemps par la guerre. 

La Commission appelle le M23 à rejoindre cette dynamique sans condition et sans délai en droite ligne avec son communiqué publié le mardi 6 décembre annonçant le retrait de ses troupes des positions qu’il occupe dans le territoire de Rutshuru et se disant prêt à adhérer au consensus de Luanda.

En tout état de cause, la Commission rappelle les obligations nationales et internationales de la RDC en matière de protection des droits humains sur son territoire et l’invite à prendre toutes les mesures nécessaires, en coordination et si nécessaire avec l’appui des partenaires internationaux pertinents, pour mettre fin aux violations en cours, protéger les populations, mener des enquêtes devant situer les responsabilités et punir les coupables, tout en assurant réparation aux victimes.

Le Commissaire Rapporteur-Pays salue et encourage l’engagement, les efforts et les actions déployés par les Autorités nationales, les Etats Voisins, et l’ensemble de la Communauté internationale dans le processus de rétablissement de la confiance, le règlement des différends par le dialogue et la restauration d’une paix et d’une sécurité durables en RDC.

La Commission invite, enfin, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, l’Union Africaine à travers son Conseil de Paix et de Sécurité et l’ensemble de la communauté internationale à poursuivre leurs efforts pour la résolution pacifique du conflit persistant dans les deux Kivu, en vue d’un retour à une paix durable en RDC. 

Le Commissaire Rapporteur-pays demeure saisie de l’évolution de la situation des Droits de l’Homme dans le pays.

Fait à Banjul le 8 décembre 2022

Honorable Marie Louise Abomo

Rapporteur-Pays sur la situation des droits de l’homme en République Démocratique du Congo
Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.