Soyata Maiga / Commissaire

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RAPPORT D’INTERSESSION DU MECANISME DE LA RAPPORTEURE SPECIALE SUR LES DROITS DE LA FEMME EN AFRIQUE DEPUIS SA CREATION 

Me Soyata MAIGA

Commissaire, Rapporteure Spéciale sur les Droits de la Femme en Afrique

52ème Session Ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

Yamoussoukro - CÔte d’Ivoire,

09- 22 Octobre 2012

I-                Introduction

1.      Le présent rapport s’inscrit dans le cadre de la célébration du 25e anniversaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission). Il est conforme à l’exigence fixée à l’alinéa 3 de l’article 23 du règlement intérieur de la Commission et prend en considération les recommandations formulées par la Commission lors de sa 12e Session extraordinaire tenue en juillet 2012 à Alger.

2. Il présente les progrès réalisés par le mécanisme de la Rapporteure Spéciale sur les droits de la femme en Afrique (III), les défis rencontrés (IV) et les perspectives envisagées pour une meilleure protection des droits de la femme en Afrique (V).

II - De la création du mécanisme de la Rapporteure Spéciale sur les droits de la femme en Afrique

3. Le Mécanisme sur les droits de la femme, est l’un des plus vieux de la Commission. Il a été établi lors de la 23e Session ordinaire qui s’est tenue à Banjul en République de Gambie. Sa création répond à la ferme détermination de la Commission de promouvoir les droits de la femme et de la jeune fille et de lutter contre les discriminations et les injustices qu’elles continuent de subir sur le continent. 

4. Au fil des années le Mécanisme a connu trois titulaires et quelques modifications quant au contenu de son mandat, mais son travail s’inspire principalement de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (Charte Africaine), du Protocole de Maputo, de la Déclaration Solennelle des Chefs d’Etat sur l’Egalité entre les Hommes et les Femmes en Afrique ainsi que des Conventions Internationales ayant un impact sur les droits de la femme et de l’enfant, régulièrement ratifiées par les Etats africains.

5.     Ainsi au terme du mandat actuel du Mécanisme, il doit entre autres : 

 - assister les gouvernements africains dans la formulation et la mise en œuvre de leurs politiques de promotion et de protection des droits de la femme en Afrique et ce, conformément à la domestication du Protocole de Maputo et à l’harmonisation générale des législations nationales avec les droits garantis dans ledit Protocole;

-      entreprendre des missions de promotion et d’établissement des faits dans les pays africains membres de l’Union africaine, en vue de vulgariser les instruments des droits de l’homme de l’Union africaine et d’enquêter sur la situation des droits de la femme dans les pays visités ;

-      suivre la mise en œuvre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et son Protocole relatif aux droits de la femme en Afrique par les Etats parties, notamment en préparant des rapports sur la situation des droits de la femme en Afrique et proposer des recommandations à adopter par la Commission ;

-      lorsqu’approprié, rédiger des résolutions sur la situation de la femme dans les divers pays africains et les proposer aux membres de la Commission pour adoption.

-      entreprendre une étude comparative sur la situation des droits de la femme dans divers pays de l’Afrique ;

-      définir des lignes directrices pour l’élaboration de rapports d’Etat, afin d’amener les Etats membres à mieux traiter les questions relatives aux droits de la femme dans leurs rapports périodiques et/ou initiaux soumis à la Commission africaine ;

6.     Ce mandat a été renouvelé à cinq reprises avec l'adoption de la Résolution 63 à la 34ème Session ordinaire, la Résolution 78 à la 38ème Session ordinaire, la Résolution 112 à la 42ème Session ordinaire, la Résolution 154 à la 46ème Session ordinaire et la Résolution 205 à la 50e Session ordinaire.

7.     Par la Résolution ACHPR/RES.38 (XXV) 99 adoptée lors de sa 25e Session ordinaire qui s’est tenue du 26 avril au 5 mai 1999 à Bujumbura en République du Burundi, la Commission nomma la toute première Rapporteure Spéciale sur les droits de la femme  en la personne de l’honorable Commissaire Mme. Julienne Ondziel Gnelenga de la République du Congo. 

8.     Après elle, le mandat a été successivement détenu par l’honorable Commissaire Mme. Angela Melo de la République du Mozambique nommée lors de sa 30e Session ordinaire qui s’est tenue en octobre 2001 à Banjul en Gambie puis par l’honorable Commissaire Soyata Maïga de la République du Mali nommée lors de la 42ème Session ordinaire qui s’est tenue en novembre 2007 à Brazzaville, en République du Congo.

III - Des progrès réalisés par le Mécanisme depuis sa création

A-       Suivi du Processus d’Elaboration, d’Adoption et de Ratification du Protocole de Maputo 

9.     Le Protocole de Maputo est l’instrument juridique de référence du système africain de promotion et de protection des droits de la femme. Il a été adopté le 11 juillet 2003 lors de la 2e Session ordinaire de l’Union africaine (UA) à Maputo au Mozambique et est entré en vigueur le 25 Novembre 2005. 

10.                         Cette adoption a été l’aboutissement d’un travail acharné et concerté de la première détentrice du Mécanisme avec les Organisations de la Société Civile Africaine, les représentants des Etats et les partenaires techniques et financiers impliqués dans la promotion des droits des femmes 

11.                         Le travail d’élaboration du projet de Protocole a été conduit au niveau de chaque région du Continent, à travers l’organisation d’ateliers et de séminaires, au cours desquels, des clarifications, des enrichissements et des amendements ont été apportés au texte initial. Cette phase a été conduite par le Mécanisme jusqu’aux réunions des experts gouvernementaux ayant précédé la phase d’adoption du texte en juillet 2003.

12.                         Pour accélérer l’entrée en vigueur du Protocole après son adoption et susciter la ratification continentale dudit texte, le Mécanisme a mis sur pied un plaidoyer efficace et ininterrompu en direction des Ministères des Affaires Etrangères/Relations Extérieures et des Parlements des Etats membres de l’Union africaine par le canal des missions/pays, par l’envoi de Notes Verbales aux missions diplomatiques et lors de la présentation par les Etats de leurs rapports périodiques en vertu de la Charte Africaine, devant la Commission 

13.                         Ainsi, neuf (9) ans après son adoption, quarante-sept (47) États membres de l’Union africaine sur cinquante-trois (53) ont signé le Protocole et (trente-quatre) 34 d’entre eux ont achevé avec succès le processus de ratification. Il s’agit de l’Angola, du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, du Cap-Vert, de la RDC, des Iles Comores, de la Côte d’Ivoire, de Djibouti, de la Gambie, du Ghana, de la Guinée Bissau, de la Guinée Équatoriale, du Liberia, de la Libye, du Lesotho, du Mali, du Malawi, du Mozambique, de la Mauritanie, de la Namibie, du Nigeria, de l’Ouganda, du Rwanda, de l’Afrique du Sud, du Sénégal, du Gabon, du Congo, des Seychelles, de la Tanzanie, du Kenya, du Togo, du Zimbabwe et de la Zambie. Deux Etats, le Cameroun et le Congo ont ratifié le Protocole et s’apprêtent à déposer les instruments de ratification.

B- L’élaboration des lignes directrices pour la soumission des Rapports des Etats conformément au Protocole de Maputo

14.                         Selon les dispositions de l’article 26 du Protocole de Maputo les Etats parties « assurent la mise en œuvre du présent protocole au niveau national et incorporent dans leurs rapports périodiques présentés conformément aux termes de l'article 62 de la Charte africaine, des indications sur les mesures législatives ou autres qu'ils ont prises pour la pleine réalisation des droits reconnus dans le présent protocole ».

15.                         Pour encourager les Etats ayant ratifié le Protocole à respecter leurs obligations, le Mécanisme a conduit, avec le concours du Centre for Human Rights de l’Université de Pretoria le processus d’élaboration des lignes directrices pour la soumission des rapports d’Etat en vertu du Protocole de Maputo.

16.                         Ces lignes directrices ont été adoptées par la Commission Africaine lors de sa 46ème Session Ordinaire tenue du 11 au 25 Novembre 2009 à Banjul en Gambie. Elles doivent constituer le baromètre du niveau de jouissance par les femmes et les filles de leurs droits. 

        C- Organisation de la première conférence régionale sur les  droits de la femme en Afrique

17. Le Mécanisme a été à l’initiative de l’organisation de la première Conférence Régionale de la Commission Africaine en juillet 2010 à Bamako au Mali sur le thème suivant : «Le Rôle de la Commission Africaine dans la promotion et la protection des droits de la femme en Afrique». La Conférence a réuni plus de 85 participants venant de 18 pays de l’Afrique de l’Ouest et du Nord, représentant les Etats parties, les institutions nationales des droits de l’homme, les ONG féminines nationales et régionales ainsi que les organisations internationales du système des Nations Unies impliquées dans la défense des droits humains.

  18. L’objectif général de la Conférence était de mettre en exergue le rôle que la Commission Africaine peut jouer dans la promotion des droits des femmes en Afrique et d’aider à une meilleure compréhension de son mandat de protection à travers le mécanisme de communication / plaintes. Elle a permis d’établir le réseautage entre différents partenaires et d’assurer lune meilleure visibilité du travail du Mécanisme.

D- La collaboration du Mécanisme avec les Etats Parties

19. Dans le cadre de l’exécution de son mandat en vue de vulgariser le Protocole de Maputo, les instruments africains et internationaux de protection des droits de la femme et d’enquêter sur la situation générale des droits de la femme dans les pays, le Mécanisme a été invité à participer à plusieurs séminaires et ateliers  et à effectuer des missions dans les pays suivants : Tunisie, Ethiopie, Mauritanie, RDC, Angola, Congo, Niger, Algérie, Libye, Burkina Faso et Cameroun. 

20. Ces missions ont permis de constater que, malgré les défis qui persistent dans la promotion et la protection des droits de la femme, des progrès indiscutables ont été réalisés dans plusieurs domaines. Des recommandations sont, ensuite formulées à l’endroit des plus hautes autorités et des autres acteurs, en vue d’améliorer le niveau de jouissance par les femmes de leurs droits.

21. Dans le cadre de la collaboration avec les Etats parties, il est important de relever le soutien du Gouvernement sud-africain au Mécanisme, à travers la mise à disposition d’une assistante et d’un fonds spécial.

E- L’implémentation par les Etats/Parties des dispositions du Protocole de Maputo

 22. Au cours de ses missions et grâce à son interaction avec les Etats/parties, le Mécanisme a enregistré des progrès réels dans la protection des droits de la femme, en particulier au plan normatif. Ainsi, plusieurs Etats- Parties ont adopté des Codes des personnes et de la famille plus égalitaires, des lois sur la santé de la reproduction, des lois sur protection des femmes contre le VIH/SIDA,  des lois sur les violences domestiques et/ou les violences sexuelles, des lois sur la parité ou sur le quota et des lois d’orientation sur la scolarisation des filles et l’alphabétisation des femmes.

23. De nombreux Gouvernements ont à leur sein désormais un ministère plein, en charge de la Promotion de la Femme de l’Enfant et de la Famille.  La plupart ont adopté et mis en oeuvre une Politique Nationale Genre, des Plans d’Action Nationaux sur la promotion des droits de la femme et de la famille,  des Plans d’Action Nationaux sur la Résolution 1325 des Nations Unies, ainsi que des politiques sectorielles pertinentes dans le domaine de la protection maternelle et infantile. Au titre des réalisations socio-économiques, plusieurs pays ont adopté des plans d’action ambitieux pour lutter contre la pauvreté féminine en mettant en place des fonds d’autonomisation des femmes et en initiant des reformes foncières dans le but de favoriser l’accès des femmes aux logements sociaux, à la terre, aux crédits agricoles.

F- Collaboration de la Rapporteure avec le Mécanisme similaire des Nations Unies et les institutions intergouvernementales impliquées dans la promotion et la protection des droits de la femme

 24. Il s’agit précisément du Centre pour le Développement du Genre de la CEDEAO, du Centre de Recherches pour le Développement Institutionnel (CRDI), Ottawa Canada, de Droits et Démocratie, Montréal Canada et du Bureau de la Rapporteure Spéciale des Nations Unies sur les Causes et les Conséquences des violences faites à l’égard de la femme.

 25. Dans le cadre de sa Collaboration avec le Centre pour le Développement de la CEDEAO, le Mécanisme a été chargé en 2009 de faciliter et de coordonner la réalisation d’une étude couvrant les 15 pays de la CEDEAO, ayant pour objectif d’identifier les pratiques et le textes de lois discriminatoires à l’égard des femmes et de formuler des recommandations dans le but d’harmoniser les lois nationales avec le Protocole de Maputo et la CEDAW.

 26. Le Mécanisme a également pris une part importante en 2010, aux travaux sur l’élaboration et l’adoption du Plan d’Action régional de la CEDEAO sur la Résolution 1325/ des Nations Unies, consacrée à la participation des femmes dans les conflits.

 27. Au titre de sa collaboration avec la CRDI, le Mécanisme a présidé en 2011 le Conseil Consultatif d’Orientation Scientifique chargé de coordonner un projet de recherches sur la participation politique des jeunes filles dans les quatre pays suivants : Mali, Burkina Faso, Sénégal et Togo. Ledit projet a conduit à l’organisation de séminaires nationaux de restitution des résultats des études  et a l’élaboration d’une feuille de route dans le but de favoriser la pleine participation des jeunes filles dans les processus électoraux des pays concernés.  

 28. Le Mécanisme a été associé à plusieurs initiatives de Droits et Démocratie Canada dans le domaine du renforcement des droits de la femme dans les pays des Grands Lacs, et en particulier sur la thématique des violences basées sur le genre en RDC.

 29. C’est ainsi que le Mécanisme a partagé en 2008, les résultats d’une mission sur les violences sexuelles effectuée en RDC par la Rapporteure Spéciale des Nations Unies sur les causes el les conséquences faites à l’égard de la femme, à l’initiative des Droits et Démocratie. Les deux Mécanismes ont à cette occasion rencontré les Parlementaires, les ONGs, et donné des conférences à l’intention des étudiants canadiens, sur les violences faites aux femmes et sur l’impact de leurs mandats respectifs dans la protection des droits de la femme en Afrique.

30. Les deux Mécanismes de la Commission Africaine et des Nations Unies  ont renforcé depuis, leur collaboration à travers l’échange d’informations sur les missions/pays et sur la situation des femmes dans les pays en conflit, notamment sur les violations des droits des femmes en Côte d’Ivoire, en Guinée et plus récemment au Mali.  

G- Collaboration du Mécanisme avec  les OSC

GIMAC

31. – Depuis 2007, le Mécanisme de la Rapporteure collabore étroitement avec le GIMAC (Gender is my Agenda Campaign) et apporte son expertise à la conduite des travaux sur les droits des femmes et à la formulation des recommandations de cet espace, à l’intention des Chefs d’Etat et de Gouvernement. Le GIMAC est une plate forme composée de réseaux d’OSC régionales et internationales militant pour l’intégration du Genre dans les politiques et programme en Afrique.

32. Cette plate forme qui se réunie en prélude à chaque Sommet de l’Union Africaine, a joué un rôle important dans la campagne pour la ratification continentale du Protocole de Maputo et l’évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration Solennelle sur l’Egalité entre les Hommes et les Femmes en Afrique, dans six domaines stratégiques (Santé, éducation, droits humains, paix et sécurité, autonomisation des femmes, gouvernance politique et représentation des femmes) ayant un impact sur la vie des femmes.

33. Dans le cadre du GIMAC, le Mécanisme a été choisi comme membre adhoc du Comité de sélection du Gender Award qui récompense, tous les deux ans, un Chef d’Etat africain, s’étant illustré dans la promotion du Genre, à travers l’adoption de lois, de programmes ou de politiques pertinents dans le domaine. Ce prix a déjà été décerné aux Présidents Abdoulaye Wade du Sénégal, Thabo Mbeki de l’Afrique du Sud, Paul Kagamé du Rwanda, Armando Emílio Guebuza du Mozambique et Helen Sirleaf Johnson du Liberia.

FIDH 

 34. Le Mécanisme de la Rapporteure collabore depuis 2009 avec la FIDH sur la Campagne internationale lancée par cette ONG en faveur des droits des femmes en Afrique ayant pour objectif d’accélérer la ratification continentale du Protocole de Maputo en vue de son implémentation effective, pour une Afrique digne des femmes.

IPAS

35. IPAS est une ONG qui a le statut d’observateur auprès de la CADHP et qui travaille au niveau international et africain sur les questions relatives à la santé de la reproduction et autres complications liées aux avortements non sécurisés. Elle apporte un appui significatif  au travail de la Rapporteure Spéciale,  dans la promotion des droits reproductifs des femmes, en vertu du Protocole de Maputo.

36. En 2010 et en 2012, IPAS a organisé à Nairobi deux retraites sur la santé reproductive des femmes à l’intention des Commissaires et du personnel du Secrétariat de la Commission. Ces retraites ont enregistré la participation de médecins, d’experts et activistes œuvrant pour la promotion des droits reproductifs de la femme en Afrique. Il s’agissait surtout d'échanger des informations avec la Commission sur les stratégies appropriées pour amener les États africains à mieux rendre compte de leurs obligations en vertu du Protocole de Maputo.

Le Centre for Human Rights de l’Université de Pretoria

37. Le Mécanisme collabore avec le Centre for Human Rights de l’Université de Pretoria qui lui a apporté un appui important dans l’élaboration des Lignes directrices pour la présentation du rapport Etat aux termes du Protocole de Maputo. En outre, le Centre assiste la Rapporteure Spéciale sur d’autres projets en cours relatifs à son mandat, notamment le développement des principes généraux en vertu des dispositions de l’article 14 du Protocole de Maputo.

H -La forte implication de la Rapporteure Spéciale dans la lutte contre les violences faites aux femmes

38. La Rapporteure s’est beaucoup impliquée dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Un accent particulier est mis sur la situation des femmes en détention, les femmes journalistes harcelées, et les femmes victimes de violences post électorales. Son action se traduit par le canal des appels urgents, des déclarations et des correspondances adressées aux autorités des Etats/Parties concernés. Des résultats mitigés ont été constatés qui plaident en faveur du renforcement de cette pratique.

I - Les publications

39. Dans le cadre de son mandat, la Rapporteure Spéciale a coordonné des études sur les droits des femmes, rédigé plusieurs articles et des préfaces de documents, de guides et de rapports ayant trait aux droits des femmes à l’invitation des ONGs, des Organisations inter gouvernementales et internationales.  Elle a régulièrement publié des Déclarations à l’occasion du 8 Mars, Journée Internationale de la Femme et du 31 Juillet, journée Panafricaine des femmes, en veillant à faire le lien entre le thème de l’évènement et les dispositions pertinentes du Protocole de Maputo et  de la Déclaration sur le Genre de l’Union Africaine. En vue de sensibiliser le plus grand nombre de femmes sur leurs droits, ces publications sont largement diffusées par le secrétariat de la Commission Africaine.

40. Depuis sa création, le Mécanisme de la Rapporteure Spéciale sur les droits de la femme en Afrique a abattu un travail considérable, en collaboration avec les autres mécanismes de la Commission Africaine et du système des Nations Unies, les Etats/parties, les INDH et le ONGs. Cependant, cela ne s’est pas fait sans difficultés et beaucoup reste encore à faire afin d’assurer une meilleure protection des droits de la femme et de la jeune fille en Afrique. 

IV- Les difficultés rencontrées par le Mécanisme

A - Le faible taux de ratification par les Etats du Protocole de Maputo et les lenteurs constatées dans le dépôt des instruments de ratification

 41. Depuis l’adoption en 2003 du Protocole de Maputo et ce, malgré le plaidoyer permanent du Mécanisme et des OSC, à ce jour, seulement trente-quatre (34) Etats sur les cinquante-trois (53) Etats parties à la Charte africaine ont achevé avec succès le processus de ratification. Dix-neuf (19) ne l’ont pas encore fait. Il s’agit du Botswana, du Burundi, de la RCA, de l’Algérie, de la Sierra Leone, de la Somalie, de Sao Tome et Principe, du Soudan, du Tchad, de l’Egypte, de l’Erythrée, de la Guinée, de Madagascar, de l’Ile Maurice, de la République Arabe Sahraouie Démocratique, du Niger, du Swaziland, de la Tunisie, et de l’Ethiopie. 

B- La non prise en compte par les Etats- Parties des Lignes Directrices sur la présentation  des rapports en vertu de l’article 26 du Protocole de Maputo

42. Il a été constaté que depuis l’entrée en vigueur du Protocole de Maputo en Novembre 2005, aucun Etat- Partie n’a pris en compte dans l’élaboration de ses rapports périodiques en vertu de l’article 62 de la Charte Africaine, les lignes directrices établies  par la Commission Africaine, en ce qui concerne les mesures législatives et autres adoptées au titre du Protocole.

43. Cette difficulté a été régulièrement relevé par la Rapporteure Spéciale à l’occasion de la présentation par les Etats- Parties de leurs rapports périodiques devant la Commission Africaine comme étant, un obstacle au suivi effectif de la mise en œuvre des dispositions du Protocole de Maputo.

C -La Faible collaboration  de la Rapporteure avec la Direction Genre de l’UA

44. Si la collaboration avec la Direction Genre de l’UA a été saluée plus haut, il n’en demeure pas moins vrai que celle-ci n’est pas intense. Etant les deux principaux mécanismes de l’UA en matière de promotion des droits de la femme en Afrique, on se serait attendu à ce que le Mécanisme et la Direction Genre de l’UA travaillent en étroite collaboration, tant dans l’échange continue d’informations que dans la conduite des missions/pays et autres activités, en vu  de réaliser leurs objectifs communs.

45. En effet il y va de l’intérêt des deux institutions de se mettre ensemble pour maximiser l’impact de leurs actions, dans un domaine où les reculs sont quotidiens et les acquis fragilisés par les différentes crises qui secouent l’Afrique, et frappent en particulier les femmes.

V - Quelques Constats sur les Défis dans la protection des droits des femmes

46 - De l’évaluation de la mise en œuvre des engagements des Etats parties en vertu de la Charte Africaine, du Protocole de Maputo et de la Déclaration sur le Genre de L’union Africaine, dans le domaine de la promotion de la protection des droits des femmes, tant au niveau local, national que régional, il ressort que nonobstant l’existence de ces textes pertinents, la situation des droits des femmes constitue encore une source de préoccupation permanente.

47 - Dans le domaine de la paix et de la sécurité, en dépit des engagements contenus dans la Résolution 1325 des Nations Unies, la représentation des femmes au sein des Forces armées et de sécurité et dans les opérations de maintien de la paix est encore très faible.

48 – Ainsi, les Etats parties doivent mettre en place des programmes de sensibilisation des troupes africaines aux questions de genre et procéder à la nomination de femmes en qualité de médiatrices et /ou d’envoyées spéciales pour participer aux négociations de paix en cours sur le Continent, au Darfour, en Somalie et au Zimbawé.

49 - Sur la question des violences basées sur le Genre, en particulier pour les pays en conflits, la prévention et la protection des femmes contre la violence et l’exploitation sexuelles restent faiblement assurées par la Police et le service public de la Justice . En outre, les ONG qui luttent pour la restauration de la dignité des femmes et contre l’impunité, travaillent comme c’est le cas en RDC, sans moyens adéquats et souvent au péril de leur intégrité physique et de leur vie. Par ailleurs les victimes ne bénéficient que rarement de l’assistance juridique et judiciaire appropriée pour les accompagner.

50 –Les Etats parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour le renforcement de l’appareil judiciaire, veiller à l’application effective des textes de lois et la mise en place de programmes de soutien psychologique, d’assistance juridique et judicaire et de réinsertion socio- économique en faveur des femmes victimes de violence.

51 - Sur les droits humains des femmes,  il faut souligner que les Etats-Parties au Protocole  tardent encore à harmoniser certaines de leurs législations internes avec les dispositions dudit texte.  Ainsi, on constate qu'il existe toujours des lois discriminatoires et des vides juridiques dans des domaines essentiels tels que, les successions, l’accès à la terre, le  mariage, la tutelle des enfants mineurs.

52  En outre, en dépit des programmes de formation à l’intention des magistrats et des avocats sur les droits des femmes réalisés dans presque tous les pays, les conventions régionales et internationales régulièrement ratifiées par les Etats sont rarement invoquées devant les tribunaux, ce qui rend leur application difficile et leur impact très faible quant à l’éradication des violences et des discriminations à l’égard des femmes et des filles.

53. Il est urgent que le processus de ratification s’accélère  et s’accompagne de la domestication et de la mise en œuvre effective du Protocole et des autres textes juridiques pertinents, ce qui demande de la part des Etats, l’affirmation d’une plus grande volonté politique, et de la part des autres acteurs concernés, une plus forte synergie d’actions et de stratégies. D’où la nécessité de continuer à former des alliances et des coalitions en faveur de la défense des droits des femmes, dans les différentes régions de l’Afrique.

54 - Dans le domaine de la Santé, en dépit des engagements des Etats parties contenus dans les plans, politiques, programmes et Déclarations sur le paludisme, le VIH/SIDA, la tuberculose et autres maladies infectieuses, des facteurs sociaux, culturels, économiques et juridiques négatifs continuent de menacer la vie et la santé d’un grand nombre de femmes et de jeunes filles dans nos pays.

55 – Le taux de décès maternels liés à la grossesse et à l’accouchement en Afrique, reste encore parmi  l’un des plus élevés au monde, malgré l’adoption des lois et des mesures correctives pour protéger la vie des femmes.

56. Cette situation encore plus dramatique dans les zones rurales, requiert une mobilisation de ressources plus fortes de la part de la Communauté internationale et des Etats parties, l’adoption de lois protégeant les femmes atteintes de VIH/Sida de toute discrimination et la création de mécanismes garantissant leur pleine participation au processus d’accès aux soins de santé et à la distribution de médicaments anti-rétroviraux.

57 –Dans le domaine de l’éducation, malgré des progrès réels enregistrés au niveau de certains pays, le problématique de la scolarisation et du maintien des filles au delà du cycle primaire n’est pas résolue et mérite dans la perspective de l’atteinte des OMD et des objectifs de la campagne éducation pour tous, plus d’engagement et de ressources financières de la part des Etats parties, ainsi qu’une plus grande implication des communautés, des enseignants et des parents.

58 - Dans le domaine de l’accès aux terres et aux ressources productives, du fait de la gestion coutumière des terres et de la persistance des stéréotypes culturels, l’accès, le contrôle et l’exploitation par les femmes des terres et des ressources productives restent faible et insuffisamment réglementés d’où la grande recommandation adressée par les femmes africaines réunie au sein de la campagne « le genre est mon agenda » à la 11ème Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement d’organiser une table ronde continentale sur les lignes directrices de la Politique Africaine de la terre.

59. Parmi les défis, on ne saurait passer sous silence la persistance des pratiques coutumières néfastes telles que les mutilations génitales féminines, les mariages précoces  l’acceptation par les femmes et par les communautés des violences domestiques et des mariages précoces forcés malgré l'existence des lois. Il y a également, comme entrave à la promotion des femmes, leur faible représentation dans les postes électifs et les instances de prise de décision, en particulier dans la magistrature, la Police, la diplomatie et le commandement.

 VI- Des perspectives pour une meilleure efficacité du mécanisme de la Rapporteure Spéciale sur les droits de la femme en Afrique

A - L’implication réelle et effective des Etats membres

60. Le rôle des Etats dans la promotion et la protection des droits de la femme en Afrique est indéniable. Sans une volonté réelle et effective des Etats, ce combat est vain.

61. Ainsi les Etats-Parties au Protocole devraient respecter leurs engagements au niveau international et régional. Cela passe par l’application des dispositions du Protocole notamment, à travers l’harmonisation du droit interne, l’adoption de textes nouveaux dans les domaines ou les discriminations de fait ou de droit existent, ainsi que la mise en place de différents mécanismes de contrôle effectif de l’application des lois en faveur des femmes.  

62. En outre, le mécanisme tient à renforcer sa collaboration avec les Etats parties, instaurer un dialogue avec les organismes compétents, les INDH, les ONG, en vue de développer des échanges  de points de vue sur les meilleures pratiques relatives à l'élimination des lois et pratiques établissant des discriminations à l'égard des femmes et des filles en Afrique.

B- Le renforcement de la collaboration entre les mécanismes internationaux et   régionaux de protection des droits de la femme

63. La Rapporteure Spéciale travaille déjà avec le soutien d’un bon nombre de mécanismes en charge des questions relatives aux droits des femmes. Toutefois, cette collaboration doit être intensifiée, en particulier avec la Rapporteure Spéciale des Nations Unies et la direction Genre de l’UA. 

C- La vulgarisation du Travail et du Mandat de la Commission Africaine et de ses Mécanismes subsidiaires

64. La Commission et ses mécanismes subsidiaires, ainsi que les instruments juridiques africains de promotion et de protection des droits humains et ceux de la femme en particulier restent encore mal connus par les acteurs gouvernementaux et autres au niveau des pays. Il importe de mener des campagnes de vulgarisation de ces instruments et sur le travail de la  Commission Africaine et de ses mécanismes, au niveau régional et national.

65. En outre, les ONG africaines devraient être encouragées à une plus grande participation aux travaux de la Commission grâce au soutien des Etats et des partenaires financiers.

La nécessite d’une augmentation des ressources financières de la Commission Africaine

66. Les difficultés financières de la Commission entravent le développement continu des activités par les mécanismes. Ces contraintes constituent autant d’obstacles à la promotion et à la protection des droits des femmes en Afrique.

67. Il va sans dire que la Rapporteure Spéciale ne peut réussir son mandat sans la collaboration, l'assistance et l'accompagnement, à la fois de l'UA, des états, des partenaires techniques et financiers, des ONG et des INDH.

D- Le renforcement de la protection de la vie des femmes et des jeunes filles par la création d'un Groupe de travail sur la santé de la reproduction en Afrique

68. La santé de reproduction des femmes en Afrique constitue une véritable préoccupation. Sur les 5 millions d’avortements survenant chaque année dans le monde, 4,2 millions ont lieu en Afrique, entraînant la mort de près de 30 000 femmes. Dans certains pays d'Afrique, ces décès représentent 20 à 40 % de la mortalité maternelle.

69. Ainsi, en raison de cette tragédie évitable, il devient urgent de créer un  Groupe de travail dont le mandat renforcerait le mécanisme de la Rapporteure Spéciale et serait entre autres chargé d’effectuer des études concrètes sur les obstacles liés à la santé de reproduction en Afrique, de travailler avec les spécialistes et de proposer aux Etats- Parties les bonnes pratiques et les stratégies idoines capables de mieux protéger  la vie des femmes et de résoudre les complications liées à la reproduction.

VI-       Conclusion

Depuis sa création, le mécanisme de la Rapporteure Spéciale sur les droits de la femme en Afrique a mené des actions qui ont porté beaucoup de fruits. Les différentes détentrices de ce mandat ont été sur tous les fronts. Elles ont chacune mené un combat acharné pour réaliser avec efficacité, engagement militant et abnégation, toutes les missions à elle confiées, en vue de promouvoir et protéger les droits des femmes. 

Il est aujourd’hui permis de se féliciter de la visibilité et de la dimension du Mécanisme de la Rapporteure, grâce à tous ces efforts conjugués et continus.   La promotion et la protection des droits de la femme et de la jeune fille en Afrique doivent être considérées comme une priorité pour le développement durable et pour l’avenir du continent.  Mais, il heureux de constater qu’au plus haut niveau, la prise de conscience est désormais réelle et effective pour corriger les disparités entre filles et garçons et entre les hommes et les femmes et pour combattre les inégalités tolérées, au sein de la famille et sur le lieu de travail, en particulier dans l’accès et la participation à la prise de décision économique et politique.

Le 8 Mars 2011, a consacré le 100ème Anniversaire de la Journée Internationale dédiée aux femmes par les Nations Unies. Comme à l’accoutumée, le point de la situation sur les droits des femmes dans le monde a été présenté devant l’Assemblée Générale de Nations Unies.

A cette occasion le Secrétaire général de cette illustre entité a, dans son message, déploré le fait que des filles et des femmes continuent de subir des discriminations et des violences inacceptables, en particulier dans les zones de conflit où la violence sexuelle est délibérément et systématiquement utilisée, pour intimider des communautés entières.

La grande majorité de cette catégorie de personnes vulnérables vit en Afrique mais cette situation ne devrait pas être considérée comme une fatalité.  Tout est possible si nous y mettons de la volonté et les ressources financières et autres appropriées.