Reine Alapini-Gansou / Special Rapporteur on Human Rights Defenders in Africa

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RAPPORT SUR LA MISE EN OEUVRE DU MANDAT DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE SUR LA SITUATION DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME EN AFRIQUE AU SEIN DE LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES

 

Thème : « La promotion et la protection des droits des Défenseurs des droits de l’homme en Afrique : 8 ans après »

Madame REINE ALAPINI GANSOU

Rapporteure Spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Afrique

 

52ème Session Ordinaire

Spécial 25ème anniversaire de la Commission

Yamoussoukro, 9- 22 Octobre 2012

 

INTRODUCTION

 

1.      Le présent rapport est produit conformement au Règlement Intérieur de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des peuples en son article 72 et aux Résolutions ACHPR/ 69(XXXV) 04 du 4 juin 2004  et n°ACHPR/Res.202 (L) 11 du 5 novembre 2011.

2.      Ce Rapport qui rentre dans le cadre de la Commémoration du 25ème anniversaire de la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples porte essentiellement sur le bilan du travail accompli par le mécanisme de la rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Afrique depuis sa mise en place en Juin 2004.

3.      A cet égard , la rapporteure Spéciale n’a donc pas suivi la démarche traditionnelle de la présentation de ses  rapports d’activités sémestriels.

4.      Dans une première partie, le rapport porte sur  les activités entreprises durant la période de mai à Octobre 2012, et dans la deuxième partie la rapporteure Spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Afrique présente un bilan qui évalue les acquis, les défis et perspectives dans le cadre de la mise en oeuvre du mandat de la Rapporteure Spéciale tel que indiqué dans les résolutions sus visées.

  

I.                  LES ACTIVITES ENTREPRISES DURANT LA PERIODE DE MAI A OCTOBRE 2012

 5.      Au cours de la période sus-indiquée, la Rapporteure Spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Afrique a entrepris comme il est de coutume depuis la mise en place du mécanisme quelques  activités de promotion et des activités de protection.

A.    Les activités de promotion des droits de l’homme et des peuples

6.Au nombre des activités de promotion, la Rapporteure spéciale s’est penché sur l’étude de la liberté d’association  dont les résultats préliminaires sont attendus pour la présente session. A cet égard une réunion de travail a été  organisée à Lomé au Togo au cours du mois de mai 2012 avec les membres du groupe d’études sur cette thématique.

7.       D’autres activités de promotion entreprises par la Rapporteure spéciale sur les Défenseurs des Droits de l’Homme ont porté sur des rencontre de réflexions des quelques sujets pour le moins préoccupants et qui restent d’actualité malgré les efforts que fournissent les uns et les autres pour améliorer les conditions de travail des défenseurs des droits de l’homme dans le contexte africain. Nous pouvons à titre d’exemple citer l’organisation du 15 -16 Mai 2012 en collaboration avec le Haut Commissariat de Nations Unies pour les droits de l’homme au Togo, d’une rencontre avec les défenseurs des droits de l’homme, laquelle a porté sur le thème suivant : « Le travail des défenseurs des droits de l’Homme au Togo : Ethique et Déontologie du défenseur des droits de l’homme ».

8.      Nous avons aussi dans cet intérim pu effectuer une visite de promotion au Togo dans le    cadre notre mandat en tant que commissaire en charge de la promotion des droits de l’homme dans cet Etat partie. Notre rapport de mission sera présenté à ce titre au cours de la présente session.

9.      Nous avons poursuivi nos relations de coopération avec nos homologues  des Nations Unies et  des autres mécanismes régionaux. A ce titre, trois activités essentielles méritent d’être retenues :

  •  Le séminaire-atelier sur les risques et les défis auxquels sont confrontés les défenseurs des droits de l'homme dans le contexte des manifestations pacifiques, du 6-8 Juin 2012 à Oslo en Norvège ;
  • Les consultations entre les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations unies et les membres de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Genève le 13 Juin 2012 ;
  • La réunion du Groupe de Travail Conjoint des procédures spéciales des Nations Unies et de la CADHP sur le suivi de la mise en œuvre de la Feuille de route d’Addis-Abeba, Genève, 15 Juin 2012

B.     Les activités de protection des droits des défenseurs des droits de l’homme

  1. Nos activités de protection ont porté essentiellement sur les cas individuels de violations des droits de l’homme qui nous ont été rapportés. A cet égard, nous incluons les differents communications et communiqués de presse que nous avons initiés dans le cadre du bilan du mécanisme de la Rapporteure Spéciale.
  2. Durant l’intersession, nous avons adressé 8 communications pour engager le dialogue avec 4 Etats parties sur les divers cas supposés de violation des droits des Défenseurs des Droits de l’Homme. Nous avons aussi  publié 4 communiqués de presse dont 2 sur des violations des droits de l’homme et 2 sur des actions positives de liberations des Défenseurs des Droits de l’Homme.
  3. Nous avons tenu à faire cette brève présentation pour montrer que la situation des droits de l’homme des Défenseurs des droits de l’homme en Afrique continue de faire l’objet de beaucoup de préoccupations; et que le mécanisme de la Rapporteur Spéciale sur les défenseurs des droits de l’homme en Afrique a à cet égard  une obligation de surveillance, de contrôle et de compte rendu permanent afin que toutes les parties intéressées prennent la mesure de la gravité des cas des violations dont nous faisons état.

  

II.               LE MECANISME DE LA RAPPORTEURE SPECIALE SUR LA SITUATION DES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME, HUIT ANS APRES

 13. Depuis sa mise en place en 1987, la Commission Africaine  s’est consacrée à la promotion et à la protection des droits de l’homme sans opérer une distinction entre les catégories et générations des droits de l’homme. Elle le fait, conformément aux droits garantis par la charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, elle-même adoptée en 1981 et entrée en vigueur en 1986.

14. La  Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a depuis 1995 consacré la pratique des procédures spéciales non seulement en raison de l’urgence que requièrent certaines thématiques  de droits de l’homme, non sans le concours de la société civile, mais aussi en application de l’article 60 de la Charte  Africaine  qui dispose : « La Commission s'inspire du droit international relatif aux droits de l'homme et des peuples, notamment des dispositions des divers instruments africains relatifs aux droits de l'homme et des peuples, des dispositions de la Charte des Nations Unies, de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, des dispositions des autres instruments adoptés par les Nations Unies et par les pays africains dans le domaine des droits de l'homme et des peuples ainsi que des dispositions de divers instruments adoptés au sein d'institutions spécialisées des Nations Unies dont sont membres les parties à la présente Charte».

15. Le Règlement Intérieur de la Commission amendé en 2010 qualifie de mécanismes subsidiaires ces procédures spéciales que sont les Rapporteurs spéciaux, les Comités et Groupes de travail. A ce jour, la Commission en compte 13 dont 12 sont fonctionnels. Le mécanisme sur les exécutions extrajudiciaires étant en léthargie, alors même que  la question des disparitions forcées continue  de prendre des proportions inquiétantes en Afrique et interpelle à plus d’un titre la Commission africaine sur le sens que les parties prenantes accordent au droit à la vie pourtant consacrée par  la charte africaine.  

16. Parlant du mécanisme de la Rapporteure Spéciale sur les droits des Défenseurs des droits de l’homme en Afrique, il a vu le jour avec la Résolution N° CADHP 69 (XXXV) 04 du 4 juin 2004  et fait son chemin à ce jour. Il sied avant d’en présenter le bilan au moment où nous  commémorons le  25ème anniversaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, de rappeler le contexte  dans lequel celui-ci été créé et les raisons profondes qui en ont sous-tendu la création.

A.     Contexte et justification de la mise en place du mécanisme

17. En 1998 les Nations Unies ont adopté par la Résolution de l’Assemblée générale 53/144 la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales universellement reconnus communément appelée Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs des droits de l’homme. Cette déclaration invite entre autres les gouvernements, les organes et organismes des Nations Unies et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales à intensifier leurs efforts en vue de diffuser la Déclaration et d’en promouvoir le respect et la compréhension sur une base universelle.

18. Les Nations Unies ont par la suite par résolution de la Commission des droits de l’homme n° 2000/61 d’Avril 2000 requis l’institution par le Secrétaire Général des nations Unies d’un mécanisme de protection des défenseurs des droits de l’homme. Cela a été fait en Août 2000 lors de la nomination de la Représentante Spéciale du secrétaire général sur la situation des défenseurs des droits de l‘homme (Devenu en 2007 le Rapporteur Spécial).

19. En effet, la place que les défenseurs des droits de l’homme  occupent dans la vie de nos populations est très grande comme en témoignent leur poids dans la prise en charge des  questions liées à la gouvernance , à la démocratie et à l’état de droit ; leur apport incontesté dans la mise en œuvre des instruments juridiques des droits de l’homme tant au plan universel qu’au plan  régional. Mais paradoxalement ce sont ces personnes qui font le plus l’objet de d’attaques et de représailles de la part des acteurs étatiques et non étatiques dans la mesure où ils sont souvent incompris.

20. Le mécanisme de la Rapporteure Spéciale sur les Défenseurs des droits de l’Homme au niveau de la Commission Africaine[1] a été  lui aussi  créé sous l’impulsion des acteurs de la société civile, qui depuis la création de la Commission Africaine se sont cristallisés autour de celle-ci, dans la réflexion sur les stratégies idoines pouvant permettre de prendre en compte les défis liés au droit de l’homme sur notre confinent.

21. Les Défenseurs des Droits de l’Homme forment pour la plus grande partie cette société civile et à cet égard, il faut retenir une tentative de définition des Défenseurs des Droits de l’Homme qui selon les Nations Unies sont toutes personnes qui individuellement ou en association avec d’autres, œuvrent à la promotion ou à la protection des droits de l’homme. [2]

22. Les conclusions du colloque tenu à Johannesburg en décembre 1998  sur la situation des DDH en Afrique ont entre autres relevé la nécessité de la mise en place d’un mécanisme efficace  pour la promotion et la protection des droits des défenseurs des droits de l’homme en Afrique.

23. Il importe de retenir qu’au plan africain, les  Déclarations  de Grande-Baie et de Kigali [3] inscrites d’ailleurs en très bonne place parmi les instruments juridiques de l’Union Africaine restent la preuve de la reconnaissance des défenseurs des droits de l’homme par les dirigeants africains.

24. La  résolution N° CADHP 69 (XXXV) 04 du 4 juin 2004 sus citée est donc la consécration de nombreux efforts fournis à la fois par les acteurs de la société civile et par les membres de la commission africaine. Elle contient le mandat du rapporteur spécial et fixe le champ de l’exécution de ce mandat.  

B.     Le mandat de la Rapporteure Spéciale

25. Aux termes de la Résolution N° CADHP 69 (XXXV) 04 du 4 juin 2004 la Rapporteure Spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Afrique, a pour mandat de :

  •   Rechercher, recevoir, examiner et réagir aux informations relatives à la situation des défenseurs des droits de l’Homme en Afrique;
  • Présenter à chaque session ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des peuples  un rapport sur la situation des Défenseurs des droits de l’Homme en Afrique;
  • Entretenir la coopération et le dialogue avec les Etats Parties à la Charte, les Institutions Nationales des Droits de l’Homme, les organisations intergouvernementales, les mécanismes régionaux et internationaux, les défenseurs des Droits de l’Homme et d’autres partenaires;
  • Formuler et recommander des stratégies pour une meilleure protection des défenseurs des droits de l’homme et assurer le suivi desdites recommandations ;
  • Promouvoir et sensibiliser sur la mise en œuvre la de la Déclaration sur les défenseurs des Droits de l’Homme en Afrique.

26. Dans la mise en œuvre de ce mandat, la Rapporteure spéciale a entrepris un certains nombre des  nombre d’activités, notamment : 

-          Elle  reçoit des informations sur des violations dont les défenseurs des droits de l’homme sont victimes;

-          Elle  engage le dialogue avec les Etats en rédigeant des communications confidentielles que d’aucuns appellent lettres  d’allégation

-          Elle  publie  des communiqués de presse sur les cas individuels de violations dont elle est saisie;

-          Elle entreprend des missions de promotion pour évaluer la situation des Défenseurs des droits de l’Homme dans les Etats parties à la Charte;

-          Elle  organise des consultations, conférences et séminaires dans le cadre du  renforcement des  capacités des défenseurs des droits de l’homme, soit sur propre initiative soit sur invitation des Etats, des institutions Nationales des droits de l’homme et des organisations de la société civile;

-          Elle prend des recommandations sur la manière dont les Etats peuvent mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur la Situation des Défenseurs des Droits de l’Homme et prends part  aux rencontres et conférences portant sur la défense des droits de l’Homme. 

27. Sur une  approche stratégique basée sur ses plans d’action  2006 à 2008 /  2012 à 2014, le mécanisme de la Rapporteur Spéciale a pris en compte la nécessité de coopérer et de dialoguer avec les parties prenantes. Elle a aussi pris l’engagement de rendre compte et de  formuler des recommandations.

C.    La mise en œuvre du mandat de la Rapporteure spéciale

28. Durant les huit années depuis sa mise en place, le mécanisme de la Rapporteure Spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a entrepris un certain nombre d’activités de promotion  et de protection au profit des défenseurs des droits de l’homme. La Rapporteure Spéciale a relevé l’importance de la coopération inter-organique et en a été la cheville ouvrière à ce jour[4].

29. La Rapporteure Spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Afrique dès le début de son mandat qu’elle mis sous le signe de la synergie entre  les acteurs a développé des stratégies d’actions que lui  ont  inspiré quelques précédents. Elle a développé quelques outils de travail tant en matière de promotion que de protection des droits de l’homme des Défenseurs des droits de l’homme.

(a) Les activités de promotion

30. La commission africaine a donné à la Rapporteure spéciale mission de coopérer et de dialoguer avec toutes les parties prenantes. Les activités de promotion qu’elle entreprend répondent à cette obligation et se déclinent en termes des relations avec les Etats parties, les ONG, les Institutions Nationales des droits de l’homme et autres partenaires.  

  Relations avec les Etats parties

31. Au titre des activités formelles, la Rapporteure spéciale a entrepris à ce jour treize (13) missions de promotion dans onze pays : République Démocratique du Congo (1), au Togo (3), au Soudan (1), en Libye (1), en Tunisie (2), au Cameroun (2), au Sénégal (1), en Mauritanie (1) en Algérie (1) et au Sahara Occidental (1), Ouganda (1) etc. Ce qui  a permis à la Rapporteure Spéciale d’entretenir le dialogue avec les autorités politiques de ces Etats sur les stratégies idoines de protection des défenseurs des droits de l’homme ; de s’entretenir avec les défenseurs des droits de l’homme sur leur propre capacité à agir efficacement , et d’assurer la promotion de la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples.

32. Elle a aussi organisé des rencontres informelles avec les  Etats Parties, à l’occasion de certaines activités avec les acteurs de la société civile. Ainsi en 2006 elle pu rencontrer les autorités de la RDC, il a en été de même pour la Côte d’Ivoire, le Burundi, le Rwanda, et l’Angola. 

   Relations avec les Organisations Non gouvernementales et les institutions nationales des droits de l’homme

33. Le mécanisme a à plusieurs occasions pris part sur invitation des Organisations non gouvernementales et des institutions nationales de promotion des droits de l’homme à des séminaires, conférences de renforcement de capacités à travers le continent. Ces moyens informels de coopération continue permettent entre autres au mécanisme d’avoir une vue d’ensemble de la situation des défenseurs des droits de l’homme et de donner ses points de vue ponctuels sur des sujets d’actualité. Et les résultats des travaux de ces évènements influent beaucoup sur les rapports semestriels que la Rapporteure Spéciale présente et qui permettent de répertorier des sujets de préoccupation.

34. En 2009, la Rapporteure spéciale a organisé en relation avec les réseaux africains des défenseurs des droits de l’homme un colloque qui a fait le bilan de l’application de la déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme et de leurs activités depuis la conférence de Johannesburg de 1998.

35. Depuis 2006, la Rapporteure spéciale a mis son mandat sous le signe d’une synergie avec les   acteurs de la société civile, et à ce titre, à défaut d’avoir un bureau compétitif pour ce faire, elle a développé un bon réseau de communication aves les défenseurs des droits de l’homme qu’elle a encouragé à travailler en réseaux. Avec cette stratégie, l’on peut aujourd’hui compter en Afrique 4 réseaux sous-régionaux de défenseurs des droits de l’homme[5]. Au niveau continental, le réseau panafricain des Défenseurs des droits de l’homme  se consolide de plus en plus.    

 Activités de promotion du mécanisme et de renforcement de capacité

36. Pour  assurer sa propre promotion, le mécanisme s’est impliqué dans la production d’outils de travail pour les défenseurs des droits de l’homme. En  Aout 2008, elle à la suite d’un atelier de travail et en collaboration avec plusieurs partenaires confectionné un guide de travail qui permet aux défenseurs des doits de l’homme d’accomplir facilement leur travail. Elle a aussi conçu un manuel de formation pour les défenseurs des droits de l’homme qui reprend les principaux instruments régionaux et internationaux applicables aux défenseurs des droits de l’homme  en langage simple. Elle a à ce titre présenté le profil du Défenseur des droits de l’homme et un code conduite pour les défenseurs des droits de l’homme.

37.  Pour entretenir la synergie entre la Rapporteure spéciale et toutes les parties prenantes, celle-ci s’est engagée depuis 2006 a produire un outil de communication, un  bulletin d’information qu’elle a intitulé «  la Lettre de la Rapporteure ». Ce Bulletin qui est a actuellement à sa 7ème édition porte souvent sur  un thème de réflexion  que reprennent  certains défenseurs des droits de l’homme sur des questions d’actualité, et quelques activités importantes de la Rapporteure pendant la période de rédaction. A titre d’exemple, la 7ème édition  porte sur le droit  des défenseurs des droits de l’homme à la manifestation pacifique en Afrique. D’autres thèmes importants tels que la protection des droits des femmes défenseures des droits de l’homme, la liberté d’expression, la notion du défenseur des droits de l’homme ont été aussi abordés auparavant dans ce Bulletin. 

38. La Rapporteure Spéciale a entrepris bon nombre d’activités de sensibilisation et  de formation au profit de certains groupes. En 2008, elle a, en coopération avec certains partenaires, organisé des séminaires de renforcement des capacités des défenseurs des droits de l’homme de la RDC sur les instruments juridiques internationaux et régionaux. En 2009, la Rapporteure spécial a organisé un séminaire de formation au Bénin  au profit des enseignants des écoles primaires et secondaires sur le travail du défenseur des droits de l’homme.

39. Enfin toujours dans le cadre des activités de promotion, l’action que la Rapporteure Spéciale entreprend de manière singulière en direction de la liberté d’association. C’est la raison d’être de la mise en place du groupe d’études sur la liberté d’association qui est chargé préparer une étude et un rapport portant lignes directrices sur la mise en œuvre de cette liberté par les Etats Parties à la Charte.

(b) Les activités de  protection

40. A travers ses activités de protection la Rapporteure Spéciale sur la Situation des défenseurs des droits de l’homme met en œuvre l’obligation de dialogue constructif que la Commission entretient avec les Etats Parties. En même temps il s’agit d’une activité assez délicate parce qu’elle met en exergue pour la plupart de fois les violations des droits des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats parties. Les deux moyens par lesquels la Rapporteure Spéciale dialogue avec les Etats ou l’ensemble de la Communauté des droits de l’homme sont les communications (Lettre d’allégation) et les communiqués de presse.

 Les communications

41. Les Communications sont des lettres confidentielles que la Rapporteure Spéciale adresse aux Etats parties sur des allégations de violations des droits des défenseurs des droits de l’homme. Depuis 2004, le nombre de communications produites par la Rapporteure Spéciale est de 264.

42. Elles portent en général sur tous les droits garantis par la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, mais particulièrement sur les droits civils et politiques. La Rapporteure spéciale note  que ces allégations dénoncent souvent les actes de harcèlement judiciaire, d’enlèvement des défenseurs des droits de l’homme, de torture, d’ arrestations arbitraires, de détentions illégales, d’ assassinats et de meurtres des défenseurs des droits de l’homme, d’intimidations de divers ordres. Ces cas de violations sont notés pour la plupart dans des pays en conflit ou post conflits et rarement dans des pays où on note une paix relative et où il y a une certaine culture de l’Etat de droit.

43. La Rapporteure Spéciale note que seulement 2% de ces communications ont reçu une suite de la part des Etats destinataires.  

 Les communiqués de presse et les Déclarations

44. Les communiqués de presse et les déclarations ne sont pas des documents confidentiels dans la mesure où ’ils sont publiés automatiquement sur le site de la Commission pour soit informer l’ensemble de la Communautés sur des cas de violation avérés des droits de l’homme et d’une certaine actualité soit pour saluer la mise en œuvre d’une recommandation de la Rapporteure Spéciale par un Etat.

45. La Rapporteure spéciale a dressé a ce jour 31 communiqués de presse et déclarations et ont porté sur des violations diverses des droits des défenseurs des droits de l’homme, notamment sur des arrestations arbitraires. Le ratio des communications envoyées au cours des huit années d’existence du mécanisme est plus élevé que celui des communiqués de presse.

46. Ces deux outils de protection permettent de prendre en charge la situation d’un ou plusieurs défenseurs des droits de l’homme, grâce aux informations que la Rapporteure reçoit de la part des Organisations de défense des droits de l’homme ou des familles des victimes des violations.

(c) Les activités de Coopération inter-organique

47. Le mécanisme de la Rapporteure Spéciale entretient des relations de travail étroites avec la Rapporteure Spéciale des Nations Unies sur les Défenseurs des droits de l’homme, et les mécanismes européens et américains chargés de promouvoir et protéger les droits des défenseurs des droits de l’homme au niveau de leurs régions respectives. Il existe un cadre permanent de rencontre qui, à ce jour est à sa 4ème édition, il s’agit des réunions inter-mécanismes de défense des droits de l’homme.

48. Ces rencontres sont stratégiques et permettent le partage d’expérience entre les mécanismes onusiens et régionaux et constituent des forum où se conçoivent des stratégies de renforcement de la protection des droits des défenseurs des droits de l’homme.

49. L’entreprise des missions conjointes notamment en 2008 au Togo, et en 2012 en Tunisie rentrent dans le cadre de la mise en œuvre de cette coopération qui est profitable au mécanisme de la Rapporteure Spéciale. On peut aussi citer à titre d’illustration les conférences du Caire en Avril 2012 et d’Oslo en Juin 2012 qui ont connu la participation des Rapporteures Spéciales de la Commission et des Nations Unies. Cette coopération s’inscrit par ailleurs à ce jour dans le prolongement de la coopération que la Commission entretient avec le conseil des droits de l’homme des Nations Unies au niveau des procédures spéciales.

D.    Les acquis du mécanisme

50. Au regard des activités ci- dessus décrites, la Rapporteure spéciale note que le mécanisme a enregistré des progrès au nombre desquels elle relève :

  •  La Reconnaissance continue du mécanisme par tous les Etats partie à la charte grâce au dialogue constructif engagé a cet effet. 
  •  Le  mécanisme reste le précurseur de la procédure des communications (Lettres d’allégations) en Afrique ;
  • Le mécanisme a su identifier avec le concours des défenseurs des droits de l’homme et d’autres détenteurs de mandats similaires  les problèmes propres aux  défenseurs des droits de l’homme ;
  • Le mécanisme s’est impliqué dans l’encrage des réseaux nationaux et sous régionaux et à l’échelle continental de défenseurs des droits de l’homme. Ces réseaux  collaborent efficacement avec le mécanisme ;
  • Le mécanisme met de façon stratégique en place des activités et des outils de promotion de la  charte africaine des droits de l’homme et des peuples à travers ses publications et les missions de promotion ;
  • Le mécanisme entreprend une politique de rapprochement avec les défenseurs des droits de l’homme  à la faveur des rencontres périodiques qu’il organise ;
  • Le renforcement de la coopération  entre le mécanisme et ses homologues Rapporteure spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs de droits de l’homme, le rapporteur Spécial des nations Unies sur la liberté d’association, l’Unité fonctionnelle sur les défenseurs des droits de l’Homme de la Commission inter-américaine des droits de l’Homme, le bureau du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’Homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Union européenne, par le biais des rencontres inter-mécanismes reste un outil de renforcement des actions de la Rapporteure spéciale.  Ceci lui a permis à ce jour de collecter des données sur les sujets d’actualité tel que la liberté d’association, le droits à la manifestation pacifique, la liberté d’expression…
  • La création du groupe d’études sur la liberté d’association est un atout pour mieux connaître l’état du droit positif en Afrique en  matière de liberté d’association et proposer des recommandations en vue de l’amélioration du cadre législatif ;  
  • La publication quasi régulière de la Lettre de la Rapporteure est un véritable canal de communication, d’échange avec les acteurs et de promotion du mécanisme.

E.     Les principaux défis

51. Malgré les efforts engagés dans le cadre de la mise œuvre du mandat, bon nombre de défis restent à relever.  La Rapporteure Spéciale note des défis propres au mandat et ceux qui affectent les défenseurs des droits de l’homme en particulier.   

52. Sur les défis liés à l’exécution du mandat, la Rapporteure spéciale note : 

  •  Le  besoin permanent d’appuis technique, matériel et financier pour le mécanisme. Depuis la création du mécanisme, aucun budget spécifique de l’Union Africaine ne lui a été affecté pendant que les besoins se font sentir pour la mise en œuvre effective du mandat.
  •  La rareté des réponses des Etats aux recommandations et communications qui leur sont envoyées dans le cadre de la protection des droits des défenseurs des droits de l’homme constitue un obstacle sérieux à la manifestation de la vérité et à la matérialisation des preuves de faits qui lui sont rapportés. la Rapporteure spéciale continue de rechercher  des moyens idoines qui doivent permettre de mieux instruire les cas de violations supposées des droits de l’homme des Défenseurs des droits de l’homme. 
  •  L’absence des réponses des Etats Parties aux demandes de visites de promotion est aussi un frein à la mise en œuvre du mandat de la Rapporteure Spéciale, quoique de plus en plus d’Etats parties restent ouverts à ces visites.  

53. Sur les défis liés au travail des Défenseurs des Droits de l’Homme, la Rapporteure Spéciale note :

  •  L’environnement difficile du travail des Défenseurs des droits de l’homme 

Les Défenseurs des droits de l’homme travaillent toujours dans un environnement socio politique très difficile et souvent hostile au r regard des cas de violations des droits de l’homme qui ont été relevés dans les cadre des communications et des informations probantes recueillies (Arrestations, assassinats, harcèlements judiciaires, répressions des manifestations etc.) ; 

  •  Les représailles à l’endroit des Défenseurs des Droits de l’Homme (particulièrement quand ils sont témoins de violations)

La Commission Africaine a rappelé à plusieurs reprises dans ses résolutions antérieures les Etats parties à prendre de mesures appropriées pour faire cesser les représailles contre tous ceux qui collaborent avec le système africain et plus particulièrement le mécanisme de la Rapporteure Spéciale. Pour autant le mécanisme continue de recevoir des cas représailles particulièrement contre des Défenseurs des de l’homme qui collaborent avec lui. Certains cas, ont été rapportés même durant cette session.

  •  La restriction de l’exercice de la liberté d’association et de manifestation pacifique

 La Rapporteure spéciale est très préoccupée par la situation des Défenseurs des Droits de l’Homme quant aux questions liées aux droits spécifiques portant sur la liberté d’association et le droit à la manifestation pacifique. Elle constate que défenseurs des droits de l’homme continuent de souffrir des restrictions opérées par certains Etats parties à la charte Africaine dans ces domaines;

  •   Le déficit dans le renforcement des capacités des défenseurs des droits de l’homme

Les Droits des défenseurs des Droits de l’Homme continuent  de sentir eux-mêmes le besoin de renforcer leurs capacités sur la connaissance des instruments juridiques des droits de l’homme en général et ceux du système africain en particulier. Cet état de choses a été confirmé à l’occasion du bilan fait par ces Défenseurs des Droits de l’Homme eux-mêmes au cours du forum qui eu lieu en prélude à la présente Session ; 

  •  Le cas spécifique des femmes Défenseurs des Droits de l’Homme

Les femmes défenseurs des droits de l’homme continuent de faire face à la violation de leurs droits dans une proportion beaucoup plus grande que leurs collègues masculins. Elles subissent des atteintes à leurs droits liées aux violences faites aux femmes dans la vie privée et dans la société, avant d’être soumise dans certains Etats à des restrictions des droits liées à des raisons religieuses et surtout politiques dans certains Etats Parties.   

 F.      Les perspectives

 54. Le plan d’action de la Rapporteure spéciale pour 2012-2014 a prévu des programmes pour la mise en œuvre de son mandat et le suivi des actions déjà engagées jusque-là. Ce plan d’action s’inscrit dans la continuité des actions déjà entreprises, et dans  la consolidation des progrès réalisés.  

55. Au regard de ce plan d’action et de ce qui a été fait à ce jour ; il convient de prévoir en terme de perspectives des actions idoines en vue de relever les défis qui viennent d’être énoncés. De  manière succincte ces perspectives sont classées en deux axes basés sur la promotion et la protection  des droits des défenseurs des droits de l’homme telles que prévues par la Résolution N° CADHP 69 (XXXV) 04 du 4 juin 2004 :

 La protection des droits des défenseurs des droits de l’homme

A ce titre, la Rapporteure Spéciale projette de : 

  •  Poursuivre l’envoi des Communications individuelles aux Etats et la publication des Communiqués de presse pour sensibiliser les acteurs ;
  •  Procéder à l’évaluation de la protection des défenseurs à travers le suivi des communications échangées avec les Etats Parties ;
  • Mettre en place un mécanisme d’alerte pour les cas de violations des droits des défenseurs des droits de l’homme.

 Le mandat de promotion des droits des Défenseurs des droits de l’homme,

Dans ce cadre, la Rapporteure Spéciale entend :

  •  poursuivre et améliorer les actions de renforcement des capacités des Défenseurs des Droits de l’Homme, notamment à travers la réédition et l’actualisation des outils de travail des défenseurs des droits de l’homme ;
  • procéder à l’évaluation du travail des défenseurs des droits de l’homme dans le but d’orienter les stratégies du mandat pour renforcer leurs activités ;
  • poursuivre ses échanges avec les Défenseurs des droits de l’homme en vue de l’identification des sujets pertinents et ceci à travers les  formations, les actions de sensibilisation et de plaidoyer ;
  • poursuivre le dialogue constructif avec les Etats parties à travers les missions de promotion. Ce dialogue reste un outil de prévention des violations des droits des Défenseurs des droits de l’homme ;
  • renforcer la collaboration et la coopération avec les organes similaires ,  notamment avec la  Rapporteure spéciale des  NU sur les Défenseurs des Droits de l’homme ; le Rapporteur spécial des NU sur la liberté d’association et les mécanismes spéciaux régionaux similaires. Ce qui passe non seulement par le bais des échanges  inter mécanismes mis place depuis 2008, mais aussi par le biais de la coopération inter- organique qui encourage les missions conjointes dans les Etats parties ;
  • poursuivre sa stratégie de communication et  d’information à travers le bulletin «  la LETTRE DE LA RAPPORTEURE » qui a encore besoin de  l’expertise des Défenseurs des Droits de l’Homme et des partenaires financiers et techniques ;
  • finaliser l’étude sur la liberté d association.
  • Sur le cas spécifique des femmes défenseures, poursuivre ses consultations avec les parties prenantes en vue de la production d’un rapport sur la situation.

 

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS 

56. La commission Africaine en mettant en place le mécanisme de la Rapporteure Spéciale en 2004, avait l’ambition d’une meilleure prise en charge des droits de cette cible spécifique que sont les Défenseurs des Droits de l’Homme. A l’heure du bilan de Huit années de mise en œuvre du mandat et au regard du contenu et des conclusions des 15 précédents rapports d’intersession produits par la Rapporteure spéciale à ce jour auprès de la commission Africaine, il est important de reconnaitre que bien des choses ont été faites, mais que des défis majeurs restent à relever.

57. Tel le marcheur de SAINT EXUPERY, il sied de marquer une pause, d’évaluer le chemin parcouru et voir le chemin qu’il reste à parcourir. La Rapporteure Spéciale a donc noté que :

 

  •  Le travail des Défenseurs des Droits de l’Homme au cours de ces 25 dernières années a eu un impact certain et très positif sur le travail de la Commission africaine.  Les Défenseurs des droits de l’homme restent des partenaires incontournables vu l’expertise qu’ils apportent à la Commission;
  • Le mécanisme reste un outil pertinent au service des défenseurs des droits de l’homme en Afrique ;
  • Au cours des ces dernières années, des progrès certains ont été observés grâce au travail de terrain et aux actions de proximité qu’elle a engagées depuis sa mise en place en 2004.

58. Au regard de constats dressés plus haut notamment sur les défis, la Rapporteure Spéciale formule les recommandations suivantes :

 Aux Etats Parties de :

  •  Mettre en œuvre la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme et tous les instruments pertinents de protection des défenseurs des droits de l’homme en prenant notamment des mesures visant son intégration dans le cadre juridique législatif ou réglementaire ;
  • Entretenir un dialogue permanent et constructif avec le mécanisme en donnant notamment suite aux demandes de visite de promotion et en réagissant dans les meilleurs délais aux recommandations formulées dans les communications, déclarations et autres communiqués de presse ;
  • Améliorer l’environnement socio-politique afin de faciliter le travail des Défenseurs des droits de l’homme qui sont en définitive leurs partenaires nécessaires dans la promotion et la protection des droits de l’homme ;
  •  Encourager l’exercice des droits des défenseurs des droits de l’homme à la manifestation pacifique à travers notamment l’adoption des lois plus compatibles avec l’exercice libre du droit à la réunion et la liberté d’association ;
  • S’abstenir de toute forme de représailles contre ceux qui collaborent avec le système africain de protection des Droits de l’Homme. De telles représailles ont nécessairement un impact négatif sur le travail de la Commission dans la mesure où celle –ci ne pourra pas pleinement bénéficier des apports positifs des Défenseurs des droits de l’homme le cas échéant.

 Aux défenseurs des droits de l’homme de :