Groupe de Travail sur les populations/communautés autochtones en Afrique - 75OS

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A.Introduction
1.Le présent rapport est soumis en vertu des articles 25 (3) et 64 du Règlement intérieur 2020 de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (le Règlement intérieur),[ Règle 25(3) « …. Chaque mécanisme subsidiaire fait rapport devant la Commission, à l’occasion de chaque Session ordinaire pour rendre compte de son travail » et Règle 64 : « Chaque membre de la Commission présente, à chaque session ordinaire prévoyant une séance publique, un rapport écrit sur les activités qu’il a entreprises entre deux sessions ordinaires de la Commission ». ] ainsi que de la section II (3)(d) des Règles de création et de fonctionnement des mécanismes spéciaux de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Procédures opérationnelles standard) ;[ Cette Section dispose que « …Dans le cadre du domaine thématique identifié et de la résolution portant création d’un Mécanisme spécial, on peut compter parmi les rôles et responsabilités d’ordre général des Titulaires de mandat, ce qui suit : (a)…(b)…(c)…(d) la soumission de rapports à chaque Session ordinaire de la Commission. »] 

2.Le rapport met en lumière les activités menées avant et après la 73ème Session ordinaire de la Commission (qui s'est tenue du 20 octobre au 9 novembre 2022), il rend compte de la situation générale des droits de l'homme des populations autochtones.

3.En termes de contenu, le document est scindé en cinq parties, à savoir (i) un compte-rendu des activités du Groupe de travail, (ii) un compte-rendu sur les activités menées par la Commissaire soussignée, Présidente du Groupe de travail sur les populations/communautés autochtones et les minorités en Afrique (le Groupe de travail), (iii) un compte-rendu sur les actions de suivi du rapport d’intersession précédent, (iv) les projets prévus pour les prochaines étapes et (v) la conclusion.

B.Activités du Groupe de travail

4.Ce rapport étant le premier depuis la reconstitution du Groupe de travail et la nomination de ses membres,[ Par la Résolution CADHP/Rés.533 (LXXIII) 2022 sur le renouvellement du mandat, la nomination du Président et la reconstitution du Groupe de travail sur les populations/communautés autochtones et les minorités en Afrique - CADHP/Rés.533 (LXXIII) 2022.] permettez-moi d'exprimer mon appréciation à la Commission dans son ensemble et d'adresser mon message de félicitations aux membres du Groupe de travail nommés au cours de la 73ème Session ordinaire de la Commission.

5.Conformément aux conclusions de la 73ème Session ordinaire, je tiens à signaler que la composition du Groupe de travail connaissait effectivement un déficit en termes de membres issus de l'Afrique du Nord et de l'Afrique australe.  En tant que Présidente du Groupe de travail, j'ai pris en considération les directives et recommandations formulées par la Commission dans la Résolution CADHP/Rés.533 (LXXIII) 2022, pour demander, en particulier, au Groupe de travail de publier à nouveau l'appel à candidatures aux postes de Membres experts du Groupe de travail afin d’accorder une attention toute particulière à l'exigence de représentation géographique, comme prévu par les Procédures opérationnelles standard (POS) sur les mécanismes spéciaux.

6.Huit (8) personnes ont répondu à l’appel à candidatures. Après examen, je peux dire à l’Honorable Assemblée et à ses membres que les critères ont été remplis et que je présenterai, au cours de la présente Session, les deux candidats proposés, pour approbation par la Commission, ce qui permettra l'ouverture officielle des travaux du Groupe de travail.

C.Activités menées par la Présidente du Groupe de travail

7.En tant que Présidente du Groupe de travail, j'ai participé à plusieurs activités, ès qualités ainsi qu’à divers titres, notamment en tant que Présidente du Groupe de travail ou de représentante de la Commission, activités que j’ai aussi mises à profit pour œuvrer conformément au mandat du Groupe de travail tel que défini dans le présent document : 
 
a)Réunion d’experts à Dakar

8.Il s'agissait d'un atelier de lancement et d'une consultation d'experts sur l'étude consacrée à l'impact du changement climatique sur les droits de l'homme et des peuples en Afrique. La réunion s’est tenue à Dakar, au Sénégal, les 18 et 19 novembre 2022.

9.Dans le cadre de la réflexion sur les travaux de ces rencontres, j'ai abordé la question de l'importance du financement de la lutte contre le changement climatique en parallèle avec la responsabilité des émissions et j'ai donc proposé que l'étude envisagée définisse la responsabilité des industries extractives ainsi que celle des États parties vis-à-vis des populations autochtones. 

b)Forum ouest-africain sur les langues autochtones
10.Dans le cadre du soutien du Groupe de travail aux langues autochtones et à la promotion de ces langues, j'ai assisté au Forum ouest-africain sur la promotion et la mise en œuvre du Plan d'action mondial de la Décennie internationale des langues autochtones (IDIL) 2022-2023 (réunion tenue virtuellement du 6 au 8 décembre 2022). Le Forum avait été organisé par l’UNESCO, en collaboration avec l’Académie africaine des langues. Lors du discours que j’ai prononcé à l’occasion de l'ouverture du Forum et de mon intervention en tant que modérateur pendant la Session sur les recommandations, j'ai noté qu'un cinquième seulement des pays africains ont une langue autochtone comme langue nationale. J'ai également observé que si le processus de perte ou d'extinction des langues a souvent été amorcé par des facteurs à caractère impérialiste, il n'est plus seulement dû au colonialisme mais se produit désormais à un rythme nettement plus rapide au sein des groupes autochtones marginalisés, ce qui met d'autant plus en relief la raison pour laquelle les gouvernements africains devraient accorder une plus grande attention à la préservation et à la protection des langues autochtones, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de l'article 17 de la Charte africaine.

c)Mission de promotion en République-Unie de Tanzanie

11.Il convient de rappeler qu’il y a eu, avant et pendant la 73ème Session ordinaire, des allégations de violations des droits de l'homme de la communauté pastorale massai de la réserve animalière de Loliondo et de la zone de conservation de Ngorongoro (les zones contestées) dans le district de Ngorongoro, en République unie de Tanzanie, violations survenues à la suite de ce que l’on pourrait qualifier d’expulsion forcée de cette communauté de ses terres ancestrales par le gouvernement, et les interventions ultérieures de la Commission par l'intermédiaire du président du Groupe de travail de l'époque. Le gouvernement de la République-Unie de Tanzanie a approuvé l’organisation, par la Commission, d’une mission de promotion chargée d’identifier le fondement de ces allégations. En tant que Présidente du Groupe de travail et en collaboration avec la Commissaire Rapporteure pour la République-Unie de Tanzanie, nous avons effectué cette mission du 23 au 28 janvier 2023.

12.Si la recherche d'informations sur la situation des droits de l'homme des populations et communautés autochtones dans la zone contestée et l'évaluation de ladite situation constituaient l'un des objectifs spécifiques de la mission, une observation préliminaire également mentionnée dans le communiqué final, nous avons noté certaines incidences, en Tanzanie, du legs colonial sur la jouissance des droits et libertés garantis par la Charte africaine, en particulier en ce qui concerne les communautés pastorales dont les modes de vie sont inextricablement liés à une terre que les gouvernements coloniaux s’étaient approprié. Le rapport final de la mission est en cours de préparation, pour exploitation ultérieure.

d)Séminaire de l’UA sur la nutrition

13.L’UA a organisé, les 21 et 22 février 2023, à Addis-Abeba, en Éthiopie, un symposium sur la relation entre Droits de l’homme, Sécurité alimentaire et Résilience en Afrique. J’ai représenté la Commission à cette rencontre. La Commission a été invitée à prendre la parole lors des séances sur les liens entre droits de l'homme et sécurité alimentaire en Afrique et sur l'interconnexion entre les conflits et la sécurité alimentaire et nutritionnelle, elle a aussi été invitée à animer une session sur la justiciabilité du droit à l'alimentation et la mise en œuvre des décisions au sein des organes judiciaires et quasi-judiciaires de l'UA.

14.J'ai présenté deux études sur le cadre juridique et institutionnel de la protection du droit à l'alimentation en Afrique, avec l'étude de cas sur la Commission, et sur l'approche droits de l'homme dans le traitement des conflits, de la nutrition et de la sécurité alimentaire en Afrique. Honorables Président et Membres, dans ces deux exposés, j'ai précisément insisté sur la nécessité de reconnaître les systèmes de savoirs autochtones, les modes de vie et la manière de protéger et de préserver les aliments comme l'un des moyens d'atteindre la sécurité alimentaire, sa résilience, tout en utilisant le cadre juridique existant, en le vulgarisant et en menant des études beaucoup plus approfondies. 

D.Rapport sur les actions de suivi émanant du Rapport d’intersession précédent

1.Au cours de la période d’intersession, le Groupe de travail a continué à suivre la situation des communautés autochtones et des minorités en Afrique. Le Groupe de travail reste préoccupé par le mépris que certains États membres manifestent pour les droits des groupes autochtones et des minorités, un mépris qui continue de prévaloir même après la reconnaissance, au niveau de la région, des droits des populations autochtones par la Commission africaine ainsi que par les dispositions constitutionnelles de certains États et les décisions de justice rendues par ces États ou au niveau régional. La réaction de certains gouvernements a été très timide. J'espère que les pressions continueront à s'intensifier en même temps que l’engagement du Groupe de travail en faveur du rétablissement des droits des populations autochtones/minorités.

2.Après cette observation, permettez-moi maintenant de mettre l’accent sur le précédent rapport d’étape relatif aux activités intersessions. 

(i)Suites de l'arrêt de la Cour africaine sur les réparations, dans la requête n° 006/2012 (Affaire Ogiek)
 
3.Bien que nous demeurions saisis de cette question, je tiens à signaler qu'à ce jour, la Commission n'a reçu aucune correspondance officielle du gouvernement kenyan concernant la mise en œuvre de cette décision. Je m'engage à assurer un suivi avec le Commissaire Rapporteur pour la République du Kenya, qui est également membre du Groupe de travail, afin de mettre un terme à cette affaire étant donné que nous avions tous salué la décision.

(ii)Situation de la communauté Benet Mosopisyek, en République d'Ouganda, à la suite du communiqué de presse du 4 octobre 2022

4.La Commission a pris note avec inquiétude des allégations de violences, d'intimidations, de menaces, d'agression sexuelle, de destruction et de confiscation de biens, ainsi que de l'expulsion forcée de la communauté Mosopisyek de Benet, de la région du Mont Elgon et ses environs, en Ouganda. La Commission a appelé le gouvernement de la République d’Ouganda à prendre des mesures immédiates et à long terme pour améliorer la situation de ces populations. Le Groupe de travail n’a pas encore reçu de réponse du gouvernement, mais a été informé de la poursuite des actes de harcèlement de cette communauté quelques jours tout juste après avoir interpellé le gouvernement.

(iii)Reconnaissance des droits coutumiers des autochtones Batwa de la République démocratique du Congo (RDC)

5.Bien que la loi adoptée sur la reconnaissance des droits coutumiers des Batwa en République démocratique du Congo (RDC) ait été critiquée parce qu'elle ne renferme aucune disposition sur les stratégies de restauration des terres, de réparation ou d'indemnisation, le Groupe de travail note qu'il s'agit d'une étape louable dans la promotion des droits des peuples autochtones en RDC. Néanmoins, le Groupe de travail espère encore que le gouvernement adoptera une approche globale dans la mise en œuvre des stratégies de protection envisagées par le projet de loi, ce qui permettra de prendre en charge non seulement les besoins futurs des populations autochtones, mais encore d’offrir réparation pour les dommages déjà causés par l’action du gouvernement.

(iv)Les Amazighs et Kabyles d'Algérie et la localisation des 300 Kabyles
6.Le Groupe de travail rappelle la lettre d'appel urgent adressée au gouvernement algérien en date du 27 septembre 2021 concernant les effets dévastateurs de la Covid-19 sur les populations autochtones amazighes, les incendies criminels sur le territoire autochtone de Kabylie et la répression contre les Amazighs, des situations auxquelles aucune réponse n'a été apportée, et observe que la répression contre les Amazighs et, en particulier, contre la communauté kabyle s'est accentuée au cours des dernières années, avec environ 300 Kabyles actuellement emprisonnés sans procès. Le Groupe de travail note également que Kamira Nait Sid, co-présidente de l'ONG Congrès mondial amazigh, a été détenue pendant plus de 13 mois de manière arbitraire, selon le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (A/HRC/WGAD/2022/15). 

E.Projets pour les prochaines étapes

7.Alors que les problèmes liés à la reconnaissance des droits des populations autochtones et des minorités demeurent un sujet qui doit non seulement retenir notre attention en tant que groupe de travail, mais aussi rester inscrit sur l’agenda de la Commission dans son ensemble pour la promotion et la protection des droits, le Groupe de travail a l'intention d'organiser deux activités avant la fin de cette année, respectivement pendant les troisième et quatrième trimestres, à savoir : un Atelier continental sur le statut des populations/communautés autochtones et des minorités en Afrique et une réunion de validation de l'étude sur l'impact de la COVID-19 sur les droits des populations autochtones en Afrique.
                                                                                            
8.Et, pour rester sur la même lancée, je souhaite faire état de la poursuite du partenariat avec le Groupe sur les droits des minorités, dans le cadre duquel le Groupe de travail a l'intention de mener l'étude sur les droits des minorités, à la suite de la Résolution CADHP/Rés. 455 (LXVI) 2020, adoptée par la 66ème session ordinaire de la Commission et par laquelle la Commission a élargi le mandat du Groupe de travail pour y inclure les droits des minorités et confié au Groupe de travail un mandat supplémentaire pour, entre autres, « entreprendre des études sur les questions touchant les minorités en Afrique », et « collaborer avec ses parties prenantes et ses partenaires, y compris les gouvernements nationaux, les organisations internationales et intergouvernementales, pour la bonne exécution de son mandat ».

F.Conclusions et Recommandations

9.Pour remplir notre obligation/mandat de promouvoir les droits de l'homme, en général, et les droits de l'homme des populations autochtones et des minorités, en particulier, j'en appelle à la collaboration des parties prenantes, des États membres, des sociétés civiles et des experts individuels de différents domaines.

10.Aux gouvernements : je les exhorte à une mise en œuvre complète et efficace des obligations des États en vertu de la Charte africaine.

11.Aux organisations nationales et internationales : au nom du Groupe de travail, j’exprime ma sincère satisfaction pour le soutien qu’il reçoit de ses partenaires en vue de l’exécution de son mandat et appelle à une collaboration continue et un engagement sans faille en faveur des efforts de promotion et de protection des droits des peuples autochtones sur le continent. Je voudrais saisir cette occasion pour solliciter l’appui des autres organisations qui oeuvrent en faveur des droits des communautés autochtones et des minorités en Afrique afin de fournir un appui financier et technique à plusieurs des projets et activités du Groupe de travail en suspens.