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La présente Fiche d’information est publiée par le Secrétariat de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Elle a pour objectif d’informer les populations africaines et la communauté toujours croissante des droits de l’homme de l’existence et de la pertinence de la Commission, et de diffuser des informations essentielles sur les activités de cette dernière. La brochure est distribuée gratuitement et elle est écrite dans un langage clair et simple, facile à comprendre. Elle traite brièvement de l’historique de la création de la Commission et du mandat qui lui est conféré par la Charte. La publication est également disponible en anglais.

Sa reproduction dans d’autres langues que l’originale est encouragée, à condition de ne pas apporter de modification à son contenu et de mentionner la Commission Africaine comme source.

La production et la distribution de ce document a été rendue possible grâce au financement de la Communauté européenne.

Introduction

Près de deux décennies après la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en mai 1963, le centre d’intérêt de l’Organisation demeurait presque entièrement la décolonisation du continent et l’élimination de l’Apartheid. En dépit de son adhésion aux principes de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, dans le Préambule de sa Charte, l’OUA n’a pas pris la promotion et la protection des droits de l’homme dans les Etats membres comme priorité majeure. Elle concentrait ses efforts sur l’indépendance politique et économique, la non discrimination raciale, l’autodétermination, la suppression du colonialisme sur le continent et l’élimination de l’Apartheid en Afrique du Sud, au détriment de la liberté individuelle.

Au cours des toutes premières années de son existence, différents groupes dont les médias, l’Eglise, les organisations non-gouvernementales (ONG) et intergouvernementales, ont accentué la pression sur l’OUA en dénonçant certains des abus les plus infâmes des droits de l’homme sur le continent.

Ils ont accusé l’Organisation de s’écarter de son premier objectif qui est de restituer leur dignité aux peuples africains humiliés. Elle a été accusée d’avoir deux poids deux mesures, condamnant l’apartheid en Afrique du Sud, tout en fermant les yeux sur les violations massives des droits de l’homme commises par certains de ses propres membres.

En même temps, lesdits groupes de pression encourageaient la mise en place d’un mécanisme de protection des droits de l‘homme sur le continent. Ainsi, de la Conférence organisée à Lagos en 1961 par la Commission Internationale de Juristes (CIJ) au séminaire des Nations Unies de 1979 tenu à l’initiative du gouvernement du Libéria sur la mise en place de Commissions régionales sur les droits de l’homme avec une référence spéciale à l’Afrique, la pression et l’assistance se sont simultanément multipliées pour s’assurer que l’OUA et ses dirigeants gardent l’esprit qui avait motivé la lutte pour l’indépendance politique – à savoir : restituer aux peuples africains leur dignité perdue pendant la traite des esclaves et l’ère coloniale – une cause pour laquelle ils ont gagné la solidarité et l’appui de la communauté internationale.

En juillet 1979, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA a eu lieu à Monrovia, au Libéria, et a décidé de placer ses membres sous une obligation internationale grâce à une approche positiviste.

C’est ainsi que, lors de ce sommet, une décision a été adoptée, invitant le Secrétaire Général de l’OUA à réunir un comité d’experts qui serait chargé de préparer un avant-projet de Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, prévoyant notamment l’institution d’organes de promotion et de protection des droits exprimés dans la Charte.

Le groupe d’experts a commencé à travailler sur un avant-projet de Charte en 1979 et a produit un texte qui a été adopté à l’unanimité lors de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA tenue à Nairobi, au Kenya en juin 1981. La Charte prévoit une Commission des droits de l’homme, chargée de veiller au respect des droits énoncés dans ladite Charte.

L’acceptation d’une limitation à la souveraineté nationale (tout au moins en ce qui concerne les droits de l’homme), aussi minime soit-elle, a été acclamée comme un pas important à l’actif des Etats Africains. D’une façon générale, cet acte a été considéré comme un passage à une nouvelle ère de reconnaissance des droits individuels énoncés dans la Déclaration des Droits de l’Homme.

Le 21 octobre 1986, la Charte est entrée en vigueur. Cette date a été déclarée, et est toujours célébrée comme Journée Africaine des Droits de l’Homme.

Mise en place, composition et fonctionnement de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

En vertu de l’article 30, de la Charte Africaine, "il est créé auprès de l’Organisation de l’Unité Africaine, une Commission des Droits de l’Homme et des Peuples chargée de promouvoir les droits de l’homme et des peuples et d’assurer leur protection en Afrique". La Commission se compose de onze membres qui siègent à titre personnel et indépendant et non en tant que représentants de leurs pays.

L’article 31 (1) de la Charte prévoit que les membres de la Commission doivent être "choisis parmi les personnalités africaines jouissant de la plus haute considération, connues pour leur haute moralité, leur intégrité, leur impartialité et leur compétence en matière des droits de l’homme et des peuples …" Ils sont présentés par les Etats parties et élus par la Conférence de l’OUA. Un Etat partie à la Charte peut présenter deux candidats au plus, mais la Commission ne peut pas comprendre plus d’un ressortissant du même Etat. Chaque membre de la Commission est élu pour une période de six ans renouvelable. Au début de leurs mandats, les membres de la Commission font la déclaration solennelle de bien et fidèlement remplir leurs fonctions en toute impartialité.

La Commission a été officiellement installée le 2 novembre 1987 à Addis Abéba, Ethiopie, après l’élection de ses membres, en juillet de la même année, par la 23ème Session Ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA.

Après son lancement, la Commission n’avait pas de Secrétariat permanent et par conséquent, pour ses cinq premières sessions, les activités ont été coordonnées à partir du Secrétariat Général de l’OUA à Addis Abéba. Le Secrétariat, qui est aussi le siège de la Commission, est situé à Banjul, en Gambie, et a été officiellement inauguré par Son Excellence Dawda Kairaba Jawara, ancien Chef d’Etat de la Gambie, le lundi 12 juin 1989. C’est seulement en novembre 1989 qu’un Secrétariat permanent de la Commission a été ouvert.

La Commission élit ses Président et Vice Président. Elle se réunit deux fois par an, généralement en mars ou avril et octobre ou novembre. Les sessions durent généralement dix jours, mais cette durée pourrait être prolongée à mesure que le volume de travail de la Commission s’accroît.

Mandat de la Commission

L’article 30 de la Charte Africaine stipule que la Commission a été créée pour remplir deux principales fonctions, à savoir : la promotion et la protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique.

L’article 45 de la Charte énumère les fonctions de la Commission comme suit :

promouvoir les droits de l’homme et des peuples ;
assurer la protection des droits de l’homme et des peuples ;
interpréter toute disposition de la Charte ; et
exécuter toutes autres tâches qui lui seront éventuellement confiées par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA.
(a) Promotion des droits de l’homme et des peuples

La fonction de promotion de la Commission est expliquée dans l’article 45 (1) de la Charte. La nature fondamentale de cette fonction est de sensibiliser les populations et de diffuser l’information sur les droits de l’homme et des peuples en Afrique.

Pour ce faire, conformément à l’article 45 (1)(a), la Commission est tenue de "rassembler de la documentation, faire des études et des recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l’homme et des peuples, organiser des séminaires, des colloques et des conférences, diffuser des informations, encourager les organismes nationaux et locaux s’occupant des droits de l’homme et des peuples et, le cas échéant, donner des avis ou faire des recommandations aux gouvernements".

La Commission, en collaboration avec les ONG et les organisations intergouvernementales, a pu établir un centre de documentation utilisé pour la recherche et les études des droits de l’homme, et a également organisé plusieurs séminaires, colloques et conférences visant à promouvoir les droits de l’homme et des peuples sur le continent.

En outre, la Commission collabore avec d’autres institutions (intergouvernementales et non gouvernementales) dans divers domaines relatifs à la promotion et à la protection des droits de l’homme.

Depuis 1988, dans le but de renforcer la coopération, la Commission accorde un statut d’observateur aux ONG. A la 23ème Session Ordinaire (Dixième Anniversaire), 231 ONG avaient reçu ce statut.

La Commission envisage également d’accorder un statut spécial aux institutions nationales des droits de l’homme qu’elle considère comme des partenaires de taille dans la promotion des droits de l’homme et des peuples sur le continent.

La Commission a en outre produit et diffusé plusieurs documents sur les droits de l’homme, y compris la revue de la Commission Africaine, ses Rapports d’Activités, la Charte Africaine et le Règlement Intérieur de la Commission. Ces documents ont beaucoup aidé dans la diffusion des informations essentielles sur cette institution. Ils peuvent être obtenus gratuitement auprès du Secrétariat de la Commission.

De plus, la Commission a réparti les Etats parties entre ses membres pour les activités de promotion. Les membres sont appelés à se rendre dans les Etats et organiser des conférences avec différentes institutions afin de discuter des questions relatives à la Charte Africaine et à la Commission. A chaque session de la Commission, ils font un rapport sur leurs activités au cours des intersessions.

La Commission a aussi désigné des Rapporteurs spéciaux sur les prisons et autres lieux de détention en Afrique, sur les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires, et sur les droits de la femme en Afrique.

Ces rapporteurs jouent un rôle très important en effectuant des recherches, en rassemblant et en traitant l’information sur ces domaines, en ce qui concerne les droits de l’homme. Ces informations peuvent être utilisées par la Commission, notamment pour donner aux Etats parties des conseils appropriés.

L’article 45 (1) (b), de la Charte demande à la Commission de "formuler et élaborer, en vue de servir de base à l’adoption de textes législatifs par les gouvernements africains, des principes et règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de l’homme et des peuples et des libertés fondamentales". Elle est également appelée, selon l’article 45 (1)(c), à "coopérer avec les autres institutions africaines ou internationales qui s’intéressent à la promotion et à la protection des droits de l’homme et des peuples".

La Commission a également cherché la coopération avec d’autres institutions régionales et internationales, telles que la Cour et Commission Européennes des Droits de l’Homme, la Cour et la Commission inter-Américaines des Droits de l’Homme et les organes des droits de l’homme des Nations Unies.

(b) Protection des droits de l’homme et des peuples
La seconde fonction principale assignée à la Commission, telle que stipulée dans l’article 45 (2), est d’"assurer la protection des droits de l’homme et des peuples dans les conditions fixées par la présente Charte".

Le mandat de protection demande à la Commission de prendre des mesures pour s’assurer que les citoyens jouissent des droits énoncés dans la Charte. Cela implique qu’elle veille à ce que les Etats ne violent pas ces droits et s’ils le font, que les victimes soient réhabilitées dans leurs droits.

A cette fin, la Charte prévoit une "procédure des communications". Il s’agit d’un système à travers lequel un individu, une ONG ou un groupe d’individus qui estiment que leurs droits ou ceux d’autres personnes sont violés, peuvent porter plainte à la Commission contre ces violations.

Une communication peut également être introduite par un Etat partie à la Charte qui croit raisonnablement qu’un autre Etat partie a violé l’une ou Soins de la peau plusieurs dispositions de la Charte. La communication est étudiée par la Commission et si elle réunit tous les critères exigés dans l’article 56 de la Charte, elle sera acceptée pour examen. L’Etat concerné sera alors informé des allégations et invité à soumettre ses commentaires à ce propos. Si le demandeur doit fournir plus d’informations, il en sera avisé.

Après avoir soigneusement examiné les arguments avancés par les deux parties, la Commission décide s’il y eu violation ou non. Si elle établit qu’il y a eu violation, elle fait des recommandations à l’Etat et à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA sur les dispositions que l’Etat doit prendre, y compris la façon dont il doit dédommager la victime.

La Commission peut aussi, et elle l’a d’ailleurs déjà fait à maintes reprises, initier un arrangement à l’amiable, par lequel le plaignant et l’Etat mis en cause négocient un règlement de leur différend à l’amiable.

La Commission a également envoyé dans plusieurs Etats parties afin de se rendre compte des allégations de violations graves et massives des droits de l’homme. A la fin de chaque mission, la Commission fait des recommandations aux Etats concernés sur la façon d’améliorer la situation des droits de l’homme.

En cas de situations d’urgence, c’est-à-dire, lorsque la vie de la victime est en danger imminent, la Commission peut invoquer des mesures provisoires conformément à l’article 111 de son Règlement intérieur, en demandant à l’Etat de surseoir à toute action en attendant la décision finale de la Commission sur cette question.

Dans le cadre de son mandat de protection, la Commission reçoit aussi et examine les rapports périodiques soumis par les Etats parties, conformément à l’article 62 de la Charte. Tous les deux ans, chaque Etat partie doit présenter à la Commission un rapport sur les mesures d’ordre législatif ou autre, prises en vue de donner effet aux droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte.

La Commission examine ces rapports au cours de la session ; elle engage le dialogue avec les représentants des Etats et leur fait des recommandations, le cas échéant.

Les ONG des droits de l’homme peuvent également demander des copies des rapports au Secrétariat de la Commission et les examiner. Elles peuvent préparer des rapports alternatifs et recommander à la Commission des questions qui pourraient être posées aux représentants des Etats.

(c) Interprétation
L’article 45(3) de la Charte donne également à la Commission le mandat d’"interpréter toute disposition de la présente Charte à la demande d’un Etat partie, d’une institution de l’Organisation de l’Unité Africaine ou d’une organisation reconnue par l’Organisation de l’Unité Africaine". A ce jour, ni l’OUA, ni aucun Etat partie à la Charte n’a approché la Commission pour l’interprétation de l’une ou l’autre disposition de la Charte.

Néanmoins, certaines ONG ont demandé et obtenu, à travers des projets de résolutions, l’interprétation de certaines dispositions de la Charte. Grâce à cette méthode, la Commission a adopté plusieurs résolutions qui donnent une interprétation plus claire et plus large de certaines dispositions ambiguës de la Charte.

(d) Autres tâches
Selon l’article 45 (4), la Commission peut "exécuter toutes autres tâches qui lui seront éventuellement confiées par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement". Jusque-là, la Conférence de l’OUA n’a confié aucune autre tâche à la Commission, à l’exception de la mission qui lui est conférée par la Charte.

Conclusion

Au fil des années, le volume de travail de la Commission s’accroît progressivement. Malgré les contraintes financières et autres auxquelles la Commission fait face, c’est une institution capable de répondre aux défis actuels de l’Afrique.

Plus elle sera utilisée comme un mécanisme panafricain, plus elle deviendra forte et utile dans la protection des droits de l’homme sur le continent. Les ONG, les avocats et les défenseurs des droits de l’homme devraient utiliser la Commission et aider les gens à soumettre leurs cas à cette dernière.