Résolution sur le déploiement de la surveillance de masse et illégale des communications ciblées et son impact sur les droits de l'homme en Afrique - CADHP/Res.573 (LXXVII) 2023

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La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission africaine) réunie lors de sa 77ème Session ordinaire tenue du 20 octobre au 09 novembre 2023 à Arusha, République-Unie de Tanzanie :

Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples en Afrique en vertu de l'Article 45 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (la Charte africaine) ;

Affirmant les Articles 2, 9, 10 et 11 sur les droits de tous les peuples à jouir des droits et libertés garantis par la Charte africaine sans distinction, y compris les droits de recevoir des informations, d'exprimer et de diffuser des opinions, la liberté d'association et de réunion dans les limites de la loi ;

Réaffirmant les dispositions de la Déclaration de principes sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique (la Déclaration) qui prévoit dans son principe 5 que les mêmes droits que ceux dont jouissent les personnes hors ligne devraient être protégés en ligne, conformément au droit et aux normes internationales en matière de droits de l'homme ; 

Reconnaissant le principe 40(1) de la Déclaration, ainsi que la résolution ACHPR/Res.362(LIX) 2016 sur le droit à la liberté d'information et d'expression sur Internet en Afrique, qui reconnaissent le droit à la vie privée, y compris la confidentialité des communications et la protection des informations personnelles ; 

Notant le Principe 20 de la Déclaration qui appelle les États à garantir la sécurité des journalistes et des autres professionnels des médias et, en particulier, à prendre des mesures pour prévenir les attaques contre eux, y compris les menaces et la surveillance illégale exercée par des acteurs étatiques et non étatiques ;

Soulignant le Principe 41 de la Déclaration qui prévoit que les Etats ne devraient s'engager dans une surveillance ciblée qu'en conformité avec le droit international des droits de l'homme et s'assurer que toute loi autorisant la surveillance ciblée des communications offre des garanties adéquates pour le droit à la vie privée, et le Principe 42(7) qui prévoit que «tout individu doit pouvoir disposer de recours légaux et effectifs en cas de violation de sa vie privée et de traitement illégal de ses données personnelles »;

Préoccupée en outre par l'acquisition effrénée de technologies de surveillance des communications par des acteurs étatiques sans réglementation adéquate;

Reconnaissant l'insuffisance de cadres nationaux adéquats en matière de vie privée, de surveillance des communications et de protection des données à caractère personnel ;

Préoccupée par la prévalence de la surveillance de masse et de la surveillance ciblée illégale des communications, qui ne sont pas conformes au droit et aux normes internationales en matière de droits de l'homme, et par le ciblage disproportionné de journalistes, de défenseurs des droits de l'homme, d'organisations de la société civile, de dénonciateurs et d'activistes politiques de l'opposition, sans garanties appropriées pour le droit à la vie privée ;

La Commission africaine appelle les Etats parties à :

i.Veiller à ce que toutes les restrictions au droit à la vie privée et aux autres libertés fondamentales, telles que la liberté d'expression, la liberté d'association et la liberté de réunion, soient nécessaires et proportionnées, et conformes aux dispositions de la législation et des normes internationales en matière de droits de l'homme ;
ii.Aligner les approches relatives à la réglementation de la surveillance des communications sur le droit et les normes internationaux pertinents en matière de droits de l'homme, en tenant compte de garanties telles que l'exigence d'une autorisation préalable par une autorité judiciaire indépendante et impartiale et la nécessité d'un contrôle efficace et d'un examen régulier par des mécanismes de surveillance indépendants ;
iii.Ne procéder à une surveillance ciblée des communications que si elle est autorisée par la loi, conforme au droit et aux normes internationales en matière de droits de l'homme, et fondée sur des soupçons raisonnables qu'un crime grave a été ou est en train d'être commis;
iv.Promouvoir et encourager l'utilisation de technologies qui renforcent la protection de la vie privée et s'abstenir d'adopter des lois ou d'autres mesures interdisant ou affaiblissant le cryptage, y compris backdoors (portes dérobées), key escrows (clé de blocage) et les exigences en matière de localisation des données, à moins que ces mesures ne soient justifiables et compatibles avec le droit et les normes internationaux en matière de droits de l'homme ;
v.Veiller à ce que les victimes de violations découlant de mesures de surveillance arbitraires aient accès à des recours efficaces et prendre des mesures spécifiques pour enquêter sur les cas de surveillance illégale et indiscriminée et engager des poursuites.

Fait à Arusha, Tanzanie, le 09 novembre 2023