Mohammed Ben Salem / Exécutions extra-judiciaires, sommaires ou arbitraires

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I - INTRODUCTION

Le présent rapport est présenté en application de la décision de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) adoptée à l’unanimité au cours de sa seizième session ordinaire (octobre 1994) et désignant Monsieur Hatem BEN SALEM, membre de la Commission en tant que Rapporteur Spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.

Loin d’être fortuite ou de circonstance, la décision de la CADHP d’aborder avec courage et détermination, malgré la modicité des moyens, l’une des questions essentielles se rapportant aux droits fondamentaux de l’Homme, relève d’une profonde conviction de tous les membres de la Commission qu’il n’y a pas plus irréparable et plus irréversible que l’atteinte, hors légalité, au droit à la vie expressément spécifié par l’Article 4 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Chaque être humain a ainsi le droit au respect de sa vie et à l’intégrité de sa personne et nul ne peut l’en priver arbitrairement. Ce principe est largement reconnu par les instruments internationaux particulièrement la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (Article 3) et le Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (Article 6). Malheureusement, la ratification de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ou l’adhésion aux traités et conventions internationaux des droits de l’Homme n’ont pas empêché que les Etats, des groupes ou des individus portent atteinte à ce droit humain fondamental qu’est le droit à la vie. L’Afrique est, hélas, devenue une sorte de “continent de prédilection” de tels actes puisque sur la terre d’un de ses Etats - ayant ratifié la Charte - a été perpétré un génocide rarement égalé en atrocités au cours de l’histoire de l’Humanité. Encouragée par un bon nombre d’ONG africaines et internationales, la CADHP a donc désigné un de ses membres en vue d’assurer cette mission d’investigation, d’analyse et de proposition.

 

II- MANDAT DU RAPPORTEUR SPECIAL

 

La CADHP en désignant le Rapporteur Spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires lui a délimité ses compétences sur le fondement des points suivants:

A- Mission

 

Proposer la mise en place d’un système permettant de répertorier les cas d’exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires dans les Etats africains notamment par la tenue d’un registre comportant toutes informations quant à l’identité des victimes.

Mener  en  collaboration  avec  des  autorités  officielles  ou,  à  défaut,  les  ONG internationales, africaines et nationales, toute enquête pouvant aboutir à découvrir l’identité et à délimiter la responsabilité des auteurs et des initiateurs d’exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires.

Suggérer les voies et moyens d’informer, à temps, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, de la possibilité d’exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires afin que celle-ci intervienne auprès de la Conférence au Sommet de l’OUA.

Intervenir auprès des Etats pour le jugement et la punition des auteurs d’exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et la réhabilitation des victimes de ces exécutions.

Examiner les modalités de création d’un mécanisme de dédommagement des familles des victimes d’exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires que ce soit par le biais des procédures légales nationales ou par l’institution d’un fonds africain de compensation.

B - Domaine d’investigation

 

Dans sa mission, le Rapporteur Spécial aura en priorité à effectuer son rapport à propos des exécutions extrajudiciaires des enfants, des femmes, des manifestants, des prisonniers et des défenseurs des Droits de l’Homme ainsi que des opposants politiques. Il peut décider de choisir des pays où il estime que les cas d’exécution sont plus fréquents ou plus massifs.

 

C - Durée de la mission

Le Rapporteur Spécial disposera d’une période de deux ans pour finaliser sa mission à moins que la Commission ne décide de proroger cette durée.

 

D - Méthodes d’action

Le Rapporteur Spécial peut recourir, au cours de son mandat, à toute méthode d’investigation notamment en sollicitant l’aide des Etats et des ONG nationales, africaines et internationales. Il peut se faire assister dans sa mission par toute personne qu’il jugera compétente pour mener cette tâche à bien.

 

E - Le Rapport

 

Le Rapporteur Spécial informera à chaque session la Commission de l’avancement de sa mission. Il fera un rapport annuel qui sera annexé au rapport d’activités de la Commission à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA.

 

III - MISE EN OEUVRE DU MANDAT DU RAPPORTEUR SPECIAL

Ce n’est qu’à la dix-huitième session de la CADHP tenue à Praia (Cap-Vert, octobre 1995) que le mandat fixant les missions du Rapporteur Spécial a été approuvé. Ce retard dans la délimitation des compétences est essentiellement dû au souhait exprimé par les membres de la Commission d’abord d’asseoir sur des bases solides cette première expérience. En effet, dès le départ il n’était pas question de créer une fonction qui n’aurait pas concrètement un rôle spécifique à jouer dans la protection effective des droits de l’Homme en Afrique. Ensuite, toutes les parties en concertation estimaient qu’il était impératif que le Rapporteur Spécial ait un minimum de moyens, indépendants du Secrétariat de la Commission, afin de remplir sa tâche dans les meilleures conditions.

Ces conditions ne furent remplies qu’au début de l’année 1996 grâce à une clarification du mandat du Rapporteur Spécial et à un soutien logistique du Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe et de la Direction de la Coopération au développement et à l’aide humanitaire suisse.

 

A - Mission du Rapporteur Spécial

Conformément au § 1 de la mission (cf. II du présent rapport), le Rapporteur Spécial devra proposer la mise en place d’un système permettant de répertorier les cas d’exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires dans les Etats africains notamment par la tenue d’un registre comportant toutes informations quant à l’identité des victimes.

 

1 - Conception du registre des exécutions extrajudiciaires

 

Dès les  premiers contacts avec les informations disponibles et vu l’ampleur de la tâche assignée au Rapporteur Spécial de focaliser sa première investigation sur le Rwanda - où un génocide a été perpétré- la mise en place d’une base de données informatisée s’est avérée nécessaire. Une prospection auprès des ONG spécialisées a permis d’identifier HURIDOCS - (Genève) - pour aider à la conceptualisation du registre. Une correspondance a été écrite dans ce sens à monsieur Najib GHALI et des contacts sont en cours afin d’adapter à partir du système de HURIDOCS une base de données accessibles et gérable aussi bien par le Secrétariat de la Commission que par le Rapporteur Spécial.

 

La conception de la base de données informatisée doit prendre en considération tous les éléments à même d’étayer la preuve de l’exécution extrajudiciaire, les date et lieu de leur exécution ou disparition, les détails des circonstances de leur mort, les responsables de l’exécution qu’ils représentent des Etats ou qu’ils soient des groupes paramilitaires ou des individus. Il est également utile de disposer des adresses des familles ou des proches même s’ils n’habitent plus les pays du lieu des exécutions. Toute enquête ou autre forme d’investigation, qu’elles émanent des autorités judiciaires ou policières du pays d’origine, doivent figurer au registre des exécutions extrajudiciaires. Avec la collaboration du Rapporteur Spécial des Nations- Unies, une fiche de renseignement sera disponible bientôt et fera l’objet d’une large diffusion auprès des ONG concernées.  Le Secrétariat de la CADHP doit être sollicité à cet effet et l’utilisation du courrier électronique E-mail sera mise en place afin de coordonner et de rendre aussi efficients que possible les actions du Rapporteur Spécial auprès des gouvernements et des ONG.

 

2 - Collecte des informations

 

L’aspect informatique doit nécessairement se coupler d’une assistance en matière de collecte des informations. Des contacts poussés ont permis au Rapporteur spécial de convenir de cette tâche avec Amnesty International. Une réunion est prévue dans ce sens dans les meilleurs délais. Toutefois, plusieurs ONG africaines ont été sollicitées afin de fournir  toutes  données  utiles  au  Rapporteur  Spécial.  Des  correspondances  ont  été adressées, en ce sens, à l’UIDH (Union Interafricaine des Droits de l’Homme), la RADDHO (Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme) auprès desquelles, le Rapporteur Spécial a trouvé les meilleures dispositions. Il est envisagé dans une seconde étape de faire appel à d’autres ONG (Observatoire International des Prisons, Penal Reform International, Interights, Africa Watch....). A ce titre, des contacts permanents seront maintenus avec la CIJ (Genève) et le Rapporteur spécial essaiera d’identifier des sources d’information crédibles surtout au Rwanda et au Burundi.

 

Le Rapporteur Spécial des Nations-Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Monsieur Bacre Waly NDIAYE a été maintes fois sollicité et a montré une grande disponibilité de coopération.

 

Plusieurs réunions de travail ont été organisées à Dakar afin de d´limiter les domaines d’investigation et les méthodes d’action. L’aspect collecte d’informations nécessite également des preuves matérielles qui ne peuvent être fournies par des visites in loci, des récits des familles des victimes ou des témoins oculaires. En ce qui concerne les visites sur le terrain, force est de constater qu’elles ne peuvent s’effectuer qu’avec l’agrément des gouvernements concernés. Une stratégie de mise en rapport avec les organes officiels se fera en concertation avec le Secrétariat de la Commission.

 

Pour ce qui a trait aux témoignages d’exécutions extrajudiciaires, le Rapporteur Spécial s’est trouvé, pour le cas du Rwanda, devant les réticences des témoins qui craignent les représailles contre leurs familles ou proches.

 

Si dans un premier temps, le cas du Rwanda et du Burundi seront privilégiés en matière de collecte d’informations et d’alimentation de la base de données informatiques, il est tout à fait normal que le registre comporte toutes informations disponibles sur les exécutions extrajudiciaires dans d’autres Etats africains, le Libéria notamment. Pour ce faire, et en plus des témoignages, seront pris en considération les rapports, traitant de cette question, soumis aux instances de l’ONU ainsi qu’à l’OUA

 

3 - Publication des informations du registre

 

La publication périodique des informations collectées ne devrait pas poser de problème particulièrement pour le cas du Rwanda.  En effet, les nombreux cas répertoriés  ont été également soumis au Procureur Général du Tribunal pénal pour le Rwanda et sont l’objet d’une grande publicité que ce soit de la part des ONG ou des réfugiés rwandais à l’étranger. Toutefois, la question risque de se poser avec acuité pour ce qui concerne les réponses des Etats - que ces derniers voudront garder confidentielles - et les témoignages des familles qui ne doivent en aucune façon être communiqués sous peine de mettre en danger les témoins. La solution à adopter, afin d’éviter toute sorte de polémique, consistera à publier un bulletin à la veille de chaque session de la CADHP qui servira à l’information de l’opinion publique africaine et internationale et sera distribué aux membres de la Commission, aux différents organes de l’OUA, aux instances internationales, aux ONG et aux personnalités concernées par le problème des exécutions extrajudiciaires.

 

Le bulletin pourra ainsi attirer l’attention sur des situations particulières d’atteintes graves au droit à la vie, et rendra compte du travail du Rapporteur Spécial et de ses contacts soit avec les Etats africains soit avec les ONG africaines et internationales sans pour cela porter atteinte aux procédures d’investigation en cours et sans préjuger de leur résultat.

 

B - Méthodes de travail

 

La réussite de la mission du Rapporteur Spécial sur les exécutions extrajudiciaires ne pourra être significative que si ce dernier arrive, grâce à des informations précises, à convaincre les Etats du bien-fondé des cas qui lui sont soumis et de garantir ainsi une mise en œuvre de ses recommandations notamment pour la sanction des exécutions et le dédommagement des victimes. C’est pour cette raison principalement que les plus grands efforts doivent être concentrés sur la crédibilité des sources d’information. Pour ce faire, les allégations d’exécutions ou de menaces d’exécutions extrajudiciaires doivent se baser sur des critères d’évaluation indiscutable des données concernant la victime et les circonstances exactes dans lesquelles les faits ont été perpétrés. Afin de pouvoir signaler les allégations d’exécutions extrajudiciaires et leur donner une suite, les critères fixés par le Rapporteur Spécial des Nations-Unies doivent être reprises à savoir:

 

Renseignements concernant la victime: nom de famille, âge, sexe, lieu de résidence ou d’origine, profession ou activité, si celle-ci a un rapport avec la prétendue exécution ou menace d’exécution extrajudiciaire; tout autre renseignement pertinent susceptible d’aider à identifier une personne (par exemple, le matricule d’un prisonnier  ou numéro de son passeport ou de sa carte d’identité);

Renseignements concernant les faits allégués: date, lieu, description des circonstances dans lesquelles les faits se seraient produits en cas d’allégations de violation du droit à la vie en rapport avec la peine capitale, précision sur les insuffisances constatées concernant la garantie du droit de faire entendre sa cause équitablement, les dispositions législatives pertinentes, l’énoncé de la sentence et les recours présentés;

Renseignements concernant les auteurs présumés du crime, y compris un exposé des raisons pour lesquelles ils sont soupçonnés: leur nom s’il est connu; s’il agit d’agents de la sécurité, leur grade, leurs fonctions, l’unité ou le service auquel ils appartiennent, etc. ...; s’ils sont membres de groupes de défense civile, de forces paramilitaires ou autres, les relations entre ces groupes ou forces et l’Etat (par exemple, coopération avec les services de sécurité de l’Etat, notamment rapports hiérarchiques; connivence ou tolérance de l’Etat eu égard à leurs activités, etc....);

Renseignements concernant les mesures prises par les victimes ou leur famille en particulier les dépôts de plainte (par qui et devant quel organe la plainte a-t-elle été déposée); s’il n’a pas été porté plainte, pour quelle raison;

Renseignements concernant les mesures prises par les autorités pour enquêter sur la violation alléguée du droit à la vie ou celles adoptées pour protéger les personnes menacées ainsi que pour empêcher des actes analogues à l’avenir, en particulier: s’il a été porté plainte, action entreprise par l’organe compétent qui a été saisi; progrès et état d’avancement de l’enquête au moment où l’allégation a été transmise; si les résultats de l’enquête ne sont pas jugés satisfaisants, motifs d’insatisfaction;

Renseignements concernant la source des allégations: nom et adresse complète de l’organisation ou du particulier en vue de faciliter l’obtention de précisions sur les points obscurs et les mesures de suivi.

Le Rapporteur Spécial aura pour charge d’enquêter à propos de toutes allégations sérieuses d’exécutions ou de menaces d’exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires qui lui sont soumises et qui font l’objet d’une inscription au registre qu’elles soient commises par des personnes connues ou dont l’identité n’a pu être relevée. L’objectif principal du Rapporteur Spécial devra consister à vérifier les faits, y compris en se basant sur les données qui lui sont fournies par les réponses des Etats, afin d’identifier le ou les responsables de l’exécution extrajudiciaire et de déterminer le degré d’implication des exécutants ou des initiateurs de tels actes.

 

Un travail essentiel devra être effectué avec les gouvernements des pays concernés par les exécutions extrajudiciaires et ce afin de faire la lumière sur les circonstances de l’exécution, sur la base des critères sus-énumérés et d’encourager à l’activation des procédures judiciaires nationales afin d’indemniser les familles des victimes et de sanctionner les responsables de ces crimes.

 

Si le Rapporteur Spécial ne peut, en aucune manière, se substituer aux organes policiers et judiciaires du pays concerné ni jouer le rôle de détective, il n’en demeure pas moins qu’il doit disposer d’assez de marge pour évaluer l’adéquation des moyens d’enquête mis en œuvre et la crédibilité des conclusions adoptées par les organes nationaux d’investigation et en faire rapport à la Commission pour recueillir son avis et ses directives. Tous les moyens d’investigations à même d’éclairer le Rapporteur Spécial peuvent être mis en œuvre y compris les contacts directs avec les familles des victimes et les ONG impliquées dans la collecte des informations. Les enquêtes du Rapporteur Spécial peuvent prendre la forme de visite sur les lieux après concertation et acceptation des autorités du pays concerné et ce aussi bien dans le cadre des missions de la Commission, en connexion avec d’autres organes internationaux ou de façon indépendante. Après avis de la CADHP, des experts indépendants et internationalement reconnus ainsi que les ONG ayant le statut d’observateurs auprès de la Commission, peuvent assister le Rapporteur Spécial dans ses missions ou pour d’autres aspects de son mandat.

 

Les observations des Etats concernés par des exécutions extrajudiciaires ainsi que leurs réponses à propos de cas qui leur sont soumis doivent avoir toute l’attention requise. Pour ce faire et lorsqu’un gouvernement répond qu’une enquête a été ouverte sur le cas signalé, le Rapporteur Spécial doit tenir compte des éléments ci-après:

 

Le caractère de l’enquête (judiciaire ou administrative) et son objectivité;

L’indépendance, l’impartialité et la compétence de l’organe chargé de l’enquête;

Les  procédures  d’enquête  appliquées,  en  particulier  en  ce  qui  concerne  le rassemblement et l’évaluation des éléments de preuve;

Les droits des victimes ou de leur famille ou de leurs représentants;

Les décisions qui peuvent être prises et les sanctions qui peuvent être infligées à la suite d’une enquête;

Les possibilités qu’ont les victimes ou leur famille d’obtenir réparation;

Le délai dans lequel l’enquête a été ouvert et menée à son terme, qui ne doit pas être excessif.

Il est probable que sur des cas soumis à l’attention du Rapporteur Spécial, les  informations en provenance des gouvernements et des sources se contredisent. Dans ce cas et après analyses et vérifications, le Rapporteur Spécial fera part de son appréciation à la CADHP qui décidera de la suite à donner à l’affaire.

 

Au cas où un gouvernement reste muet sur les allégations qui lui sont transmises, les situations en question seront transcrites en l’état au sein du rapport que la Commission soumet à l’attention de la Conférence au Sommet des Chefs d’Etat et Gouvernement de l’OUA. Les investigations du Rapporteur Spécial seront plus efficaces si un mécanisme d’alerte précoce est mis en place en collaboration avec les organisations non gouvernementales jouissant d’un statut d’observateur auprès de la CADHP.  Un système d’information instantanée doit ainsi fonctionner entre les ONG, le Secrétariat de la Commission et le Rapporteur Spécial afin de prévenir de l’imminence d’une exécution ce qui entrainera une action urgente auprès de l’Etat concerné. Il est indiqué, à ce propos de tenir une réunion élargie aux ONG intéressées par la question afin de fixer les contours de ce système et de réfléchir aux voies et moyens qui permettront sa mise en œuvre.

 

Les membres de la Commission seront constamment informés par le bulletin bimensuel du Secrétariat et le bulletin d’information du Rapporteur Spécial. Ils peuvent à leur tour communiquer toute information utile sur les pays dont ils ont la supervision et seront appelés à contribuer soit par leurs propres investigations soit par leur présence si cela s’avère nécessaire pour le bon déroulement des enquêtes in situ.

 

Si une situation d’urgence se déclare à la veille des sessions de la Commission, elle devra être intégrée à l’ordre du jour et débattue par toute la Commission.  Des mesures de sauvegarde pourront être décidées en conformité avec les dispositions de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

 

Compte tenu du caractère irréversible du dommage causé par une exécution extrajudiciaire, sommaire ou arbitraire, des moyens de compensation adéquats devraient être recherchés afin de soutenir les familles de victimes. Il s’agit là de la spécificité et du principal apport du Rapporteur Spécial instauré par la CADHP. L’éventualité de création d’un fonds de dédommagement sous forme de “Trust Fund” a été débattue par le Commission et le sera peut-être de façon plus approfondie dans l’avenir.

 

Le Rapporteur Spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires estime pour sa part que l’idée de création de ce fonds présage de l’évolution et des mutations que devra connaître la Commission au lendemain du 10ème anniversaire de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. L’implication directe de la Commission, par le biais de la question des exécutions extrajudiciaires, sera la meilleure preuve de la maturité de la Commission et un signal fort de la volonté de cette dernière, de s’engager, dans le cadre de ses domaines de compétences, dans une véritable et salutaire action de sauvegarde des intérêts des victimes de violations des droits de l’Homme.

 

Les conditions de mise en place, de gestion, des modalités de compensation feront l’objet d’une réflexion commune avec les ONG intéressés et un rapport sera soumis à l’avis de la Commission qui devra se prononcer sur cette question.

 

C - Les domaines d’investigation

A cause des guerres civiles et des conflits ethniques qui le déchirent, le continent africain se trouve en première ligne en matière d’exécutions extrajudiciaires. En effet, en plus des forces armées régulières, les régions de conflits ont vu se multiplier des groupes paramilitaires qui ont recouru systématiquement aux massacres de populations civiles innocentes. Le Rapporteur Spécial a décidé, dès le début de sa mission de se consacrer, en priorité, aux populations vulnérables victimes des exécutions extrajudiciaires. Il s’agit des femmes, des enfants, des prisonniers, des militants des droits de l’homme ainsi que des manifestants. Une attention spéciale sera également portée aux minorités ethniques. Ce choix est également dicté par un souci d’efficacité et afin d’éviter tout double-emploi avec la mission du Rapporteur Spécial des Nations-Unies.

 

Le Rapporteur Spécial fera un appel à témoignage, notamment auprès des ONG spécialisées et ayant un statut d’observateur auprès de la Commission et qui seront appelées à fournir toute indication concernant une atteinte ou une menace d’atteinte aux droit à la vie des catégories de populations sus-indiquées.

 

La CADHP a déjà décidé que le Rwanda et le Burundi auxquels il faudra ajouter le Zaïre à cause des évènements qui se déroulent à l’Est de ce pays et qui sont la conséquence de la dégradation de la situation au Rwanda doivent faire l’objet des premières investigations du Rapporteur Spécial.  Toutefois, les ONG pourraient soumettre toute information à leur disposition concernant des cas d’exécutions extrajudiciaires dans d’autres pays africains notamment le Soudan, le Nigéria et le Libéria.

 

D - Durée du mandat

La 20ème session devra décider d’étendre le mandat du Rapporteur Spécial pour deux ans c’est-à-dire jusqu’à octobre 1998.

 

E - Le rapport

Au présent rapport sera adjointe, une note sur l’état d’avancement de l’enquête préliminaire sur le Rwanda et le Burundi qui sera soumis à l’avis de la Commission au cours de sa 21ème session (avril 1997). En cas d’accord de la Commission, ce rapport sera intégré au sein du rapport annuel présenté à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA.

 

IV BUDGET

 

La 18ème session de la CADHP a approuvé le budget présenté par le Rapporteur Spécial en collaboration avec le Secrétariat de la Commission. Grâce aux contacts personnels du Rapporteur Spécial et du soutien du Centre Nord-Sud, du Conseil de l’Europe, la Direction de la Coopération au développement et à l’aide humanitaire suisse a fourni les moyens pour l’exécution de la première phase du budget à savoir:

 

un ordinateur, un photocopieur et accessoires - 7.000 $

frais de poste, téléphone, fax, documentation, Secrétariat temporaire, registre, divers - 9.000$

Pour la seconde phase, le budget prévisionnel serait de:

 

visites et enquêtes sur le terrain - 25.000$

dépenses courantes, tenue du registre, téléphone, fax, secrétariat temporaire -  16.000$