Deuxième séminaire continental de haut niveau sur le droit à la santé et à la protection sociale en afrique 27 – 29 juin 2022 Windhoek, namibie - Principales conclusions et re

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Le Groupe de travail sur les droits économiques, sociaux et culturels et la Rapporteure spéciale sur les droits de la femme en Afrique de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine) ont organisé conjointement un Deuxième Séminaire continental de haut niveau sur le droit à la santé et à la protection sociale en Afrique, du 27 au 29 juin 2022 à Windhoek, en Namibie.

Le principal objectif visé par le Séminaire était de sensibiliser et de rappeler aux États parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine), leurs obligations en vertu de la Charte africaine, du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo) et d’autres instruments pertinents, concernant la fourniture de services de soins de santé et de protection sociale adéquats et abordables, et l’engagement à accorder la priorité aux soins de santé et à la protection sociale, en prenant des mesures concrètes législatives et autres, y compris des réformes de leurs secteurs de la santé.

 

Rappelant les objectifs spécifiques du Séminaire, à savoir :

i.   Comprendre les obligations des États parties en vertu de la Charte africaine, du Protocole de Maputo et d’autres instruments pertinents concernant le droit aux soins de santé et aux services de santé et de protection sociale ;

ii.  Identifier les lacunes dans les systèmes de soins de santé et le secteur de la protection sociale dans les États membres de l’Union africaine (UA) et aux niveaux régional et continental ;

iii. Sensibiliser/prendre en charge les systèmes de soins de santé déficients et la couverture/mise en œuvre insuffisante de la protection sociale ;

iv. Collecter des données sur la qualité des services sociaux et de santé à des fins de documentation et de recherche ;

v.  Partager les meilleures pratiques concernant les systèmes de santé et la protection sociale dans les États parties;

vi. Formuler des recommandations clés pour traiter les questions spécifiques au contexte africain, en vue de leur mise en œuvre par les différentes parties prenantes, à savoir les États parties, les Institutions nationales des droits de l’homme (INDH), les Organisations internationales/intergouvernementales, les Organisations non gouvernementales (ONG), les Organisations de la société civile (OSC) et les autres partenaires et parties prenantes ; et

vii.  Sensibiliser au Protocole à la Charte africaine relatif aux Droits des Citoyens à la Protection sociale et à la Sécurité sociale ;

Les participants au séminaire étaient composés de Membres de la Commission, de Membres Experts du Groupe de travail sur les droits économiques, sociaux et culturels, de neuf délégués de 3 États parties à la Charte africaine représentant l’Afrique australe, de représentants de 3 INDH, de représentants de 3 organisations internationales/intergouvernementales, de 7 représentants d’ONG, et d’autres experts, partenaires et parties prenantes ;

 

Gardant à l’esprit  le fait que des présentations ont été faites sur diverses questions thématiques liées au droit à la santé et à la protection sociale pour tous, notamment en mettant l’accent sur les femmes, et ont été suivies d’échanges fructueux au cours desquels les participants ont exprimé leurs préoccupations, identifié les défis, partagé leurs expériences et les meilleures pratiques pour la promotion et la protection effectives de ces droits en Afrique ;

Notant que le continent africain présente plusieurs vulnérabilités structurelles, politiques, économiques, environnementales et socioculturelles qui affectent négativement la mise en œuvre des droits à la santé et à la protection sociale ;

 

Considérant que la Pandémie de Covid-19 a confirmé l’importance et la nécessité de mettre en œuvre les droits à la santé et à la protection sociale pour tous ;

 

PAR CONSÉQUENT, formule les recommandations suivantes aux parties prenantes ci-après :

A.   États parties à la Charte africaine<

 

Les États parties doivent :

  Niveau juridique/normatif

1.     ratifier le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des citoyens à la protection sociale et à la sécurité sociale ;

2.     ratifier le Protocole de Maputo, pour les États qui ne l’ont pas encore fait ;

3.     faire montre de volonté politique pour remplir leur obligation de protéger les droits sociaux et à la santé de leurs citoyens, conformément aux traités relatifs aux droits de l’homme auxquels ils sont parties ;

4.     ratifier, intégrer et mettre en œuvre les instruments régionaux et internationaux relatifs au droit à la santé et à la protection sociale ;

5.     promulguer ou amender des lois qui encouragent l’investissement national dans les secteurs de la santé et de la protection sociale ;

6.     réglementer les activités des acteurs non étatiques/acteurs privés qui fournissent des services de santé et des services socio-économiques connexes ;

7.     adopter des lois sur la protection sociale exhaustives, fondées sur les droits de l’homme et conformes aux normes internationales ;

8.     soumettre régulièrement à la Commission des rapports sur la mise en œuvre des droits à la santé et à la protection sociale ;

9.     développer des politiques qui accordent la priorité aux services de santé publique et de protection sociale

 

  Politiques nationales, Acteurs et Partenariats

10.  adopter des politiques et lois nationales fondées sur les droits de l’homme, pour la promotion et la protection des droits à la santé et à la protection sociale et ce, de manière non discriminatoire ;

11.  garantir la mise en œuvre effective des politiques et stratégies de protection sociale et promouvoir la coordination des approches et l’efficacité des programmes ;

12.  donner aux OSC les moyens de jouer leur rôle dans les communautés par le biais de partenariats entre le gouvernement et la société civile afin de s’occuper des pauvres et de ceux qui n’ont pas facilement accès à des services de santé de qualité ;

13.  accorder une attention particulière aux femmes et aux autres groupes vulnérables, à l’égalité des sexes et à l’équité dans la mise en œuvre des droits à la santé et à la protection sociale ;

14.  garantir le renforcement des services de santé publique, car ils sont le premier point de contact pour les personnes vulnérables, y compris les femmes ;

15.  créer un environnement favorable à la croissance et à l’efficacité des entreprises pharmaceutiques locales émergentes et des producteurs d’équipements médicaux ;

16.  éviter une forte dépendance envers le matériel/les équipements médicaux importés en créant/mettant en place des mécanismes nationaux, régionaux et continentaux efficaces pour répondre rapidement aux urgences sanitaires ;

17.  utiliser les partenariats existants/disponibles avec les organisations internationales, y compris les agences des Nations Unies telles que l’OMS et l’ONUSIDA, pour investir durablement dans la santé et la protection sociale ;

18.  envisager la création d’unités proposant la médecine traditionnelle dans les hôpitaux et avoir des solutions indigènes officialisées, par exemple des médicaments à base de plantes, etc. ;

19.  fournir à l’ensemble de la population des informations factuelles adéquates et opportunes sur la santé et la protection sociale ;

20.  mettre en place un bureau du genre pour le signalement des cas de violence à l’égard des femmes et l’accès à la justice, et surtout former la police à traiter les questions relatives à violence basée sur le genre ;

21.  engager les parents, les tuteurs, les jeunes et les enfants dans les discussions, les campagnes et les activités de sensibilisation contre la violence et l’injustice basées sur le genre, afin d’assurer une couverture et une publicité plus complètes de ces violations ;

22.  mettre en place des voies de recours efficaces et effectives pour renforcer l’application et le respect des droits à la santé et à la protection sociale ;

23.  garantir les droits à la santé et à la protection sociale en mettant en œuvre des politiques connexes, telles que la prévention des conflits, l’éradication de la pauvreté et l’adoption d’un modèle de développement socio-économique basé sur les droits de l’homme ; et

24.  renforcer la capacité des médias/journalistes à rendre compte des questions de santé et de protection sociale ;

                

 Financement

25.  mobiliser des ressources souples et efficaces à investir dans les secteurs de la santé publique, et cibler les groupes défavorisés dans la fourniture de services de santé, mettant ainsi fin aux inégalités et réduisant les dépenses à la charge des ménages appauvris et défavorisés ;

26.  œuvrer à la mise en œuvre de la Déclaration d’Abuja, qui appelle les États africains à réserver 15 % de leurs dépenses totales au secteur de la santé ;

27.  garantir la disponibilité de ressources adéquates pour mettre en œuvre des programmes de protection sociale complets, accessibles à toutes les personnes dans le besoin ;

28.  mobiliser des ressources budgétaires plus souples et plus efficaces grâce à des systèmes de paiement des impôts novateurs et efficaces, y compris une imposition effective des sociétés et une taxation progressive ;

29.  faciliter, encourager et généraliser la souscription à une assurance médicale et sociale accessible et abordable, par les citoyens ;

30.  éliminer la corruption et combattre les flux financiers illicites qui entravent la fourniture de services de santé et de protection sociale efficaces ;

31.  développer des mécanismes financiers internes pour financer les programmes de santé et de protection sociale et allouer un budget suffisant pour la gratuité des soins de santé, en particulier pour les personnes vulnérables telles que les femmes enceintes, les enfants, les personnes âgées, les réfugiés, les migrants et les personnes déplacées.

 

B.    Commission africaine

La Commission africaine doit :

1.     promouvoir la ratification du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des citoyens à la protection sociale et à la sécurité sociale ;

2.     utiliser les médias pour sensibiliser les États à soumettre leurs rapports périodiques, conformément à l’article 62 de la Charte et à l’article 26 du Protocole de Maputo ; utiliser les meilleures pratiques et les enseignements tirés des réponses antérieures aux pandémies en Afrique, pour documenter les mesures de rétablissement du COVID-19 et post-Covid-19 ;

3.     assurer le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des citoyens à la protection sociale et à la sécurité sociale, après sa ratification et son entrée en vigueur, conformément à l’article 28 du Protocole ;

4.     adopter des lignes directrices sur la mise en œuvre du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des citoyens à la protection sociale et à la sécurité sociale ; et

5.     poursuivre ses activités de sensibilisation à la mise en œuvre des droits à la santé et à la protection sociale en Afrique.

 

C.    INDH

Les INDH doivent :

1.     assurer un plaidoyer efficace auprès des États pour la mise en œuvre des droits à la santé et à la protection sociale, en particulier par l’affectation de ressources suffisantes ;

2.     jouer un rôle consultatif auprès des États dans l’élaboration des politiques et établir un cadre juridique solide pour la réalisation des droits à la santé et à la protection sociale ;

3.     jouer un rôle de premier plan dans le suivi et l’évaluation du niveau de conformité des États et la mise en œuvre des instruments ratifiés ;

4.     s’assurer que les INDH ont un mandat quasi-judiciaire pour leur permettre d’enquêter sur les violations, de traiter les plaintes de violations des droits de l’homme et fournir une réparation;et

5.     plaider en faveur de l’intégration de l’égalité des sexes dans la mise en œuvre des droits à la santé, à la protection sociale et à la sécurité sociale.

 

D.   ONG et/ou OSC

Les ONG et/ou OSC doivent :

1.     plaider en faveur de la mise en œuvre des droits à la santé et à la protection sociale et établir des partenariats avec les gouvernements à cet effet ;

2.     plaider en faveur de l’intégration de l’égalité des sexes dans la mise en œuvre des droits à la santé et à la protection sociale ;

3.     mettre en place des réseaux de journalistes qui rendent compte des questions relatives à la santé et à la protection sociale ;

4.     contribuer aux efforts de sensibilisation et de lutte contre la corruption dans le cadre de la mise en œuvre des droits à la santé et à la protection sociale ;

5.     fournir des évaluations et analyses sur la mise en œuvre des droits à la santé et à la protection sociale du point de vue de la société civile ;

6.     s’engager dans la recherche et le suivi de la mise en œuvre des droits à la santé et à la protection sociale ;

7.     fournir des rapports alternatifs aux mécanismes régionaux des droits de l’homme concernant la mise en œuvre des droits à la santé et à la protection sociale.

 

Fait à Windhoek, Namibie, le 29 juin 2022