Le Commissaire en charge du suivi de la situation des droits de l’homme en République Démocratique du Congo (RDC), l’Honorable Commissaire Marie Louise Abomo et le Rapporteur Spécial sur la Liberté d’Expression et l’Accès à l’Information en Afrique, l’Honorable Commissaire Jamesina Essie L. King (les Rapporteurs), dans le cadre des dispositions de l'article 45.2 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Charte Africaine), ont appris avec consternation l’assassinat dans la nuit du vendredi au samedi 14 Août 2021 du journaliste Joël Musavuli, dans le Nord-Est de la RDC, en Ituri.
Les rapporteurs ont été informés du fait que le journaliste qui vivait déjà en clandestinité avec 8 autres de ses confères depuis novembre 2019 à cause des menaces proférées à leur encontre par des groupes armés, a été abattu par des hommes armés non identifiés. Il aurait été poignardé aux côtes et au cou. Il est rapporté également que sa femme gravement blessée à la machette, a finalement succombé à ses blessures. Cette attaque qui lui a été fatale fait suite selon diverses sources crédibles aux menaces dont le journaliste Joël Musavuli a fait l’objet à cause de son émission « Rahiya Tufungule Macho » (Population ouvrons nos yeux) du 26 juin qui analysait l'évolution de l'état de siège et de la nocivité des groupes armés.
Les Rapporteurs notent également que le défunt Joël Musavuli n’est pas le premier journaliste à subir ce sort dans la région. C’est donc avec inquiétude et très préoccupés, qu’ils lancent un appel à l’Etat de la RDC afin que des mesures urgentes soient prises pour assurer la sécurité et l’intégrité physique des journalistes et de leurs familles, surtout ceux qui sont les plus à risque selon les données factuelles disponibles.
Tout en dénonçant ces attaques barbares contre des personnes innocentes qui ne font qu’exercer leurs droits et remplir leur obligation de rendre l’information accessible aux populations, les Rapporteurs rappellent à l’Etat que la liberté d’expression et la liberté d’opinion sont garantis par la Charte Africaine dont la RDC est un Etat partie, et certains autres de ses instruments complémentaires. Plus spécifiquement, cette attaque intervient dans un contexte international où les attaques de ce type sont sujettes à l’attention particulière des acteurs pertinents au point que depuis 2013, les Nations Unies ont institué le 2 novembre comme la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes
La Commission souhaite réitérer le principe 20 de la Déclaration de principes sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique, qui stipule ce qui suit :
(2) Les États prennent des mesures pour prévenir les attaques contre les journalistes et autres professionnels des médias, notamment les meurtres, les exécutions extrajudiciaires, la torture et autres formes de mauvais traitements, les arrestations et détentions arbitraires, les disparitions forcées, les enlèvements, les intimidations, les menaces et la surveillance illégale exercée par des acteurs étatiques et non étatiques.
(4) les États prennent des mesures efficaces, juridiques et autres, pour enquêter sur les attaques contre les journalistes et autres professionnels des médias, en poursuivre et en punir les auteurs, et veillent à ce que les victimes aient accès à des recours effectifs.
La Commission souhaite également réitérer les dispositions de la Résolution 468 sur la sécurité des journalistes et des professionnels des médias en Afrique qui stipule que les Etats doivent :
(1) Prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter leurs obligations en vertu de la Charte africaine et d'autres instruments internationaux et régionaux prévoyant le droit à la liberté d'expression et l'accès à l'information, et mettre en œuvre les principes de la Déclaration ;
(2) Assurer la sécurité des journalistes et autres professionnels des médias, et créer un environnement propice à l'exercice de leur profession ;
(9) Enquêter, poursuivre et punir les auteurs d'attaques contre des journalistes et d'autres professionnels des médias, veiller à ce que les victimes aient accès à des voies de recours efficaces et prendre des mesures spécifiques pour assurer la sécurité des femmes journalistes et des professionnels des médias en répondant aux préoccupations de sécurité propres à chaque sexe.
En ce sens, les Rapporteurs exhortent l’Etat à ouvrir sans délais des enquêtes neutres et impartiales pour élucider les circonstances de ces assassinats et des autres si ce n’est pas encore fait, afin que les coupables répondent de leurs actes devant la justice. Ils exhortent également l’Etat à s’assurer que les droits de l’homme, en l’occurrence les droits à la vie, à l’intégrité physique, la liberté d’expression et d’opinion des journalistes et des défenseurs de droits de l’homme soient respectés.
Les Rapporteurs présentent leurs condoléances les plus attristées aux familles des victimes et restent saisis de la situation des droits de l’homme en RDC.
Honorable Commissaire Marie Louise Abomo
Le Commissaire en charge du suivi de la situation des droits de l’homme en République Démocratique du Congo
Honorable Commissaire Jamesina Essie L. King
Rapporteur Spécial sur la Liberté d’Expression et l’Accès à l’Information en Afrique