Le Rapporteur spécial sur les Réfugiés, les Demandeurs d’asile, les Personnes déplacées et les Migrants en Afrique exprime sa vive préoccupation quant à la décision de la République du Soudan d’expulser du Darfour les organisations humanitaires nationales et internationales ainsi que leur personnel, suite à l’inculpation du Président Omar El Bachir de la République du Soudan par la CPI.
Le Rapporteur spécial est préoccupé par l’expulsion des travailleurs et des organisations humanitaires du Darfour qui prive 2 millions de personnes déplacées au Darfour de la protection et de l’assistance dont elles bénéficiaient, suite à leur déplacement forcé de leurs villages et d’autres lieux de résidence habituelle au Darfour. La population civile du Darfour a souffert de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, du fait de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui auraient été commis par les forces militaires gouvernementales, la milice Janjawid et les diverses forces rebelles intervenant au Darfour, au cours des six derniers mois du conflit. Ces violations ont fait l’objet d’investigations de la part du Procureur de la CPI, qui ont mené, entre autres, à l’inculpation du Président El Bachir par la CPI, le 4 mars 2009.
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a condamné à maintes reprises la violation des droits humains de la population du Darfour et a exhorté les parties au conflit au respect de leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits de la personne, et à oeuvrer en faveur du règlement du conflit.
Le Rapporteur spécial est préoccupé par le fait qu’en dépit de ce qui précède, les dirigeants soudanais sont en train d’intensifier la campagne contre l’inculpation par la CPI, au lieu de traiter la question importante de la lutte contre l’impunité au Darfour. Le Rapporteur spécial estime que l’expulsion des organismes humanitaires et de leur personnel est susceptible de causer beaucoup plus de souffrance aux personnes déplacées au Darfour. La décision est un autre signe que le Soudan n'a pas bien abordé la lutte contre l’impunité.
Le Rapporteur spécial condamne l’enlèvement de membres du personnel de l’organisation MSF et exige leur libération immédiate par les personnes, groupes ou forces qui les ont enlevés, quels qu’ils soient.
Le Rapporteur spécial est également préoccupé par le fait que la position adoptée par l'Union africaine concernant l’inculpation par la CPI est comme un fauxfuyant dans sa lutte contre l’impunité. L’Acte constitutif de l’Union africaine exige de chaque Etat membre qu'il lutte contre l’impunité, en gardant à l’esprit l’histoire tragique du continent.
Dans un passé récent, l’Afrique a pris des mesures audacieuses pour lutter contre l’impunité, avec le soutien de la communauté internationale, à travers le travail du Tribunal pénal international pour le Rwanda, du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, les enquêtes de la CPI et les poursuites des auteurs présumés de crimes internationaux en RDC, en République centrafricaine et en Ouganda, ainsi que l’adoption d'instruments juridiques comme la Déclaration et les protocoles de la Conférence internationale sur la Région des Grands auxquels le Soudan est partie. Trente Etats africains ont ratifié le Statut de Rome et sont donc liés par les efforts déployés par la communauté internationale pour lutter contre les crimes internationaux.
La préoccupation de l’Afrique eu égard à la protection et à l’assistance des personnes déplacées en Afrique qui constituent plus de la moitié de la population déplacée du monde, a mené l’UA à élaborer un instrument juridique sur la prévention des déplacements forcés, la protection et l’assistance des personnes déplacées. Le projet de convention est susceptible d’être adopté par l’UA très prochainement.
C’est compte tenu de ce qui précède que j’exhorte le gouvernement soudanais à annuler sa décision d’expulser les organismes humanitaires internationaux, de redoubler d’efforts pour trouver une solution durable au conflit du Darfour et de coopérer avec la communauté internationale en vue de résoudre la question de la CPI.
J'exhorte également les Nations Unies et l’Union africaine à continuer d’oeuvrer en étroite collaboration en vue de renforcer l’UNAMID et de s’assurer que la lutte contre l’impunité en Afrique n’est pas compromise.
(signé)
B.T. Nyanduga.
Rapporteur spécial.
Dar es Salaam.
13 mars 2009.