Communiqué de presse sur la mission de promotion en Union des Comores

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La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) a effectué une mission de promotion dans l’Union des Comores du 16 au 20 septembre 2024. Cette mission, la première sur le territoire comorien s’inscrit dans le cadre du mandat de promotion de la Commission tel que prévu à l’article 45(1) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine). Les objectifs de la mission étaient entre autres, d’engager un dialogue avec le Gouvernement de l’Union des Comores ainsi que les différentes parties prenantes sur les mesures législatives, institutionnelles et autres prises pour donner effet aux dispositions de la Charte africaine et des autres instruments régulièrement ratifiés par l’Union des Comores.

La mission a également été l’occasion de sensibiliser sur l’importance de la ratification des différentes conventions des droits de l’homme qui ne le sont pas encore, mais surtout encourager l’Union des Comores à présenter son rapport initial devant la Commission afin de respecter ses obligations vis-à-vis de la Charte africaine.

La délégation était composée de :
•    L’Honorable Commissaire Rémy Ngoy Lumbu, Président de la Commission, Rapporteur Spécial sur les Défenseurs des droits de l’homme, Point focal sur les représailles et Point focal sur l’indépendance judiciaire en Afrique (Chef de délégation) ; 
•    L’Honorable Commissaire Janet Ramatoulie Sallah-Njie, Vice-présidente de la Commission, Rapporteure spéciale sur les droits de la femme en Afrique ; et de
•    L’Honorable Commissaire Idrissa Sow, Commissaire en charge du suivi de la situation des droits de l’homme dans l’Union des Comores et Président du Groupe de travail sur la Peine de mort et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique.

La délégation était accompagnée de M. Eric Bizimana et Mme Estelle Nkounkou Ngongo, Conseillers juridiques au Secrétariat de la Commission. 

La délégation a débuté sa mission par une visite de courtoisie au Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale chargé du monde Arabe, de la Diaspora, de la Francophonie et de l’Intégration africaine, Honorable M. Mbae Mohamed. 

La délégation a tenu des réunions avec les autorités suivantes :
•    Le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale chargé du monde Arabe, de la Diaspora, de la Francophonie et de l’Intégration africaine ;
•    Le Ministre de la Justice, des Affaires islamiques et de la Fonction publique, chargé des Droits de l’Homme et des Administrations publiques ;
•    Le Ministre de l’Economie, de l’Industrie, des Investissements, chargé de l’Intégration économique ;
•    Le Ministre de l’Environnement, chargé du Tourisme ;
•    Le Secrétaire général du Ministère de la Jeunesse, de l’Emploi, du Travail, des Sports, des Arts et de la Culture ;
•    La Secrétaire générale du Ministère de la Promotion du genre, de la Solidarité et de l’Information, Porte-parole du Gouvernement ;
•    Le Directeur de cabinet du Ministre de l’Intérieur, de la Décentralisation et de l’Administration territoriale, chargé des Relations avec les institutions ; et
•    Le Directeur de cabinet du Ministre de la Santé et de la Protection sociale.

La délégation a également échangé avec :
•    Le Président de l’Assemblée de l’Union ;
•    La Commissaire au Plan ;
•    La Commission nationale des droits de l’homme et des libertés ; 
•    Le Président de la Cour suprême ;
•    Le Premier substitut du Procureur général de la République ;
•    Le Procureur général près la Cour d’appel ;
•    Le Procureur de la République ;
•    La Vice-présidente du Barreau
•    La Maison des Organisations de la Société Civile ; et
•    L’Union européenne.

Au cours de sa mission, la délégation a interagi avec les structures, les institutions, les organismes privés, les organisations non gouvernementales et l’Union européenne, afin de s'assurer que les obligations contenues dans la Charte sont prises en compte par les autorités comoriennes.

La délégation a eu une séance de travail avec les experts techniques des différents ministères pour discuter sur les questions pertinentes à la mise en œuvre des droits contenus dans la Charte africaine et d’autres instruments pertinents relatifs aux droits de l’homme sous la responsabilité de surveillance de la Commission.

Elle a visité la prison de Moroni, et le Service d’écoute des femmes et des enfants victimes de violences sexuelles, psychologiques, physiques, culturelles et économiques. 

La délégation félicite le Gouvernement de l'Union des Comores pour sa volonté politique et son engagement en faveur des droits de l'homme, son ouverture, sa transparence et ses discussions franches tout au long de la mission. 

La délégation a été reçue par le Ministre de l’Energie, de l’eau et des Hydrocarbures, en sa qualité de Ministre Premier afin de discuter avec lui des conclusions préliminaires de la mission.

La délégation note des développements positifs et des progrès dans les domaines suivants :
•    L'engagement personnel du Président de la République en faveur de la protection et de la promotion des droits des femmes, lui valant d'être désigné par l'Union africaine comme l'un des champions de la masculinité positive ;
•    Le statut particulier accordé aux femmes dans la société comorienne, notamment le système matrilinéaire «Manyaoli »;
•    La constitutionalisation des droits de l’homme depuis 2018 ; 
•    Le moratoire de fait sur l’exécution de la peine de mort depuis 1997 ; 
•    La construction d’un bloc séparé pour les femmes et les mineurs à la maison d’arrêt de Moroni ; 
•    Les efforts de formation des magistrats pour répondre au manque d’effectifs suffisants dans le secteur de la justice ; 
•    L’octroi des subventions aux associations travaillant sur les questions relatives aux  droits des femmes et  des enfants ; 
•    Le pourcentage du budget alloué à la santé (14% du budget) ; 
•    La décentralisation judiciaire et la création des tribunaux pour mineurs ; 
•    La mise en place du service d’écoute aux victimes de violence ; 
•    La prise des mesures en vue de la lutte contre les mariages précoces ; 
•    Le renforcement des sanctions contre les auteurs de violences faites aux femmes et aux enfants ; 
•    La libération des prisonniers politiques ; 
•    L’institutionnalisation d’une police nationale non armée pour éviter les bavures et dérapages ; 
•    Les progrès réalisés ces dernières années pour améliorer la représentation des femmes dans l’Exécutif et l’Assemblée de l’Union ;
•    Des programmes élaborés par les différents ministères qui intègrent une approche fondée sur les droits humains, notamment l’autonomisation des femmes, et dans la réponse aux violences faites aux femmes et aux enfants, la mise en place d’une ligne d’assistance téléphonique pour les victimes de violences, l’adoption de mesures de lutte contre le mariage précoce, le renforcement des sanctions contre les auteurs de violences faites aux femmes et enfants ;
•     La promotion de l’économie bleue, l’approvisionnement en eau et électricité des zones rurales, l’autonomisation des femmes ; et 
•    La couverture médicale universelle.

Elle se réjouit de l’engagement des autorités comoriennes à ratifier les traités qui ne le sont pas encore et à soumettre son rapport initial auprès de la Commission dans les meilleurs délais. 

La délégation relève cependant la persistance de quelques défis qui entravent la protection effective des droits de l’homme. Il s’agit entre autres de :
•    La vétusté des prisons, l’insuffisance des repas offerts aux détenus, la surpopulation carcérale, les détentions préventives prolongées, le maintien en détention des personnes ayant purgé leurs peines ; 
•    L’absence d’un système d’aide juridictionnelle, l’insuffisance du personnel judiciaire ; 
•    Le manque de formation et de spécialisation des magistrats, notamment en ce qui concerne la justice pour enfants ; 
•    Les ingérences dans le fonctionnement du Barreau ; 
•    L’interdiction de l’avortement sauf dans des cas très limités ;
•    Le taux de déscolarisation préoccupant des jeunes ;
•    Le manque de dynamisme des Organisations de la Société Civile et des défenseurs des droits de l’homme en général ; et
•    Les restrictions à la liberté de réunion, d’association et d’expression, en raison du cadre juridique existant qui exige une autorisation expresse pour l’exercice du droit de manifester.

Un rapport détaillé de la mission sera produit ultérieurement, mais la délégation encourage d’ores et déjà le gouvernement comorien à :
•    Renforcer son engagement, ses programmes, plans et politiques en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme ;
•    Mettre effectivement à disposition dans les plus brefs délais le budget alloué à la Commission nationales des droits de l’homme et des libertés ;
•     Prendre les mesures nécessaires urgentes en vue d’améliorer les conditions carcérales, en assurant aux prisonniers et détenus une alimentation adéquate, réduire la longueur des détentions préventives, mettre fin au maintien en prison des personnes ayant purgé leurs peines et s’assurer de l’indemnisation des personnes victimes de longues détentions non suivies de condamnation ;
•    Appliquer les alternatives à la détention et à l’emprisonnement, comme stipulé dans le code pénal, en l’occurrence le sursis probatoire et/ou les travaux d’intérêt général ;
•    Prévoir la construction de nouvelles prisons ;
•    Revoir la politique de refus systémique de la liberté provisoire aux personnes accusées de violences sexuelles, en tenant compte notamment de l’intérêt supérieur de l’enfant poursuivi ;
•     Poursuivre les efforts pour l’autonomisation des femmes, et leur représentation dans les instances de prise de décisions ;
•    Mettre un terme à la discrimination entre la femme et l’homme en ce qui concerne la transmission de la nationalité au conjoint étranger ;
•    Prendre des mesures urgentes pour la formation et la spécialisation des magistrats
•    Accélérer la mise en place de l’aide juridictionnelle ;
•    Œuvrer pour l’éradication de la dermatose au sein de la population carcérale ;
•     Ratifier les instruments régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme ; 
•    Soumettre son rapport initial à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans les plus brefs délais.

La délégation exprime sa gratitude au gouvernement de l’Union des Comores pour les facilités mises à sa disposition pendant la mission et pour le dialogue constructif avec toutes les parties prenantes.

Elle exprime en particulier sa profonde gratitude au Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale chargé du monde Arabe, de la Diaspora, de la Francophonie et de l’Intégration africaine, qui a été le pilier de l'organisation de cette mission, ainsi qu’à ses collaborateurs particulièrement le Directeur général des affaires politiques et juridiques, M. Faiçoil Mohamed Djitihadi, cheville ouvrière de cette mission, et son équipe.

La mission a été clôturée par une rencontre avec les médias et une conférence de presse.

Fait à Moroni, le 20 septembre 2024