Rapporteur Spécial sur les Défenseurs des Droits de l’Homme et Point Focal sur les Représailles en Afrique - 75OS

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I.INTRODUCTION

1.Le présent rapport est préparé et soumis conformément aux articles 25(3) et 64 du Règlement Intérieur (2020) de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission). Il rend compte des activités de promotion et de protection des droits de l’homme entreprises au cours de la période d’intersession, depuis la 73ème Session Ordinaire de la Commission tenue en présentiel à Banjul 20 octobre 2022 au 9 Novembre 2022. 

2.En particulier, ce rapport indique d’abord les activités menées en vertu du mandat qui nous a été confié en notre qualité de Rapporteur Spécial sur les défenseurs des droits de l’homme et Point focal sur les représailles en Afrique. Pour rappel, ce mécanisme spécial a été créé par la Résolution ACHPR/ 69(XXXV) 04 de la Commission africaine dont le mandat a été renouvelé en vertu des Résolutions CADHP/Res.83(XXXVIII)05,CADHP/Res.125(XXXXII)07,CADHP/Res.149(XLV) 09,CADHP/Res.202(L)2011,CADHP/Res.248(LIV)2013,CADHP/Res.83(XXXVII) 05,CADHP/Res.273(LV)14,CADHP/Res.315(LVII)2015,CADHP/Rés.381(LXI)2017, CADHP/Rés. 425 (LXV) 2019, et CADHP/Rés.451 (LXVI) 2020.

3.Il présente ensuite une brève analyse de la situation des Défenseurs des droits de l’homme, de la liberté d’association et de réunion ainsi que des représailles en Afrique. Il présente, enfin, des recommandations, à l’endroit des différents acteurs. 

II.ACTIVITES DE PROTECTION 

4.En ma qualité de Rapporteur Spécial sur des Défenseurs des Droits de l’Homme et Point Focal sur les Représailles en Afrique et en vertu de mon mandat, les grandes activités de protection effectuées pendant la période sous analyse sont principalement constituées par les Communiqués de Presse sur les situations de violation des droits des défenseurs des droits de l’Homme et des Lettres d’Appel Urgents. 

A.Communiqués de Presse

5.Le 23 janvier 2023, conjointement avec Hon. Dr. Litha Musyimi-Ogana, Rapporteur sur la situation des droits de l’homme pour le Royaume d’Eswatini, nous avons publié un communiqué de presse à la suite de l'assassinat tragique du célèbre avocat des droits de l'homme et activiste politique, Adv. Thulani Maseko, le 21 janvier 2023, dans le Royaume d'Eswatini. A cette occasion nous avons condamné cet acte ignoble et demandé au gouvernement du Royaume d'Eswatini d'ouvrir une enquête indépendante sur le meurtre de l'avocat Maseko en vue d'appréhender, de poursuivre et de punir les auteurs de cet assassinat.

6.Le 24 Janvier 2023, conjointement avec Honorable Commissaire Ourveena Geereesha Topsy-Sonoo,  Rapporteure Spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, nous avons publié un communiqué sur l’assassinat de M. MBANI ZOGO Arsène Salomon, connu sous le nom de Martinez Zogo, journaliste d’investigation camerounais, animateur et directeur de la radio Amplitude FM enlevé devant un poste de gendarmerie, à Yaoundé le 17 janvier 2023 et dont le corps sans vie avec d’importants sévices corporels et en décomposition avancée a été retrouvé le 22 janvier 2023 au quartier dit EBOGO 3, en République du Cameroun. Nous avons invité le gouvernement camerounais à mener des enquêtes indépendantes et impartiales afin d’identifier et de poursuivre les auteurs de cet assassinat. 

7.Le 13 février 2023, conjointement avec Hon. Maya Sahli Fadel, Rapporteure sur la situation des droits de l’homme en République Islamique de Mauritanie, nous avons publié un communiqué de Presse à la suite du décès, vendredi 10 février 2023, de M. Souvi Ould Jibril Ould Cheine, dû aux mauvais traitements en détention. Nous avons invité les autorités mauritaniennes à mener une enquête rapide et indépendante et de prendre toutes les mesures nécessaires afin de faire la lumière sur les circonstances du décès de M. Souvi Ould Jibril Ould Cheine ; et d'entamer des poursuites à l'endroit des auteurs de cet acte criminel qui a porté atteinte au droit à la vie protégé par l’article 4 de la Charte africaine.

8.Le 24 février 2023, j’ai publié un communiqué de presse à la suite de la dissolution en date du 23 février 2023, par les autorités judiciaires algériennes, de l’Association dénommée Rassemblement Actions Jeunesse RAJ créée depuis 1992 qu’on avait reprochée d’agir en contradiction avec la loi sur les associations, une loi qui est, elle-même, contestée par plusieurs Organisations de la Société Civile algérienne.  J’ai fortement  déploré  une telle mesure  et rappelé aux autorités algériennes que pareille décision bien qu’elle soit judiciaire,  n’en demeure pas moins  contradictoire avec les obligations découlant des articles 10 et 11 sur la liberté d’association  et de réunion protégées par la Charte Africaine ;   ainsi que  d’ autres instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme auxquels l’Algérie est partie et j’ai par conséquent invité  les autorités algériennes à examiner souverainement les voies et moyens de son annulation.

9.Le 27 février 2023, J’ai publié un communiqué de Presse à la suite de la situation des membres de la société civile congolaise (RDC) qui se sont vus assignés à résidence par la Police Ethiopienne dans leur Hôtel à Addis Abeba en Ethiopie, en marge de la 42ème Session du Conseil exécutif et de la 36ème Session Ordinaire du Sommet de l’Union au moment où ils s’apprêtaient à quitter leur Hôtel. Dans ce communiqué, j’ai rappelé aux autorités de ce pays que de tels actes, commis pendant les réunions statutaires de l’Union Africaine,  sont en contradiction avec les obligations de respect et de protection des droits de l’homme en vertu de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Charte Africaine) et des autres instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme auxquels l’Ethiopie est partie et que les autorités éthiopiennes devraient prendre des mesures nécessaires à l’avenir pour éviter de tels incidents.

B.Appels Urgents 

10.Au cours de la période en examen, le mécanisme a reçu de plaintes portant sur des allégations de violations des droits de l’homme, auxquelles il a donné suite selon les besoins spécifiques de chaque cas. Certaines de ces plaintes ont été suivies d’appels urgents adressés aux autorités des pays concernés. Ainsi, 3 lettres d’appel urgent ont été envoyées au Sénégal, au Cameroun et au Djibouti. 

11.En date du 4 Janvier 2023, conjointement avec l’Honorable Commissaire Geereesha Topsy-Sonoo Rapporteure Spéciale sur la Liberté d'Expression et l'Accès à l'Information en Afrique et l’Honorable Commissaire Maya Sahli- Fadel Rapporteur sur la situation des Droits de l’Homme en République du Sénégal, en réponse aux allégations d’une arrestation et détention arbitraires du défenseur des droits de l’homme et journaliste d’investigation Pape Alé Niang. 

12.En date du 27 février 2023, en ma double qualité de Rapporteur Spécial sur les Défenseurs des Droits de l’Homme et Point Focal sur les Représailles en Afrique, et Rapporteur sur la situation générale des droits de l’homme en République du Cameroun, j’ai adressé un Appel Urgent aux autorités du Cameroun à la suite des allégations d’assassinat de Jean-Jacques Ola Bebe, prêtre de l’église catholique orthodoxe et Journaliste présentateur à la Radio Galaxy FM à Yaoundé, survenu le 02 février 2023 à Yaoundé, deux semaines après l’assassinat de Monsieur Martinez Zogo, un autre journaliste qui luttait contre les détournements des fonds publics. J’ai demandé aux autorités de faire des enquêtes sur ces assassinats afin que les auteurs soient traduits en justice.

13.En date du 16 mars 2023, conjointement avec Honorable Hatem Essaem, Rapporteur en charge du suivi de la situation des droits de l’homme (Rapporteur-Pays) en République de Djibouti, nous avons envoyé une lettre de préoccupation aux autorités Djiboutiennes à  la suite de l’expulsion de deux représentants de la Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH), Me Alexis Deswaef, -Vice-Président de l’Organisation- et Mme Victoire d’ Humieres,- chargée de programme d’Afrique de l’Est dans cette organisation alors que alors qu’ils étaient en mission de travail et qu’ils avaient tous obtenu de visas valides avant leur voyage.  

14.Dans notre lettre, nous avons rappelé aux autorités de la République de Djibouti que ces actes constituent une violation de la Charte Africaine en particulier l’article 6 sur le droit à la liberté et la sécurité de la personne, l’article 9 sur le droit à l’information et l’article 10 sur le droit à la liberté d’association. Par conséquent, nous leur avons demandé de mener, le cas échéant, les enquêtes sur les circonstances liées à l’arrestation et l’expulsion alors qu’ils étaient porteurs de visas réguliers ; et de s’assurer de l’intégrité physique et psychologique des défenseurs des droits de l’homme au Djibouti en général.

Réponses des Etats aux Appels Urgents

15.Au cours de la période sous examen, le mécanisme a reçu une seule réponse, celle du Gouvernement de la République de Djibouti par rapport à la lettre de préoccupation envoyée conjointement avec Honorable Commissaire Hatem Essaiem Rapporteur pays du Djibouti à la suite de l’expulsion de deux représentants de la Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH). 

16.Dans sa réponse datée du 13 avril 2023, la République de Djibouti a clarifié les circonstances de l’expulsion de Me Alexis Deswaef et Mme Victoire d’Humieres de la FIDH. Elle nous a signifié que les deux représentants de la FIDH étaient entré dans le pays en utilisant un e-visa qui n’est valide que si le but de voyage est le tourisme, le commerce ou transit alors qu’en réalité le but de leur voyage était professionnel car, arrivés au pays, ils n’ont pas hésité de saisir les autorités djiboutiennes pour des rendez-vous de travail notamment le ministre de la Justice.

17.En outre, dans leur réponse, ils nous ont indiqué que ces deux personnes avaient soumis des dossiers de demande de visas professionnels aux représentants du gouvernement djiboutien à Bruxelles mais que ces derniers n’avaient pas pu les traiter dans les délais habituels en raison de l’organisation des élections législatives du 24 février 2023 pour tous leurs citoyens vivant en Europe. 

18.Nous remercions les autorités djiboutiennes pour leur réponse à nos préoccupations et leur encourageons à continuer dans la même voie. Nous invitons les États qui n’ont pas encore répondu de prendre des dispositions nécessaires pour répondre aux correspondances qui leur ont été adressées, afin d’y apporter des éclaircissements sur les mesures prises pour remédier aux situations pour lesquelles ils étaient saisis.

III.ACTIVITES DE PROMOTION 

19.Les activités de promotion des droits de l’homme auxquelles j’ai participé concernent surtout la participation aux réunions et séminaires de sensibilisation. 
  
A.Participation à une réunion stratégique à Varsovie du 28-30 novembre 2022 

20.En date du 28 au 30 novembre 2022,  sur invitation du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Droits à la liberté de réunion pacifique et d'association, Monsieur Clément Voule, j’ai participé à une réunion stratégique avec les représentants des mécanismes régionaux chargés de protéger ces droits, à savoir la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH), la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP), le Bureau des Institutions Démocratiques et des Droits de l'Homme (BIDDH) de l'OSCE, le Bureau du Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe et la Commission intergouvernementale des droits de l'homme de l'ASEAN.

21.L'objectif de cette réunion était de discuter des tendances émergentes et d'identifier les priorités de la collaboration entre l'UNSR FoAA et les mécanismes régionaux afin de renforcer la protection du droit à la liberté de réunion pacifique et d’association aux niveaux international et régional. À l'issue de la réunion, les experts ont élaboré, en collaboration avec la société civile, une feuille de route qui servira de plan stratégique pour la coopération entre les mécanismes internationaux et régionaux.

B.Participation au Séminaire régional sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique lusophone 
22.En ma qualité de Rapporteur spécial sur les défendeurs des droits de l’homme et point Focal sur les Représailles en Afrique, j’ai participé, à Johannesburg, en Afrique du Sud en date du 1er au 3 Février 2023, à un séminaire régional sur la liberté d’expression et accès à l’information en Afrique. Ce séminaire était organisé par Honorable Geereesha Topsy-Sonoo, la Rapporteure spéciale sur la liberté d'expression et l'accès à l'information, en collaboration avec Honorable Maria Teresa Manuela, Commissaire rapporteur pour les États lusophones parties à la Charte africaine.

23.L’objectif principal du séminaire était de sensibiliser et de diffuser la Déclaration sur les principes de la Liberté d’Expression et de l'Accès à l'Information en Afrique (la Déclaration de 2019), en ciblant spécifiquement les États parties de l'Afrique lusophone. Le séminaire a également permis aux participants d'acquérir des connaissances sur l'importance des droits à la liberté d'expression et à l'accès à l'information, tels qu'ils sont définis dans la Déclaration. Il a également éclairé les participants sur d'autres lois non contraignantes et la jurisprudence de la CADHP, relatives à la liberté d'expression et à l'accès à l'information.

C.Participation au webinaire organisé par le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion et d’association 
 
24.J’ai pris part à un webinaire organisé par le Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, le 24 mars 2023 en marge de la 52ème Session du Conseil des droits de l’homme. Le thème du webinaire était centré sur le « Renforcement de la capacité d’intervention des mécanismes internationaux et régionaux dans la protection des droits à la liberté de réunion pacifique et d'association ».

25.L’évènement nous a permis de poursuivre et peaufiner les échanges en vue d’identifier des perspectives stratégiques indispensables au réajustement de notre action complémentaire ; relativement notamment au renforcement de nos capacités d’intervention pour une promotion et une protection effective du droit à la liberté d’association et de réunion pacifique. 

26.J’aimerais féliciter et remercier M. Clément Voulé pour cette louable initiative qui nous offre d’immenses opportunités de travailler en synergie pour la réalisation de notre objectif commun qui est la protection effective du droit à la liberté d’association et de réunion, notamment par la conduite des projets conjoints et la formulation des recommandations cohérentes aux Etats qui sont les premiers responsables de la réalisation de ces droits dans leurs pays respectifs.

D.Participation en tant que paneliste au Lancement du Guide et des Directives pour la protection des femmes défenseurs des droits humains en Afrique

27.En date du 10 Mars 2023, j’ai participé en tant que paneliste au lancement du Guide et des Directives pour la protection des femmes défenseurs des droits humains en Afrique qui s’est tenu à Nairobi, République du Kenya. En partenariat avec ONU Femmes, Equality Now a examiné et évalué les protocoles et systèmes existants qui visent à promouvoir et à protéger les droits des FDDH, et a ensuite utilisé cette évaluation pour élaborer un guide et des lignes directrices qui peuvent être adoptés par les pays cibles. 

28.Les principaux objectifs de ce lancement étaient notamment : 

 Présenter et promouvoir le guide et les Lignes directrices et partager et discuter de son contenu.
Mettre en évidence les différentes normes internationales et régionales et les meilleures pratiques nationales pour assurer la protection et la promotion des droits des femmes défenseurs des droits humains.

Réunir les principales parties prenantes afin de discuter davantage des défis et des opportunités en ce qui concerne la protection et la promotion des droits des femmes défenseurs des droits humains en Afrique.

E.Réunion régionale sur le renforcement de la compréhension des principaux intervenants sur la façon d’utiliser les lignes directrices de la CADHP pour protéger et promouvoir l’espace civique `
    
29.En date du 27 février 2023, j’ai animé une réunion sur la vulgarisation de lignes directrices sur la liberté de réunion et de manifestation en Afrique, en partenariat avec le Réseau des femmes pour le Développement (RFLD) et Civicus.

30.Les objectifs de cette activité étaient le suivants : accroitre la capacité des OSC des pays ciblés à participer aux mécanismes de l’ UA ;  actualiser, familiariser et équiper les groupes de la société civile des pays ciblés avec les compétences nécessaires pour s’engager au niveau de l’UA à travers les plaidoyers devant les organes de l’ UA, la tenue d’évènements parallèles, le dépôt des plaintes, les litiges ou l’utilisation des mécanismes spéciaux pour traiter les violations particulières des droits de la personne. 

31.Cette activité organisée sous forme de formation a eu lieu à Kinshasa en République démocratique du Congo. J’ai animé trois sessions portant respectivement sur les thèmes suivants. Primo, comment construire un espace civique sécurisé où les droits démocratiques fondamentaux sont préservés, promus et garantis. Secundo, renforcer la compréhension des principales parties prenantes et du grand public sur la manière d’utiliser les lignes directrices de ka CADHP pour protéger et promouvoir l’espace civique. Tertio, les recommandations pour la protection et la promotion de l’espace civique.  

F.Participation à une mission de sensibilisation au Gabon organisée par la Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique centrale (REDHAC) 

32.En date du 16 au 18 Avril, sur invitation du Réseau des Défenseurs de Droits Humains en Afrique Centrale (REDHAC), j’ai participé à une mission au Gabon pour le Renforcement institutionnel de la Coalition Pays -Gabon ; la Campagne pour l’utilisation des instruments et jurisprudences compilés des systèmes national, régional et international relatif aux Droits Humains, à la gouvernance, la démocratie, les élections ; la Formation sur l’utilisation de l’alerte précoce auprès des jeunes et des femmes concernant le monitoring et le reportant du processus électoral  et l’  Evaluation stratégique du plaidoyer pour l'adoption de la loi sur la « Protection et responsabilité du Défenseur des Droits Humains » .

IV.ANALYSE DE LA SITUATION DES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME EN AFRIQUE 

La liberté de réunion et de manifestation en Afrique 

33.La liberté de réunion et de manifester pacifiquement sont des droits essentiels à l’expression collective et à la défense de l’ensemble des droits humains. 

34.Le droit de réunion pacifique recouvre le droit d’organiser des réunions, des sit-in, des grèves, des rassemblements, des manifestations et d’autres événements, aussi bien en ligne que hors ligne. Le droit à la liberté d’association implique le droit des individus de communiquer et de s’organiser entre eux, en vue d’exprimer, de promouvoir, de poursuivre et de défendre collectivement des intérêts communs.

35.On observe cependant que, ces derniers temps, ce droit a fait souvent objet de restrictions dans certains Etats. 

36.Ainsi par exemple, nous avons noté des incidents d'usage excessif de la force par le personnel de sécurité au Kenya, dans le contexte des manifestations qui ont eu lieu dans le pays le 20 mars 2023 et le 27 mars 2023. Au cours de ces manifestations deux personnes, dont un étudiant de l'Université de Maseno, auraient été tuées dans la ville de Kisumu, à l'ouest du pays, lorsque des policiers ont tiré à balles réelles sur les manifestants. La répression a été également caractérisée par l'utilisation généralisée de gaz lacrymogènes contre les manifestants, ainsi que de l'arrestation de centaines d'entre eux.

37.Au Sénégal, au mois de mars, nous avons été profondément inquiétés par des atteintes au droit de manifester occasionnées par différents heurts entre manifestants et forces de l’ordre qui ont eu lieu dans plusieurs banlieues de la capitale Dakar et en provinces, notamment dans l’endroit où réside l’opposant politique M. Ousmane Sonko. Les forces de l’ordre lourdement étaient lourdement équipées et avaient pour mission d’empêcher tout rassemblement des sympathisants de M. Ousmane Sonko. 

38.Au Burundi, 5 défenseurs des droits humains ont été arbitrairement arrêtés le 14 février 2023 alors qu’ils s’apprêtaient de voyager pour une réunion de travail à l’extérieur du pays. Ils sont accusés de rébellion ainsi que d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État et au bon fonctionnement des finances publiques ; des accusations qui s’appuient sur leur relation avec une organisation internationale étrangère et le financement qu’ils ont reçu de sa part. Deux des défenseures travaillent pour l’Association des Femmes Juristes du Burundi (AFJB) et les trois autres pour l’Association pour la Paix et la Promotion des Droits de l’Homme (APDH). 

Situation des représailles en Afrique 

39.Comme reflété dans les développements antérieurs à travers les lettres d’appels urgents ainsi que les plaintes que nous recevons, nous constatons que les actes de représailles sont toujours d’actualité. Nous cotons à titre d’exemple les cas d’assassinat des défenseurs de droits de l’homme et des journalistes en raison de leurs activités.  

40.Nous renouvelons nos encouragements aux États à élaborer et à mettre en œuvre des politiques et des pratiques nationales plus solides et adéquates en matière de protection des défenseurs des droits de l'homme et d’entreprendre des enquêtes sur les menaces et les actes d'intimidation et de veiller à ce que les titulaires de droits et les victimes soient régulièrement informés de l'état d'avancement de leurs dossiers. 

V.   RECOMMANDATIONS 

41.Les recommandations formulées dans nos précédents rapports restent d’actualité. Le mandat souhaiterait que les Etats parties et les différents acteurs y compris ceux de la société civile se les approprient et s’attellent à leur mise en œuvre effective.

42.A cet égard, nous encourageons surtout les Etats à adopter les lois sur la protection des droits de l’homme et leurs activités. Ils doivent surtout s’abstenir d’adopter des lois liberticides tendant à restreindre l’espace civique et les activités légitimes de promotion et de défense des droits de l’homme des défenseurs ;

43.Nous recommandons également aux institutions nationales des droits de l’homme d’exercer pleinement leurs mandats de promotion et de protection des droits de l’homme afin de tenir les États responsables des violations commises contre les défenseurs des droits de l'homme et intervenir à l'appui des défenseurs qui pourraient être victimes de violations de leurs droits ;

44.Quant aux organisations de la société civile, nous les encourageons à continuer la collaboration avec les mécanismes nationaux, régionaux et onusiens pour la protection des droits de l'homme, afin de prévenir et de répondre aux violations des droits de l'homme commises contre les défenseurs des droits de l'homme ;

45.Tout en remerciant nos partenaires techniques et financiers de leur constant soutien, je les encourage à poursuivre leur appui au mécanisme dans ses actions en vue d’une meilleure promotion et protection des droits des défenseurs des droits de l’homme.

Tel est le contenu du rapport que je présente à la 75ème Session Ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples conformément aux règles 25(3) et 64 du Règlement Intérieur (2020).