85ème SESSION ORDINAIRE DE LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES (CADHP)
RAPPORT D'ACTIVITÉ INTERSESSIONS
HONORABLE COMMISSAIRE LITHA MUSYIMI-OGANA
Membre de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
Présidente du Comité sur la protection des droits des personnes vivant avec le VIH et des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH en Afrique
Rapporteure de pays pour la situation des droits de l’homme en République arabe d’Égypte, République de Gambie, République de Sierra-Leone, État d’Érythrée et Royaume d’Eswatini
Période couverte : mai 2025 - octobre 2025
Date : octobre 2025
INTRODUCTION
1. Le présent rapport est soumis en vertu des règles 25 (3) et 64 du Règlement intérieur 2020 de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (le Règlement intérieur) et du chapitre II (3) (d) des Règles de création et de fonctionnement des mécanismes spéciaux de la Commission (Procédures opérationnelles standard).
2. Il donne un aperçu des activités entreprises pendant la période intersessions, entre les 84ème et 85ème Sessions ordinaires de la Commission, en mes qualités de présidente du Comité sur la protection des personnes vivant avec le VIH et des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH en Afrique et de Rapporteure de pays pour la situation des droits de l’homme en République arabe d’Égypte, en République de Gambie, en République de Sierra-Leone, dans l’État d’Érythrée et le Royaume d’Eswatini et de membre de la Commission.
3. Le rapport est organisé en six (6) chapitres :
CHAPITRE PREMIER : Activités du Comité sur la protection des droits des personnes vivant avec le VIH et des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH en Afrique.
CHAPITRE 2 : Efforts de suivi des pays (Égypte, Gambie, Sierra-Leone, Érythrée, Eswatini).
CHAPITRE 3 : Activités intersessions menées en ma qualité de Membre de la Commission.
CHAPITRE 4 : Groupe de Travail sur les questions spécifiques.
CHAPITRE 5 : Recommandations.
CHAPITRE 6 : Conclusion.
Chapitre premier : Activités du Comité sur la protection des droits des personnes vivant avec le VIH et des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH en Afrique.
Forum des chefs traditionnels africains dans le Royaume d’Eswatini
1. En marge du Forum des chefs traditionnels africains, que j'ai organisé en ma qualité de présidente du Groupe de travail sur les populations/communautés et minorités autochtones en Afrique, du 5 au 9 septembre 2025 à Mbabane, dans le Royaume d’Eswatini, sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi Mswati III, j’ai convoqué une table ronde sur le VIH/SIDA au cours de laquelle le directeur de pays d’ONUSIDA dans le Royaume d'Eswatini et le chef du Conseil de prévention du VIH/SIDA dans le Royaume, entre autres responsables, sont intervenus. La table ronde a été un événement couronné de succès, dynamique et salué par les chefs traditionnels qui ont immédiatement formé un réseau pour soutenir les personnes vivant avec le VIH.
Réunion avec Safaricom sur le développement d’une application VIH
Pendant la période intersessions, les efforts se poursuivent en vue de mettre en œuvre la proposition du Comité visant à créer et lancer une application logicielle numérisée, qui est un programme communautaire visant à répondre aux considérables besoins des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et à fournir des soins à domicile, entre autres.
2. L’application logicielle (App) proposée, qui permettra de mettre en œuvre un programme de prise en charge du VIH/SIDA axé sur le patient, est conçue pour répondre à tout l’éventail des besoins des PVVIH à travers le continent et aux besoins physiques, sociaux, psychologiques et médicaux de leur famille.
Réunion avec les partenaires en marge de l’atelier continental du Ghana pour les ONG
4. J’ai tenu une réunion de suivi concernant le Groupe de haut niveau sur l’application VIH/SIDA qui s’est tenue à New York, aux États-Unis, le 14 mars, en collaboration avec l’Alliance africaine IPAS. La réunion de suivi s’est tenue le 26 septembre 2025 à Accra, au Ghana, en marge de l’atelier continental pour les ONG. Cette réunion était importante pour la planification des prochaines étapes du processus de développement de l’application VIH.
Déploiement en Afrique du Sud du vaccin anti-VIH (Lenacapavir) pour la prévention du VIH
5. Le Comité note que la République d’Afrique du Sud se prépare à introduire le médicament injectable à action prolongée, le lenacapavir, dans le cadre de sa stratégie nationale de prévention du VIH, marquant ainsi une étape importante dans la lutte mondiale contre le VIH. Il ressort des rapports que le lenacapavir, qui n’est administré que deux fois par an, a fait la preuve de sa remarquable efficacité en ce qui concerne la prévention de l’infection à VIH, en particulier parmi les populations à haut risque, comme les adolescentes et les jeunes femmes. Le déploiement prévu fait suite à des essais cliniques réussis et à des processus d’approbation réglementaire, ce qui positionne l’Afrique du Sud comme l’un des premiers pays au monde, et le premier en Afrique, à mettre en œuvre sur une grande échelle cet outil de prévention révolutionnaire. Cependant, l’utilisation de l’expression « vaccin » au lieu de produit « injectable » a suscité des inquiétudes, compte tenu de la fréquence à laquelle il doit être administré, soit tous les 6 mois.
6. Cette initiative devrait renforcer les mesures de prévention du VIH existantes, notamment par la prophylaxie préexposition orale (PrEP) et les préservatifs, en offrant une option discrète, pratique et très efficace aux personnes rencontrant des difficultés à respecter leur protocole thérapeutique quotidien. Non seulement ce développement renforce le leadership de l’Afrique du Sud en matière d’innovation et de riposte au VIH, mais il marque également une étape décisive sur la voie de la réduction des nouvelles infections et de la réalisation de l’objectif visant à faire de telle sorte que le SIDA ne soit plus une menace de santé publique d’ici 2030. J’appelle le gouvernement d’Afrique du Sud à veiller à ce que ce produit injectable soit sans danger et non un médicament de régulation des naissances.
Projets en cours pour la commémoration de la Journée mondiale du SIDA, 1 décembre 2025
7. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), par le biais de son Comité sur la protection des droits des personnes vivant avec le VIH et des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH en Afrique, entame une collaboration avec le Bureau d’ONUSIDA en Eswatini pour la commémoration de la Journée mondiale de la lutte contre le SIDA 2025.
8. Cette initiative a pour but de réaffirmer l’engagement régional et national à mettre fin au SIDA en tant que menace de santé publique d’ici 2030, en mettant un accent particulier sur les droits humains, l’équité et le leadership communautaire. Reconnaissant le rôle de leader du Royaume d’Eswatini dans la riposte mondiale au VIH, la collaboration proposée vise à mettre en évidence les progrès du pays, à relever les défis actuels et à renforcer le plaidoyer pour des ripostes au VIH inclusives et fondées sur les droits.
Chapitre 2 : Efforts de suivi du Rapporteur de pays (Égypte, Gambie, Sierra-Leone, Érythrée, Eswatini).
République arabe d’Égypte
9. En application de l’article 62 de la Charte des droits de l’homme et des peuples, la République arabe d’Égypte a soumis son 18ème - 19ème rapport périodique combiné couvrant la période 2019-2024. Le document a été présenté pour examen lors de la présente 85ème Session ordinaire. Cela fait suite à la visite d’information et de plaidoyer que j'ai effectuée en République arabe d’Égypte, du 9 au 16 décembre 2024, conformément à l’article 45 de la Charte africaine et de la règle 7 (b) du Règlement intérieur 2020 de la Commission, à l’invitation de Son Excellence l’Ambassadeur Khaled El-Bakly, ministre assistant des Affaires étrangères chargé des droits de l’homme et des questions internationales sociales et humanitaires, et également secrétaire général du Comité permanent suprême pour les droits de l’homme en République arabe d’Égypte.
10. À la suite de la soumission du 18ème et 19ème Rapport périodique combiné de la République arabe d’Égypte et de sa publication, la Commission a reçu des rapports parallèles de REDRESS Trust datés du 20 septembre 2025. J’ai également reçu, le 18 août 2025, une lettre cosignée par les ONG désignées ci-après, sur la situation des droits de l’homme en République arabe d’Égypte : Association pour la liberté de pensée et d’expression des droits de l’homme (AFTE), Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS), Comité pour la justice (CFJ), Dfater Masr, DIGNITY, Front égyptien pour les droits de l’homme (EFHR), Centre El Nadeem contre la violence et la torture, Commission internationale de juristes (CIJ), Law and Democracy Support Foundation, REDRESS Trust, Robert F. Kennedy Human Rights, Commission égyptienne des droits et libertés (ECRF), Organisation mondiale contre la torture (OMCT).
11. Tous ces rapports ont été pris en considération dans le processus d’examen du 18ème - 19ème Rapport périodique combiné de la République arabe d’Égypte.
12. Je félicite le gouvernement de la République arabe d’Égypte pour son engagement continu à remplir ses obligations en vertu de la Charte africaine et sa constante collaboration avec la Commission en vue de la promotion et de la protection des droits de l’homme dans le pays.
13. En plus de ce qui précède, le 23 octobre 2025, j’ai présenté des observations liminaires lors d’un événement parallèle intitulé « Perspectives sur la situation des droits de l’homme en Afrique du Nord : une étude de cas de l’Égypte et de la Tunisie », convoqué par Maat pour la paix, le développement et les droits de l’homme, en marge de la présente 85ème Session ordinaire de la Commission, en ma qualité de Rapporteure pour la situation des droits de l’homme en République arabe d’Égypte. Dans ces remarques liminaires, j’ai souligné l’importance du rôle de la société civile dans le suivi et la défense des droits humains.
République de Gambie
Lettre de félicitations conjointe à la Gambie pour la signature de la Convention de l’UA sur l’élimination de la violence contre les femmes et les filles (AUCEVAWG)
14. Le 29 juillet 2025, en ma qualité de Rapporteure de pays pour la République de Gambie, j’ai cosigné, avec la Rapporteure spéciale sur les droits des femmes en Afrique, une lettre conjointe de félicitations adressée à Son Excellence le Président Adama Barrow. Cette lettre félicitait le gouvernement de la Gambie d’avoir signé la Convention de l’Union africaine sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles (UA-CEVAWG), un instrument juridique historique dédié à la protection des femmes et des filles à travers le continent. J’ai salué le leadership audacieux et l’engagement dont les institutions nationales ont dû faire montre pour atteindre cet objectif. Tout en reconnaissant l’importance de cette signature, j’ai souligné le caractère crucial de la ratification et de la transposition dans le droit interne pour garantir la pleine mise en œuvre des dispositions de la Convention. J’ai également réaffirmé que la volonté de la Commission d’apporter son soutien à la Gambie tout au long du processus de ratification et de mise en œuvre.
Lettre d’appel urgent au gouvernement de la République de Gambie concernant le décès d’un bébé d’un mois victime de mutilations génitales féminines.
15. Le 14 août 2025, j'ai cosigné, avec d’autres Commissaires et Experts de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, une lettre conjointe d’appel urgent au président Adama Barrow. Cet appel faisait suite au décès tragique d’un bébé d’un mois des suites de complications consécutives à des mutilations génitales féminines (MGF). En tant que Rapporteure pour la République de Gambie, j’ai souligné les obligations de l’État en vertu du Protocole de Maputo et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant d’éliminer les pratiques néfastes. Nous avons appelé à l'ouverture d'une enquête approfondie, à l’obligation, pour les auteurs, de rendre compte et au renforcement des mesures nationales de prévention des MGF. J’ai réaffirmé que la Commission était prête à aider la Gambie à respecter ses engagements en matière de droits de l’homme et à protéger la vie et la dignité des femmes et des filles.
Rapports alléguant des arrestations arbitraires et un recours excessif à la force par les Forces de sécurité contre les manifestants et les journalistes en Gambie
16. Le 19 septembre 2025, en ma qualité de Rapporteure pour la Gambie, j’ai reçu une lettre d’une coalition d’organisations de la société civile gambienne, d’activistes et d’avocats, exprimant de vives préoccupations concernant des arrestations arbitraires, des mises en détention et une utilisation excessive de la force contre des manifestants pacifiques et des journalistes par les forces de sécurité de la République de Gambie, citant des incidents survenus le 15 septembre, le 22 août et le 25 août 2025.
17. Incident du 15 septembre 2025 : Le rapport reçu allègue que quatre individus : Omar Saibo Camara, Alieu Bah, Kemo Fatty et Momadou Camara, ont été arrêtés par les Forces de police de la Gambie alors qu’ils manifestaient pacifiquement devant le National Audit Office (NAO), à Banjul. Le document indique que les manifestants, menés par le groupe de la société civile gambienne contre les biens spoliés (Gambians against looted assets - GALA), s’étaient réunis pour exprimer leur solidarité avec le vérificateur général des comptes, M. Modou Ceesay, qui avait refusé une nomination ministérielle pour conserver son mandat constitutionnel.
18. Pendant la manifestation, la police aurait fait un usage excessif de la force, notamment en utilisant des gaz lacrymogènes sans discernement et en traitant brutalement les journalistes, dont l’un, reporter de Gambian Talent TV, avait été brièvement détenu. Comme allégué, les manifestants arrêtés avaient été ensuite accusés de rassemblement illégal et de trouble à l’ordre public et cités à comparaître devant le Tribunal d’instance en octobre 2025.
Incidents des 22 et 25 août 2025 : Le rapport allègue l’arrestation, les 22 et 25 août 2025, de 44 manifestants pacifiques qui protestaient contre une directive de l’Autorité de règlementation des services publics (PURA) concernant les tarifs de l’Internet. Les manifestants, pour la plupart des jeunes, exigeaient la suspension de ce qu’ils considéraient comme une politique régressive susceptible d'augmenter les coûts d’Internet et de restreindre l’accès numérique.
19. Le rapport reçu note que 23 manifestants avaient été formellement accusés devant les tribunaux de rassemblement illégal, de procession illégale et de trouble à l'ordre public, des infractions passibles de peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois (3) ans.
20. Les personnes arrêtées lors de ces deux incidents avaient été ensuite libérées avant que je n’aie le temps de rédiger une lettre d’appel urgent adressée au gouvernement pour leur libération et elles feraient aujourd’hui l’objet de poursuites devant les tribunaux nationaux, conformément aux accusations indiquées.
République de Sierra Leone
21. En tant que Rapporteure sur la situation des droits de l’homme en République de Sierra Leone, je demeure préoccupée par les défis persistants qui compromettent le droit à la santé, la garantie d'un environnement sûr et le bien-être socio-économique. La crise de santé publique actuelle causée par l’abus généralisé de la drogue de synthèse « kush » a dévasté les populations jeunes et révélé des défaillances en ce qui concerne l’accès au traitement, la réhabilitation et la protection sociale.
22. Dans le même temps, il ressort des informations collectées que la dégradation de l’environnement causée par l’exploitation minière illégale, la déforestation et l’accaparement des terres a déplacé les communautés rurales et laissé les populations exposées aux dommages causés aux terres et aux écosystèmes, remettant ainsi en cause leur droit à un environnement sain. La pauvreté persistante, le chômage et le difficile accès aux services essentiels, y compris l’eau potable, l’assainissement et le logement, illustrent davantage les lacunes dans la réalisation des droits socio-économiques. Il convient de constater, tout en notant les efforts louables consentis par le gouvernement pour résoudre ces problèmes, que ces défis interconnectés mettent en évidence la nécessité urgente de renforcer les systèmes de santé publique et d’assurer une gouvernance environnementale efficace ainsi que des politiques sociales et économiques inclusives pour protéger la dignité et le bien-être de tous les Sierra-Léonais.
État d'Érythrée
23. En tant que Rapporteure de pays sur la situation des droits de l’homme dans l’État d’Érythrée, je félicite le gouvernement pour la libération de deux Témoins de Jéhovah, une personne âgée et une femme alors enceinte, après leur arrestation, ainsi que d’autres membres des Témoins de Jéhovah, arrêtés le 27 septembre 2024, par les forces de sécurité nationale de l’État d’Érythrée alors qu’elles s’étaient réunies pour une célébration religieuse pacifique ayant pour but de faire leurs dévotions et d’étudier la Bible. Je continue d’exhorter le gouvernement de Son Excellence à libérer les témoins de Jéhovah restants, estimés au nombre de 64, qui seraient toujours détenus sans avoir été mis en accusation, jugés ou condamnés à une peine déterminée dans divers bâtiments tels que les camps de prisonniers de Mai Serwa, Adi Abeto et Bushuku.
24. J’appelle le gouvernement à garantir la jouissance des droits garantis par la Charte africaine, en particulier en son article 8, qui stipule que « la liberté de conscience, la profession et la pratique libre de la religion, sont garanties. Sous réserve de l’ordre public, nul ne peut être l’objet de mesures de contrainte visant à restreindre la manifestation de ces libertés. » Je félicite l’État d’Érythrée pour son engagement continu auprès de la Commission, comme en témoigne la présentation de rapports périodiques (2ème et 3ème Rapports périodiques combinés, 2017-2020) et sa participation aux Sessions de la Commission, ainsi que sa détermination à assurer la promotion et la protection des droits de tous les Érythréens par diverses mesures législatives, institutionnelles et politiques.
Royaume d’Eswatini
Mission de Promotion au Royaume d’Eswatini
25. Du 14 au 20 juillet 2025, la Commission a mené, dans le royaume d’Eswatini, une mission de promotion à laquelle j’ai participé en tant que Rapporteure pour la situation des droits de l’homme dans le Royaume, aux côtés des Commissaires suivants :
• Honorable Commissaire Rémy Ngoy Lumbu : à l'époque Président de la Commission, Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’homme et point focal sur les représailles en Afrique, Point focal sur l’indépendance judiciaire en Afrique.
• Honorable Commissaire Marie Louise Abomo : présidente du Groupe de travail sur les droits des personnes âgées et des personnes handicapées en Afrique et également présidente du Groupe de travail sur les communications.
26. La Commission a échangé avec des responsables gouvernementaux, la société civile et les partenaires internationaux pour évaluer la situation des droits de l’homme dans le Royaume.
27. La Commission a pris note de la double structure de gouvernance du Royaume, qui se caractérise par la coexistence d'un système traditionnel de gouvernance avec un système moderne de gouvernance sous une monarchie africaine.
28. A l’issue de la mission de Promotion, la Commission a félicité l’Eswatini pour les progrès notables accomplis, notamment la ratification des principaux instruments relatifs aux droits de l’homme, l’adoption de différentes politiques, les réformes législatives, l’amélioration du bien-être des femmes et des enfants ainsi que des conditions dans les établissements pénitentiaires. Cependant, elle a également identifié des défis tels qu’une participation limitée de la société civile, des lacunes dans les protections juridiques pour les défenseurs des droits de l’homme et des préoccupations concernant la liberté d’expression et l’espace civique.
29. La Commission a publié son communiqué de presse à la fin de la mission de promotion, indiquant ses conclusions et recommandations préliminaires visant à renforcer les protections des droits de l’homme, à promouvoir une gouvernance inclusive et à améliorer la collaboration entre les parties prenantes. Le rapport détaillé de la Mission de promotion sera publié après son examen et son adoption par la Commission.
30. Je félicite le gouvernement du Royaume d’Eswatini de l’initiative prise en invitant la Commission à effectuer cette Mission de promotion. Ce geste reflète un engagement louable en faveur de l’ouverture et de la transparence, ainsi qu’une volonté de faciliter une évaluation objective de la situation des droits de l’homme dans le Royaume, suivie par la mise en œuvre des recommandations de la Commission.
Chapitre 3 : Activités intersessions menées en ma qualité de Membre de la Commission.
Deuxième Retraite de complémentarité entre la Commission africaine (CADHP) et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples
31. J’ai participé à la deuxième Retraite entre la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (ACHPR) et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, tenue à Arusha, en Tanzanie, les 2 et 3 juin 2025. Cette Retraite, coprésidée par les Honorables Juge Modibo Sacko et Remy Ngoy Lumbu, visait à renforcer la complémentarité institutionnelle et à évaluer les progrès réalisés dans le cadre de la feuille de route 2023-2025 sur la complémentarité. Les principales réalisations examinées comprenaient les échanges de personnel, les publications conjointes et les initiatives de recherche en collaboration. J’ai participé aux délibérations sur l’extension de la feuille de route jusqu’en 2028, le renouvellement du cadre d’échanges de personnel et la promotion d’initiatives conjointes telles que la base de données sur la jurisprudence africaine et le Fonds d’aide juridique de l’UA. La Retraite s’est terminée par l’adoption des Lignes directrices sur la soumission et le transfert des affaires et la réaffirmation de l'engagement à renforcer la protection des droits de l’homme en Afrique.
Consultation d’experts du PNUE sur les droits de l’homme et l’environnement à Nairobi, au Kenya
32. J’ai participé, les 12 et 13 juillet 2025, avec l’Honorable Commissaire Solomon Ayelew Dersso, à la consultation des experts sur les droits de l’homme et l’environnement, organisée par le Programme des Nations Unies sur l’environnement (PNUE) à son siège de Nairobi, au Kenya. Au cours de la consultation, j’ai présenté des exposés sur les activités menées par la Commission à l'effet de renforcer le lien entre les droits de l’homme et l’environnement, tout en soulignant le rôle pionner de la Charte africaine dans la reconnaissance des droits environnementaux, la jurisprudence de la Commission et les initiatives en cours telles que l’élaboration d’une Observation générale sur le droit à un environnement sain.
84ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples
33. Du 21 au 30 juillet 2025, j’ai participé à la 84ème Session ordinaire privée de la Commission, organisée virtuellement. Au cours de la Session, nous avons examiné un large éventail de questions de fond, notamment des décisions concernant quinze communications, des observations finales pour le Zimbabwe et l’Éthiopie ainsi que des questions stratégiques sur la complémentarité avec la Cour africaine, le projet de Plan stratégique 2026–2028 et de nouveaux formats pour les Sessions de la CADHP. J’ai contribué à l’adoption de résolutions clés traitant des préoccupations urgentes en matière de droits humains, y compris la situation en Tanzanie et dans les territoires palestiniens occupés. La Session a également examiné les résultats de la retraite conjointe avec la Cour africaine et les préparatifs avancés pour la 85ème Session ordinaire. Il s'agissait d'un engagement productif qui a réaffirmé notre engagement collectif à renforcer la protection des droits de l’homme sur tout le continent.
38ème Session extraordinaire de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples
34. Le 19 septembre 2025, j’ai participé à la 38ème Session extraordinaire de la Commission, tenue virtuellement sous la présidence du Commissaire Rémy Ngoy Lumbu. Au cours de la Session, nous avons abordé à la fois les questions techniques et d'organisation, y compris l’adoption des termes de référence du Forum pré-session des États parties et les échanges sur les motifs proposés pour la saisine de la Cour africaine par la Commission. Nous avons délibéré sur l'harmonisation des dates des prochaines sessions avec les engagements des parties prenantes et la mission de promotion de la Commission en République du Ghana. Nous avons également fait le point sur l’état d’avancement du Rapport de la Mission conjointe d’établissement des faits au Soudan. La Session a été une précieuse occasion pour faire progresser la coordination interne et renforcer les priorités stratégiques de la Commission.
Séminaire continental : Droits ECOSOC des femmes et Industries extractives (avec l’appui de la GIZ et de l’IPAS)
35. Les 25 et 26 septembre 2025, j’ai participé à l’atelier continental sur les droits socio-économiques des femmes, notamment dans le contexte des industries extractives, co-organisé par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, le projet GIZ-AU AWARE et l’Alliance IPAS Afrique. J’ai eu l’honneur d'animer la séance sur « Les femmes dans les industries extractives », qui a examiné les implications, en matière de droits de l’homme, des activités extractives sur les moyens de subsistance, les droits fonciers et l’autonomisation socio-économique des femmes. L’atelier a rassemblé des organes de l’UA, des États membres, des INDH, des OSC et des acteurs communautaires pour examiner l’intersectionnalité de la santé et des droits sexuels et reproductifs (SDSR), de l’éducation, de la protection sociale et de la justice économique. J’ai contribué aux échanges sur l‘impérieuse nécessité de ratifier et de mettre en œuvre les principaux instruments de l’UA, y compris le Protocole de Maputo et la Convention de l’UA sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles. L’atelier s’est conclu sur des recommandations concrètes visant à renforcer les politiques tenant compte de la dimension genre et à assurer la pleine participation des femmes au développement de l’Afrique, en particulier dans les cadres de gouvernance des ressources et de partage des avantages.
Mission quasi-officielle en Californie, Etats-Unis
36. Du 5 au 12 octobre 2025, j’ai effectué une mission quasi-officielle en Californie, aux États-Unis. L’un des temps forts de ma visite en Californie a été le petit-déjeuner de travail organisé le 13 octobre 2025 avec l’équipe Roots@50, qui participe à la commémoration des 50 ans du livre « Roots : The Saga of an American » qui fêtera ses 50 ans l’année prochaine, dans le cadre du thème de l’Union africaine de l’année 2025. Ce roman, écrit en 1976, par Alex Haley, un afrodescendant américain, raconte l’histoire de Kunta Kinte, un Mandingue du 18ème siècle, capturé à l’adolescence et transporté en Amérique du Nord. L’équipe de Roots@50 travaille dur pour amener M. LeVar Burton, l'interprète du personnage de Kunta Kinte dans la mini-série d’ABC, Roots, en Gambie, l’année prochaine, ainsi que le petit-fils d’Alex Haley, M. Bill Haley Jr, pour la commémoration, et m’a demandé d'étudier, avec le gouvernement gambien, la possibilité de lui accorder la citoyenneté gambienne, compte tenu du travail exceptionnel qu’il a accompli pour inscrire la Gambie sur la carte du monde et étant donné le rôle qu’il a joué dans la mise en lumière de l’histoire de Kunta Kinte, le jeune Gambien capturé et réduit en esclavage.
Chapitre 4 : Groupe de Travail sur les Questions spécifiques – Accord de siège de la CADHP
37. En ma qualité de Présidente du groupe de travail sur les questions spécifiques au sein de la Commission, j'en appelle à la mise en œuvre des diverses décisions du Conseil exécutif qui exhortent le gouvernement de la République de Gambie à mettre un siège permanent à la disposition de la Commission, y compris la Décision sur les vingt-neuvième, trentième et trente-et-unième rapports d’activité de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples Doc. EX.CL/717(XX), dans laquelle le Conseil exécutif « exprime sa gratitude au Gouvernement de la République de Gambie pour avoir bien voulu abriter la CADHP au cours des vingt-cinq (25) dernières années, et l’exhorte à doter la CADHP d’un siège permanent, conformément aux critères pour abriter les organes de l'UA adoptés à Syrte (Libye) en juillet 2005.
Chapitre 5 : Recommandations
38. Recommandation aux États parties à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
a) Renforcer la prévention et le traitement du VIH : accélérer l’adoption et le déploiement équitable d’outils innovants de prévention et de traitement du VIH, tels que les médicaments injectables à action prolongée (ex. : Lenacapavir), en garantissant leur accessibilité aux femmes, aux adolescents et aux populations clés.
b) Soutenir les solutions de santé numériques : Collaborer avec le Comité de la CADHP sur le VIH et ses partenaires afin de développer et de mettre à l’échelle l’application mobile communautaire proposée pour les personnes vivant avec le VIH et, enfin, de faciliter l’accès aux soins à domicile et au soutien psychosocial.
c) Promouvoir les réformes juridiques et stratégiques : Ratifier, transposer dans le droit interne et mettre en œuvre efficacement les principaux instruments des droits de l’homme de l’UA, y compris le Protocole de Maputo et la Convention de l’UA sur l’élimination de la violence contre les femmes et les filles (AUCEVAWG).
d) Protéger l’espace civique et les défenseurs des droits de l’homme : assurer la protection des journalistes, des manifestants et des acteurs de la société civile contre les arrestations arbitraires, la détention et l’usage excessif de la force, conformément aux articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine.
e) Prise en charge des droits socio-économiques et environnementaux : adopter des stratégies intégrées pour renforcer les systèmes de santé publique, lutter contre l’abus de drogues (comme le problème de la drogue « kush » en Sierra Leone) et assurer une gouvernance environnementale efficace pour protéger les communautés contre les exploitations minières illégales et la déforestation.
f) Promouvoir la liberté de religion et de croyance : garantir la liberté de conscience et de culte, conformément à l’article 8 de la Charte africaine, en veillant à ce que personne ne soit détenu pour avoir uniquement exercé ses droits religieux.
g) Renforcer la coopération avec la Commission : continuer à adresser des invitations permanentes pour des missions de promotion et d’enquête, soumettre des rapports périodiques en temps opportun et mettre en œuvre en toute bonne foi les recommandations de la Commission.
39. Recommandations aux organisations de la société civile et aux Institutions nationales des droits de l'homme (INDH)
a) Renforcer le suivi et le plaidoyer : continuer à documenter et signaler les violations des droits de l’homme, y compris celles qui touchent les personnes vivant avec le VIH, les femmes et les groupes marginalisés.
b) Promouvoir les partenariats concernant le VIH et la santé numérique : collaborer avec le Comité de la CADHP sur le VIH pour soutenir le déploiement et le suivi du projet de création d’une application numérique VIH et s’assurer que les voix des communautés en éclairent la conception et la mise en œuvre.
c) Promouvoir la sensibilisation et l’acquisition de connaissances juridiques : intensifier l’éducation communautaire sur les droits liés à la santé, à l’environnement, à l’égalité des sexes et à la participation civique, pour des populations informées et autonomisées.
d) Engager un dialogue constructif : travailler en collaboration avec les gouvernements pour faire avancer les réformes et participer à la mise en œuvre et au suivi des recommandations de la CADHP et de l’UA en général.
e) Améliorer les réseaux de protection : renforcer la solidarité régionale et les mécanismes de réponse rapide pour la protection des défenseurs des droits humains et des journalistes.
Chapitre 6 : Conclusion
40. La période couverte par le rapport reflète des progrès substantiels dans la promotion des droits de l’homme, de la santé publique et de la collaboration institutionnelle en Afrique. Les activités entreprises en ma qualité de Rapporteure pour les cinq pays et en tant que Membre de la Commission réaffirment l’engagement de la Commission à veiller à ce que les principes des droits de l’homme sous-tendent les efforts du continent pour mettre fin au SIDA, promouvoir l’égalité des sexes, et protéger les droits civiques et environnementaux. Bien que des avancées notables aient été enregistrées, telles que le leadership de l’Afrique du Sud dans l’innovation en matière de prévention du VIH, la signature par la Gambie de la Convention UA-CEVAWG et la volonté du Royaume d’Eswatini de collaborer avec la CADHP, des défis persistants demeurent dans certaines parties du continent. Ceux-ci incluent les restrictions à l’espace civique, les vulnérabilités socio-économiques, la dégradation de l’environnement et les difficultés d’accès à la santé et à la justice. L’engagement soutenu des États, de la société civile et des partenaires au développement reste essentiel pour réaliser la vision de la Charte africaine sur la dignité, l’égalité et la justice pour tous. La Commission, par l’intermédiaire de ses mécanismes spéciaux, tels que le Comité pour la protection des droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA et des personnes à risque, vulnérables ou touchées par le VIH/SIDA en Afrique, et par l’intermédiaire de partenariats, continuera à définir des orientations, surveiller la conformité et soutenir l’action transformative en vue de la pleine réalisation des droits de l’homme et des peuples sur le continent.
Honorable Commissaire Litha Musyimi-Ogana,
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples








