La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie en sa 82ème Session ordinaire, tenue virtuellement du 25 février au 11 mars 2025 ;
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples en Afrique en vertu de l’article 45 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Rappelant en outre l’article premier de la Charte africaine qui invite les Etats Parties à adopter des mesures législatives ou autres pour appliquer les droits et les libertés énoncés dans la Charte africaine ;
Réaffirmant les articles 2, 3, 4, 5, 6, 12, 16, 18 et 23 de la Charte africaine qui garantissent le droit d’être protégé contre la discrimination, le droit à une égale protection devant la loi, le droit à la vie, le droit de ne pas être exposé à la torture et à d’autres mauvais traitements, le droit à la liberté et à la sécurité, le droit à la liberté de circulation, le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale et la protection des personnes vulnérables, ainsi que le droit de tous les peuples à la paix et à la sécurité ;
Considérant ses Résolutions CADHP/Rés. 398 (LXII) 2018 sur les flux migratoires mixtes, les défis de protection des migrants et l’interdiction de la traite des personnes et de toutes formes de violence en Afrique du Nord et subsaharienne, CADHP/Res.418 (LXIV) 19 et CADHP/Res.423 (EXT.OS/XXVI) 2019 sur la situation des droits de l’homme en République de Libye, et CADHP/RES. 486 (EXT.OS/ XXXI1I) 2021 sur les migrants et réfugiés disparus en Afrique et les conséquences sur leurs familles ;
Considérant par ailleurs son communiqué de presse du 22 novembre 2017 sur le trafic d’êtres humains et l’esclavage en Libye, ainsi que ses communiqués du 27 mars 2024 sur la découverte d’une fosse commune contenant au moins 65 corps de migrants en Libye et du 3 février 2025 sur la situation des migrants subsahariens dans l’Etat de la Libye ;
Rappelant les « Principes Directeurs africains relatifs aux droits de l’homme de tous les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile », adoptés en 2023 par la Commission et qui reconnaissent les obligations des Etats africains de protéger les droits de tous les migrants quel que soit leur origine ou leur statut migratoire ;
Réaffirmant le Cadre de la politique migratoire pour l'Afrique révisé et le Plan d'action (2018 - 2030) de l'Union africaine, qui fournit des lignes directrices et des principes pour protéger les migrants et garantir leurs droits, , ainsi que La Politique de l’Union africaine sur la prévention du trafic illicite des migrants en Afrique ;
Réaffirmant en outre le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, qui reconnaît l'obligation de respecter, protéger et réaliser les droits de l'homme de tous les migrants et comprend un objectif spécifique sur les migrants disparus, ainsi que le Pacte mondial sur les réfugiés, ;
Préoccupée par la multiplication et la persistance des allégations de maltraitance, séquestration avec demande de rançon, torture et autres violations graves dont des violences sexuelles à l’encontre des migrants subsahariens dans l’Etat de Libye ;
Profondément préoccupée par les détentions arbitraires pour seul motif migratoire, les expulsions massives y compris celles de femmes et d’enfants non accompagnés ou séparés ;
Alarmée par les nombreuses informations faisant état de disparitions forcées et d’actes d’esclavage dont d’esclavage sexuel, ainsi que les découvertes répétées de fosses communes contenant les corps de dizaines de migrants, certains présentant des blessures par balle et des traces de torture et de mauvais traitements ;
Considérant les nombreux rapports sur la recrudescence du trafic, de la traite et de la vente des migrants subsahariens en Libye par des trafiquants et passeurs ;
La Commission :
1- Condamne fermement toutes les violations des droits des migrants, y compris les violations du droit à la vie, du droit à la liberté et à la sécurité de la personne, la torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants, les détentions arbitraires, les expulsions massives ainsi que les disparitions forcées ;
2- Déplore la poursuite des actes de trafic de migrants et traite des personnes en Libye particulièrement les migrants subsahariens ;
3- Invite les autorités Libyennes à :
a) Poursuivre les efforts entrepris pour le démantèlement des réseaux de trafic et de traite des migrants, et mettre fin aux pratiques de détentions arbitraires et aux violations subies par les migrants dans certains centres de détention,
b) Mener des enquêtes rapides, impartiales et indépendantes sur les différentes violations des droits des migrants subsahariens sur le territoire Libyen et s’assurer que les responsables répondent de leurs actes,
c) Assurer la sécurité, la protection et la dignité de tous les migrants sur l'ensemble du territoire Libyen, indépendamment de leur nationalité, de leur race, de la couleur de leur peau, ou de leur situation migratoire.
4- Encourage les Etats Parties à la Charte à :
a) Respecter le principe de non-refoulement pour tous les individus, quel que soit leur statut migratoire, et s'abstenir de les renvoyer vers des pays lorsqu’ils encourent un risque réel et prévisible de perdre la vie, d’être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou de disparition forcée,
b) Prendre les mesures adéquates pour garantir la protection de tous les migrants à travers la coopération par la création des corridors et des routes migratoires sûrs ainsi que par la prévention et la répression du trafic de migrants, de la traite des personnes, du travail forcé et de l’exploitation sexuelle,
c) S’attaquer aux causes profondes du trafic de migrants et de la traite d’êtres humains, notamment aux facteurs économiques et aux facteurs de gouvernance et de sécurité qui sont à l’origine des migrations irrégulières en Afrique.
Fait virtuellement le 11 mars 2025