La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie en sa 78ème Session ordinaire privée, tenue virtuellement du 23 février au 08 mars 2024:
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique, en vertu de l’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Soulignant que la liberté d’expression et l’accès à l’information sont des droits humains fondamentaux garantis par l’article 9 de la Charte africaine ;
Réaffirmant que le droit à des élections régulières, libres, justes et crédibles est la norme démocratique la plus sacrée qui sert de moyen principal pour l'exercice du droit souverain d'un peuple à l’autodétermination, conformément à l'Article 20 de la Charte africaine, et du droit des individus à participer aux affaires publiques, conformément à l'Article 13 de la Charte africaine ;
Notant l’Article 4(1) de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, qui stipule que les Etats parties prennent l’engagement de promouvoir la démocratie, le principe de l’état de droit et les droits de l’homme;
Rappelant également le Principe 37(2) de la Déclaration de Principes sur la Liberté d’Expression et l’Accès à l’Information en Afrique (la Déclaration), qui dispose que: « Les États reconnaissent que l’accès universel, équitable, abordable et significatif à l’Internet est nécessaire à la réalisation de la liberté d’expression et de l’accès à l’information et à l’exercice d’autres droits humains »;
Considérant le Principe 38(1) et 38 (2) de la Déclaration aux termes desquels les Etats : « ne portent pas atteinte au droit des individus de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations par le biais de tout moyen de communication et des technologies numériques, en prenant des mesures comme le retrait, le blocage et le filtrage de contenu, sauf lorsque cette ingérence est justifiable et compatible avec les normes et le droit international relatifs aux droits de l’homme »;et ne tolèrent pas et ne s’impliquent pas dans l’interruption de l’accès à Internet et à d’autres technologies numériques ciblant des segments de la population ou une population toute entière ; »
Tenant compte des recommandations de l’article 26 des Lignes directrices sur l’accès à l’information et les élections en Afrique, qui dispose que : « L’organe responsable de la règlementation des médias de radiodiffusion et de télédiffusion ainsi que les autres organes, publics ou privés, chargés de la sécurité nationale et associés à la fourniture de services de télécommunication s’abstiennent de bloquer l’accès à internet ou à toute autre média pendant le processus électoral; »
Réaffirmant l’importance de l’accès à l’internet à l’ère numérique et son implication dans la réalisation des droits de l’homme prévus par la Charte africaine et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme ;
Préoccupée par la pratique néfaste des coupures d’Internet en Afrique, notamment avant, pendant et après les élections, qui interfère sur la liberté d’expression et l’accès à l’information et peut avoir un impact sur la conduite d’élections libres et démocratiques ;
Notant qu'en 2024, des élections sont annoncées dans les 21 pays suivants : Afrique du Sud, Algérie, Botswana, Burkina Faso, Cap-Vert, Comores, Éthiopie, Ghana, Guinée-Bissau, Libye, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Maurice, Mozambique, Namibie, Rwanda, Sénégal, Soudan du Sud, Tanzanie, Tchad, Togo et Tunisie ;
Prenant en considération l’utilisation accrue d’Internet et des plateformes de médias sociaux pour la diffusion d’informations pour les électeurs, les observateurs électoraux, les organes de gestion des élections et d’autres parties prenantes, en particulier pendant les élections ;
La Commission invite les États Parties à :
(i)veiller au respect des dispositions de la Charte africaine, de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et des instruments régionaux et internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme au cours du processus électoral ;
(ii)prendre les mesures législatives et autres nécessaires pour garantir un accès ouvert et sécurisé à Internet avant, pendant et après les élections, notamment en veillant à ce que les fournisseurs de services de télécommunications et d’Internet prennent les mesures appropriées pour assurer un accès illimité et ininterrompu ;
(iii)s’abstenir d’ordonner l’interruption des services de télécommunications, de couper l’internet et/ou de perturber l’accès à toute autre plateforme de communication numérique avant, pendant et après les élections;
(iv)exiger des fournisseurs de services de télécommunications et d’Internet qu’ils informent les utilisateurs des perturbations éventuelles et qu’ils fassent preuve de diligence raisonnable pour résoudre rapidement toute perturbation.
Fait virtuellement, le 08 mars 2024