La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, réunie en sa 19ème Session Ordinaire, du 26 mars au 4 avril 1996, à Ouagadougou, Burkina Faso,
Extrêmement préoccupée par les graves violations et les abus des droits de l’Homme enregistrés au Burundi, spécialement les exécutions extrajudiciaires et les meurtres commis par certains membres des forces de sécurité, les bandes armées et les milices ;
Considérant que l'impunité est l'une des causes essentielles da la dégradation de la situation des droits de l’Homme au Burundi ;
Considérant en outre que l'indépendance de la magistrature constitue la pierre angulaire de la lutte efficace non seulement contre les violations des droits de l’Homme en général, mais encore contre l’impunité en particulier ;
Préoccupée aussi par la situation critique des réfugiés et des personnes déplacées et leur exposition aux abus et aux violations des droits de l’Homme ;
Considérant enfin que la crise burundaise est aggravée par les discours et les médias de la haine et que la médiatisation de cette dernière a atteint son point culminant avec la création de la radio baptisée "Radio Démocratie la voix du peuple";
1. EXHORTE le Gouvernement du Burundi à :
a) Effectuer des enquêtes transparentes et impartiales sur tous les abus et toutes les violations des droits de l’Homme ;
b) Prendre les dispositions nécessaires pour garantir l'indépendance de la magistrature en veillant notamment à ce qu'il n'y ait pas d'ingérence de l'exécutif dans son fonctionnement et que les magistrats soient protégés dans leur carrière ;
c) Faire traduire en justice les auteurs présumés des violations et abus des droits de l’Homme, conformément aux normes internationales de jugement équitable ;
d) Améliorer les conditions de vie des réfugiés et des personnes déplacées, assurer leur sécurité et ordre, en collaboration avec les organisations gouvernementales et non gouvernementales internationales, des conditions permettant le rapatriement et la réinstallation de toutes ces personnes ;
e) Permettre aux observateurs des droits de l’Homme de la Mission internationale d'observation au Burundi (MIOB) et aux rapporteurs spéciaux des Nations Unies, de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, et d'autres organes internationaux, de se déplacer librement à travers tout le pays et prendre les dispositions nécessaires et efficaces pour assurer leur sécurité et sauvegarder leur indépendance ;
2. EXHORTE en outre le gouvernement du Burundi et les parties politiques concernés à respecter l'esprit et la lettre de la Convention de Gouvernement qu'ils ont signés en septembre 1994 dans l'intérêt supérieur de la Nation burundaise ;
3. INVITE l’OUA à renforcer la MIOB et à inclure la mission de surveillance des droits de l’Homme dans son mandat ;
4. DEMANDE aux Nations Unies de fournir les ressources nécessaires pour permettre à la Commission d'enquête envoyée au Burundi de fonctionner efficacement et de terminer son travail le plus vite possible ;
5. LANCE UN APPEL à la Communauté internationale pour qu'elle assiste le gouvernement du Burundi ainsi que les pays voisins pour qu'ils éradiquent de la sous-région les média qui enseignent la haine et attisent les conflits intercommunautaires au Burundi, spécialement la radio baptisée "Radio du peuple, la voix de la démocratie" alias "RUTOMORANGINGO" ;
6. DECIDE d'intervenir davantage dans le règlement de la crise qui secoue le Burundi notamment par l'envoi des missions dans ce pays et par la participation active au processus de réconciliation nationale.