Gambie: Mission sur Prisons et conditions de détention, 1999

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"Dans une large mesure, c'est parce que la Gambie fait preuve d'un grand respect pour les droits de l'homme et qu'elle les protège que l'Organisation de l'unité africaine a établi le siège de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples à Banjul, capitale de la Gambie. L'Afrique et le monde entier s'attendent donc à ce que le  pays hôte de la Commission continue à faire partie des pays les plus en avance en matière de respect des droits de l'homme en Afrique. Une visite des prisons et des  centres de détention effectuée par le Rapporteur spécial, puis la mise en oeuvre de ses recommandations devraient contribuer à la réalisation de ces attentes. 

Si de quelconques pressions étaient nécessaires pour que le gouvernement gambien consente à cette visite, le secrétariat de la Commission était bien placé pour entreprendre cette tâche puisqu'il se trouve dans la même ville que le gouvernement. Tout cela explique que les prisons gambiennes aient pu être visitées du 21 au 26 juin 1999."

Recommandations

Au gouvernement

  1. Le gouvernement devrait prendre des mesures pour que l'interdiction de la détention sans jugement au-delà de 72 heures soit respectée dans les faits.
  2. Il faudrait diffuser à l'intention des responsables de la police et des prisons une circulaire rappellant que les suspects et détenus ne doivent pas subir de violences ni être torturés. Les contrevenants devraient être poursuivis, afin de prévenir tout incident à l'avenir.
  3. Dans la prison de Mile 2, la surpopulation de la section des prévenus atteint des proportions si inquiétantes que des mesures devraient être prises pour remédier à la situation. Des procès plus rapides contribueraient non seulement à résoudre ce problème mais également celui des détentions provisoires de longue durée.
  4. Les détenus atteints de maladies contagieuses telles que la lèpre et la tuberculose devraient être séparés des autres.
  5. La pratique du maintien de détenus au secret pendant de longues périodes devrait être déconseillée et abandonnée.
  6. Des soins médicaux ne devraient pas être refusés à titre de sanction.
  7. La méthode traditionnelle de fabrication du savon devrait être développée et ce pour plusieurs raisons. Une telle production permettrait d'améliorer les conditions sanitaires, répondrait aux besoins des détenus en matière de savon et permettrait de réduire les dépenses des autorités ou de faire bénéficier les secteurs critiques du régime pénitentiaire des ressources ainsi épargnées.
  8. Il ne faudrait pas avoir recours à l'emprisonnement dans des cas comme ceux de Sikunda Jarra West et des 10 autres détenus de la prison de Janjangbureh.
  9. Les étrangers qui viennent rendre visite à des amis emprisonnés en Gambie devraient être autorisés à le faire.
  10. Si le gouvernement doit être félicité pour avoir fourni des radios dans certaines cellules de la prison de Mile 2, des efforts particuliers restent à faire pour conserver ces dernières en bon état.
  11. Le besoin de soins médicaux se trouvera limité, tout comme le coût de ces derniers, si les autorités continuent de fournir des moustiquaires pour les prisons. Nous incitons les autorités à généraliser cette pratique aux cellules et aux centres de détention.
  12. Il est encourageant de constater qu'une diététicienne participe à la planification des repas servis aux détenus. Dans le but d'améliorer la qualité de la nourriture dans tous les établissements pénitentiaires, la diététicienne devrait jouer le même rôle dans toutes les prisons.
  13. Il faudrait mettre un terme au traitement préférentiel dont bénéficient les condamnés par rapport aux prévenus de la prison de Jeshwang.
  14. Le temps passé en détention provisoire devrait être pris en compte dans le calcul de la peine privative de liberté.
  15. La menace que présentent les rats dans la prison de Janjangbureh devrait être combattue efficacement.
  16. Jusqu'à ce que le mur d'ores et déjà prévu soit construit à la prison de Janjangbureh, les prévenus devraient être autorisés à sortir en petits groupes à l'air frais pour remédier au fait qu'ils restent en permanence dans leurs cellules.
  17. La réforme concernant la fréquence des visites devrait être mise en application.
  18. Il faudrait s'efforcer de mettre en place des ateliers pour les détenus.

A la société civile

La société civile et en particulier les organisations non gouvernementales devraient participer plus activement à la réforme pénitentiaire, en visitant les prisons et en apportant une contribution matérielle pour suppléer aux efforts des autorités.

A la communauté internationale

Bien que la population carcérale soit relativement limitée en Gambie, il ne faudrait pas en conclure que le gouvernement n'a pas besoin de l'aide internationale pour faire fonctionner le régime pénitentiaire. Des dons de véhicules permettraient d'atténuer les problèmes de transport que connaît actuellement le gouvernement dans ses efforts pour se doter d'un régime pénal humain. Le Rapporteur spécial lance un appel pour que soient effectués de tels dons et pour que soit financièrement soutenue la mise en place d'ateliers dans les prisons gambiennes.