Aujourd’hui, 1er décembre 2013, marque la Journée mondiale du SIDA qui est commémorée sous le thème mondial « Objectif zéro : zéro nouvelles infections à VIH, zéro discrimination et zéro décès liés au SIDA », et le thème régional de « Objectif zéro en Afrique - la responsabilité de l’Afrique, la responsabilité de tout un chacun. »
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission ), à travers son Comité sur la protection des droits des personnes vivant avec le VIH (PVVIH ) et des personnes à risque , vulnérables et affectées par le VIH (Comité sur les PVVIH ) reconnaît et approuve le fait que la responsabilité collective pour la riposte au SIDA et les efforts concertés de divers intervenants au cours des années ont donné lieu à des progrès importants dans la lutte contre le VIH/SIDA menée par la communauté internationale : par exemple, le Rapport ONUSIDA sur l’épidémie mondiale de sida 2013 et ONUSIDA 2013 – le SIDA par les chiffres indiquent que moins de personnes meurent de causes liées au SIDA, le nombre de nouvelles infections à VIH est en baisse, il y a une forte réduction du nombre d’enfants nouvellement infectés par le VIH, et un nombre sans précédent de personnes vivant avec le VIH a accès aux traitements antirétroviraux d’importance vitale.
Toutefois, malgré ce succès mondial enregistré et, bien entendu, le leadership digne d’éloges, la volonté politique, l’engagement et les partenariats axés sur les résultats démontré par les hauts responsables africains dans le cadre de l’Union africaine, à travers l’adoption de diverses initiatives pour faire face à l’épidémie du VIH/SIDA, y compris la Feuille de route sur la responsabilité partagée et la solidarité mondial pour la riposte au SIDA, à la tuberculose et au paludisme en Afrique (2012), et plus récemment les Actions d’Abuja en vue de l’élimination du VIH/SIDA, de la tuberculose et du paludisme en Afrique d'ici à 2030 (2013), le Comité sur les PVVIH note avec préoccupation que l’Afrique demeure le continent le plus touché par le VIH/SIDA, avec 71% environ des personnes séropositives dans le monde, 69,6 % des nouvelles infections ; 75% des décès liés au VIH et le taux de prévalence le plus élevé (4,7%), à l’échelle mondiale.
En outre, et plus particulièrement, le Comité sur les PVVIH tient à souligner la féminisation croissante et inquiétante du virus sur le continent, les femmes et les filles étant affectées de façon disproportionnée. Le Comité note que d’après les sombres statistiques sur le VIH / SIDA référencées ci-dessus sur le continent, les femmes constituent 58% des PVVIH en Afrique, et 92 % de toutes les femmes enceintes vivant avec le VIH se trouvent sur le continent. En outre, les jeunes femmes en Afrique subsaharienne âgées de 15 à 24 ans sont particulièrement vulnérables, avec 3,1% vivant avec le VIH contre 1,3 % de jeunes hommes.
Entre autres questions, l’inégalité des sexes et les relations de puissance inégales entre les hommes et les femmes continuent d’influer de manière significative sur l’épidémie. Les facteurs biologiques qui rendent les femmes et les filles plus vulnérables à l’infection à VIH sont exacerbés par des facteurs socioculturels et structurels, tels que la pauvreté, les pratiques culturelles néfastes, le pouvoir décisionnel limité, l’absence de contrôle sur les ressources financières, la mobilité restreinte, la violence, les opportunités éducatives limitées et l’absence de services de qualité en matière de santé sexuelle et de la reproduction.
Pour fermer ce cercle vicieux, les femmes vivant avec le VIH (FVVIH) en Afrique subissent des violations liées au VIH, de leurs différents droits humains garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ( « Charte africaine» ), et par le Protocole à la Charte africaine relatif aux droits de la femme en Afrique (« Protocole sur la femme »), nous n’en citerons que quelques unes : la stigmatisation, la discrimination, la violence en raison de la séropositivité et l’inégalité des sexes dans l’accès aux services et aux opportunités, résultant en partie de lois, politiques et pratiques des États, et le Comité sur les PVVIH souligne en particulier, dans ce contexte, le problème spécifique de l’accès limité des FVVIH aux services de soins de santé sexuelle et de la reproduction, du fait notamment de la stigmatisation, de la violation de la confidentialité, et plus inquiétant encore, de l’avortement forcé et de la stérilisation involontaire.
Le Comité sur les PVVIH déplore de telles pratiques qui sont une approche erronée pour freiner la transmission du VIH de la mère à l’enfant et, à cette fin, il a adopté récemment une résolution sur la stérilisation involontaire et la protection des droits de l’homme dans l’accès aux services liés au VIH. Le Comité estime que telles pratiques ne font qu’accroître l’épidémie sur le continent, retarder les progrès enregistrés dans la lutte contre le VIH/SIDA et empêcher le continent de réaliser l’agenda mondial de Zéro nouvelle infection à VIH et zéro décès liés au SIDA.
Le Comité sur les PVVIH saisit donc cette occasion de la Journée mondiale du SIDA pour exhorter les États parties à la Charte africaine et au Protocole relatif aux droits de la femme à prendre des mesures concrètes pour respecter leurs engagements en vertu de ces traités et d’autres instruments régionaux et internationaux, en mettant en place des cadres juridiques qui permettront de protéger efficacement les droits des PVVIH, des FVVIH, des personnes vulnérables et des personnes à risque ; améliorer leur accès à des soins, un traitement et un soutien appropriés liés au VIH ; et garantir la zéro discrimination à l’égard des PVVIH.
En outre, le Comité sur les PVVIH appelle les États parties à la Charte africaine à adopter des approches multisectorielles basées sur les droits de l’homme, pour leurs ripostes au VIH, et demande également des efforts renforcés, urgents et concertés de toutes les parties prenantes sur le continent en vue d’inverser la tendance inquiétante de l'épidémie sur le continent.
Comme le suggère le thème de l’Union africaine pour cette occasion, nous sommes confiants que « l’Objectif Zéro en Afrique » peut en effet être réalisé, si chaque partie prenante partage la responsabilité et reste vraiment engagée dans la lutte contre l'épidémie dans leurs domaines d’activité respectifs.
Le Comité sur les PVVIH voudrait marquer la commémoration d’aujourd’hui par cette assertion : « L’échec n’existe pas, sauf si l’on arrête d’essayer. La défaite n’existe pas, sauf si elle vient de l’intérieur. Il n’existe réellement aucune barrière insurmontable si ce n'est votre propre faiblesse naturelle quant au but poursuivi. » [1] L’objectif Zéro en Afrique peut être réalisé à travers la responsabilité partagée par tous!
Honorable Commissaire Lucy Asuagbor
Présidente du Comité sur la protection des droits des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH.
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
[1] Elbert Hubbard [1856-1915] Philosophe, Auteur, Éditeur.