Communiqué final de la 16ème session extra-ordinaire de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples

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1. La Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a tenu sa 16ème session ordinaire à Banjul, Gambie, du 25 octobre au 3 novembre 1994 sous la présidence du Prof. Isaac Nguema.

2. La session a été précédée par le septième Atelier sur la participation des ONG aux activités de la Commission Africaine des droits de l'Homme et des Peuples, organisé par la Commission Internationale de Juristes (CIJ) en collaboration avec la Commission Africaine et le Centre Africain pour la Démocratie et les Etudes des droits de l'homme.

3. Ont pris part à la Session les Commissaires suivants :

Prof. Isaac Nguema, Président.
Dr. Mohammed H. Ben Salem, Vice-Président.
Prof. Emmanuel V.O. Dankwa
M. Sourahata B.S. Janneh
M. Robert H. Kisanga
Mme Vera Valentina B.S Duarte Martins.
Dr. Ibrahim Ali Badawi El-Sheikh
Prof. U. Oji Umozurike
4. M. Alioune Beye, M. Atsu Koffi Amega et M. Youssoupha Ndiaye n'ont pas pu participer à la réunion et s'en sont excusés.

5. La cérémonie d'ouverture a eu lieu à 10 heures le 25 Octobre 1994 au " Kairaba Beach Hotel" en présence de l'Honorable Fafa E. Mbai, Attorney General et Ministre de la Justice -de.la
Gambie et de M. Adama Dieng, Secrétaire General de la Commission Internationale de Juristes.

6. Etaient également présents :

Des Ambassadeurs et chefs de missions diplomatiques,
Des représentants du Gouvernement gambien
Des représentants d'autres Etats
Des représentants d'Organisations intergouvernementales et non-gouvernementales
Des Représentants de la presse et d'autres invites.
Pour la première fois, la Commission a enregistré avec satisfaction la participation des représentants des Etats parties à la Charte.

7. Le Prof. Isaac Nguema, M. Adama Dieng et l'Honorable Fafa E. Mbai ont pris la parole à la séance d'ouverture.

8. Dans son allocution, le Professeur Nguema a déploré la violence et la piètre situation des droits de l'homme dans les pays africains. Il a déclaré que la seule solution consiste à
concevoir et à mettre en place un nouveau projet de société tenant compte de la situation actuelle de l'Afrique ainsi que des aspirations des populations africaines, d'une part, des
valeurs des civilisations africaines, d'autre part.

9. En fonction de ce nouveau projet de société, les objectifs de la révision de la Charte, selon le Professeur Isaac Nguema, doivent porter sur: 

la définition de nouvelles missions à confier à la Commission,
la modification des règles d'organisation et de fonctionnement de la Commission,
la modification des règles de procédure d'examen des plaintes; et,
l'accroissement des moyens logistiques et juridiques à donner à la Commission.
10. Dans son allocution, M. Adama Dieng a exprimé son inquiétude quant aux 4 années de transition annoncées par l'actuel gouvernement militaire de la Gambie. M. Dieng a exhorté la
Commission à demander au Gouvernement militaire Gambien de réduire la période de transition.

11. M. Dieng s'est référé à l'atelier des ONG qui a précédé la Session et a exhorté la Commission à adopter les résolutions soumises par les ONG.

12. Dans son allocution, l'Honorable Fafa Mbai a félicité la Commission Africaine pour les efforts déployés en vue de l'accomplissement de sa mission et a assuré à la Commission la
collaboration et le soutien constants de son gouvernement.

13. L'Honorable Fafa Mbai a déclaré que la coopération qui existe entre la Commission et les ONG est louable et il les a encouragées à renforcer et maintenir cette coopération. L'Honorable Fafa Mbai a également noté que la nomination récente, par la Commission, d'un Rapporteur Spécial sur les Exécutions extra-judiciaires est l'un des fruits de la
coopération entre la Commission Africaine et les ONG. L'Honorable Fafa Mbai a souligné la nécessité pour les ONG, la Commission africaine et l'OUA, d'apporter au rapporteur
spécial le soutien et l'assistance nécessaires à l'accomplissement de cette importante mission.

14. Durant ses travaux, la Commission a traité principalement des questions suivantes :

L'actuel régime militaire de la Gambie ;
Examen des demandes de Statut d'observateur ;
Examen des communications ;
Examen des rapports périodiques ;
Examen de la question des exécutions extra-judiciaires
Création d’une Cour africaine des droits de l'homme ;
Questions administratives et financières
15. Le statut d'observateur a été accordé aux organisations non gouvernementales ci-après ;

African Network for the Prevention and Protection against Child Abuse and Neglect ; (Kenya)
Centre for justice and International Law (CEJIL) ; (Washington)
DiH, Mouvement de Protestation civique ; (France)
International Society for Human Rights (Zaïre) ;
Organisation sénégalaise d'Appui au Développement (OSAD); (Sénégal)
Conférence des Eglises de toute l'Afrique. (Kenya)

16. Le statut d'observateur a été accordé aux organisations non gouvernementales ci-après, sous réserve de la production de documents complémentaires :

Swedish NGO Foundation for Human Rights ; (Suède)
the English International Association of Lund ; (Suède)
Centre for Applied Legal Studies ; l'Université de Witwatersrand (Afrique du Sud)
17. L'octroi du statut d'observateur a 9 ONG porte à 140 le nombre des ‘ONG avant le statut d'observateur auprès de la Commission Africaine.

18. La commission a entendu les déclarations des représentants des Etats suivants : Burundi, Cote d'Ivoire et Swaziland. En outre la Commission a entendu les déclarations de plusieurs représentants d'ONG africaines et internationales, notamment:

M. MUTOMBO : Conférence des Eglises de Toute l’Afrique.
M. AHMED MOTALA: Lawyers for Human Rights
M. KOUMO GOPINA : Association Tchadienne pour la Protection des droits de 1'Homme
M. AKOUETE AKAKPO VIDAH : Centre International des Droits de la Personne et du Développement Démocratique
DR GALAL RAGAB : Union des Avocats Arabes
DR. K. G. KWAWANG : Sudan Human Rights Organisation
M. MAMADOU SARR : Association des Refugies Mauritaniens au Sénégal
M. JULIEN TOBGADJA : Union Internationale des Droits de l'Homme
M. CLEMENT NWANKWO Constitutional Rights Project, Nigeria
M. ABOUBACRY MBODJI : Rencontre Africain pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO)
M. BOUDJEMA GHECHIR : Ligue Algérienne des Droits de l'Homme
PROF. SHADRACK GUTTO: Centre for Applied Legal Studies
M. MOSHEN AWAD: Arab Organisation for Human Rights
Mme AISSATA NIANG : Collectif des Veuves Mauritaniennes
M. CHEIKH TIDJANE : Collectif des Rescapés de Mauritanie
MAITRE DIABIRA MAROUFA : Association Mauritanienne des Droits de l'Homme
M. SALEM MEZHOUD : Anti-Slavery International
M. HAROLD DOE: International Society of Human Rights
M. Frans Viljoen, the Centre for Human Rights at the University of Pretoria
Mme Mona Rishmawi, Commission Internationale de Juristes
Mme Seny Diagne, Women in Law and Development (WILDAF)
19. Mme Mona Rishmawi a présenté les conclusions et recommandations de l'atelier des ONG. L'atelier a salué les développements positifs enregistrés dans le travail de la Commission Africaine ainsi que la publication du septième rapport d'activités de la Commission qui comprend la liste des communications que la commission a examinées. Dans ses conclusions et recommandations l'atelier des ONG a lancé un appel à la Commission pour qu'elle entame le processus de création d'une Cour africaine des droits de l'homme. L'atelier
a également attiré l'attention de la Commission sur la situation des droits de l'homme en Afrique et a condamné la détérioration de cette situation dans un certain nombre de
pays africains. En conséquence, l'atelier a soumis à l'examen de la Commission des projets de résolutions relatives à la Gambie, à l'Algérie, au Nigeria, au Rwanda, aux régimes
militaires et aux formes contemporaines d'esclavage en Afrique.

20. Le représentant de la Côte d'Ivoire, l'Ambassadeur de Côte d'Ivoire au Sénégal, en Gambie, en Mauritanie et au Cap vert, a félicité la Commission pour son travail tout en lui assurant le soutien et la collaboration de son gouvernement. 

21. Le représentant du Burundi, le Ministre des droits de l'homme, des Affaires sociales et de la Promotion des droits de la Femme a informé la Commission de la situation des Droits de
l'homme dans son pays.

22. Le représentant du Swaziland, Conseiller juridique du Ministre de la Justice a informé la Commission que son gouvernement avait signé la Charte africaine et que la procédure  d'adhésion est en cours. Il a demandé le point de vue de la Commission sur les effets que pourrait avoir la ratification de la Charte sur son pays qui est une monarchie.

23. La Commission a examiné les rapports périodiques nationaux du Benin, de la Gambie et du Cap Vert.
 
24. L'objectif des rapports nationaux est d'encourager les Etats à respecter volontairement leurs engagements en matière de droits de l'homme; les Etats parties sont invités à envoyer
leurs représentants pour soutenir lesdits rapports devant la Commission.

25. Le Benin a envoyé son representant, un Magistrat, pour présenter son rapport initial a la Commission.

26. Le Président de la Commission a remercié le Gouvernement du Benin d'avoir présenté son rapport et envoyé un representant à cette session. Il a néanmoins fait remarquer que le rapport du Benin aurait dû être présenté en 1988, mais qu'il a été reçu qu'en 1992. De plus, ce n'est qu'en 1994 que la Commission a pu examiner ce rapport parce que le Benin n'avait
pas envoyé de representant pour le présenter au cours des sessions précédentes.

27. Le président a alors souligne a cette occasion que le but de la présentation des rapports est d'établir un dialogue constructif entre la Commission et les Etats parties. A cet égard, les Etats sont tenus d'informer la Commission des mesures législatives et autres ont prises en vue de garantir le respect des droits de l'homme dans leurs pays respectifs; la Commission, pour sa part, offre son assistance et prodigue ses conseils aux Etats parties qui ont des difficultés à appliquer les dispositions de la Charte. 

28. Le representant du Benin a informé la Commission que la Charte faisait partie intégrante de la Constitution de son pays. Il a aussi indiqué que la situation des droits de l'homme au Benin s'était améliorée depuis la fin du règne du parti unique qui a duré 17 ans. Le gouvernement, a-t-il poursuivi, a en effet déployé des efforts pour garantir le respect des droits de l'homme,  mais il s'est  heurté à des difficultés dans certains domaines comme celui de l'éducation en raison des ressources limitées.

29. Après la présentation du rapport du Bénin plusieurs membres de la Commission ont posé diverses questions sur l'exercice des droits de l'homme au Bénin. Les membres de la Commission ont aussi fait remarquer que le rapport écrit, qui était soumis en langue française, n'avait pas été traduit dans les autres langues de travail de la Commission. La Commission a réitéré son appel à tous les Etats parties afin qu'ils veillent à ce que, dans la mesure du possible, les rapports écrits soient
présentés dans les trois langues de travail de la Commission. 

30. Le représentant du Bénin a répondu aux questions posées par les membres de la Commission. Celle-ci a demandé au représentant du Bénin de présenter par écrit les réponses
apportées aux questions posées et a remercié le gouvernement du Bénin et son représentant.

31. La Commission a ensuite examiné le rapport initial du Cap Vert qui a été présenté par un haut magistrat de ce pays.

32. Le Président a remercié le gouvernement d'avoir présenté son rapport et envoyé un représentant pour le présenter auprès de la Commission. Il a été souligné que le rapport initial du
Cap Vert qui aurait dû être présenté en 1989 ne l'a été qu'en 1992. La Commission n'a pu examiner le rapport qu'en 1994 du fait qu'aucun représentant n'avait été envoyé pour le
présenter lors des sessions précédentes. La Commission a également noté que le rapport n'avait pas été traduit dans les trois langues de travail de la Commission.

33. Le représentant du Cap Vert a informé la Commission que la Charte africaine est directement applicable au Cap Vert du fait qu'au titre de la Constitution du pays, les traités internationaux ratifiés par le Cap Vert ont l'applicabilité immédiate. Il a informé la Commission que le Cap Vert avait aboli la peine capitale. Le représentant a également informé
la Commission que le Cap Vert avait promulgué plusieurs lois régissant la protection des droits de l'homme mais que le fond du problème résidait dans l'exercice effectif de ces droits.

34. Le représentant a déclaré que le plein exercice des droits économiques et sociaux posait problème et que cela était dû au manque de ressources.

35. Plusieurs membres de la Commission ont posé des questions relatives à l'exercice des droits de l'homme au Cap Vert. Le représentant a répondu à certaines des questions. La
Commission a démandé au représentant d'envoyer des réponses écrites à toutes les questions posées.

36. La Commission a examiné le deuxième rapport périodique de la Gambie. La Gambie a envoyé un conseiller chargé des questions de procédure au Ministère de la Justice pour présenter ledit rapport à la Commission. Le Président a félicité la Gambie d'avoir présenté son second rapport périodique en dépit du récent coup d'Etat militaire survenu le 22 juillet 1994.

37. Dans sa présentation, le representant a déclaré que l'ancien régime civil avait été remplace par un gouvernement militaire à la suite d'un coup d'Etat pacifique. Le representant a informé la Commission qu'après le coup d'Etat, certaines parties de la Constitution avaient été suspendues ou modifiées mais que celles-ci ne concernent toutefois pas le droit à la
vie. Ii a également fait part à la Commission des efforts déployés par le gouvernement en vue de veiller au respect de la plupart des droits énoncés dans la Charte. Le representant
a-declar6 que le gouvernement œuvrait en faveur de  retour à un régime civil et que durant la période de transition, qui garantira le respect total des droits de l'homme.

38. Les Commissaires ont posé plusieurs questions et fait certains commentaires sur le rapport. Ils ont en particulier trouve que certaines des déclarations faites étaient contradictoires et ne concordaient pas avec la situation prévalant en Gambie. La Commission a également note que la présentation orale traitait des questions qui ne figuraient pas dans le rapport écrit. En conséquence, il a été demandé au representant d'annexer au rapport ces déclarations. La Commission s'est également préoccupée de la suspension de certaines parties de la Constitution par le régime militaire. Elle a demandé clue pendant la période transitoire, le gouvernement veille au respect des droits de l'homme, spécialement ceux des personnes
en détention.

39. Le, representant a répondu a certaines des questions et commentaires des commissaires. La Commission a demandé au representant de présenter par écrit les réponses aux questions et a remercié le gouvernement et son representant.

40. L'examen du rapport du Mozambique figurait à l'ordre du jour; mais la Commission a noté avec regret que, comme à la session précédente, elle ne pouvait pas procéder a l'examen de ce rapport du fait que le Mozambique n'avait pas envoyé de representant.

41. La Commission a examiné la question de la création d'une Cour Africaine des Droits de l'homme et constitue un groupe de travail compose des trois commissaires, MM. Nguema, Badawi, et Umozurike chargé d'examiner le projet de création de cette Cour.

42. La Commission a examiné la question des exécutions extrajudiciaires. Le Commissaire Ben Salem, Rapporteur spécial sur les exécutions extra-judiciaires, présentera un projet de termes de référence lors de la 17ème Session en s'inspirant des propositions formulées au cours de la présentes session.

43. La Commission a réitéré sa décision d'organiser un séminaire sur le droit à un jugement équitable et à une aide judiciaire.

44. La Commission a noté avec regret que le Séminaire sur la Femme et la Charte africaine n'ait pas eu lieu comme prévu. La Commission a demandé à son Secrétaire de contacter les autres co-organisateurs afin de fixer une autre date et de l'en informer.

45. Un membre de la commission a présenté un rapport sur le Séminaire de Tunis sur la Rédaction et la Présentation des Rapports périodiques nationaux. C'était la version française du Séminaire organisé auparavant à Harare. Le Commissaire Dankwa a été chargé de définir les directives sur l'élaboration des rapports périodiques à la lumière des conclusions et recommandations des deux séminaires.

46. La Commission a examiné et adopté les résolutions sur l'Algérie, la Gambie, le Nigeria, le Rwanda, les Régimes militaires, les formes contemporaines d'esclavage et la situation des droits de l'homme en Afrique.

47. En ce qui concerne les activités de protection, la Commission avait à examiner 54 anciennes et 8 nouvelles communications.

L'état des communications se présente comme suit :

Communications examinées sur le fond - 9
Communications déclarées recevables - 5
Communications déclarées irrecevables - 7
Communications retirées - 1
Cas où la Commission a décidé d'envoyer des missions auprès des Etats visés - 11
Cas où la Commission a dû surseoir à statuer en attendant des informations supplémentaires - 8
Cas où la notification a été envoyée à l'Etat visé pour observations - 7
Cas où le dossier a été classé - 1
Communications qui n'ont pas été examinées au cours de la 16ème Session par manque de temps – 13

48. Il y a lieu de signaler que pour la toute première fois les victimes des violations des droits de l'homme ou leurs représentants sont venus défendre leur cause devant la Commission.

49. La Commission a accueilli avec satisfaction la nomination de son nouveau Secrétaire M. Germain Baricako et a noté avec satisfaction l'amélioration considérable du fonctionnement du Secrétariat.

50. Au cours de cette session une délégation composée du Président et du Vice-Président de la Commission a été revue en audience par le Chef de l'Etat de la Gambie. La délégation a exprimé la préoccupation de la Commission concernant la prise du pouvoir par les militaires en Gambie, siège de la Commission.

51: La Commission a exhorté les Etats d'Algérie, d'Angola, du Botswana, du Burundi, du Burkina Faso, du Cameroun, de la République Centrafricaine, des Comores, du Congo, de la Cote d'Ivoire, de Djibouti, de la Guinée Equatoriale, du Gabon, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, du Kenya, du Lesotho, du Liberia, de Madagascar, du Malawi, du Mali, de la Mauritanie, de l‘Ile Maurice, de la Namibie, du Niger, de la République arabe Sahraouie démocratique, de Sao Tome et Principe, des Seychelles, du Sierra Leone, de la Somalie, du Soudan, du Zaïre et de la Zambie à soumettre leurs rapports initiaux le plus tôt possible.

52. La Commission a invité l'Erythrée, l'Ethiopie, l'Afrique du Sud et le Swaziland à ratifier la Charte africaine le plus rapidement possible.

53. La Commission a décidé de tenir sa prochaine session du 6 au 15 mars 1995 à un lieu qui sera déterminé ultérieurement.

Fait à Banjul, le 3 novembre 1994