Discours d’ouverture de la Présidente de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples, l’honorable Kayitesi Zainabo Sylvie

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Honorable Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme de la République d’Angola

Honorables Ministres et Hauts responsables du Gouvernement de la République d’Angola ici présents

Honorables collègues, membres de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 

Excellences délégués, représentant les Etats membres de l’Union africaine

Excellences Mesdames et Messieurs les membres du Corps diplomatique et consulaire accrédités en République d’Angola

Distingues représentant du Haut Commissaire  des Droits de l’homme,

Distingués Représentants de la famille des NU, des organisations internationales  et des Institutions nationales  des Droits de l’Homme,

Distingués Représentants des Organisations de la société civile 

Distingués invités,

Mesdames et Messieurs les membres de la Presse

Mesdames et Messieurs,

Tout autre protocole respectueusement observé :

 

Permettez-moi, au nom de la Commission et en mon nom propre, de vous souhaiter la bienvenue à la 55ème Session ordinaire de la Commission. Vous êtes tous venus de partout, du continent et d’ailleurs, pour prendre part à cette Session.  Votre présence et votre participation témoignent ainsi clairement de votre engagement et de votre soutien au travail que mène la  Commission pour s’acquitter de son mandat de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples en Afrique. 

Je voudrais, dès l'entame de mon propos, exprimer également nos sincères remerciements et notre profonde gratitude à l’endroit du gouvernement et du peuple angolais pour avoir bien voulu accueillir la 55ème Session ordinaire dans cette belle capital, Luanda, et pour avoir mis à notre disposition toutes les facilités nécessaires à la réussite de nos travaux. 

Excellences, Distingués Invités ;

À compter d’aujourd’hui, et pendant les deux prochaines semaines,  nous allons délibérer sur la situation des droits de l’homme et des peuples sur notre très cher continent. Ce sera l’occasion pour nous d’évaluer les progrès réalisés au cours de la période d’intersession, d’identifier les nouvelles menaces aux droits de l’homme, d’aborder les violations des droits de l’homme, et de nous pencher sur les voies et moyens d’encourager une culture du respect des droits de l’homme sur le  continent.

Dans son dernier discours d’ouverture lors de la 54ème Session ordinaire, mon prédécesseur évoquait plusieurs défis auxquels notre  continent continue d’être confronté dans le domaine des droits de l’homme. Ces défis persistants montrent que malgré les nombreuses réalisations enregistrées en matière de promotion et de protection des droits de l’homme au cours des dernières années, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir avant que la justice des droits de l’homme ne devienne une réalité quotidienne pour la majorité des citoyens d'Afrique, avant que la Commission ne puisse dire qu'elle s'est acquittée à 100% des responsabilités qui lui sont conférées en vertu de son texte constitutif, à savoir la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, et avant que les Etats membres ne puissent dire honnêtement, qu’ils ont, en tant qu’Etats parties, entièrement rempli les  obligations qui leur incombent en vertu de la Charte africaine. 

Excellences, Distingués Invités ;

Le flambeau m’a été passé maintenant pour poursuivre le dur travail de consolidation des acquis obtenus jusqu'ici, et aussi s’attaquer aux défis nouveaux  en matière de droits de l'homme.  Aux problèmes tels que l’environnement  difficile des droits de l’homme engendré par l’augmentation des actes de terrorisme et des dissensions politiques sur le continent africain ; J’ai ici à l’esprit la situation qui prévaut en République Arabe d’Egypte, en République du Kenya, en  République du Mali, en République centrafricaine, dans les deux Soudans et en République fédérale du Nigeria – pour n’en citer quelques-uns.

Quand bien même nous reconnaissons et saluons les divers efforts qui sont faits/consentis aux plans national, régional, continental et international, nous avons pleinement conscience que l’impact de ces efforts ne sont ressentis sur le terrain d’autant que les violations se poursuivent sans relâche.

Des victimes innocentes,  en majorité des femmes et des enfants,   paient le plus lourd tribut des effets négatifs des violations des droits de l’homme dont les auteurs agissent impunément dans la plupart des cas.

Des milliers de personnes, de différentes obédiences religieuses, continuent de mourir tous les jours. Parmi les manifestations de ces atrocités on peut relever  les attaques continues et coordonnées perpétrées par le groupe Boko Haram dans diverses parties du Nigeria, en particulier le Nord, notamment les attentats contre des églises et des bus, ainsi que le récent enlèvement d’une certaine d’écolières d’un pensionnat. Une autre tendance est le massacre quotidien de musulmans par les milices anti-Balaka qui se poursuit en République centrafricaine malgré la présence de forces de maintien de la paix. Les miliciens continuent également d’attaquer et de mutiler d’innocents civils au Mali et avec la violence au Soudan du Sud de nombreuses personnes sont régulièrement tuées ou blessées, tandis que le Darfour est depuis plus d’une décennie et demie  maintenant une tumeur hémorragique sur le continent en termes de droits de l’homme. 

Toutes ces atrocités sont une insulte à la dignité et aux droits humains de ces populations et à nous tous, en tant qu'êtres humains et parties prenantes, et elles doivent cesser. Elles représentent un défi que les Etats africains parties et la communauté internationale dans son ensemble doivent relever, de telle sorte que les idéaux de la Charte africaine et des autres instruments des droits de l'homme que les Etats Parties ont ratifiés et envers lesquels ils se sont engagés soient mis en œuvre et aient un sens pour les citoyens africains.

Les victimes  innocentes de ces atrocités appellent toutes  à l’aide, l’aide de la Commission, votre aide, notre aide, et elles comptent sur nous tous en tant qu’organe collectif pour mettre un terme à leurs souffrances quotidiennes, pour qu’elles puissent vivre dans la dignité, en sécurité et à l'abri du besoin.

Excellences, Distingués Invités ;

Je suis également particulièrement préoccupée par les « Etats vulnérables », qui se caractérisent par des conflits d'intensité différente. Il s'agit de ces pays dans lesquels l'on ne connaît pas de véritables conflits et des abus des droits humains persistants mais où les droits de l'homme sont violés dans l'impunité, où l'on note l'absence d'opportunités économiques et l'existence de considérables disparités en ce qui concerne la répartition des richesses, où les garanties constitutionnelles n'existent pas ou sont cruellement insuffisantes, où la législation nationale n’est pas respectée et les magistrats ne sont pas indépendants, où ni la liberté d'expression ni la liberté de réunion n’existent, où les arrestations et les détentions arbitraires sans procès, la corruption, le chômage et l’extrême pauvreté sont la norme, notamment parmi les jeunes, et cette liste n’est pas exhaustive.

Ces conditions contribuent non seulement à compromettre la jouissance des droits de l’homme sur le continent, mais, comme l’expérience l’a montré, en  long terme, ces situations peuvent engendrer des troubles sociaux et politiques, qui ont des conséquences dévastatrices sur la population nationale et le continent dans son ensemble.

Excellences, Distingués Invités ;

Les droits de l’homme sont universels et interdépendants. Ainsi, la recherche de développement infrastructurel d’un pays  doit tenir compte et respecte d’autres droits de l’homme protégés. Oui, il est vrai que les Etats parties ont besoin de terres pour se lancer dans le développement infrastructures et, dans la plupart des cas, que ces terres sont inoccupées ou appartiennent à un groupe ou à une communauté dépendant d’eux pour leur subsistance et leur survie. Leur suppression par la force ou à bref préavis sans consultation appropriée, indemnisation adéquate ou offre d’une source de logement ou de moyens de subsistance de substitution constitue donc une violation des Articles 14, 16 et 18 de la Charte africaine. Les Etats parties doivent, en conséquence, prendre des mesures concrètes de protection contre des actions telles que les expulsions forcées et mettre en place des lois et des mécanismes appropriés capables de coordonner efficacement la mise en œuvre de l’agenda de développement national du pays dans la ligne de la Charte africaine.

Excellences, Distingués Invités ;

La contribution des défenseurs des droits de l’homme y compris les femmes défenseurs aux travaux de la Commission Africaine est  pour nous d’une importance capitale. C’est pour cette raison que la Commission a adopté en 2011 la Résolution ACHPR 196 condamnant toute forme de représailles contre les personnes qui collaborent avec le système africain des droits de l’homme.

Les représailles contre les défenseurs des droits de l'homme sont contraires aux idéaux et principes fondamentaux de l'Union africaine. Permettez-moi de rappeler que l'initiative ayant marqué le passage de l'Organisation de l'Unité africaine à l'Union africaine avait été essentiellement motivée par la nécessité de faire de telle sorte que l'organisation continentale ne soit plus un forum des Chefs d'Etat mais une Union des populations du Continent. C'est pourquoi l'Acte constitutif charge tout particulièrement l'Union de collaborer avec la société civile et appelle les Etats membres de l'Union à travailler en partenariat avec tous les segments de la société civile afin de renforcer la solidarité et la cohésion des populations de nos différents pays.

C'est ainsi que l'Acte constitutif désigne le Conseil économique, culturel et social (ECOSOCC), constitué par la société civile et les ONG, comme un organe de l'Union africaine. De même, les Principes de Paris, qui régissent la mise en place et le fonctionnement des Institutions nationales des droits de l'homme (INDH) préconise aussi la promotion des relations de partenariat et de la coopération entre la société civile et les Gouvernements.

J’invite à cette effet, les Etats parties à mettre en œuvre la Résolution de la commission ACHPR 196 en s’ abstenant de toute forme d’ intimidation et de représailles à l’ encontre de toute personne qui collabore avec la Commission et participe à ses sessions.

Excellences, Distingués Invités ;

En ma qualité de Présidente de la Commission, j’entends canaliser le soutien et la collaboration de mes collègues, des Etats parties, des partenaires et d’autres acteurs pour que nous fassions tout notre possible, chacun à son niveau,  pour déployer nos formes respectives et nos avantages comparatifs afin de mieux répondre aux besoins et aux aspirations des populations d’Afrique dont nous avons le privilège et le devoir plaisant de promouvoir et de protéger les droits fondamentaux.

Je fais donc appel à vous, tous nos collaborateurs : Etats parties, institutions nationales des droits de l’homme, organisations de la société civile, nos partenaires et tous nos acteurs, à poursuivre votre engagement auprès de la Commission. Nous avons tous conscience des enjeux et, selon l’adage, « une fois qu’un problème a été identifié, la solution est à portée de main ».

Une partie de la solution de ce problème est la résolution des Etats parties de promulguer le cadre juridique nécessaire pour garantir le respect des droits de l’homme dans leurs pays respectifs, de soumettre leurs Rapports périodiques d’Etat à l’examen de la Commission en vertu de l’Article 62 de la Charte et mettre en œuvre les Observations finales formulées par la Commission à l’issue de l’examen de ces Rapports périodiques, l'engagement continu et effectif auprès de la Commission, notamment par leur participation aux Sessions de la Commission et la réponse aux demandes de la Commission d’effectuer des missions de promotion sur leurs territoires respectifs.

Je souhaite, en particulier, saisir l’occasion qui m'est offerte pour réitérer la demande  de la Commission d’avoir des invitations permanentes de la part de ses Etats membres à la Commission elle-même et à ses mécanismes spéciaux à effectuer des missions de promotion dans leurs pays respectifs.

Excellences, Distingués Invités ;

J’ ai le plaisir de vous informer que l’un des résultats essentiels de l’ engagement constructif entre la Commission et la Cour africaine des droits de l’ homme et des peuples a été de demander ensemble,  la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union africaine à ce que l'année 2016 soit déclarée « Année africaine des droits de l'homme » pour marquer et célébrer cette année décisive dans la trajectoire des droits de l’homme du continent. Comme vous le savez tous, l’année 2016 marque notamment les 35 ans de l’adoption de la Charte africaine, les 30 ans de l’entrée en vigueur de la Charte africaine, un peu moins de 30 ans d’opérationnalisation de la Commission et un peu plus de 10 ans d’opérationnalisation de la Cour.

En réponse, la Conférence de l’Union africaine a déclaré 2016 Année africaine des droits de l’home avec un accent particulier sur les droits de la femme. L'idée consiste à avoir une série d’évènements commémoratifs pendant toute l'année qui exposent et commémorent les acquis enregistrés dans ce domaine, mais reflètent également ce qui doit être fait pour une pleine réalisation et jouissance des droits humains dans toutes les régions du continent, comment cela peut être réalisé concrètement.

Je voudrais saisir cette occasion pour appeler tous les Etats parties, les Institutions nationales des droits de l’homme, les organisations de la Société civile, les partenaires, la communauté internationale et tous les défenseurs des droits humains de nous accompagner dans cette importante initiative et de faire des célébrations de 2016 un énorme succès mémorable.

 

Excellences, Distingués Invités ;

Pour conclure, je voudrais saisir cette occasion pour saluer les efforts des Etats parties, de tous les organes de l’UA doté d’un mandat des droits de l’homme, nos partenaires et d’autres parties prenantes des droits de l’homme qui ont apporté leur soutien à Commission pendant des années, et les exhorter à continuer à le faire. Je voudrais également étendre cet appel aux autres partenaires potentiels et souligner que nos efforts collectifs et notre contribution en tant que continent, en tant que peuple, en tant que ceux qui ont osé se lever et être comptés parmi  les défenseurs des droits de l’homme, resteront pour la prospérité.

Enfin, une fois de plus, je vous souhaite à tous la bienvenue à la 55ème Session ordinaire de la Commission et j’espère que vous profiterez tous de l’occasion offerte par cette Session afin que chacun de vous fasse partie de la solution, partout et à chaque fois que le devoir l’appelle pour jouer sa partition.

Je vous remercie de votre attention.