Communiqué de presse de la Rapporteure spéciale à l’occasion de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes

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La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) se joint à la communauté internationale, par l’intermédiaire de la Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique (Rapporteure spéciale), l’Honorable Commissaire Ourveena Geereesha Topsy-Sonoo, pour commémorer la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes contre des journalistes, observée le 2 novembre. Cette journée a été consacrée par la Résolution 68/163 de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU), qui condamne sans équivoque toutes les agressions et violences contre les journalistes et les professionnels des médias et appelle les États à garantir l’imputabilité par des enquêtes impartiales, diligentes et efficaces en cas d’agression, de violences ou de décès concernant des journalistes ou des professionnels des médias.

La Commission relève que l’absence de protection des journalistes, notamment au regard d’un espace civique qui tend à se rétrécir, provoque inévitablement l’autocensure ainsi que le départ en exil de journalistes africains. La Commission est particulièrement préoccupée par le fait que si les lois qui criminalisent le travail des journalistes se multiplient, il n’a pas été noté une application correspondante des lois censées protéger les journalistes. Cette année, s’agissant de la commémoration de cette journée, la Commission constate avec inquiétude une tendance croissante à l’impunité pour les crimes dont sont victimes les journalistes. Il a aussi été porté à l’attention de la Commission que, malgré des attaques violentes et, dans certains cas, mortelles contre des journalistes, les affaires ne suscitent pas l’ouverture d’enquêtes et les auteurs échappent à toute sanction. Ces crimes restent impunis et, de ce fait, leurs auteurs ne rendent pas compte de leurs actes. Il a également été signalé que ces affaires se rapportent, pour la majorité d’entre elles, à des agressions commises par des agents de l’État ou des éléments privés agissant avec l’approbation de l’État. La Commission note, en outre, que la plupart des crimes qui restent impunis sont commis contre des journalistes qui émettent des critiques contre les gouvernements en place et dénoncent des cas de corruption, de captation de l’État et de violation de la Constitution.

À cette occasion, la Commission rappelle la règle de l’âge réitérée dans la Communication 245/02 : Zimbabwe Human Rights NGO Forum c. Zimbabwe selon laquelle, en vertu de la Charte, les États parties ont des obligations juridiques tant positives que négatives et sont donc responsables des violations des droits de l’homme découlant des actions et des omissions des autorités publiques. Les États parties sont tenus de protéger les individus placés sous leur juridiction contre les actes préjudiciables des tiers. Il convient également de noter qu’un acte posé par un particulier peut engendrer la responsabilité de l’État, non pas du fait de l’acte lui-même, mais en raison d’un défaut de diligence raisonnable. Les États parties ont donc l’obligation de mener des enquêtes sérieuses sur les violations relevant de leur compétence, d’en identifier les responsables, d’imposer les sanctions appropriées et de veiller à ce que la victime reçoive une indemnisation adéquate.

Par ailleurs, la Commission souhaite réaffirmer le contenu du Principe 20 (4) de la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique (2019). Dans cette disposition, il est fait obligation aux États parties de prendre des mesures juridiques et autres efficaces pour initier des enquêtes et des poursuites et sanctionner les auteurs d’actes d’agression contre les journalistes et autres professionnels des médias et veiller à ce que les victimes aient accès à des voies de recours efficaces.

Par conséquent, rappelant la Résolution 522 (LXXII) 2022 sur la protection des femmes contre la violence numérique en Afrique et la Résolution 166 (XLVII)10 sur la détérioration de la situation de la liberté d’expression et de l’accès à l’information en Afrique, la Commission appelle les États parties à se conformer aux dispositions de l’article 9 lu conjointement avec l’article 1 de la Charte et, notamment, à :

  1. Initier des enquêtes, poursuivre et sanctionner les auteurs d’actes d’agression contre des journalistes et autres professionnels des médias et veiller à ce que les victimes aient accès à des voies de recours efficaces ;
  2. Veiller à ce que les affaires touchant à des agressions contre des journalises et en suspens pendant une longue période soient traitées équitablement et avec efficacité ;
  3. S’abstenir d’instrumentaliser les forces de l’ordre et le pouvoir judiciaire contre les journalistes en limitant leur accès à la justice dans les affaires dans lesquelles ils ont été victimes d’attaques ;
  4. Veiller à ce que tous les fonctionnaires chargés de l’application de la loi responsables de retards prolongés ou de services inefficaces dans les cas d’agression contre les journalistes soient identifiés et punis en conséquence ;
  5. Promouvoir l’éradication de l’impunité pour les crimes contre les journalistes, notamment en perpétuant un discours positif sur les journalistes parmi les forces de l’ordre et le grand public en général.

Honorable Commissaire Ourveena Geereesha Topsy-Sonoo

Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique