Mme Julienne Ondziel-Gnelenga, Membre de la CADHP et Rapporteure Spéciale sur les droits de la femme en Afrique et Mme Annie Rachidi-Mulumba, juriste au Secrétariat de la CADHP, ont effectué une mission de promotion des droits de la femme du 4 au 8 février 2001. Les objectives de la mission étaient:
Promouvoir la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples auprès des autorités politico-administratives, des ONG et associations, auprès des personnels judiciaires, des forces de sécurité, des médias, des chefs religieux et traditionnels et autres faiseurs d'opinion.
Promouvoir les droits de l'homme en général et les droits de la femme en particulier par la sensibilisation des différents interlocuteurs sur le mandat de la Commission par des rencontres avec des intellectuels, syndicalistes et membres d'associations de défense des droits de l'homme pour l'établissement de partenariat sur la base de consultations et d'échanges d'informations.
Recueillir des informations de première main sur la situation des droits humains auprès du Gouvernement, des ONG, des OIG, des Agences des Nations Unies, des partis politiques, des Chefs religieux, de la société civile, bref de toute personne intéressée.
Recueillir les témoignages des victimes des violations des droits humains.
Visiter certains endroits pour évaluer la situation des droits humains dans le pays, notamment les centres de santé, les lieux de détention, etc.
Attirer l'attention des autorités compétentes sur le respect des obligations induites en vertu des dispositions des articles 1 et 62 de la Charte notamment, relativement à la présentation des rapports périodiques à la CADHP.
Exhorter le Gouvernement à accélérer le processus de ratification du Protocole créant la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et celui de la Charte Africaine relative aux Droits et au Bien-être de l'Enfant.
Sensibiliser le Gouvernement sur l'élaboration et l'adoption très prochaines du projet de Protocole à la Charte Africaine relatif aux droits de la femme en Afrique.
Recommandations
A la Communauté Internationale
Aider le gouvernement ivoirien à prendre et mettre en œuvre des mesures appropriées pour la protection des victimes, des survivants et des témoins du charnier de Yopougon et du viol des femmes pendant évènements sociopolitiques de décembre 2000. En effet, tant que ces personnes ne se sentiront pas libres de déposer leurs témoignages, les enquêtes ne pourront pas évoluer. En effet, de nombreux Ivoiriens, des ONG nationales et internationales estiment que les enquêtes menées dans les deux affaires du charnier de Yopougon et du viol des femmes sont vouées à l'échec. En effet, les policiers et les gendarmes étant soupçonnées d'être parmi les auteurs de ces crimes se retrouvent dans la situation de « juges et parties » puisque le gouvernement leur a confié ces enquêtes. Dans ce contexte, une enquête indépendante pour examiner les faits, situer les responsabilités et identifier les victimes serait appropriée et plus efficace.
Financer des programmes d'appui aux organisations locales travaillant à la réadaptation psychologique et sociale des femmes victimes de viol :
Fournir un appui économique et social aux femmes victimes de violence, notamment en créant à leur profit des activités génératrices de revenus.
Au niveau régional
La CADHP devrait attirer l'attention de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement afin qu'il soit procédé à une étude approfondie ou à une enquête indépendante sur le charnier de Yopougon et le viol des femmes pendant les évènements socio-politiques de décembre 2000. Conformément aux dispositions de l'article 58 de la Charte Africaine ;
L'OUA devrait fournir l'appui nécessaire à une réflexion approfondie sur la notion de citoyenneté pour accompagner la Côte d'Ivoire dans la recherche d'une solution au problème lié au concept d'ivoirité qui est à la base des affrontements socio-politiques que connaît brutalement ce pays
L'OUA devrait développer un plaidoyer diplomatique en faveur de la Côte d'Ivoire auprès de l'Union Européenne, de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International pour lui éviter le chaos économique qui risquerait d'entraîner plusieurs autres pays de la sous-région de l'Afrique de l'Ouest.
Au niveau national
Le Gouvernement devrait :
Relancer les enquêtes en cours en adoptant des mesures appropriées pour la protection des victimes, des rescapés et des témoins du charnier de Yopougon et du viol des femmes pendant les évènements de décembre 2000 afin que ceux-ci puissent déposer sans crainte de menaces de la part des auteurs de ces crimes
Autoriser l'ouverture d'enquêtes internationales indépendantes pour que les victimes et témoins déposent en toute confiance, afin que les auteurs de ces crimes soient identifiés et punis sans complaisance :
Renforcer la législation interne en matière de violences contre les femmes conformément aux engagements pris par la Côte d'Ivoire au niveau international et veiller à leur application effective ;
Contrôler l'utilisation de la force par les forces de l'ordre afin qu'ils soient responsables des actes qu'ils posent et sujets à des sanctions méritées en vue de combattre l'impunité dont ils bénéficient en tout temps et en tout lieu :
Lancer des programmes d'appui aux ONG locales œuvrant pour la réadaptation psycho-médicale et sociale des femmes victimes de violences sexuelles, tels que la création d'un fonds d'appui économique et d'activités génératrices de revenus :
Favoriser un débat franc et ouvert au niveau national devant permettre à toutes les composantes de la société ivoirienne de s'exprimer sur le concept d'ivoirité qui divise plus qu'elle n'unit.